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samedi, 30 mai 2009

La littérature constitutionnelle (2)

Deviendrai-je paranoïaque ? Ou hyper-stressé ? Ou les deux ?

Me voilà pris en flagrant délit de lecture approximative et trop rapide : J’aime autant cela, remarquez bien. Dans un commentaire du billet précédent sur le livre de Danièle Sallenave, Michèle Pambrun, cite l'extrait original  d’où j’avais tiré une citation recopiée trop vite et tronquée d’un adverbe, à la suite d’une discussion hâtive avec un collègue. Autant pour moi. Mais je préfère cela : mon étonnement était tel que j'en avais fait un billet, Danièle Sallenave étant une figure décisive de la défense de l’enseignement de la littérature. Je préfère, et de loin, avoir lu trop vite. Voici donc le commentaire de Michèle, qui possède le livre en question, et la citation complète. Et merci encore à elle :


La citation que vous faites du livre de D. Sallenave, au tout début, m'étonnait par son "hélas". J'ai retrouvé ce passage à la page 129 et je me permets de le citer plus largement que vous ne l'avez fait, parce que cela éclaire le propos de D. Sallenave et qu'en oubliant le pronom "y" (nous "y" engage) renvoyant à la proposition précédente, vous rajoutez (involontairement) à la réduction / confusion du propos. Voici donc :

 

« Je regrette deux choses :

1) qu'il y ait trop de textes de littérature jeunesse, comme on dit aujourd'hui, au programme des collèges ; donc trop de langue moderne, pour ne pas parler du reste, du moralisme qui règne dans ces textes pétris d'une vision du monde étroitement liée à notre époque ;

2) que les professeurs qui s'en échappent, et ils sont nombreux, c'est heureux, aillent trop vers des textes traduits et pas assez vers des textes francophones. Je suis frappée du nombre de fois où on m'a parlé de "La Métamorphose" de Kafka. Naturellement c'est un très beau texte, extrêmement singulier et fort. Mais je me demande pourquoi on l'étudie si souvent. Je crains qu'elle n'ait lâché le morceau, cette jeune professeur qui m'a dit un jour : "Et puis c'est une leçon, c'est un bouquin qui apprend à accepter l'autre, l'étranger, celui qui est différent."

Cela m'a rappelé cette conversation cocasse reproduite dans un quotidien au moment (1995) où on célébrait le trois centième anniversaire de la mort de La Fontaine. C'était un couple de professeurs - La Fontaine ? Ah non, jamais ! disait le mari. Sa morale, c'est travail-famille-patrie. - Oui, rétorquait l'épouse, tu as raison, c'est vrai, mais tout de même, il était responsable des Eaux et Forêts, c'est le premier des écolos...

Ce serait terrible de penser qu'on étudie des textes parce qu'ils pensent bien, et qu'on les refuse quand, selon nos critères, ils "pensent mal". La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, hélas, nous y engage, quand elle assigne à l'éducation la tâche "de favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux". Fuyons plutôt tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à l'enseignement d'une morale positive, comme l'est aujourd'hui ce curieux mélange d'antiracisme et de tri sélectif des déchets qui sévit dans nos écoles. Allons plutôt droit aux textes, aux "grands textes" qui sont une méditation sur l'existence, la finitude, les conflits, l'expérience intérieure, le tragique de toute vie. Et souvent une version non religieuse des questions morales. Si l'enseignement des lettres et la lecture des textes littéraires devaient avoir un sens, et conserver un rôle, ce dès les petites classes, ce serait aussi celui de faire entendre des voix qui pensent mal, des voix politiquement incorrectes, des opinions mal acceptées, de leur temps ou aujourd'hui ; des styles audacieux. Pour que les élèves voient se profiler des personnalités non conformes, de Baudelaire à Villon, et de Socrate à... - Je vous laisse le choix de quelque grande Indignité Littéraire. »

12:28 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : danièle sallenave, éducation | | |