samedi, 14 novembre 2009
L'indécence Ndiaye
Il y a une véritable indécence à prolonger une polémique sur « la France de Sarkozy, pays monstrueux», alors qu’on vient d’empocher un Goncourt et qu’on mène, de Berlin, une carrière d’écrivain à Paris somme toute assez fructueuse. Une indécence de baronne parvenue, à provoquer ainsi la victimisation. Une indécence d'imbécile.
« Je regrette » dit la dame « que le Ministre de la Culture ne prenne pas position sur le sujet ». (le sujet = ses propos) Mais qu’est-ce que c’est, encore, que cet ego surdimensionné ? La dame, qui a bien l’air d’appartenir à son temps tout de lieux communs tissé, ne me donne guère envie de fréquenter sa prose, à vrai dire. En ai quand même feuilleté quelques pages, tout à l’heure, dans le coin best-sellers d’une grande surface. Rien de bien neuf visiblement. Rien que du très convenu, du très bobo- banlieusard, dont seuls les medias comme les inrockuptibles ou Libé sont encore friands. Rien que du très bête, chez cette dame, à vrai dire. Et j’ai laissé tout ça sur le rayon best-seller d’une grande surface. Comment ne pas voir qu'ici encore, comme toujours, l'indécence et le commerce se rejoignent ?
Hélas, l’indécence est devenue dans ce pauvre pays un argument de vente. Depuis longtemps. Et chez certains, ça fonctionne et ça tourne comme la planche à billets en période de faillite.
Jusqu’où la littérature va-t-elle dégringoler entre les mains de ces gens ?
Jusqu’où l’esprit ?
La pensée ?
16:29 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : édition, marie ndiaye, prix goncourt, littérature, gallimard |
Lecture de Roland Tixier
J’ai rencontré hier un homme charmant. En compagnie duquel nous avons passé, une poignée d’auditeurs et moi-même, un moment de poésie – oui, ce mot galvaudé peut encore retrouver, à l’occasion de moments comme ceux-ci, un peu de sens.
De poésie donc
Roland Tixier, a lu dans l’intimité du premier étage des Xanthines, l’intégralité de son recueil, Simples Choses. (1) J’avais déjà lu les 180 haïkus (2), mais j’avoue qu’ainsi parlés, oralisés, racontés – et par celui qui vit dans leur rythme mental depuis – dit-il – une dizaine d’années, ils ont pris une sorte d’existence intérieure tout à fait étonnante.
Pour parler de sa poésie et de sa façon de mettre en relief les mots, Roland Tixier évoque, un rien malicieux, les expositions de mots auxquels les surréalistes aimaient s’adonner, ou bien encore les films sous-titrés. Il parle également du vocabulaire et du style de Georges Simenon, cité par Vialatte (« Simenon écrit comme tout le monde, mais personne n’écrit comme Simenon ») Mettre en valeur les mots simples des gens simples, afin de restituer le dénuement d’un simple moment, tel pourrait être son art poétique.
La lecture de Tixier est très régulière. Psalmodiant, il s’interrompt pour préciser, parfois : « Ce haï-ku, c’est un jour de soldes, à Monoprix… » Ou encore, « là c’était devant la mairie de Vaulx en-Velin, quand les pigeons viennent grappiller les grains de riz juste après les mariages… » ; « Là, c’était deux amoureux sur l’avenue Bianqui, deux amoureux qui s’embrassaient au lieu de faire un créneau… » « le poilu moussu, c’est dans le quartier Montchat… »
Il est des mots dont la mise en relief est inquiétante :
Je ne vois plus l’homme au chien
Ont-ils quitté le quartier ?
Ou peut-être pire ?
Cette strophe est d’ailleurs la seule, dans tout le recueil, à posséder deux points d’interrogation. Les autres sont non ponctuées, comme liées ensemble car, dit-il «un haïku n’a de sens que dans le nombre »
Avec humour, Roland Tixier nous raconte que pour voyager aujourd’hui, il n’est plus besoin d’aller au Japon. Changer de rue lui suffit .
Et lorsqu’il lit ce haïku :
causerie dans l’entrée
il ne fait pas très froid
si on regarde bien
il prend le temps de nous expliquer : « j’allais sortir, et la voisine m’a dit : Il ne fait pas trop froid, si on regarde bien ».
Magnifique sous-titrage, poète ! Magnifique sous-titrage avec ces mots de rien, ces mots du quotidien. Et on a envie de lui dire qu’en effet « il ne fait pas très froid si on le lit bien… »
(1) Simples Choses Roland Tixier, Éditions Le Pont du Change
13 € - ISBN : 978-2-9534259-0-1
(2) Premier billet ICI
15:11 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : poésie, roland tixier, le pont du change |
vendredi, 13 novembre 2009
Le piéton du pont du Change
Roland Tixier sera au café associatif Les Xanthines, vendredi 13 novembre à 18 heures, pour lire des extraits de son dernier recueil, Simples choses, un ensemble de 180 haïkus urbains paru aux éditions Le Pont du Change.
Les Xanthines, café associatif du commerce équitable
33 rue de Condé, 69002 Lyon - métro Perrache ou Ampère.
