mardi, 13 juillet 2010
La Table de Claude (9)
Les tables claudiennes, donc, mystérieuses à plus d’un titre.
D’abord, à la manière que les adultes avaient de prononcer leur nom-même, en claironnant bien glaudiennes, et non claudiennes. Leur instinct populaire confondant, aurait dit un philologue du XIXème ici fort réputé, l’empereur Claude et le Père Glaudius. Le Littré de la Grande Côte, ouvrage érudit s’il en est, que je ne découvris que bien plus tard, apporta de fait sa caution scientifique à cette rudimentaire fidélité des gens de ma tribu à l’accent de leurs propres parents, puisque le nom Claude n’y apparaît qu’à la lettre G, et sous cette forme : « Glaude, Glaudine, bonne prononciation de Claude, Claudine »
Ensuite à la façon qu’avaient ces mêmes adultes de ne jamais dire « chez moi », comme tant d’inconscients le disent un peu partout à présent, mais, pour parler de l’endroit où ils auront vécu quelques saisons, lorsqu’il s’agissait par exemple de décider si l’on ferait tel repas de famille chez l’un ou chez l’autre, de simplement préciser, qu’on passerait cette année Noël aux «Tables glaudiennes » plutôt qu’à « Choulans », c'est-à-dire chez ma mère plutôt que chez sa sœur. Il faut dire que personne, ni à Choulans, ni aux Tables glaudiennes n’était vraiment chez soi, c’est-à-dire vraiment propriétaire, puisque que tout le monde y payait, comme l’écrivit un jour le bon Céline dans Mort à Crédit, un terme. Ceux des « tables glaudiennes » depuis des temps plus immémoriaux que d’autres (me semblait-il) puisque c’est là qu’avait habité le grand père, là qu’habitait encore la grand-mère, là, le foyer initial, la ruche dont tous étaient partis et où ma mère seule était revenue un jour, avec un marmot de quelques mois sous le bras. Antiques, donc, ces Tables ! Et pourquoi pas aussi vieilles que celles de cet empereur au nom imprononçable et dont je ne savais rien, sinon que tel Dieu celles de la Loi, c’est lui qui avait autrefois, jadis, et même auparavant encore, fait graver cette phrase dont l’autorité résonnait de façon presque magique à mon esprit : « il faut sauver la Gaule chevelue »…
Dernière chose enfin qui ne laissait pas de m’étonner : ce chiffre de 32 qui leur était toujours accolé ; qui, parfois, leur servait même de substitut : « Cette année, fêtera-t-on Pâques au trente-deux ?», entendais-je parfois autour de moi - comme si n’existaient ni le trente et un ni le trente trois. J’ignorais alors le distinguo subtil entre métonymie et synecdoque, mais j’entendais avec plaisir ce langage imagé, fleuri : Car ce « trente-deux des Tables glaudiennes», d’où la vue était si belle, dont le carrelage était si rouge, et que peuplaient de si beaux chants d’oiseaux, était riche d’une si longue fréquentation familiale, profond d'une habitude du lieu qui remontait à si loin avant ma naissance qu’à mon oreille ce chiffre-même a merveilleusement conservé le diapason du gîte, et ces deux tables une empreinte immuable et immanquablement consolante, quelque tourneboulement indû que le monde ait pu subir par la suite.
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lundi, 12 juillet 2010
Le vicomte et le chansonnier
Un beau billet du Tenancier, à lire ICI, à propos d’un ouvrage sur Béranger : une véritable explication de livre, comme il existe des explications de textes, si on veut, mais aussi une petite fable qui m’a reconduit à l’amitié entre Béranger et Chateaubriand, telle que ce dernier en parle dans le tome quatre de ses Mémoires. C’est durant l’hiver 1830 que les deux hommes s’étaient rencontrés. « Tout ce qui touche à la renommée de la France m’est cher, et vous avez élevé la chanson jusqu’à la gloire » Derrière le phrasé un rien cérémonial se glisse une vraie reconnaissance du vieux légitimiste. Leur relation durèrent jusqu’à la mort de Chateaubriand qui, encore en 1844, se rendait à Passy pour causer quelque temps avec le chansonnier, dans la petite maison qui fut son dernier logis. « Je déteste deux choses en lui : l’impiété et le cynisme. Le reste me ravit » : Un aveu que François-René fit de peu de gens.
