mardi, 14 juin 2011
La gôche Péhesse
J’entends Elisabeth Guigou déclarer ce matin sur une chaine de télé qu’elle soutiendra Martine Aubry, si cette dernière se présente, parce qu’elle :
· A le sens de l’amitié
· A su rassembler le PS et, dit-elle en clignant de l’œil, ce n’était pas facile.
· Saura rassembler la gauche
· Saura parler aux Français
C’est tout ? C’est tout.
Martine parlera. Elle parle déjà. Comme tous les siens, elle sait que la politique, c’est un discours : J'en veux pour preuve celui de Villepin, sur une autre chaîne, face à Bourdin : "Sarkozy ne parle pas suffisamment aux Français. On a besoin d'une parole". Mais qu'ont-ils, tous, à croire qu'on a besoin de bouffer leur verbe ?
Martine serait donc une bonne maman républicaine. Après Tonton le lettré, Maman, la parleuse. Le socialisme deuxième ou troisième génération, plébiscité avec humour par Chirac, serait ainsi de déclamer de bons principes à longueur de plateaux télé, de colonnes de journaux, jouer la messe laïque, blablater. Je connais des gens, encore juste assez mais pas plus que ça touchés par les effets de la crise européenne et mondiale, encore capables de ne se contenter que de symboles, à qui ça suffira. Une image de soi convenable, rassurante, professorale ; un anti-discours contraire à celui que la presse et les medias ont construit au président Sarkozy. Et hop, je pose mon cul sur le strapontin. Le tour est joué. Relire Bernays.
Et après ?
Ma dentiste me rappelait un jour que c’est elle qui, ministre du travail, avait, dans un éclair de réalisme économique, supprimé le remboursement des soins des gencives.
La gôche Aubry, la gôche Péhesse, quoi, tout un programme…
08:12 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : aubry, politique |
dimanche, 12 juin 2011
Les années Chirac
Les années Chirac tentent de reprendre vie dans les bacs des librairies. C’est ce qu’on appelle des mémoires. Quelques-uns sont illustres : Saint-Simon, Chateaubriand, De Gaulle… Le premier a su dépeindre à merveille les intrigues de la Cour et les mesquineries des grands règnes ; le deuxième a su comme nul autre imposer entre deux époques la trace frêle et sublime de son passage ; dans les troubles de son temps, le troisième a su ériger la grandeur de sa statue.
Qu’a su Chirac ? Cet homme médiocre qui a beaucoup trahi (Giscard, Barre, Séguin, l’héritage gaulliste) et qu’on aura en retour beaucoup trahi (Balladur, Pasqua, Sarkozy), aurait pu, dans le motif du retournement de veste et du coup de poignard dans le dos, puiser le ciment et l’épice (c’est-à-dire le contenu et le style) qui font cruellement défaut à son pensum éditorial. Il aurait pu laisser trace vivante des nombreuses ambigüités de son temps, fait de reniements tacticiens, de compromis politiciens et de décomposition des convictions, lui que trois cohabitations et une réélection digne de Pantalon ont placé au centre d'un jeu de chaises aussi pitoyable que carnavalesque. Mais pour ça, il eût fallu qu’il fût un tant soit peu écrivain, un tant soit peu historien. Or cet homme à peine journaliste a le style terne et le contenu insipide. Cela surprendra-t-il grand monde ? Ce qui fait que son bouquin se parcourt tel une gare routière presque déserte au matin, une autoroute privatisée, dans le creux d'un mardi, sous un ciel mi-gris.
Le style, tout d’abord : celui d’un inventaire, ou d’un catalogue. « J’ai vu que, j’ai décidé que, j’ai pensé que… » Pas la moindre mise en scène de soi (ce qui fait l’intérêt du genre), pas d’ironie ni de lyrisme, pas d’exploration de l’être intime ni le moindre point de vue sur l'Histoire, mais une exposition fade et presque fossile de l’ego, orchestré par une abondance d'un je gestionnaire de faits plus que d’actions.
