Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 20 février 2012

Mensonge et politique

Accuser Sarkozy d’avoir menti en 2007 ou Hollande de mentir à présent, c’est faire preuve d’un manque d’audace et d’esprit à première vue étonnant : L’art du mensonge n’est-il pas en effet une vertu cardinale communément admise en politique ? On ne le sait que trop depuis Machiavel qui ne cesse d’insister sur le rôle des apparences dans la constitution de la panoplie du Prince. Tout mensonge est le prélude d’un retournement de veste, et sans retournement de veste, un politicien ne vit que l’espace d’une saison, qu’on songe à De Gaulle et l’Algérie, Mitterrand ou Chirac et l’Europe.

La dénonciation par les gens de gauche comme par ceux de droite du mensonge de l’autre camp est ainsi la meilleure façon de débusquer chez l’adversaire une faiblesse politique : surprendre ce dernier  est train de mentir revient en effet à dévoiler le fait qu’il ment mal, puisque le propre du bon mensonge serait de passer inaperçu. Et s’il ment mal, il a été ou sera un mauvais prince.

De ce point de vue, on peut dire que nos modernes en sont de piètres ; Rien qu’hier, j’ai entendu Nicolas Sarkozy prétendre à Marseille que grâce à lui «nous avons échappé à une catastrophe », et François Hollande lui répliquer dans les studios de BFMTV que « jamais il ne prendrait une décision injuste ». Courage et Justice : droite hargneuse et gauche vertueuse tentent de manière aussi grotesque que malhabile d’incarner un lieu commun face à l’opinion.  Et faute de mieux, le spectacle s’en contente. C'est tout dire.

politique,mensonge,hollande,sarkozy

« La vérité,  quoique sans pouvoir et toujours défaite quand elle se heurte de front avec les pouvoirs en place quels qu’ils soient, possède une force propre ; quoique que puissent combiner ceux qui sont au pouvoir, ils sont incapables d’en découvrir ou inventer un substitut viable. La persuasion et la violence peuvent détruire la vérité, mais ils ne peuvent la remplacer. »

Hannah Arendt  - « Vérité et Politique », La Crise de la Culture

13:49 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, mensonge, hollande, sarkozy | | |

mardi, 07 février 2012

Toutes les civilisations valent bien une campagne présidentielle

La  petite phrase a fait mouche. C’est fait. Dans les états-majors de tous les partis, elle a joué son rôle sordide. « Allumer le feu », dirait un certain rocker presque septuagénaire et amateur lui aussi de lieux communs. Dans le calendrier de la campagne, elle a tenu son rang. « Toutes les civilisations ne se valent pas », et son corollaire tout aussi absurde, « toutes les civilisations se valent », cimentent ainsi chez les éditorialistes de tous crins une polémique bipolaire digne d’un café du commerce qu’on aurait réduit à sa portion de clients la plus alcoolisée.

Que penserait de tout cela un spécialiste de la question comme Georges Dumézil ? Rien, sans doute, sinon qu’il est détestable de perdre son temps et qu’il n’y a rien à penser de ce type de formules, le « tout se vaut » étant aussi dénué de  perspective et de sens que le « tout ne se vaut pas. » : Hamon d’un côté, Raffarin de l’autre, un débat s’élève pourtant ! Le Président de la République et le Chef de l’opposition la ramènent à leur tour. Le plus étonnant étant in fine le silence de ceux qu’on appelait jadis les intellectuels (voire les érudits)  pour tenter de recentrer la question.

Une telle phrase a donc une fonction : créer le buzz. Faire qu’une journée encore se déroule, durant laquelle on parle de la campagne. Démocratie spectaculaire oblige, la vie médiatique du pays va devoir battre au rythme de la campagne, c’est à dire de ces formules creuses mais si efficaces auprès des militants, puisqu’elles ont l’air de définir pour chaque camp ce que sont le Bien et le Mal, le Vrai et le Faux, le Juste et l’Injuste. De quoi simplifier la vie de l'électeur de base qui n’a plus qu’à placer son indignation dans le parti de son choix. Bref, le Pour et le Contre.

