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jeudi, 02 février 2012

James Joyce a 130 ans

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A la main. Pas encore, l'ordi. Pas encore. Le papier se gratte. Faut que ça crisse. Traits, tracés, lettres. Partir et revenir. Bruire. C’est aujourd’hui l’anniversaire de Joyce. L’ aurait 130 ans. Des pleins et des déliés. 130. Bigre, le bougre.

130 ans ! Il y a peu, Le Figaro titrait : « Vivre 130 ans, l’incroyable révolution de la science ». Assembler ses molécules comme des legos. Régénérer les organes. Hop là ! Tripatouiller le dedans. Laboratoires sans fin. Dans leur folie démocratique, les scientifiques de mes deux déclarent « abolir les inégalités génétiques ». Finirai par plus adhérer du tout à l’égalité si ça continue. Sauver ses gènes de leur sans-gène.  L'égalité à tout prix. Envers et contre tous. Jusque dans la programmation céleste. La ruche sans issue. Pour tous, en plus… Pouarkkrr…. De quoi vous  dégouter, si le spectacle de leur propagande électorale ne l’avait déjà fait. Pour de bon. Sarkozy déplumé. Hollande enfariné. Pitres pour des pitres. Jamais d'honneur, là-dedans. Jamais.

130 ans, c’est Jeanne Calment + 8. Mais Jeanne n’a laissé aucun écrit. Nothing, nada. Oubliée, la Calment. S'est laissée séchée paresseuse. Dans le trou, à présent. Comme tout le monde. Le trou, la tombe, la fin du voyage. C’est le point crucial. Le point où convergent toutes les lignes de Joyce. Le point de création, d’où tout sort, aussi. Ithaque la pure. Le cœur qui bat, la tombe. « Un  type pourrait vivre dans son coin tout seul toute sa vie. Oui, il pourrait. Mais tout de même il aurait besoin de quelqu’un pour le descendre dans le trou qu’il aura pu creuser lui-même » Ça aussi, ça sort d’Ulysse. Page 162. Collection folio, tome 1.

C’est tout le contraire de ce qu’ils disent, les scientifiques, les politiques, les chiens de garde. Vive la mort ! Sans mort, pas de solidarité. Pas de talent. James Joyce a eu 130 ans tout seul. Comme un grand. Un très Grand même. A force de gratter sa plume. A la poigne de la rature. Comme un vieux merle. Du dandysme, là-dedans. Pas peur de son élitisme. De sa morgue. En a fait quelque chose, lui.

Nous quittons tous la maison paternelle comme le fit Stephen, pour chercher infortune. « Peut-être pourriez vous y retourner », suggère Bloom, dans l'Abri du Cocher. La taverne, tout est là. Suggestion de l'impossible retour. Retour, quand même : « Il revient  après toute une vie d’absence à ce point du monde où il est né, où il fut toujours, jeune ou vieux, un témoin silencieux, et là, son voyage terminé, il pante son murier. Et meurt. La séance est levée.»

130. Le bon âge des patriarches : «Le nombre de mes années de migrations est de cent trente. Les jours de ma vie ont été peu nombreux et mauvais et je n'atteindrai pas le nombre des années qu'ont duré les migrations de mes ancêtres. », se plaint Jacob à Pharaon. Durer et puis durer. Dieu s'endure. Pas tous capables de tenir. Pas tous. Et Ulysse, combien ? Qui me dira l'âge d'Ulysse au dernier instant ? 

Lira-t-on encore Joyce dans 130 ans ?  Demander, interroger, mener l’enquête autour de soi, sondages Ipsos, Sofres, Opinion Way : qui a lu Ulysse d’un seul trait ? Sondez, sondez voir, pour voir. Et Finnegans ? Qui s’est tapé Finnegans ? Les Morts, à la limite. Huston au secours. La pellicule, plus la page. Triche. Mais qui s’est tapé Finnegans sans ciller ? Moi pas. Moi pas pu. Qu’importe ! A partir de quand un écrivain survit-il à sa disparition physique ? Je veux dire, à partir de combien de lecteurs, pour exister, grand âge ? Chêne qu'on n'abbat plus. Combien longtemps ? Comme le descendre dans son trou, tout ça, tout pareil. Lire, descendre dans ses mots. L’enrober Pastiche. Dure encore. Dure encore, aujourd’hui. Un feuillet de lui, là-haut. Fortiche.

Aujourd’hui, James Joyce aurait 130 ans. Aujourd’hui, James Joyce a cent trente ans. 