Le seul souci « historique » que Chirac parait avoir dans l’exercice convenu qui consiste à écrire ses mémoires est la volonté d’éliminer les rivaux qui pourraient lui jeter de l’ombre dans son propre camp. Aux Giscard « aigri et prétentieux », Balladur « calculateur froid » du tome 1 répond à présent le Sarkozy « nerveux, impétueux » du tome 2. Glissé entre un Mitterrand qu’il oint d’un sentencieux et suspect respect (celui qu'on doit aux vieillards ?), un Le Pen devant qui il cherche à faire figure d’honorable et ferme gentil, et le cadet Sarkozy dont il savonne la planche sans même la moindre espièglerie, ce piètre président tente de se forger une place. Il laisse entendre qu’au fond, le plus honnête et le moins pourri dans son camp, le plus « normal » (pour paraphraser celui en qui il parait avoir trouvé son clone corrézien) et le seul valable (hormis Juppé, persiste-t-il), serait lui. Sa pomme. Ce personnage qu’il donne à lire se présente au final pour ce qu’il fut : un président par défaut. Cela explique-t-il sa médiatique et républicaine boutade de faux soutien au candidat par défaut que tente d'être à présent François Hollande ? Du marketing ! On attendait autre chose, en tous cas, de celui qui fut, dans l'ombre des partis, le plus redoutable casseur de droite de son temps.
Pour ce qui est du contenu, ni secret ni révélation. Pas une ligne sur l’actualité judiciaire, bien évidemment. Les trois événements majeurs qu’auront été la dissolution, la non-participation à la guerre d’Irak et le fameux autant que fumeux 21 avril, sont traités sur le mode mineur du témoin privilégié qui, dans sa déposition, répète ce que la presse avait déjà dit. Conséquence d’un tel vide : les commentateurs, on les comprend, ne retiennent finalement que les remarques acerbes contre son successeur : mais surfer sur un « anti-sarkozisme » vaguement revanchard, comme n’importe quel chroniqueur, c’est n’exister que dans l’air du temps volage, le persiflage politicien, exister -une fois de plus- a contrario. Piètre projet, piètre ambition. Voilà pourquoi, après une bonne heure et quelques minutes passées à traverser cet ouvrage de circonstance sur un fauteuil rosâtre de Virgin Megastore, je l’ai finalement reposé sur la pile. Au pouvoir, son auteur fut-il jamais autre chose que ça : le mari de Bernadette dont un musée, en Corrèze, conservera seul la trace ?
19:26 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : chirac, politique, édition |
samedi, 11 juin 2011
Le clip de la honte
Les Hospices civils de Lyon, qui ont récemment 1) supprimé les primes de nuit des infirmiers/infirmières 2) décidé de transformer (avec l'appui de leur président Gérard Collomb, maire de Lyon), le fleuron patrimonial de la ville en hôtel de luxe (voir ICI), viennent de claquer 13 000 euros dans la réalisation de ce clip ridicule. Il s'agit d'embaucher une cinquantaine d'infirmiers. 119 volontaires ont participé à la réalisation. La DRH de l'hôpital affirme s'être inspiré du buzz provoqué par l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal en 2008. Les 13.000 euros proviennent du plan de formation des contrats locaux de d'amélioration des conditions de travail des HCL. On croit rêver. Me demande combien le chanteur Grégoire touche de droits dans cette honteuse falsification...
