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dimanche, 31 mai 2009

La fabrique d'un quartier

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L'histoire des pentes de la Croix-Rousse et de leur architecture en conférence ...

 

samedi, 30 mai 2009

La littérature constitutionnelle (2)

Deviendrai-je paranoïaque ? Ou hyper-stressé ? Ou les deux ?

Me voilà pris en flagrant délit de lecture approximative et trop rapide : J’aime autant cela, remarquez bien. Dans un commentaire du billet précédent sur le livre de Danièle Sallenave, Michèle Pambrun, cite l'extrait original  d’où j’avais tiré une citation recopiée trop vite et tronquée d’un adverbe, à la suite d’une discussion hâtive avec un collègue. Autant pour moi. Mais je préfère cela : mon étonnement était tel que j'en avais fait un billet, Danièle Sallenave étant une figure décisive de la défense de l’enseignement de la littérature. Je préfère, et de loin, avoir lu trop vite. Voici donc le commentaire de Michèle, qui possède le livre en question, et la citation complète. Et merci encore à elle :


La citation que vous faites du livre de D. Sallenave, au tout début, m'étonnait par son "hélas". J'ai retrouvé ce passage à la page 129 et je me permets de le citer plus largement que vous ne l'avez fait, parce que cela éclaire le propos de D. Sallenave et qu'en oubliant le pronom "y" (nous "y" engage) renvoyant à la proposition précédente, vous rajoutez (involontairement) à la réduction / confusion du propos. Voici donc :

 

« Je regrette deux choses :

1) qu'il y ait trop de textes de littérature jeunesse, comme on dit aujourd'hui, au programme des collèges ; donc trop de langue moderne, pour ne pas parler du reste, du moralisme qui règne dans ces textes pétris d'une vision du monde étroitement liée à notre époque ;

2) que les professeurs qui s'en échappent, et ils sont nombreux, c'est heureux, aillent trop vers des textes traduits et pas assez vers des textes francophones. Je suis frappée du nombre de fois où on m'a parlé de "La Métamorphose" de Kafka. Naturellement c'est un très beau texte, extrêmement singulier et fort. Mais je me demande pourquoi on l'étudie si souvent. Je crains qu'elle n'ait lâché le morceau, cette jeune professeur qui m'a dit un jour : "Et puis c'est une leçon, c'est un bouquin qui apprend à accepter l'autre, l'étranger, celui qui est différent."

Cela m'a rappelé cette conversation cocasse reproduite dans un quotidien au moment (1995) où on célébrait le trois centième anniversaire de la mort de La Fontaine. C'était un couple de professeurs - La Fontaine ? Ah non, jamais ! disait le mari. Sa morale, c'est travail-famille-patrie. - Oui, rétorquait l'épouse, tu as raison, c'est vrai, mais tout de même, il était responsable des Eaux et Forêts, c'est le premier des écolos...

Ce serait terrible de penser qu'on étudie des textes parce qu'ils pensent bien, et qu'on les refuse quand, selon nos critères, ils "pensent mal". La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, hélas, nous y engage, quand elle assigne à l'éducation la tâche "de favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux". Fuyons plutôt tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à l'enseignement d'une morale positive, comme l'est aujourd'hui ce curieux mélange d'antiracisme et de tri sélectif des déchets qui sévit dans nos écoles. Allons plutôt droit aux textes, aux "grands textes" qui sont une méditation sur l'existence, la finitude, les conflits, l'expérience intérieure, le tragique de toute vie. Et souvent une version non religieuse des questions morales. Si l'enseignement des lettres et la lecture des textes littéraires devaient avoir un sens, et conserver un rôle, ce dès les petites classes, ce serait aussi celui de faire entendre des voix qui pensent mal, des voix politiquement incorrectes, des opinions mal acceptées, de leur temps ou aujourd'hui ; des styles audacieux. Pour que les élèves voient se profiler des personnalités non conformes, de Baudelaire à Villon, et de Socrate à... - Je vous laisse le choix de quelque grande Indignité Littéraire. »

