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dimanche, 10 avril 2011

Je n'écrirai plus

Fut un temps, la mort d’un petit cave descendu par le milieu en banlieue parisienne méritait soit un silence digne et général, soit un bon polar de Simenon. A présent, dans la société du spectacle, elle ne mérite plus que quelques secondes dans les flashs infos en boucle. Simple faits-divers. Il faut dire qu’on en voit d’autres, tant d’autres. « Un jeune ». On ne s’intéresse plus trop au côté « loubard », dommage : le plus intéressant pourtant, le plus romanesque. On n’essaie plus de comprendre, de renifler d'où ça parfume et d'où ça pue..

« Un jeune », donc. Donc, et plutôt qu’un « cave ». C’est comme ça que l’auraient formulé Audiard et Gabin. « Devant ses parents » : sortons nos mouchoirs, même si on ne sait rien, rien de l’affaire. Rien de l’histoire.

« Il revenait de vacances », dit le commentateur. « Il avait peut-être une dette », lâche un policier. Un cave flingué par le milieu, devant ses vioques et dans son pieu, en rentrant de vacances

Pauvre chou, hein  ? Pas de quoi, pourtant, réveiller un Simenon...

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13:24 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, simenon, fait-divers, seine saint-denis, actualité | | |

samedi, 09 avril 2011

Jeux de maux

Le dénuement du dévouement laisse percer la sainteté à travers chaque pore. Certaines figures en sont ainsi tout éclairées jusqu’à l’heure du dénouement du dévouement. C’est alors qu’en elles, le dévouement au dénuement devient le plus extrême, forçant l’admiration jusqu’au vertige, jusqu’aux Cieux.

Le dénuement du dénouement serait ainsi la mort dans sa matérialité la plus décharnée, la plus strictement physique. L’on imagine ici les gisants médiévaux aux membres plus fluets que brindilles. Cela fait frémir. Soit.

Mais combien pire fait frémir le dénouement du dénuement. Car c'est alors une vie emplie de misères et de maux extrêmes qu'il faut imaginer alors, existence traînée jusqu’à sa fin rendue par contraste presque heureuse, sorte de Deux ex machina venu desserrer l’étau insupportable.  

Dans ce cas de figure,  le dévouement du dénouement, venu rompre l’essor fatal d’un destin sans apprêt, apparaît presque total.

 

 

littérature,poésie,jeux de mots

Caravage, Lazare

11:07 Publié dans Des poèmes, Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, jeux de mots | | |

mercredi, 06 avril 2011

Au soir

Les femmes sont nos maisons

Qui nous quittent un soir

Et nous restons sans toi. 

 

 

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21:55 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature, poésie, soir | | |

dimanche, 03 avril 2011

Abidjan

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La lagune d’Abidjan, lointaine, il est vrai,  à présent,

De la fenêtre de l’hôtel Ivoire ,

Les eaux dormantes vertes, tièdes,  troubles,

De ce palace au luxe flétri, dans l’air moisi de Cocody.

 

Ce Plateau moite m’a toujours fait penser à la France pompidolienne

Qui alignait des gratte-ciel pour faire l’américaine :

Ici, on joue d’un air matois à la Défense

Mais Treichville n’est jamais si lointaine.

 

Dans son damier roulent les jours de marché

Quand les fruits s’y répandent les bus bondés

Non loin des entrepôts, sitôt le soir tombé,

Le cinéma et le reste s’y offrent en plein air.

 

Ici la paix n’est jamais loin de la violence,

Ni la clameur de la couleur et de la peur,

Ni le temps ralenti du lendemain surgi,

L’engourdissement,  prélude à l’éclat de vie.

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21:46 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : adidjan, littérature, côte d'ivoire | | |

mercredi, 30 mars 2011

Dans ce pays

Je n’aime pas l’euro.

S’il fallait dater la « mélancolie » que je ressens par rapport à une sorte de heimat perdu, c’est de ce maudit passage à l’euro que je le daterais. Bien que joyeux, jovial, je crois avoir toujours eu une nature mélancolique.  Le passé m’a toujours parlé, sous la forme d’épiphanies plus ou moins  fortes. Une tombe moussue dans une forêt des Cévennes, quelques lierres accrochés sur le pisé d’un mur du Beaujolais, un bouquet d’orties sur un chemin de terre, le fracas d’un torrent alpin : je voyais très nettement se lever des fantômes aux gestes brusques, des spectres aux sourires francs…

Les vivants m’ont toujours paru inachevés. Similaires et inachevés. J’aime Nerval, Béraud et Giono, pour leur poésie du pays. Ce qui est enfoui m’importe. Le reste m’indiffère. Les vivants que je croise dans l’autobus me sont plus étrangers, secs et nerveux avec leur air du moment, que les personnages de Sylvie ou ceux de Ciel de Suie.