00:00 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature, james joyce, 130 ans, ulysse | | |

lundi, 23 mai 2011

Laplaper

Achèvement brusque de l’aube : déjà moite, comme l’aurait décrété ce vilain mai-ci. En mastiquant une chips rance, il reluqua d’un œil morne la salopette bleue de la journaliste de LCI. Un tsunami japonais, un printemps arabe, une guerre civile ivoirienne, des frappes en Lybie, un Ben Laden à la mer, un Stauss-Kahn au placard, à présent la Palme d’or, and so, and so 

Ma vie, pensait-il, ma vie… Quelle info décisive, pour captiver vif un jour neuf, un jour de plus de sa vie ? Pour avaler le défilé d’une autre semaine, le cortège de tout un mois, tout l’an. Jusqu’à quand, tout l’an ?

 Au 71 Broadway Street, la fortune d’Anne Sinclair, la quéquette de Dominique ? Las, déjà, de leurs frasques, pas dignes même d’un Second Empire. S’en ficher d’eux, comme ils s’en foutent bien de nos pommes, la bonne consigne.

Fifille Aubry récitant « que la France souffre », « que la politique n’est pas une carrière » et « qu’elle prendra ses responsabilités » ? Telle son Delors de père jadis, 94, les responsabilités en héritage, déjà l’autre siècle.

Ce que ça tourne, dis, ce que ça tourne. Tu ne dis rien ?

Un volcan au nom imprononçable, vomissant un panache de cendres ? On ne décroche pas de l’écorce terrestre comme ça, décidément. Craque d’un côté, crache de l’autre. Vrombit. Un nuage islandais, déjà l’an dernier. Et celui de Fukushima, combien de fois silencieux, circulé sur leurs têtes, en boucle, depuis ? Disent plus.

A Madrid, les djeunes campant à leur tour sur une place, tels ceux de Tunis et du Caire quelques semaines auparavant ? Bon courage, les Ibère! Plus frondeurs que les Grecs ? Serait suffisant pour enflammer l’Europe consumériste, ces campements ? Voire… L’homme, un animal simplement mimétique. Comme des chats, se méfier.

Tandis que, les résultats de Cannes déclamés, l’écran se passionne pour ceux de Roland Garros… Ah, ah ! Noah, leur personnalité encore préférée combien d’années après ! Pfff… Même le regard bleu batracien de Jean Michel Aulas, ne comprenant pas pourquoi les virages étaient si durs avec Claude Puel à Gerland, ne le déridait plus. Même plus : à cet instant précis, tout juste songeait-il  que Picard, c’est bien meilleur que Carte d’Or pour la glace au chocolat, mais que rien ne vaut quand même Häagen Dazs. L’Europe glacée.

Maintenant,  un bon café.

Son regard chuta en plein dans la litière du chat, tout sauf nickel. Une grosse crotte parmi les grains blancs et bleus. Il fendit sèchement un brin de sopalin, s’accroupit pour ramasser l’excrément du félin gris dansant la queue raide, d’un coussin sur l’autre. Lui jaillit en mémoire le commencement de la deuxième partie d’Ulysse, ce dialogue entre Bloom et sa chatte pour une affaire de rognons ou de bol de lait. A la vitesse de l’embolie. Qui disait quoi, déjà ? Chercher le volume au bureau.

Dans la traduction de Larbaud, un néologisme afin d’exprimer au mieux le son de la langue d’un chat à la surface du liquide ; ça y est : « il l’écoutait laplaper». Un peu de ça à la télé, le laplap du sur-monde. Ou du sous. Du para-monde. Pas d’ici, en tous cas. Evénements défilants, qu’on finit forcément par remiser aux chiottes de l’oubli, pourquoi tant regardés ? Comme ça, se dit-il, laissant glisser la merde dure du chat dans la cuvette.

Cela fit un petit ploc, un ploc sourd, que le vacarme de la chasse engloutit.

Une histoire de viol, n’en avait-il  pas entendu causer il y a de ça peu, dans le quartier de la Part-Dieu ? Une gamine que de sales collégiens avaient contrainte à plusieurs fellations non loin de la gare, à deux pas du trafic. Sous des escaliers en béton. Caillera, se répétait-il en trainant les sandales sur les tomettes du corridor, le président du FMI comme ces mômes de banlieues. La société caillera. Pas les mêmes moyens, non plus. Pas le même retentissement.  Ni la même éducation, sûr ! Mais la même échelle. Morrouark, susurrerait le chat. Des crottes.