A coups de formules communicationnelles, les deux camps jaugent ainsi leurs forces chez les sondeurs, les militants, les sympathisants. Ces formules dont les mois qui viennent fourniront de nombreux exemplaires (on aura même besoin pour se décider devant l’urne d’un kit complet)  animent ce que Julien Benda dans la Trahison des Clercs appelait la passion politique : ce penchant funeste et si dérisoire qui pousse un intellectuel, au nom du « réalisme », à s’engager dans le champ du politique, à faire rentrer les passions politiques dans ses activités de clercs.

littérature,politique,claude guéant,julien benda,la trahison des clercs,propagande,communication

Julien Benda

Relisons brièvement ces quelques lignes que j’en tire ce matin :« Pour en revenir à l’écrivain moderne et aux causes  de son attitude politique, j’ajouterai que non seulement ils sert une bourgeoisie inquiète, mais qu’il est devenu lui-même de plus en plus un bourgeois, pourvu de toute l’assiette sociale et de toute la considération qui définissent cet état, l’homme de lettres bohème étant une espèce à peu près disparue, du moins parmi ceux qui occupent l’opinion ».

En soulignant l’adéquation entre les changements apportés au statut social des écrivains et la structure de leur esprit, Benda anticipait le monde contemporain : il annonçait déjà la naissance de l’insupportable bobo de gauche, frère jumeau du bien-pensant de droite, la réduction de la vie intellectuelle critique à du lieu commun communicationnel adaptée aux réseaux sociaux et, pour parler bref, la défaite de la pensée. Sa conclusion elle-même, lorsqu’il se fit le chantre de « l’existence désintéressée » face aux « passions politiques » porte tous les germes de l’abstention populaire qui menace les états-majors politiques des deux camps, et qu’ils  cherchent à combattre par ce genre de tactiques de partis aussi minables qu’éculées, qu'on appelait jadis de la propagande.

samedi, 04 février 2012

Vote utile et double contrainte

Les effets de l'injonction paradoxale dans l’interaction humaine ont été décrits par Paul Watzlawick dans le chapitre 6 de Une logique de la communication, titré « La communication paradoxale ».  C’est  là que s’élabore la fameuse théorie de la double contrainte, popularisée par le Collège invisible de Palo Alto.

Il y explique que la double contrainte se manifeste dès lors que dans une relation intense entre un destinateur et un destinataire,  un message est émis de telle sorte que :

-         Il affirme quelque chose

-          Il affirme quelque chose sur sa propre affirmation

-         Ces deux affirmations s’excluent

Pour que la double contrainte soit portée à un effet maximal, il faut que le récepteur du message soit placé dans l’impossibilité de sortir du cadre fixé par le message, soit par une métacommunication critique, soit par le repli. De sorte que celui qui se risque à dénoncer la double contrainte soit sanctionné en passant pour une sorte de méchant ou de fou.

politique,ps,ump,palo alto,double contrainte,vote utile

Ce qu'affirme l'image et ce qu'affirme la légende s'excluent mutuellement. 

En appliquant cette analyse à la campagne éléctorale qui se met en place, on s’amusera ici à débusquer la façon dont cette stratégie est bien présente à plusieurs niveaux dans les messages qui sont proposés aux électeurs par les différents candidats.

On commencera par un message particulièrement pervers envoyé par les deux principaux, ceux qui sont censés – au nom d’une sorte de droit de cuissage républicain- se trouver de droit au second tour : celui  du vote utile.