12:28 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : danièle sallenave, éducation | | |

mercredi, 27 mai 2009

La littérature constitutionnelle

Danielle Sallenave s’était, à la fin du siècle dernier ( !), placée à la pointe du mouvement Sauvons les lettres avec notamment deux ouvrages qui avaient fait date : Lettres mortes (1995) et A quoi sert la littérature (1997). Dans le dernier essai qu’elle consacre au sujet, Nous on n’aime pas lire (janvier 2009) elle raconte un séjour effectué dans un collège difficile, et sa rencontre avec des « jeunes » d’aujourd’hui. Le livre m’est tombé hier entre les mains, un peu par hasard, je dois dire. Dans un chapitre où Sallenave souligne à mi-voix la nécessité d’enseigner à la fois des grands textes mais aussi des "œuvres dérangeantes", elle entrouvre une drôle de porte en écrivant ceci :

« La Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, hélas, nous engage quand elle assigne à l’éducation la tache de favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux »

J’avoue que dans ma pratique de classe et le choix des œuvres que je propose à des élèves, je ne me suis jamais senti « engagé » par la Déclaration des Droits de l’Homme.  Ni désengagé d’ailleurs. Je n’ai jamais fait appel qu’à mon jugement littéraire, et ma culture universitaire. Jugement & culture : voilà deux termes à remettre au goût du jour.

Car ce paragraphe de Sallenave, qui choisit le verbe «engager» pour évoquer le  lien tissé entre un projet constitutionnel et l’enseignement de la littérature française (verbe aussitôt modalisé par l’adverbe hélas, mais lien cependant affirmé), m’a fait jeter sur la dame un regard soudain très soupçonneux.  D’autant plus qu’un peu plus loin, feignant de donner des conseils à de jeunes professeurs, elle glisse un ironique et fort habile « je vous laisse le choix de quelque indignité littéraire»… On appréciera. Dans l'empire droit-de-l'hommiste, on n'enseigne donc plus la littérature qu'à l'aune du dogme officiel : cela n'avait jamais été dit aussi explicitement.

La littérature française, qui brilla des mille feux de la libre-pensée, du sentiment et du style, est donc bel et bien morte. Dans les centres de distribution d'objets culturels indéterminés, j'ai vu d'ailleurs qu'on ne disait plus littérature française, mais littérature francophone. Cela fait plus ouvert sur le monde, sans doute. Sans aucun doute. Si l'agrégation n'est pas supprimée dans les mois qui viennent, les gens passeront bientôt une agrégation de littérature francophone, vous verrez... Avec Nancy Huston en présidente du jury.

Quant à son enseignement, il est rendu impossible : la morale cul-béni des droits-de-l’hommistes et le catéchisme euro-républicain auront réussi à l’étrangler, bien  plus surement que l’Inquisition, beaucoup plus efficacement que n’importe quelle église. Beau travail. Où l'on voit que les Tartuffe ne sont pas à l'endroit où on les imagine

Un  professeur de Lettres doit faire face, aujourd’hui, non seulement à la déflagration linguistique qui est en train d’ébranler une génération entière, à l’inculture immodeste d’une génération de parents désormais dressée au bon goût par les medias (genre : pourquoi vous n’aimez pas amélie nothomb, vous ? Ou encore : Il vaut mieux lire harry potter que rien du tout, hein ? hein ?), mais également à ce moralisme institutionnalisé et revendiqué même par ceux qui passent pour des défenseurs de la littérature et de son enseignement. Rajoutez à cela le pragmatisme économique prôné par l’OCDE, qui voit dans l’enseignement des Lettres un surcoût financier à évacuer progressivement des budgets, rajoutez l'image totalement caricaturale que deux films (Entre les murs, L'année de la jupe) viennent de donner du cours de littérature (je poserai inlassablement la même question : pourquoi, s'il ne s'agissait de ne parler que de l'école et ses "problèmes", ainsi que du désormais tarte à la crème - élève de banlieue, ne pas prendre un prof de maths ? ou de gestion ?). Rajoutez tout ça et, avant de passer au four,  rendez vous aux assises internationales du roman.... On y rencontre des auteurs et des auteures vivants. C'est bath.