Quel sens, ces étages ou ces degrés, d’un événement, d’une petite phrase, d’un fait-divers à un autre ? Du local à l’international, comme à la carte, quel sens, leur hiérarchie, ces strates disposées d’infos, de monsieur Tout l’Monde à monsieur Plus Personne, quand les faits et les hommes qui les commettent appartiennent au même Réel, bien dense, bien compact ? Ce monde, qu’il découvrait par ses fenêtres, et qui débute tout le temps au ras de l’asphalte, cette place faite de certains bancs, certains platanes, sur laquelle trainaient quelques badauds, et que la vue étirait par-delà les laides banlieues jusqu’au loin, vers les Alpes… Se forcer à les admirer, les sommets, tenir le coup, bon sang ? Là-bas, de l’oxygène ! Ouf, pleines narines ! Mais du danger, conséquemment, oui, des crevasses, des pentes à gravir. Avalanches. Insolations. Vertige. La nature, d’avant l’environnement, le monde d’avant Hulot. Depuis Neandertal, les siècles filés sur la prudente horloge des ancêtres. Bigrement, pour ses pauvres épaules civilisées.

Epaules basses, il se fit la réflexion qu’il préférait passer la journée sur un crapaud au salon. A relire quelque Maigret. Trop tôt pour le courrier, tout ça - des prospectus ou des factures -, attendrait bien jusqu’au lendemain. Il décida de ne risquer que quelques pas sur le gravillon, maigres parmi ceux des autres, le long de la place décidément trop tôt caniculaire. 

mardi, 16 juin 2009

Ulysse a 105 ans

Très honoré d'apprendre, grâce au toujours attentif et précieux  Monsieur Photon qu'aujourd'hui 16 juin 2009, c'est l'anniversaire de Léopold Bloom !  Pour peu, j'enragerais d'être né d'hier, tiens !  Vous vous rendez compte un peu ? Naître un 16 juin ? Naître le jour qu'Ulysse déambula fictivement dans Dublin ? Y'a de quoi plus savoir où on habite, non ? Car c'est bien le 16 juin 1904, il y a tout juste cent-cinq ans, que Léopold Bloom, à la page 81 de mon édition (c'est en folio) se lève et commence sa journée. Alors pour fêter ça, on devrait tous marcher dans la ville où on habite, un exemplaire à la main, et se la refaire à nouveau, cette journée de mille pages : 1000 pages !  vraiment, quel "moderne" ou "post-moderne", quel "avant-gardiste" ou quel "nouveau romancier" des années cinquante fit mieux que James Joyce ? De pâles brouillons, à côté de cette radicale remise en cause de la narration. De ce système d’échos, de phrase en phrase, toujours juste, et tellement significatif : Ulysse, c’est un univers.

Pour preuve, deux débuts de chapitres, deux débuts d'une même journée : celle de Dedalus (première partie), celle de Bloom (deuxième partie): le fils, le père, Ulysse, Télémaque…

« - Majestueux et dodu, Buck Mulligan parut en haut des marches, porteur d'un bol mousseux sur lequel reposaient en croix rasoir et glace à main. » (Dédalus le considère avec froideur)

« - M Léopold Bloom se nourrissait avec délectation des organes des mammifères et des oiseaux

Mettez les deux en relation, la croix qu'on contemple (ici faite d'ustensiles prosaïques) et les entrailles dont on se nourrit (rognons, gésier, tranches de foie...), et ce système d'échos ensorcelant, dont aucun lecteur n'est à ma connaissance sorti  indemne, commence, et vous obtenez déjà un début de retrouvailles, c'est à dire de sens, entre les deux.

J’ai lu Ulysse durant plusieurs nuits, des nuits interminablement denses, il y a longtemps, alors que je travaillais à l’hôpital. Lyon, Dublin, où habitais-je alors ? Lug est celte, d'ailleurs, Lug d'où jaillit la capitale des Gaules. Je me souviens qu'alors je voulais être écrivain, que cela seul comptait, que partout où je passais, l’usine, le bureau, l’hôpital, l’atelier,  il me semblait que j’étais, et si insouciamment, en repérage. Et voilà que tout à coup, quelqu’un était soudain devant moi, dressé. Un maître. Pas un petit maître. A jamais devant moi, je lisais ce roman de ce type qui était déjà mort, de cet ainé irrémédiable, et je verrai ce dos qui marcherait devant moi, et j’aimais ce type, ce maître, et je le détestais de m’avoir, comme ça, coupé l’herbe sous l’pied. C’était James Joyce. Genre de rencontre dont on se remet mal, fort mal, je vous assure. On a beau faire son malin ...

 

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09:18 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : ulysse, bloom, 16 juin 1904, james joyce, littérature, lyon, dublin | | |

samedi, 25 octobre 2008

Paroles obscures

Vous trouvez mes paroles obscures ? Mais l'obscurité est dans nos âmes, n'est-ce pas votre avis ?  (J.Joyce, Ulysse)

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22:06 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (28) | Tags : joyce, littérature, clin d'oeil, dublin, ulysse, lacan | | |