La notion de vote utile est utilisée à gauche comme à droite en référence au résultat prétendument tragique du 21 avril 2002 et à la propagande médiatique qui a suivi pour le dramatiser dans l’opinion publique

Elle joue sur cette notion de double contrainte parce qu’elle enferme dans une sorte de culpabilité les électeurs peu convaincus par la capacité des candidats officiels de l’UMP ou du PS à représenter qui la droite, qui la gauche (1), et enclins à utiliser le premier tour pour le faire savoir, dans le discours d’une apparente stratégie qui les conduiraient in fine à plébisciter par deux fois le candidat qui n’est pas à l’origine celui de leur choix, à l’inscrire définitivement dans la connotation « de droite » ou « de gauche » censée être la sienne, et à le plébisciter de la scandaleuse façon dont le fut Jacques Chirac, dont le score en vérité dérisoire fut digne d’un Napoléon III de la Cinquième République.

L’électeur se trouve dans ce cas de figure contraint de voter pour un candidat officiel non pas parce le message de son programme le convainc (il affirmerait quelque chose), mais parce on lui dit qu’il est utile par défaut qu’il  s’en contente. (affirmation sur la première affirmation créant l’injonction paradoxale).

Contraint de voter pour un candidat qui n’est pas vraiment le sien  au premier tour et pour « le moins pire » au second, l’électeur se trouve ainsi enfermé dans un ultimatum électoral qui n’a, si on regarde de près le processus, plus grand chose de démocratique, mais dont la propagande médiatique lui dira qu’il participé à « la Victoire » ou à « l’Histoire » en étant un « bon citoyen ».

Deux seules façons de s’échapper de cette double contrainte aliénante, soit métacommuniquer, soit fuir : dénoncer publiquement l’imposture ou ne pas voter. Dans les deux cas en effet, les sectateurs zélés qui défendent « le parti » ne manqueront pas de lui dire qu’il est soit un « méchant », soit un « fou »

(1)             Signifiés il faut bien le reconnaitre de plus en plus abscons

13:06 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : politique, ps, ump, palo alto, double contrainte, vote utile | | |

dimanche, 25 décembre 2011

L'indignation en polo Lacoste

george whitman,shakespeare and co,stephane hessel,james joyce,sylvia beach,librairie,littérature,indignation,christopher lasch

Drôle de jour. J’apprends par hasard la mort de George Whitman. La Shakespeare and Co, dont le nom nous ramène à Sylvia Beach et à James Joyce, est en deuil. Cette photo des années 1920 appartient aux mythes de la modernité enfouie. La librairie du 37 rue de la Bûcherie tiendra-t-elle le coup ? Depuis la disparition des PUF, place de la Sorbonne, on n’est plus trop sûr de rien. A Lyon, toutes les librairies d’envergure du vingtième siècle ont fermé.  La plupart ont disparu, quelques courageux ont pris le relai et les centres de distribution d’objets culturels Mainstream, pour parler le langage Martel, ont tout avalé.

A propos de librairie, une phrase saisie au vol devant une télé allumée, hier. C’était sur LCP, l’émission Librairie Médicis. Frédéric Beigbeder qui vendait son Bilan après l’Apocalypse (pas lu, lirait pas) et entretenait le chaland de son indignation disait ceci : « Je suis un Stéphane Hessel en polo Lacoste ». Comme si Stéphane Hessel était, je ne sais pas, un terroriste ou un loubard de banlieue. Comme si ce vieux diplomate n’était pas déjà l’image même du polo Lacoste. Du polo Lacoste indigné. Le pire.

Tout ça me fait penser à cette phrase du regretté Christopher Lasch, dans son Culture de masse ou culture populaire de 1981 : « Il est certes tentant pour des gens de gauche de croire qu’en retransmettant des images de rébellion politique ou en diffusant des idées radicales, l’industrie de la communication pourrait être transformée en agence de contre-propagande. Mais loin de subvertir le statu quo, les medias de masse récupèrent les mouvements radicaux et l’idée radicale à l’instant même où ils leur concèdent « un temps de parole égal ». 