10:48 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : edouard herriot, gérard collomb, hcl, politique, lyon, hopital, médecine |
mardi, 07 juin 2011
La fortune du peintre
Où s’épuise la fortune du peintre…
Dans un méli-mélo tragi-comique, digne d’un mauvais Zola. Un méli-mélo qui demeure à écrire, et qu’on situerait entre L’Œuvre, La Curée et son Excellence Eugène Rougon. Politique, sexe, gloire et pognon, New-York et la place des Vosges, tous les ingrédients du roman de gare sont réunis et la distribution est presque à jour : Anne Sinclair dans le rôle assez risible de la sainte milliardaire ou de la cocue magnifique, DSK dans celui du politicien libidineux ou de l’affligé repentant, Nafissatou Diallo dans un troisième qui reste à écrire et dont je crains qu’il finisse par être celui du bouc-émissaire. Sans côté la horde des avocats roués, de journalistes à l’affût, du PS en campagne, du téléspectateur blasé…
Le peintre, dans tout ça ? Il fait office d’alibi culturel, d’ancêtre glorieux, de gage de sérieux.
Portrait de Madame Rosenberg et sa fille, daté de 1918. Portrait dans la pure tradition des portraits de cour, un portrait de commande, du peintre à son galeriste. Offert par Anne Sinclair au musée Picasso à l'occasion de son entrée dans le conseil d'administration en 2010.
12:42 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : politique, scandale dsk |
samedi, 04 juin 2011
L'hulot gaffeur
Le journal le Monde affirme que c’est une boulette. En bonne maîtresse d’école, Eva Joly fait les gros yeux à Nicolas Hulot, l’amateur qui vient d’assurer un peu vite qu’il aurait envisagé un tandem avec Borloo : « Borloo, le meilleur élève de Sarkozy. Il faut en politique, savoir distinguer ses alliés de ses adversaires », renchérit la dame aux yeux bleus et à l’accent scandinave. Le plus drôle vient de Jean-Vincent Placé), disant à propos de Hulot : « C’est un centriste qui n’a aucune culture de gauche »
Là, je dois remercier cet illustre inconnu, qui est, paraît-il, le bras droit de la zézayante Cécile Duflot. Car il me permet de comprendre un peu plus pourquoi, si les gens de droite m’indiffèrent, ceux de gauche m’exaspèrent vraiment. Peut-être parce que cette prétendue culture de gauche, qui exista indéniablement et de quelle façon du temps de la Guerre Froide, est devenue ce salmigondis d’anti-mondialisme, d’anti totalitarisme, d’anti-racisme, d’anti-lepénisme, d’anti-sarkozisme, d’anti-catholicisme, d’anti-nucléaire, bref, un entre-soi qui n'est bâti que de l’anti, mâtiné d’une nostalgie jospiniste ou tontonphile, et de l’idée que tout étant égal à tout, tout se vaut. En gros, dit Placé, il n’a pas notre culture, il n’est pas des nôtres. Voire il n'est pas normal. Que voilà un beau discours de gôche ! Je crois que Hulot n’a pas fini de regretter le bon temps d’Ushuaia !
Ce discours d’une extrême tolérance et d'une intelligence vive, je le reconnais, cela dit, tel que je l’ai vu fleurir au sein de partis ou de syndicats divers, se revendiquant toujours de cette gauche. Il est la raison même de mon désengagement ou si l'on veut de mon contre-engagement.
Comme je l’ai écrit sous l’excellent billet de Nauher (lire ICI) d’aujourd’hui consacré à Marine Le Pen, «Ce qui serait drôle, c'est que le deuxième tour oppose Sarkozy et Le Pen. Imaginez tous les anti-sarkozistes et les gens "normaux" du PS contraints d'aller, après avoir voté Chirac autrefois, voter pour le petit Nicolas. Vrai. Moi qui ne me rends plus non plus dans les bureaux de vote, j'irai ce jour-là rien que pour les prendre en photos ! »
15:37 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, nicolas hulot, eva joly |
vendredi, 03 juin 2011
Escherichia coli
Une bactérie tueuse, c’est ainsi qu’on commence à la nommer, est en train d’écrire par toute l’Europe un véritable scénario à la Hergé, avec à la clé une psychose dans la population, des milliards d’euros envolés pour des milliers d'exploitants agricoles, et des incidents diplomatiques à rallonge entre Madrid et Berlin d'une part, Moscou et le reste de l’Europe d'autre part, à la suite de l’affaire rocambolesque du concombre masqué. La bactérie mystérieuse porte un nom barbare, qui pourrait tout autant être celui d’une tulipe ou d’une libellule : Escherichia coli.