Avec le passage à l’euro s’est jouée en moi la perte d’un signifié séculaire. Comme si on m'avait volé je ne sais quoi. Cette décision, œuvre de techniciens monétaires et de spéculateurs cyniques fut une grande erreur poétique. Avec la disparition du franc, oui, nous perdîmes un signifié séculaire. Euro : avec quoi ce terme hideux rime-t-il ? De rage, à l’époque, j’avais écrit sur un carnet : avec égos ; avec égaux. C’est le triomphe de la consommation, le triomphe d’une démocratie aussi planétaire qu’insipide, vraiment. Nous ne méritons depuis que des gens comme Sarkozy ou Strauss-Kahn, des hommes de l’euros, insipides et interchangeables.

Le pays a perdu quelque chose de son autonomie fondamentale. .

Je me souviens avoir voté Chevènement en désirant ardemment la chute du fâcheux Jospin, Jospin l’europhile. Ce fameux 21 avril, j’étais très heureux de ne pas retrouver ses lunettes et ses cheveux bouclés au second tour des présidentielles. Exit, lui et toute sa cohorte d’opportunistes. Non que Chirac et sa clique valussent mieux. Deux cohabitations avaient fait de ces hommes et de ces femmes des gens qui n’aimaient plus le pays et travaillaient pour sa dilution. D’ailleurs, quand ils en parlaient, ils disaient : « dans ce pays ».  Ils continuent. Rien que pour ça, je ne voterai plus jamais pour eux

Dans ce pays, il faudrait vraiment pouvoir passer à autre chose. 

littérature,politique,france,euro

 



00:07 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature, politique, france, euro | | |

vendredi, 25 mars 2011

Claude Arnaud à la villa Gillet

Bel instant d’empathie hier à la villa Gillet, entre un auteur et ses lecteurs. Conduite par Cécile Guilbert, la rencontre avec Claude Arnaud, prévue pour faire « découvrir l’œuvre »,  a exclusivement porté sur le dernier roman, Qu’as-tu fait de tes frères ? Il y a été question du genre tout d’abord : mémoires, autobiographie, roman de formation ? L’auteur se revendique de cette dernière forme, développant un point de vue intéressant à la fois sur le roman qui ne peut de toute façon qu’emprunter au réel, au vécu, et à la formation de l’identité (la sienne, en l’occurrence) «dans une époque où tout se déforme» (l’après 68). Un roman de formation, donc, dans une période où l’on ne pouvait, pour se «former» (et se déformer) faire l’économie des événements historiques en cours, parce que le moi et le nous étaient étroitement mêlés.

Claude Arnaud a longuement évoqué la « plasticité du moi » en cette période durant laquelle l’idéologie dominait, et la Révolution s’imposait aux jeunes gens comme une «fiction suffisante» : On niait alors tellement les contraintes du Réel qu’un roman construit ne pouvait qu’apparaître bien fade. Les périodes révolutionnaires seraient ainsi difficiles pour les écrivains.  Aucun grand roman, affirme-t-il, n’est d’ailleurs sorti de mai 68. Et ce d’autant plus que le champ littéraire était effroyablement prisonnier de la théorie.

L’écrivain soulève plus largement la question de l’écriture en temps révolutionnaire : quel grand roman a contenu la Révolution américaine, française, russe ? La guerre (Tolstoï) n’est-elle pas plus simple à mettre en pages que la révolution ? Je pense en l’écoutant évidemment à Balzac, ainsi qu’à ses frères, les nombreux (et moins talentueux) romanciers de la Restauration.

Détour par la porte de Saint-Cloud de son enfance, ce quartier alors peuplé «de fantômes», quoi qu’en pense Modiano, dit-il.  Et puis la «surestimation du livre» par ses deux frères ainés, lire, lire et, pour remplir «le vide de ce quartier » fonder «une fratrie du livre ». Il évoque la difficile «reconfiguration du moi» auquel son père né en 1910, figure d’autorité façonné par l’ancienne société, a dû se livrer face aux assauts de ses quatre fils et après la mort de sa femme.