 

Bienheureux les quelques-uns, les happy few, vraiment, qui passeront à travers les mailles du filet.

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mardi, 26 mai 2009

Assises internationales du roman

Connaissez-vous Les Subsistances ?

Les Subsistances, c’est un fort que l’armée française fit construire au XIXème siècle, à l’emplacement du couvent des Visitandines à Lyon, un couvent établi en ce lieu depuis 1640.

Le XIXème siècle fut ce siècle de fer, où l’on tenta de faire croire à de pauvres gens naïfs qu’en mettant des forts militaires à la place des couvents de religieuses, on réglerait leur schmilblick.

Mais à Lyon les canuts savaient bien que tous ces forts étaient en fait dirigés contre eux et contre leur persistance chronique à se révolter contre le bourgeois pour de sordides questions de tarifs.

Par la grâce de Raymond Barre, cet ancien fort se transforma à la fin du siècle dernier en un lieu culturel sur lequel l’ombre toujours pesante de la DRAC plane de toute sa bienveillante autorité.

 

Les Subsistances sont situées en un lieu fort joli,

Un goulot d’étranglement entre deux rocs,

Un défilé étroit que la Saône emprunte avant d’entrer dans la ville.

L’ombre fantastique des archevêques qui habitèrent l’endroit durant le Saint Empire Germanique y plane

Et chaque remou est semble-t-il encore hanté du cri d’un noyé

Ou du rire d’une jolie fille.

 

Du monde entier, depuis hier lundi et jusqu’à dimanche soir, des écrivains du monde entier vont débarquer à Lyon-Saint-Exupéry

Le nombril gros comme un soleil éteint

Pour venir colloquer, conférencer et table-ronder à propos de leur art.

On appelle cela la troisième édition des Assises Internationales du Roman.

Et la Villa Gillet, et France Inter

Sont de la partie, oui, oui

Jadis, Lyon avait ses foires et ses expositions universelles

Maintenant elle possède ça, d’international.

Je suis certain que de nombreux collègues, en activité ou à la retraite, vont s’y précipiter

Des étudiants aussi, pour y paraître.

 

De 10 heures à minuit, durant toute la semaine, les entrées se suivront et c’est à chaque fois cinq euros.

Faites le compte.

 

Mais comme c’est étrange, ces gens assis sur des bancs durs

Ecoutant d’autres, assis dans des fauteuils mous,

Leur parler de ce qu’ils ont ou vont écrire.

 

Lyon est une ville qui a toujours maltraité ses écrivains.

Il en surent quelque chose, Léon Boitel le noyé, et Puitspelu le provincial, et Beraud le bagnard, et Reverzy le médecin des pauvres.

Comme le disait Hannah Arendt, quand une société s’est transformée en une société de masse, elle est condamnée à transformer sa culture en culture de masse, tant le rapport entre culture et société est lié.

Et c’est le boulot de ces écrivains, de ces professeurs, chacun assis, se regardant, de faire cela.

De la faune internationale et médiatisée.

Pivotisée

 

Sur le programme, chaque écrivain (e) a mis sa photo,

Comme en classe le trombinoscope,

Hommes, femmes, jeunes, vieux, blancs, noirs,

Aucun(e)  n’a refusé et certains (es) mêmes

Tels stars et starlettes

Ont pris la pose, eh oui,

La pose d’écrivains comme sur le quatrième de couverture,

Tous en carrés

Quelle époque !

Dimanche soir, (« la veille ») Lanzmann, espèce d’invité d’honneur pour ses Mémoires qui viennent de sortir et que Josyane Savignot a trouvé magnifiquement écrits

A parait-il déclaré, le gros con :

« Le cinéma est le septième art, et Shoah le huitième… »

 

Renversant, non ?