La différence entre une librairie ancienne et un centre de distribution d’objet culturel indéterminé, c’est que la première avait les moyens d’être parfois une agence de contre-propagande, le second, où s’empile l' indignation en polo Lacoste à 3 euros, incarne le media de masse par excellence. Celui qui n'est là que pour faire des affaires en grand nombre.

lundi, 19 décembre 2011

Vanité du Je

Dans le silence de sa solitude, l’écrivain soucieux de style cherche à ne pas inscrire les mots du monde, les premiers à surgir, tout de suite, à s’imposer. Difficile, car tous ceux qu’il entendit depuis sa naissance lui sont venus de là, du monde. A commencer par celui par lequel sans cesse  il s’énonça, et par lequel il se présente encore en levant d’un ongle la visière de sa casquette : celui que tout le monde mâche en bouche pour parler de soi, ce risible, importun, défigurant car si peu figuratif je. Lieu commun, par excellence, territoire de tous.  Le je du simple dire.

Avoir depuis toujours qualifié de ce pronom qu’on affirme personnel et qui est si vain son visage, sa pensée, son récit, sa propre sensation, tel est le propre de chacun. L’avoir, ce mot, si souvent accolé à tant d’éléments disparates qui l’ont traversé, d’émois temporels, oui, ce je fugace qui se proclame permanent : l’écrivain n’a donc fort cruellement que ça pour dire tout ce qui s’est passé ; car même s’il préfère en son for intérieur le silence des chats, le relief des couleurs, la résonance des sons, quel autre choix la parole lui laisse-t-elle que de se qualifier au moyen de ce je ?

 

ma-typo.gif

Pour aussitôt s’en défaire. Car la parole est un tel édifice qu’il faut abandonner cette première clé pour se frotter au il, au on, au nous ou bien encore comme Kafka le fit à la virtuosité d’une simple initiale. Il lui faut, l’écrivain, laisser ce je au monde comme une sale vitre et pourtant, lorsqu’il ferme ainsi son carreau, les profanes croient déjà qu’il impose un masque et le malentendu se tisse. Tout, dans le langage, est vanité.

Le premier des mots du monde étant celui par lequel ce même monde m’apprit à me désigner face aux semblables, alors oui, on comprend de quelle vanité est faite la pate du langage; et que tout l’arbitraire du signe ne soit que déception à l’écoute attentive, et laisse démuni le visage incliné face à la page blanche. Douces, brutales, lancinantes, mornes, fiévreuses, exaltées, douloureuses sont les absences qui me traversent, et m’ont fait masque, que le murmure des mots, malgré cette malédiction, tente d’à nouveau façonner. Je…

Mon corps a une odeur, ma main a une empreinte, ma voix possède un timbre et mon pas son véritable rythme ; parler n’a que ce je à m’offrir, qui comme ce tu n’est qu’une mécanique sourde et sans relief, entonnoir par lequel se recentre sur l’exaspérant lyrisme d’un constant désaccord l’esprit des sept milliards que nous sommes.

Ecrire.

Quand, tel l’habit ôté pour que la peau frémisse, choit ce premier je trop lisse et trop  douillet, et qu’un autre s’impose (toujours à son désordre reconnu), la vanité du simplement dire cesse-t-elle enfin pour que débute la témérité de l’art ?

20:50 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : littérature, vanité, l'exil des mots, kafka, dire je | | |

mardi, 13 décembre 2011

L'homme au manteau vert

Je croise en salle des ventes un type au regard clair et déterminé. L'euro, m’assure-t-il, ne passera pas le mois d'avril. C’est donc le moment d’acheter de l’or. Car  même avec ce qu’il a pris depuis le printemps dernier, il va encore grimper de 15 à 20 % d’ici le prochain. Inévitable, lâche-t-il dans son manteau vert. Tout ça m'a rappelé ce qui se passait avant le passage à l'euro, ces conversions du papier au métal pour ensuite repasser du métal au papier selon la loi financière du chiasme qui permet aux plus entreprenants et aux mieux lotis de rafler en tout 40%, crise ou pas crise, sur le gros des électeurs

Il y a dans ces pronostics quelque chose de fébrile, qui me laisse songer à ceux des turfistes de PMU. Sauf qu’ici, c’est une autre ambiance. J’ai vu partir hier un lingot à 36930 euros (+14,5% de frais de vente, faites vous-même le compte). Les maigres économies d’un type bourlingueur et distrait au monde ne m’offrent que les moyens de regarder les courses. Je regarde. Comme au casino. Toujours instructif de savoir ce qui se passe sur la pelouse.