Ce qui frappe l’esprit, dans cette affaire, c’est la disproportion entre la mort, certes tragique, de quelques individus -pas même encore une vingtaine - et l’inquiétude grandissante des masses, amplifiée de jour en jour par le retentissement médiatique. Même contraste que dans l’affaire DSK, où le drame vécu par deux individus a fini par polluer de façon irrationnelle la conscience de millions d’Occidentaux. Phénomène de la vitesse, de l’anticipation par l’imaginaire, de la contamination ; d’une sorte de vie – et de mort – par procuration ou plutôt par images interposées. La société du crime, écrivit un jour Christian Carle. Une société par laquelle toute perception du Réel à l’échelle individuelle est devenue de plus en plus problématique, tant ce qu'il y a à penser échappe aux limites de la raison individuelle, tandis que les goûts, les peurs, les opinions s’éprouvent et s’expérimentent de manière impérieusement collective et de plus en plus fascisante.
Tel n’est-il pas le sens, non plus, de ces rassemblements festifs, apéro géant à Nantes ou Nuits sonores à Lyon, encouragés par des municipalités complaisantes, qui envahissent l’espace public et privé des individus pour imposer le seul divertissement collectif, lieu d’hébétude alcoolisée où ne s’engendrent là encore que des comportements mimétiques, aliénants, et des modes de pensée collectifs ?
« Les gens de nulle part », les appelaient Philippe Muray, ceux qui « habitent le nouveau monde, ne savent pas où ils vivent, ni ce qu’ils font, et se glorifient de ne pas savoir d’où ils viennent ». Outre-Rhin, et cette information me laisse songeur, des scientifiques se demandent si la bactérie tueuse, celle qui résiste à toutes les antibiotiques, ne provient pas du sol...
07:16 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : escherichia coli, politique, nuits sonores de lyon, philippe muray, dsk, société du crime |
vendredi, 27 mai 2011
Spéléo médicale et mendicité
Hier après-midi, à l’hôpital, me suis payé bien malgré moi une petite séance de techno-spéléo à l’intérieur d’un étroit tube blanc. Une demi-heure coincé là-dedans sans bouger le moindre orteil, dans un tohu-bohu incessant. J’ai eu le temps de me réciter deux fois la tirade de Chrysale des Femmes Savantes (« C’est à vous que je parle, ma sœur… ») qu’une prof de français comme on n’en fait plus nous avait fait apprendre en classe de cinquième (ça date pas d’hier !). Une page entière du fragment « Thalia » d’Hypérion (« Et comment des mots auraient-ils apaisé la soif de mon âme… »), apprise cette fois-ci pour un spectacle monté en 1985… Rien ne se perd, décidément, et l’imagerie médicale, ça ramone drôlement les méninges : une mémoire intacte.
A moins que ça ne soit ce sacré produit qu’ils foutent dans la viande du dedans pour faire contraste, comme ils disent. En tous cas, avec tous les textes que j’ai appris jadis, je me suis tenu en bonne compagnie dans leur tube, sans broncher, patient modèle. Comme quoi le théâtre mène à tout. A un moment donné, me sont revenus Le rat et l’huître de La Fontaine et le Grand Chêne de Brassens. Nickel. Le tout entrecoupé de Inspirez, bloquez. Inspirez, bloquez, pour ponctuer le spectacle.