 

Nancy Huston, dont je n’ai jamais pu lire un seul livre tant l’aphonie y est de mise,

Sera l’un des clous du spectacle,

Mais moins cependant que la Dombasle lisant la Duras…

 

 

Comme je n’ai reçu aucune invitation,

Et qu’avec cinq euros, je préfère boire un petit quart de blanc en bordure de Saône

Plutôt que d’écouter des fadaises ou des choses que je sais déjà,

Dans les remous lascifs et presque gourmands de l’ondoyante rivière,

Je guetterai l’ombre des archevêques ironiques

Ainsi que le rire des baigneuses qui venaient y laver,

Sous leurs regards faussement courroucés,

Leur blanche et délicate peau.

 

Il y a quand même un avantage des Assises Internationales du Roman sur les Nuits Sonores,

C’est leur discrétion.

Privilège du tittytainment culturel...

 

Santé !

lundi, 25 mai 2009

Zozo, chômeur éperdu

 

Bertand Redonnet ne manque pas de malice. Zozo, son personnage, est un «vrai visionnaire », nous voici prévenus dès les premières lignes : ce qu’il voit arriver, c’est un monde où chacun sera assigné à sa place par une administration de mieux en mieux organisée ; un monde sans rivière à vairons ni battue aux sangliers ; un monde pour transformer les braconniers de son espèce en une autre espèce d’hommes, une espèce nouvelle de chômeurs -parce que chômeur, ça  sonne mieux que sans profession ; un monde qui se met en place vers la fin des années cinquante, au prix de la fin d’un autre, le sien : voilà ce que Zozo.jpgZozo, de loin, a vu  venir.  Chômeur ! Tel est le mot central du titre, et l’on ne comprendra que dans les dernières pages, sur un coup de fourche à fumier aussi imprévu qu’inévitable, pourquoi éperdu.

« Il était le principal personnage de ce drame, après le pendu bien sûr, quoique… » : Bertrand Redonnet signe là une fable, nous dit le quatrième de couverture « sans morale apparente ». Quoique… Les quatre dernières lignes en livrent une, aussi ironique qu’explicite… Que je ne dévoilerai pas, pas davantage que je ne dévoilerai la trajectoire de Zozo, d’arabesque en arabesque, toute tracée.

Pour inscrire sa fable dans l’histoire en marche, Redonnet évoque de ci de là quelques événements : météorologique, comme le mois de février cinquante-six, « alors que le gel mordait la pierre et la terre et que la neige durcie comme une croûte engloutissait le monde depuis des semaines » ; historique, comme le dix-neuf mars 1962, jour des accords d’Evian, ou décembre 1918, année de la de la naissance de son héros peu après l’armistice. Au cours de la narration, quelques dates (62, 64) plantées dans le texte comme des bornes, jalonnent la résistance de Zozo aux assauts des bureaucrates.

Pourtant, bien qu’il ait « la manie des dates et des symboles », le calendrier de Zozo s’écoule en marge du temps des hommes, « selon un ordre bien défini qui, s’il n’était pas réfléchi, n’en était pas moins réglé sur le grand mouvement des choses, en fonction des saisons, les saisons elles-mêmes vécues par rapport aux mois et les mois articulés sur les lunes ». L’histoire de Zozo se déroule dans un pays fait de pommiers de plein-vent, d’allées de noyers  et de taillis bourrus, un pays de légende, signe l’éditeur… on a plutôt envie de dire de mémoire, puisque c’était le pays de Genevoix, le même que celui de Giono, que celui de Guilloux.  Assurément, Redonnet est de cette écurie-là .

 

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dimanche, 24 mai 2009

Alain Resnais

Alain Resnais, 87 ans, qui vient de réaliser les Herbes folles a eu cette pensée d’octogénaire, ce soir, en recevant le prix exceptionnel du festival de Cannes : « On ne fait pas un film tout seul ».

Je ne suis pas un inconditionnel de Robbe-Grillet.

Pas du tout.

Il n’empêche. Le long de ces couloirs, ces enfilades de portes, ces salles silencieuses, ces salons déserts, une fois de plus, comme si l’oreille elle-même

Le long travellling par lequel s’ouvre L’Année dernière à Marienbad (1961) demeure pour moi une étonnement esthétique inoubliable (1); d’un autre siècle, certes ; à le revoir, ce commencement, ce travelling à la fois sonore et visuel, extérieur et intérieur, je m'étonne à nouveau. C'est rare (au cinéma). Et je me dis que cette Palme d'or à Mickaël Haneke rachétera peut-être celle de Bégaudeau l'an passé (C'est bien, ça, Huppert a eu un peu de cran, elle n'a pas suivi la profession qui voulait la donner au fi-fils à son papa - après l'école, les prisons, bon, la roue tourne et le pseudo ciné-social va peut-être nous ficher un peu la paix; ouf !)