Les 20 francs or, les 50 pesos, les demi-souverains mis successivement à l’encan trouvent preneurs à plein tarif, tout comme les débris d’or (y compris d’or dentaire). Mon bonhomme a sans doute raison : dans les milieux « informés », on anticipe sur la fin de l'euro comme il y a peu on anticipait sur la fin des monnaies nationales. Pendant ce temps, des politiciens disent au bon peuple qu’il va falloir « réguler les marchés financiers qui imposent leurs règles anti-démocratiques aux peuples ».

Cause toujours.

L’Histoire est bien un cirque, peu de progrès moral depuis l’empire d’Akkad. La monnaie ne vaut rien en soi, y’a qu’à voir le regard repu de ceux qui remportent la mise. C’est sur leur sourire qui ne fait qu’effleurer la surface des lippes que se jouent le cours et l’avenir des monnaies. Franc, euro, qu’importe ; l’homme est l’homme et les affaires sont les affaires. Seul prévaut l’adage souverain de l’homme au manteau vert : la monnaie appartient aux riches et ne survit que le temps qu’elle leur permet de faire des affaires. 

9226225-un-tableau-de-lingots-d-or-brillants-et-beau.jpg


06:34 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : crise, euro, politique, société, actualité, franc | | |

vendredi, 11 novembre 2011

Etat des lieux

politique,société,tom et jerry

18:58 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : politique, société, tom et jerry | | |

dimanche, 06 novembre 2011

Les écrivains au carrefour des lieux communs

Dans le lourd pavé qu’il consacra à James Joyce en 1959, Richard Ellmann rappelle ce conseil que prodiguait  le vieux maître (qui, par ailleurs, disait de lui-même : « Je ne suis qu’un clown irlandais, un plaisantin universel ») : « si tu entends un lieu commun, fuis immédiatement» Avec sept milliards d’individus sur Terre, le programme est de plus en plus ardu à réaliser,  mais abrite toujours une épée de sagesse pour qui comprend l’individu comme un original, dans le sens premier du terme : si durant son dur labeur, l’écrivain doit faire de la copie, il convient si possible qu’il évite d’en devenir une lui-même. Rude besogne qui a de quoi l’occuper, il est vrai, jusqu’à sa mort. Joyce, qui se flattait déjà auprès de Beckett que personne, hormis quelques Juifs, n’ait lu Ulysse en entier, a si bien réussi son programme qu’il a fini par écrire ceci : « Non, ayde-moi Pétault, ce n’est pas une malléfficace pourqhyacinthine orgie de taches et macules et barres et boucles et cercles et grouillons et notules juxtaposées que relient des giclées de vitesse. Veut seulement dire je l’aime ou je l’enquiquinne… »

Finnegans Wake fascine parce que c’est un vrai lieu, habitat de papier circulant de par le monde, et qu’on sent lisible de son auteur seul ; c’est au fond la transcription narrative la plus achevée de ce conseil offert un jour et devenu méthode : fuir le lieu commun.  « J’ai découvert, disait Joyce, que je peux faire avec le langage tout ce que je désire » ( Entretiens avec Samuel Beckett, 1954)