Quand le spectacle a été fini, le cathéter retiré, le pantalon renfilé, suis resté un moment sur cette large terrasse aérée où j’allais me promener chaque soir il y encore quelques jours. Des types se baladaient en chemise ouverte dans le dos et sur-chausses, traînant leurs pieds à perfusion. Curieux comme on passe d’un état à un autre. Il y a là de très grands malades, qui ne sortiront plus. Je me demande s’ils « tiennent » par leur volonté, ou par celle de la médecine, tant ils sont pris en charge depuis longtemps, remis, soumis à ce temps qui dure, devenus un cas entre les mains d’experts. Le pire comme le meilleur, ici.
Hier, sur la place de la Croix-Rousse, j’ai aperçu de loin, sur un banc, un homme qui était mon voisin de service hospitalier il y a peu. Avec lui, je n’avais échangé que quelques mots, mais quelles paroles, puisque nous avions commencé à marcher à nouveau au même moment ; on s’encourageait du regard en se croisant, « c’est bon pour le moral ». Ça m’a vraiment troublé parce que, là, sur cette place, le voilà assis en train de faire la manche au soleil avec une casquette posée devant lui, l’air intériorisé. Remis apparemment, lui aussi. Je m’attendais si peu à le trouver là, dans cette situation de surplus, que je n’ai su quoi dire ni quoi faire. J’avais dans la poche un billet de 20 euros et une pièce de 2 euros. C’est idiot, mais je me suis vu lui donner ni l’un ni l’autre, comme si ça me dérangeait que nous ne soyons soudain plus du même bord après avoir connu le même sort, et sans avoir non plus pris le temps de sympathiser assez. Bref. Ne sachant plus quelle attitude adopter, je me suis honteusement dérobé. Le « monde », qui refait son effet.
Tout ça me semble être en effet un reflet assez minutieux de l’irréalité dans laquelle la société européenne et sa schizophrénie latente nous plonge sans égards. Inégalité des conditions, égalité des sorts. Valeurs proclamés, comportements tenus. Va et vient. Face et pile. C’est sans doute pour ça que, contre toute décence commune (au sens le plus orwellien du terme) la situation du politicard Strauss-Kahn « émeut » des gens pourtant en apparence sensés, qui le plaindraient presque, dans son 630 m2. Un monde, disait Shakespeare, sorti de ses gonds. Et qui n'y est jamais retourné depuis...
09:41 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : irm, médecine, société, croix-rousse, politique, littérature, théâtre |
jeudi, 26 mai 2011
Un président normal et un patient illustre
1. Un président normal, c’est un président qui :
- - Paye ses factures d’électricité comme De Gaulle
- - Appelle sa femme Bibiche dans l’intimité comme Pompidou
- - Joue de l’accordéon comme Giscard d’Estaing
- - Reste chébran jusqu’au dernier jour comme Mitterrand
- - Flatte le cul des vaches comme Chirac
- - Fait son jogging régulièrement comme Sarkozy
- - Ou son barbecue comme Obama
2. Le dernier candidat prétendant incarner le Français moyen et souhaitant être un président normal que j’ai connu s’appelle Marcel Barbu (voir photo ci-dessous) . Il a obtenu 279 685 voix en 1965, soit 1,15% de l’électorat de l’époque. A cette élection, De Gaulle avait rassemblé presque 11 millions de voix dès le premier tour.
3. Si le fils Hollande atteint sa majorité politicienne en 2017, et si nous ne sommes pas tous morts à cette date-là, on aura peut-être une chance de le voir se présenter, après sa mère et après son père à la magistrature dite suprême. Il est des obsessions purement familiales.
4. Finalement, je regrette le septennat. On nous faisait chier avec les campagnes, précampagnes et autres, d’une façon beaucoup plus espacée. Le storry-telling, depuis que le personnel politique (spécialement de gauche), est devenu si médiocre, demeure l’unique manière d’alerter et de fidéliser l’électeur durant de longs mois. Un peu comme le feuilleton radiophonique d’antan.