(1) : Je parle d'étonnement, et non pas d'émotion ou de concept. Quand un film étonne, c'est déjà pas mal, non ? Difficile d'en demander plus.


 

20:56 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : cinéma, palme d'or, cannes, alain resnais, marienbad, prix exceptionnel | | |

samedi, 23 mai 2009

L'art du cousu

Aucun travail de style ne peut s’épargner l’art du cousu. Ce qui est vrai de la chaussure, de la brochure et du soin postopératoire l’est aussi du texte. Si la simple parataxe suffit à l’oral, la simple syntaxe à l’écrit, le texte littéraire, lui, exige son cousu… De phrase à phrase, par un truchement ou par un autre. Un véritable écrivain ne fera jamais l’économie de ça. C'est-à-dire qu’il ne fera jamais l’économie de l'écoute formelle et laborieuse de la langue.

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20:03 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature, écriture, style, art du cousu, langue française | | |

vendredi, 22 mai 2009

Le silence de la nuit

Les nuits sonores : je ne sais quel est l’idiot qui a inventé ce concept oxymorique. Depuis, avec la bénédiction des stupides autorités culturelles municipales de la ville de Lyon, une partie des impôts locaux des citoyens passe à planter un peu partout dans la ville pendant quatre jours, autour de quelques lieux payants, des podiums où d’autres abrutis censés être à la pointe de la vie culturelle se livrent impunément à du tapage diurne et nocturne, institutionnalisé. Les riverains un peu partout se plaignent de ces concerts autoritairement imposés à leurs fenêtres. On parle de nuisances sonores. C’est peu dire tant le vacarme est assourdissant. Pour ma part, je m’interroge sur cette détestation du silence qui est la marque de toute une société marchandifiée autant que déshumanisée, celle des enfants de la télé. Je me souviens avec émotion de l’époque où une grille signalait à tous les énergumènes la fin des hostilités, et qu’il était temps d’aller se coucher.  Une mire que voilà.

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Et je suggère à M. Kepenékian, premier adjoint à la culture de la ville de Lyon, soit d’installer l’an prochain tous ces concerts irrespectueux sous ses propres fenêtres, soit de proposer, un peu comme Marcel Duchamp le fit en 1917 avec sa délicieuse fontaine, cette silencieuse mire à tous ses administrés en guise de nuit sonore : tout le monde resterait immobile et silencieux, en un happening révolutionnaire pour le coup : voilà qui serait un geste vraiment progressiste, vraiment dada, vraiment en rupture avec l’académisme collet-monté et le conformisme décrépi de l’époque : vraiment culturel, donc.

Sinon, au lieu de prendre en otage la population, qu’il construise des salles, et qu’il fasse payer les entrées à tous les epsilons de la société du spectacle qui se réjouissent de tout ce boucan technologique et asservissant. Je rappelle au passage cette belle définition du tittytainment  de J.C. Michea, dans L'enseignement de l'Ignorance (Climats, 1999) : "Entertainment signifie divertissement et tits, en argot américain, les seins. Par ce mot, il s'agissait de définir un cocktail de divertissement abrutissant permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée des villes". Pour les autres, pour les vrais amoureux de la nuit, voici une fable de La Fontaine de circonstance, hymne (entre autres), au beau silence de la nuit.

 

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mercredi, 20 mai 2009

La joie du pessimisme

 Celui qui est pessimiste est-il nécessairement triste ou morose ?  Le pessimiste accueille la lucidité sans forcément subir le joug de la morosité. Il refuse en tout cas de s’aveugler ou de se divertir, c'est-à-dire de se laisser détourner de ce qu’il comprend de l’état des choses et de celui du monde par la facticité des événements, la superficialité des propos, la fatuité des opinions qui l'entourent. On peut être pessimiste et cependant joyeux, comme on peut être optimiste, et cependant morose. 