Le lieu commun, l’écrivain inquiet d’y noyer son pauvre esprit peut aussi tenter pour le mettre à distance d’en dresser l’exégèse, comme y excella en son temps Léon Bloy. «Car il est temps de le déclarer, la langue des Lieux Communs, la plus  étonnante des langues, a  cette particularité merveilleuse de dire toujours la même chose,  comme celle des  Prophètes. Les bourgeois,  dont cette langue est le privilège, n'ayant à leur service qu'un très petit nombre d'idées,  ainsi qu'il appartient à  des  sages qui ont réduit au minimum le fonctionnement de l'intellect, rencontrent nécessairement chacune d'elles à tous les entrecroisements de leur quinconce, à  chaque tournant de leur bobine. Je plains ceux qui ne sentiraient pas la beauté de ça. Quand une bourgeoise dit, par exemple : «Je ne vis pas dans les nuages », tenez pour sûr que cela veut tout dire, que cela dit tout et qu'elle a tout dit, absolument et pour toujours. («tout le monde ne peut pas être riche», p 35 dans l’édition numérisée ICI) Je me rends compte à l’instant que Léon Bloy écrivait cette exégèse il y a tout juste 110 ans, or voyez comme cela demeure actuel : «Être comme il faut : Règle  sans  exception. Les hommes dont il ne faut pas ne peuvent jamais être comme il faut. Par conséquent, exclusion, élimination immédiate et sans passe­droit de tous les gens supérieurs. Un homme comme il faut doit être, avant tout, un homme comme tout le monde. Plus on est semblable à tout le monde, plus on est comme il faut. C'est le sacre de la Multitude»

Une autre façon d’empoigner le lieu commun, plus balzacienne, traverse jusqu'à nos jours toute la littérature dite réaliste : il faut se rappeler que le point de départ de la Comédie Humaine, tel que son auteur l’explicite dans l’Avant Propos, est une comparaison entre l’humanité et l’animalité. Depuis les Caractères et l’avènement de la physiognomonie, une tradition classique avait fait en effet du personnage un pur lieu commun, celui où le plus grand nombre vient, au fil de sa lecture, reconnaître ses vices ou rêver sa vertu. Ses sentiments eux-mêmes, note Balzac dans La Recherche de l’Absolu « gardent la physionomie des lieux où ils sont nés et l’empreinte des idées qui ont influé sur leurs développements.» D’une certaine façon, le personnage balzacien réussi se doit de n’être que l’incarnation indiscutable d’un lieu commun,  qu’il devînt « Napoléon de la finance » ou  « Christ de la Paternité ». Dans cette perspective, le grand art n’était pas de le fuir ou d’en dresser l’exégèse, mais de le figurer au sens propre, et de la manière la plus tranchée et la plus performative qui soit, telle une formule magique et indiscutable : « Les ambitieux ont les reins plus forts, le sang plus riche en fer, le cœur plus chaud que ceux des autres hommes (Le Père Goriot)  « Une famille qui n’est plus rien pour personne en France serait un sujet de moquerie à Paris. Elle est toute la Bretagne à Guérande  (Béatrix) ; « Voilà les Parisiennes : si elles ne savent pas se vendre, elles éventreraient leurs mères pour pouvoir briller » (Le Père Goriot) ; « Tuer la fortune d’un homme, c’est pire que le tuer lui-même » (Sarrasine), « La vie est en nous et non au-dehors » (Louis Lambert) ; « Nous nous aimons en raison du plus ou moins de ciel que contiennent nos âmes » (Séraphita) ; « il y a quelque chose de plus fort que nos sentiments, c’est la Nature » (La cousine Bette)…  Impossible de lire Balzac et de l’aimer sans presque voir le sourire de ces lieux communs, sourire qui est à la fois celui de l’homme pressé, de l’écrivain payé à la ligne et de l’artiste qui voulut un jour rivaliser avec l’Etat-Civil...

carrfeour.jpg


samedi, 27 août 2011

9 bonnes raisons de ne pas porter un socialiste à l'Elysée

1)      Le PS possède presque toutes les régions. Il doit ce succès au rééquilibrage des pouvoirs après son échec sur le plan national aux trois dernières élections présidentielles. Confier à un seul parti, quel qu’il soit, les rênes de la gouvernance de toutes les instances de pouvoir du pays serait suicidaire, même si on pourrait s’attendre à un rapide rééquilibrage aux prochaines régionales.