5. De tout ça, y compris de l’affaire DSK (a-t-il bien fait son caca aujourd’hui ?), on ne parlera assurément plus du tout d’ici peu de temps. C’est ce qui tient lieu et place des « ragots de Cour » dont Saint-Simon emplit plusieurs tomes en son temps.
6. Un homme de 82 ans m’a expliqué hier qu’en s’y prenant à trois fois, on avait fini par lui extraire une tumeur cancéreuse de la vessie de 3cm de diamètre, en passant par les orifices naturels. Voilà qui laisserait songeur, je crois, le duc de Saint-Simon, toujours avide de potins médicaux.
7 J’ai ressorti mon vieux Montaigne (l’édition de Pierre Villey aux PUF), et trouvé de prime abord, avec grand étonnement - qu’il sentait encore le tabac. Je fumais beaucoup, la première fois que je l’ai lu. Différence fondamentale avec les pages virtuelles du livre numérique, dont on nous fait grand cas : ces pages là seront incapables de conserver de telles odeurs. Ni les remarques en marge. Ni les empreintes, ni les taches de chocolat…
8. Montaigne et les médecins, Montaigne et sa gravelle : « Il n’y a que les fols qui se laissent persuader que ce corps dur et massif (il parle de la pierre) qui se cuit en nos rognons se puisse dissoudre par breuvages ; par quoi, depuis qu’il est ébranlé, il n’est que de lui donner passage ; aussi bien le prendra-t-il »
9 Voilà pour faire écho à ce que me disait mon vieillard d’hier. Laissons à Montaigne, le patient le plus illustre qui fut, le soin de conclure « Mais tu ne meurs pas de ce que tu es malade : tu meurs de ce que tu es vivant. »
14:39 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : montaigne, marcel barbu, françois hollande, politique, gravelle, littérature, essais |
lundi, 23 mai 2011
Laplaper
Achèvement brusque de l’aube : déjà moite, comme l’aurait décrété ce vilain mai-ci. En mastiquant une chips rance, il reluqua d’un œil morne la salopette bleue de la journaliste de LCI. Un tsunami japonais, un printemps arabe, une guerre civile ivoirienne, des frappes en Lybie, un Ben Laden à la mer, un Stauss-Kahn au placard, à présent la Palme d’or, and so, and so…
Ma vie, pensait-il, ma vie… Quelle info décisive, pour captiver vif un jour neuf, un jour de plus de sa vie ? Pour avaler le défilé d’une autre semaine, le cortège de tout un mois, tout l’an. Jusqu’à quand, tout l’an ?
Au 71 Broadway Street, la fortune d’Anne Sinclair, la quéquette de Dominique ? Las, déjà, de leurs frasques, pas dignes même d’un Second Empire. S’en ficher d’eux, comme ils s’en foutent bien de nos pommes, la bonne consigne.
Fifille Aubry récitant « que la France souffre », « que la politique n’est pas une carrière » et « qu’elle prendra ses responsabilités » ? Telle son Delors de père jadis, 94, les responsabilités en héritage, déjà l’autre siècle.
Ce que ça tourne, dis, ce que ça tourne. Tu ne dis rien ?
Un volcan au nom imprononçable, vomissant un panache de cendres ? On ne décroche pas de l’écorce terrestre comme ça, décidément. Craque d’un côté, crache de l’autre. Vrombit. Un nuage islandais, déjà l’an dernier. Et celui de Fukushima, combien de fois silencieux, circulé sur leurs têtes, en boucle, depuis ? Disent plus.
A Madrid, les djeunes campant à leur tour sur une place, tels ceux de Tunis et du Caire quelques semaines auparavant ? Bon courage, les Ibères ! Plus frondeurs que les Grecs ? Serait suffisant pour enflammer l’Europe consumériste, ces campements ? Voire… L’homme, un animal simplement mimétique. Comme des chats, se méfier.