12:14 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : béranger, chateaubriand, littérature |
dimanche, 11 juillet 2010
Le billet de la Curée
Il est peu croyable aujourd’hui que l’émission d’un billet de 200 francs ait exigé quatre jours de séances de la Chambre. Ce fut pourtant le cas, du 13 au 16 avril 1847, à propos de ce superbe spécimen de 200 francs. De nombreux orateurs y prirent part, ainsi que les ministres des finances et de l’intérieur. A l’origine, le législateur avait voulu préserver le crédit du billet de la Banque de France, en ne le laissant pas descendre au-dessous d’un chiffre assez élevé. Celui de 500 francs paraissait une limite en deçà de laquelle on ne pouvait descendre sans perdre la face. Déjà en 1840, le Conseil général avait repoussé l’idée d’émettre une coupure de 250 francs que certains comptoirs étrangers avaient déjà mis en circulation. Il est indubitable que le souvenir des assignats hantait encore de nombreux esprits. Cependant, la Banque et les commerçants nouant des contacts de plus en plus étroits, l’idée de coupures à leur convenance faisait son chemin dans l’esprit des politiques. Alors que les premiers signes de la crise boursière et économique qui allait emporter le régime de Louis-Philippe commençaient à se faire sentir, le 22 janvier 1847 le projet d’une coupure de 200 francs, en attendant même une autre de 100 francs, fut déposée devant la Chambre des députés.
17:14 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : zola, la curée, littérature, billets français, lacave laplagne, monnaie, monarchie de juillet, crise financière |
samedi, 10 juillet 2010
Changement de bannière
- Et là ? Tu as vu ?
- Où ?
- Là ! Cette fois-ci, c’est pour de bon, les cons ! La bibliothèque est vraiment en feu.
- Nom de Dieu ! Qu’est-ce qu’on fait ?
- Rien. On ne peut rien faire. Que lire. Lire.
17:57 | Lien permanent | Commentaires (13) |
vendredi, 09 juillet 2010
Le monde est foot
Un mondial n’est pas achevé que le logo du prochain (2014), qui sera organisé au Brésil, est déjà dévoilé ; le marketing sportif est un feuilleton sans fin, dont les politiques de tout pays se saisissent à pleines mains pour faire le leur. En présentant l’objet hier à Johannesburg, le président Lula a ainsi expliqué qu’il représentait « les talents des Brésiliens, leur goût du travail, les couleurs du pays ». Jaune et verte comme le drapeau brésilien, en effet, deux mains s’enlacent jusqu’à profiler la silhouette du trophée, avec 2014 écrit dessus en rouge. Le sang du peuple ? Le lyrisme de Lula n’a pas été jusque là. Une future victoire de son pays ? Il en est convaincu Voyez comment les mains se saisissent du trophée, jusqu'à le former à partir du seul vide :
Un autre, qui avait déjà les yeux rivés vers 2014, et qui fait une drôle de tête, c’est Bruno Souza, le gardien et capitaine de Flamengo, le club le plus populaire au Brésil. Il vient de déclarer aux policiers qui l’ont arrêté que son espoir de disputer cette Coupe 2014 risquait d’être en effet bien terminé. Pas très adroit, alors qu’il est mis en examen dans l’affaire du meurtre de son ancienne petite amie, une certaine Eliza Samudio, dont le corps aurait été découpé en morceaux et partiellement donné à manger à des chiens, rien de moins. On sent se profiler à l’horizon une saga médiatique de l'effet le plus gore, devant laquelle les partouzes, coups de boule, injures et autres maladresses de communication des Bleus repris en mains par Blanc risquent de passer pour du bien pâle amateurisme de banlieue franchouillarde. « Nous allons organiser la meilleure Coupe du monde jamais montrée à la terre », a claironné l’innénarrable Lula, en rajoutant que le Mondial serait organisé « dans la transparence ; toutes les dépenses publiques seront consultables sur internet » Diable !