2)      Cette situation hégémonique du pouvoir dans le pays ne profitera à long terme qu’à une radicalisation de la droite et donc au FN. N’oublions pas que ce parti a émergé sous Mitterrand et que le seul candidat qui l’a contenu fut Sarkozy en 2007.  La stratégie de Marine est d’absorber la droite républicaine et pour cela, elle a besoin d’une présidence socialiste

3)      Le discours des socialistes sur l’endettement de la France est démagogique pour deux raisons :

- On pourrait appliquer à l’endettement des régions les mêmes constats qu’à celui de l’Etat durant la même période. Selon Fitch, le pompon de l’endettement revient à la région Pas de Calais, dirigé par Daniel Percheron, avec un ratio de 95%. Quant à la moyenne des régions, il est de 74%.

-L’endettement est structurel, il a été conduit depuis plus de trente ans par tous les gouvernements, et dépasse largement le clivage de la droite et de la gauche.

Le PS ne fera donc pas mieux sur le plan de la dette. Il n’y a qu’à voir les exploits de Zapatero en Espagne.

4)      Le PS  a fait de l’antisarkozisme son cheval de bataille . Battre Sazkozy est-il en soi un projet de société ? En personnalisant sans cesse le débat, le PS  révèle son véritable visage. Tout comme l’UMP, il n’est qu’une machine électorale au service d’ambitions personnelles, un ensemble de baronnies organisé en réseaux puissants...

5)      Il n’a pas les moyens de faire mieux que la droite sur le plan social. Ses propositions sont ainsi condamnées à rester lettres mortes et il ne pourra que générer des déceptions, car son alternance est purement et seulement rhétorique. .  

6)      L’affaire DSK aura eu un mérite, c’est de montrer à quel point le bénéfice moral engrangé  par cette gauche et sa mythologie était désormais caduque. Innocenté ou non, DSK a menti tout autant que sa victime, puisqu’il a d’abord nié tout rapport, avant de le reconnaître consenti. Mais qu’importe : tous les éléphants du parti donnent du bravo et bienvenue Dominique parmi nous.  

7)      Qu’en est-il par ailleurs de la prétendue supériorité culturelle de la gauche ? La culture de la résistance qui caractérisa une génération a cédé le pas à une culture de la collaboration avec le système.  L’égalitarisme et l’angélisme de façade initiés par les années Lang ont produit une culture du bling-bling et du consumérisme, dont la droite a su d’ailleurs tirer profit.  Ne parlons pas des ravages faits dans l’éducation nationale par les mesures initiés par ces mêmes principes.

8)      Les candidats  ont-ils vraiment plus de charisme que Sarkozy ? D’une part, leur popularité est conjoncturelle et repose sur un travail de communication et propagande médiatiques incessant . D’autre part, derrière une apparente unité, les divisions sont nombreuses.

9)      Le PS représenterait une véritable alternance si une génération de sexagénaires n’étouffait  consciencieusement ce parti. Quelle alternance attend-on d’Aubry, Royal, Hollande, Fabius, Moscovici, Collomb, Harlem Désir et autres ? Les voir à la Rochelle sous la houlette de papy Jospin (1) en dit long sur leur vision d’avenir.  Durant ses années d’opposition, non seulement le PS n’a pas su se renouveler, mais il est en plus devenu un parti de notables et de politiciens professionnels dont l’ambition pépère est simplement de finir leur carrière au gouvernement. Les présenter comme des figures du renouveau et du changement relève d’une sacrée forfaiture !

 Pour toutes ces raisons, porter un  socialiste à l’Elysée reviendrait à plonger le pays dans un profond sommeil qui risque de lui être fatal.  Quelque chose comme une Monarchie de Juillet revisitée par de cyniques Bisournous  désireux de croquer aussi leur part du gâteau.

(1) Est-ce possible de faire plus bling-bling que ça ?

 

 

07:44 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : ps, socialisme, la rochelle, politique, sarkozy, aubry, hollande, royal | | |