Tandis que, les résultats de Cannes déclamés, l’écran se passionne pour ceux de Roland Garros… Ah, ah ! Noah, leur personnalité encore préférée combien d’années après ! Pfff… Même le regard bleu batracien de Jean Michel Aulas, ne comprenant pas pourquoi les virages étaient si durs avec Claude Puel à Gerland, ne le déridait plus. Même plus : à cet instant précis, tout juste songeait-il que Picard, c’est bien meilleur que Carte d’Or pour la glace au chocolat, mais que rien ne vaut quand même Häagen Dazs. L’Europe glacée.
Maintenant, un bon café.
Son regard chuta en plein dans la litière du chat, tout sauf nickel. Une grosse crotte parmi les grains blancs et bleus. Il fendit sèchement un brin de sopalin, s’accroupit pour ramasser l’excrément du félin gris dansant la queue raide, d’un coussin sur l’autre. Lui jaillit en mémoire le commencement de la deuxième partie d’Ulysse, ce dialogue entre Bloom et sa chatte pour une affaire de rognons ou de bol de lait. A la vitesse de l’embolie. Qui disait quoi, déjà ? Chercher le volume au bureau.
Dans la traduction de Larbaud, un néologisme afin d’exprimer au mieux le son de la langue d’un chat à la surface du liquide ; ça y est : « il l’écoutait laplaper». Un peu de ça à la télé, le laplap du sur-monde. Ou du sous. Du para-monde. Pas d’ici, en tous cas. Evénements défilants, qu’on finit forcément par remiser aux chiottes de l’oubli, pourquoi tant regardés ? Comme ça, se dit-il, laissant glisser la merde dure du chat dans la cuvette.
Cela fit un petit ploc, un ploc sourd, que le vacarme de la chasse engloutit.
Une histoire de viol, n’en avait-il pas entendu causer il y a de ça peu, dans le quartier de la Part-Dieu ? Une gamine que de sales collégiens avaient contrainte à plusieurs fellations non loin de la gare, à deux pas du trafic. Sous des escaliers en béton. Caillera, se répétait-il en trainant les sandales sur les tomettes du corridor, le président du FMI comme ces mômes de banlieues. La société caillera. Pas les mêmes moyens, non plus. Pas le même retentissement. Ni la même éducation, sûr ! Mais la même échelle. Morrouark, susurrerait le chat. Des crottes.
Quel sens, ces étages ou ces degrés, d’un événement, d’une petite phrase, d’un fait-divers à un autre ? Du local à l’international, comme à la carte, quel sens, leur hiérarchie, ces strates disposées d’infos, de monsieur Tout l’Monde à monsieur Plus Personne, quand les faits et les hommes qui les commettent appartiennent au même Réel, bien dense, bien compact ? Ce monde, qu’il découvrait par ses fenêtres, et qui débute tout le temps au ras de l’asphalte, cette place faite de certains bancs, certains platanes, sur laquelle trainaient quelques badauds, et que la vue étirait par-delà les laides banlieues jusqu’au loin, vers les Alpes… Se forcer à les admirer, les sommets, tenir le coup, bon sang ? Là-bas, de l’oxygène ! Ouf, pleines narines ! Mais du danger, conséquemment, oui, des crevasses, des pentes à gravir. Avalanches. Insolations. Vertige. La nature, d’avant l’environnement, le monde d’avant Hulot. Depuis Neandertal, les siècles filés sur la prudente horloge des ancêtres. Bigrement, pour ses pauvres épaules civilisées.
Epaules basses, il se fit la réflexion qu’il préférait passer la journée sur un crapaud au salon. A relire quelque Maigret. Trop tôt pour le courrier, tout ça - des prospectus ou des factures -, attendrait bien jusqu’au lendemain. Il décida de ne risquer que quelques pas sur le gravillon, maigres parmi ceux des autres, le long de la place décidément trop tôt caniculaire.
08:37 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, politique, 71 broadway street, martine aubry, roland garros, cannes, häagen dazs, ulysse |