Entrée gratuite sur consommation équitable.
13:22 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : le pont du change, simples choses, roland tixier, jean jacques nuel, poésie, poèmes, littérature, écriture |
jeudi, 12 novembre 2009
Insurrections lyonnaises
On trouvera ici un résumé des événements de novembre 1831
rédigé à partir des textes de Fernand Rude
22:11 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : insurrections lyonnaises, mouvement des canuts, littérature, fernand rude |
mercredi, 11 novembre 2009
Paul Lintier, la censure, le cafard...
20 décembre
Pourquoi donc suis-je si triste, si las, si découragé ? Je n’ai pourtant pas eu froid cette nuit dans la cabane entre François et Arsène. Mais il y a de ces jours d’irrémédiable malaise. Cela vous saisit brusquement, vous étreint vous angoisse, assombrit toutes choses comme une lourde nuée noire. On ne sait pourquoi. Et c’est ce qui rend cette impression douloureuse plus inquiétante pénible comme le sont les pressentiments, ces transes de l’imagination auxquelles, certes, je ne crois pas, mais qui sont étrangement émouvantes.
Aucun malheur précis ne se présente à ma pensée, aucune crainte de mort plus immédiate pour moi, rien de pire que ce grand risque auquel nous sommes pourtant accoutumés.
CENSURE
Certes, cette pensée-là pour nous est bien un gouffre. Pourtant, ce n’est pas le vertige, dont on ne se défend jamais lorsqu’on se hasarde à le sonder, qui ce matin fait le fond de ma détresse. Ce n’est pas cela qui me trouble si intimement, qui me cause ce désespoir irrémédiable. Est-ce la nostalgie du passé ? Un peu. Est-ce le doute sur mon avenir immédiat, la confiance en ma chance qui s’éclipse un moment ? Un peu aussi. Mais c’est autre chose, un malaise intime, indéfinissable, indicible, une étreinte à la gorge, l’attente d’un malheur. C’est on ne sait quoi. C’est une misère de plus parmi tant de misères. On appelle cela le cafard.
Le Tube 1233, Paul Lintier, Paris, Plon, 1917
22:45 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : paul lintier, littérature, le tube 1233 |
mardi, 10 novembre 2009
Novembre des Canuts
Du 16 au 29 novembre, un ensemble de manifestations (conférences, théâtre, musique, cinéma…) se dérouleront autour de la mémoire des canuts et des insurrections de Novembre 1831. Le collectif organisateur, dans lequel se retrouvent plusieurs associations, compagnies, syndicats, librairies, bibliothèques… (La Compagnie théâtrale Le Chien Jaune, les associations L’Esprit Canut, La République des Canuts, Soieries Vivantes ; les librairies A plus d’un Titre, Coquillettes, Le bal des Ardents, Vivement Dimanche, l’Institut d’histoire sociale CGT, F0, CFDT, …) a baptisé l’opération Novembre des Canuts. Le thème fédérateur de cette année est les prudhommes
Le point d’orgue de ces événements sera sans doute les deux représentations du projet des Chorales Populaires de Lyon autour de l’oratorio de Joseph Kosma les 20 et 21 novembre, ainsi que la projection au CIFA Saint-Denis du téléfilm diffusé dans le cadre des Dossiers de l’écran le 20 novembre 1979, Charles Clément Canut de Lyon le mercredi 18 novembre à 20h30.
Nous suivrons avec intérêt la représentation de De gré à gré (Compagnie du Chien Jaune, vendredi 20 novembre à la salle Paul Garcin) ainsi que les diverses conférences, dont celle que Michel Evieux assurera sur Marceline Desbordes Valmore, le lundi 23 novembre à 19 heures.
Le programme complet des événements avec les dates, horaires et les lieux est consultable et téléchargeable ICI.
Ceux qui souhaitent s'informer plus précisément sur les révoltes des canuts de 1831 trouveront leur bonheur en suivant ce lien .
09:36 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : novembre des canuts, joseph kosma, prudhommes |
lundi, 09 novembre 2009
Polska B Dzisiaj
Par une belle coïncidence je finis la lecture de ce récit de Bertrand Redonnet au tout commencement de ce jour anniversaire de la chute du mur de Berlin. Qu'allons-nous pas entendre ? La télévision et l'Europe libérale vont de concert, une fois de plus, se livrer à leur dérisoire, mais efficace, auto-sacramental. Comme si devant un public-marchandise, elles étaient faites l'une pour l'autre; l'une par l'autre ...
Qu'il me permette, déjà, de citer ce bref extrait de son témoignage/reportage en Pologne , avec lequel je me sens en parfait accord :
« La voie est libre, alors on fonce. Et je le comprends bien. Nous aussi, nous avons foncé. Tête baissée et droit dans le mur. À tel point que nous y avons laissé une bonne part de notre soi-disant esprit. Mais ici, je suis un étranger. Presque pas concerné. Alors, je trouve quand même dommage cet usage fait de la liberté retrouvée.