Je ne crois pas que la France soit un pays en bonne santé. Je le déplore. Car je l’aime. Je ne crois pas non plus que l’Europe, cette mosaïque de résidus de nations et de peuples, soit un projet bien porteur. A quelques jours d’une élection, je ne me demande même plus pour qui voter : la gauche dite extrême, en tête de ses quatre propositions, place en n° 1 celle de « mettre un carton rouge ( !) à Sarkozy ! ». Quel projet pour des européennes, à la hauteur de la nullité des débats et de la démagogie désabusée de ceux qui les portent, de Mélanchon au facteur en passant par le clone d’Arlette et la survivante du PC. Les deux dames du PS, mairesse et présidente de région, ressemblent de plus en plus à des chefs d’entreprise, copies conformes à ce qu’on est de toute façon dans toute l’Europe libérale et bien pensante, que leur parti a fortement contribué à mettre en place (Maastricht sous les auspices de  Mitterrand…). Et les petits soldats de l’UMP respirent par tous les pores de leur peau la technocratie qu’ils font mine de condamner, la duplicité électoraliste autant que carriériste. Sur cet arrière-plan se profile la silhouette de Bayrou et sa posture de cavalier seul : encore un jeu individuel. Quant à la droite nationale et à ses listes en tous genres, elle ressasse et mouline, sur l’orgue de barbarie qu’elle condamne, la même partition que les autres, mais en sens inverse. Cette Europe est, en effet, un fiasco. Comment s’étonner, après le désaveu  scandaleux du référendum par Sarkozy et tous les ténors du PS, que les gens fort divers qui ont dit non à 55 % à ce système il n’y a pas plus de cinq ans (dimanche 29 mai 2005), aient envie d’aller déposer un bulletin dans l’urne un dimanche de plus, comme ils iraient à une messe, ni de s'intéresser à des débats resucés autant qu'inutiles ?

La machine à propagande tourne à fond sous les moulins à vent médiatiques (Obama et Michèle, derniers en date, comme si  Yes we can, au pays de Montaigne, était une pensée !), assistée par  la machine à endormir (foot et variétés). Le spectre de la fin des libertés rôde sur cette société d’incultes et d’impotents. Et tous les romanciers ou intellectuels, en tout cas ceux qui sont médiatisés et dont les œuvres sont distribuées, se font les complices putassiers de ce système : la lecture par Arielle Dombasle d’un texte de Marguerite Duras dans des Assises internationales du roman à Lyon dans quelques jours  me semble être la parfaite caricature de ce qu’est devenue en effet la vie intellectuelle dans ce malheureux pays. Nous savons tous, par ailleurs que, sur Internet, Edvige et Facebook sont des enfants jumeaux, que la crise économique et la grippe porcine ou mexicaine, (comme si ça avait soudainement une importance, les mots !) ont de beaux jours devant elles avec les milliers de gratuits distribués chaque jour aux bouches de métro…

Voilà pour le pessimisme.

Ce qui est extraordinaire, c’est que malgré tout ça, on puisse en effet s’enchanter de la qualité de la lumière sur la ville certains soirs lyonnais (Lugdunum, oui, cela vient de lux, lucis – la lumière). Et puis aussi se nourrir de la relecture du Neveu de Rameau (inépuisable, ce texte) ou de celle du Journal de Bloy (de bons coups de pieds au cul contre l’endormissement), ou tiens, pour se la jouer dans l’air du temps-comme tous ces cons qui ont l’air soudainement d’apprécier le classicisme vomi par les sbires de l’OCDE  – celle de la sublime, en effet,  Princesse de Clèves.

S’il y a dans la France quelque chose qui tiendra bon, comme dans d’autres vieux pays, du  genre de la Russie ou de l’Italie, c’est bien sa littérature.

Et pour finir  avec une idole de la bien pensance contemporaine, je rappelle un de ses versants joyeux, moins rose que celui des restos du cœur, et malheureusement plus oublié :

 

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