En attendant, le poulpe Paul, qui a réalisé dans son aquarium teuton un sans-fautes dans les pronostics, reçoit, paraît-il, des lettres de menaces des supporters de toutes les équipes éliminées. A commencer par la sienne, celle d'Allemagne. Il vient d’annoncer à l'instant que les espagnols seront les prochains champions du monde. Le sieur Zapatero, pour faire bonne figure, lui promet une protection rapprochée, en cas d’attentats…
Pendant ce temps, Nicolas…
15:43 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lula, bruno souza, eliza samudio, poulpe paul, football, mondial, actualité |
jeudi, 08 juillet 2010
Un mort
Quand un homme n’a que sa vie, il n’est rien de plus odieux que de la lui prendre. L’enquête, d’elle-même, se fera. Et bientôt nous en saurons plus sur la disparition de ce SDF à peine quadragénaire, ainsi que sur celle de ses chiens, dont il se murmure qu’eux furent éventrés, mais encore une fois, tout n’étant pas encore très clair, nous ne pouvons pour l’instant rien dire de plus sur cette fort triste affaire qui, malgré l'été, est venue troubler la place de la Croix-Rousse à Lyon.
17:35 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : croix-rousse, lyon, sans-abri, rue pailleron, meurtre |
mercredi, 07 juillet 2010
Bêtes en cours, et cetera
Ce qui est emmerdant dans cette histoire, c'est qu'en tapant sur Sarkozy, on va se retaper ces cochonneries de soc', et en tapant sur les soc', on se retapera les cochonneries de Sarkozistes, et cetera. Pognon et politique, ça rime pas mais ça commence tout pareil. Piteux spectacle à l'Assemblée Nationale hier, vraiment. Une malédiction sans fin, les arrivistes... C'est comme au foot : Blanc lavera-t-il plus blanc que Domenenech ?
14:15 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bettencourt, france, woerth |
mardi, 06 juillet 2010
La Table de Claude (8)
La mort du pape, celle du président : 1963 fut aussi celle de la chanteuse. Edith Piaf, à l’époque, mêmes si ses obsèques virent se presser une foule d'anonymes au Père-Lachaize, elles furent entourées de moins de pompes internationales que celles des deux chefs politiques et religieux. Avec le temps, le moineau noir conquit pourtant d’égales lettres de noblesse, microsillons, juke-box, et transistors obligent. En 1963, la chanson n’occupait pas la place qu’elle occupe à présent, dans le fond sonore et l’air du temps, presque idéologique, de l’époque. La chanson, comme le dirait Brel un peu plus tard, c'était encore un art mineur, un art du coin des rues, et Piaf, avec sa voix inimitable qui me faisait presque peur les rares fois où je l’entendis avant sa mort, charriait jusqu’à nous, grâce à l’industrie du disque, la crapuleuse aura des faubourgs d’avant-guerre : elle ne roulait plus les r comme Fréhel, Damia ou Arletty, mais provenait du même temps et du même lieu qu'elles. Et il me semble à présent que les disparitions presque concomitantes en ce moment de mes huit ans de Piaf, Jean XXIII et Kennedy, si hasardeux que pût de premier abord paraître cet attelage, ont signé l’extinction définitive du monde où avaient été jeunes les quelques adultes qui m'entouraient alors, pour ouvrir la porte à un autre : tous trois, comme des mythes fondateurs d’une sorte d'arrêt brutal, en tout cas de duperie dans la transmission. Bientôt, ceux qu’on appellerait les soixante-huitards se lèveraient, encombrant d’eux-mêmes et de leur multitude les 819 lignes du poste de télé : né trop tard pour avoir goûté l’ancienne société, bien trop jeune aussi pour leur appartenir, j’allais devenir le témoin perplexe de leurs agissements. Et l'empereur Claude, dans tout ça ? Aux Beatles qui déjà pointaient le bout de leurs rêves à deux sous, je préférais déjà le boui-boui de l'Accordéoniste :
14:14 Publié dans La table de Claude | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : edith piaf, littérature, table de claude |
lundi, 05 juillet 2010
Le canard déchaîné
Avec tout le boulot accompli ce dernier mois (Boutin, Blanc, Joyandet), on ne peut que souhaiter au malicieux reporter en noeud pap' et galurin, qui n'a jamais oublié de regarder sur sa gauche comme sur sa droite avant de traverser l'autoroute, un délicieux anniversaire.
01:07 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : presse, politique, canard enchaïné, actualité, france, informations |