Du gâchis. Toujours le même schéma dont on sait bien qu’il a maintes fois et partout fait les preuves de son incapacité à procurer le bonheur du plus grand nombre. Libéré de l’idéologie dite communiste, on s’engouffre à corps perdu dans son exact contraire, comme les prisonniers d’un boyau souterrain s’engouffreraient vers le premier soupçon de lumière.
Je crois que c’est une grossière erreur mais je ne m’en explique pas. On ne comprendrait pas ce que je veux dire. Ou on dirait encore que je suis un homme de l’ouest égoïste et repu, un romantique décalé. Alors…
Et puis, tout ça, c’est aussi dans la logique des choses et des hommes. Nous sommes des êtres inachevés qui manquons de l’inspiration nécessaire à la construction des mondes nouveaux. Les idées fusent mais l’imagination est tarie. Une imagination qui ne sait créer que du superflu a perdu depuis longtemps le sens d’une certaine beauté à réinventer le nécessaire.
J’aimerais tout de même bien que Norman Davies, historien dont les travaux sur la Pologne font autorité, nous explique maintenant si c’est pour l’aboutissement à cet immense souk, pour cette Pologne en train de brûler son âme de rebelle romantique sous les feux du pragmatisme libéral et de l’avachissement copie conforme occidental, qu’on a jeté l’ignoble mur de Berlin à terre. »
Bertrand Redonnet - POLSKA B DZISIAJ - texte à télécharger ICI
07:31 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : publie.net, bertrand redonnet, littérature, chute du mur |
dimanche, 08 novembre 2009
Sénèque et le salon du livre
Quae patria, quae gens mobile eduxit caput ?
Edissere. Equidem regna tergemini petens
Longinqua regis, unde ab Hesperio mari
Inachiam ad urbem nobile advexi pecus
Vidi duobus imminens fluviis iugum,
Quod Phoebus ortu semper obervo videt,
Ubi Rhodanus ingens amne praerapido fluit
Ararque dubitans quo suos cursus agat,
Tacitus quietis adluit ripas vadis :
Estne illa tellus spiritus altrix tui ?
16:32 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sénèque, littérature |
samedi, 07 novembre 2009
Tire 11 millions d'euros & tire toi...
Appelons-le Tony. Tony M …. Un gars de 39 ans aux yeux bleus.
Il fait depuis dix ans ce drôle de boulot : convoyeur de fonds.
Il loge dans un petit appartement de Villeurbanne. Seul.
Villeurbanne c’est comme Vaise ça commence par un v.
V comme vis ta vie
Jeudi matin, 5 novembre, voilà donc Tony ainsi que deux de ses confrères, occupés à faire la tournée des billets dans le quartier de Gerland à Lyon.
Dans leur beau camion blindé – tous les gosses rêvent d’en faire rouler des beaux comme ça sur le parquet – ils sillonnent les rues du huitième arrondissement. Rue Pierre Sémard (qui du coup, entre dans la légende), ils se garent devant une annexe de la Banque de France pour charger 47 sacs bourrés de liquide.
Des sacs bourrés de liquide, c’est super, ça. Et ça fait drôlement travailler l’imaginaire, et tout le reste, le pognon.
Tous ces billets censés alimenter les distributeurs de pognon du quartier.
Vous savez tous ces trucs infâmes qui vous disent ni bonjour ni merci : tiens, donne moi ton code, prends ton fric, barre-toi.
Et donc les trois mecs chargent le fourgon de leurs 47 sacs. Tony et ses copains, même pas nerveux. La routine, quoi. Le véhicule se gare ensuite rue Duvivier (tout ça, c’est du boulot pour Marcel). Les deux convoyeurs collègues de Tony descendent pour aller chercher un sac supplémentaire – oh rien que quelques dizaines de milliers d’euros. Arrêt sur image : Vous voyez-vous tout seul au volant d’un fourgon avec 11 millions d’euros à portée de mains ?
En quelques secondes, le Tony passe dans un autre dimension.
Puisqu’à partir de là, personne, non, personne n’a revu le Tony. Le système du GPS du véhicule, déconnecté. Une heure et demi plus tard, à quelques centaines de mètres de là, rue Montagny (une troisième rue de Lyon à entrer, ce matin-là, dans la légende) on retrouve le gros jouet de gosse abandonné, vide évidemment.
Chez lui, la brigade de répression du grand banditisme a trouvé le frigo vide également. Pas même une boite de sardines ou un vieux bout de beurre. Nada. C’est drôle, d’écrire une phrase comme ça : la brigade de répression du grand banditisme a même pas ramené un vieux morceau de beurre. Les comptes bancaires de Tony ont été vidés, il y a une quinzaine de jours. Le procureur de la République de Lyon répète ça aux journalistes, comme un benet. Tony M… est activement recherché en tant que « témoin capital ». Derrière lui, il laisse que du vide.
Ce matin Tony avait droit à sa photo dans le journal. Légitime. Coupe de cheveux sage. Petit blouson qui sentait son Prisu. "Légèrement taciturne" ont dit ses voisins.
Tu parles.
Ce que tout ça dit de la vie et des coulisses de la vie.
Vous avez le droit d’imaginer ce que vous voulez.
Moi, je dis bravo Tony.
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20:31 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : tony musulin, transports de fonds, actualité, société |