Beaucoup de quinquas, de sexas (comme on dit) dans la salle. Leur jeunesse à eux, aussi. « Peu de livres sur le cœur de cette époque sont sortis », dit quelqu’un. C’est vrai.  Je réalise que ce qui m’a plu dans ce livre, c’est aussi la manière très libre dont il évoque ces quelques années qui furent la jeunesse de tant de gens et, croyant lever tous les tabous, en façonnèrent un autre : l’impossibilité, entre autres, d’en remettre en cause sans passion les grandes lignes. C’est au fond ce que fait la mémoire de Claude Arnaud : restituer non pas un pour 68 ni un contre, mais un point de vue plus trouble, plus fusionnel, qui dirait les deux comme le recto et le verso disent la même page. C’est ainsi que la littérature finit toujours un jour par triompher des idéologies. Et c’est mieux ainsi. 

10:27 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : claude arnaud, villa gillet, littérature, qu'as-tu fait de tes frères | | |

mercredi, 23 mars 2011

Le printemps contaminé

« Ça grimpe de plus en plus », grésille niaisement une souris météorologique à la jupe rose et au col orangé sur une chaîne infos. Elle a l’air bien satisfaite. C’est le printemps !  « Que caches-tu sous ta jupe, Margot ma voisine ?», aurait rajouté jadis la romance populaire. Mais cette image numérique n'est pas ma voisine, l'illusion grimpe de plus en plus. Voici qu'à présent un rat à lunettes sentencieuses nous explique  que l’horloge interne de l’être humain a besoin de trois semaines pour se réhabituer à la douce chaleur qui vient. Boudiou. La lumière, la rétine, le cervelet, bref… Exposez-vous progressivement pour vous préparer à l’été. Exposer ? Où ça ? 
Sortir une chaise-longue et prendre un bain de soleil dans son jardin (quand on a encore les moyens d’en avoir un), sur sa terrasse (quand on a encore les moyens d’en avoir une), – eh oui, les souris et les rats miévreux de la télé ont toujours cette tendance à oublier que le seule question qui tourneboule l’esprit des gens sensés reste quand même, printemps, été, automne comme hiver, la question économique – S'exposer, c'est être libre, car la peau, c'est l'organe de la liberté, voilà l’idéologie qu’on propose aux citoyens des florissantes démocraties. Mais ce besoin de tout scientifiser, techniciser, chez des êtres qui se prétendent par ailleurs si joliment éclairés, glissons... La niaiserie a fait tant d’émules que c’est, murmuraient nos grand-pères avant d'aller se pieuter, peine perdue

Pendant ce temps-là, Dominique de Villepin, qui se croit toujours Premier Ministre, explique que confier la gouvernance de l’opération Aube tralala à l’OTAN serait une erreur. M’énerve, ce mec. Pas pour ce qu’il dit spécialement (si peu d’intérêt…). Mais cette prétention d’ex à la mèche grise. Boulimique et intoxiqué, le grand dadais passé aux rayons, l'ex parfaitement ravalé, ce Villepin. S’y verrait bien à nouveau, sans doute. Addicted. Comme tant d’autres, me direz-vous, à tant de trucs dont on a tué la valeur, le politique, par exemple. Bon moyen de passer le lundi, et tous les autres jours de la semaine, au soleil... Nous autres, pendant ce temps. 

Tant d’autres, hélas ! Ex du même acabit…Martine Aubry, bourgeoise hautaine et cassante, expliquant à l'écran sans la moindre conscience de son propre et profond ridicule que « Claude Guéant est jeune en politique… ». L'idiote ! Me souviendrait toujours de sa tête, simiesque et impériale, cette moue médiatique, lorsqu'elle a filé un pièce de 2 euros aux bohémiens de la rue Victor Fort ! Le socialisme … Péguy avait bien raison. Mais comment comprendre vraiment Péguy, dans la fournaise et les volutes putrides de tout ce show
Glissons à nouveau.
Revenons plutôt à la lumière qui frappe tout à coup la rétine, et donc le cervelet, et bla bla bla… Ce qui vient du Japon risque-t-il de contrarier l’exposition au Sun des chairs occidentales ? Grosse angoisse des Bronzés, pour leur capital santé et celle de leurs rejetons Du côté du lait, des épinards, des salades, de la tyroïde, ah, ah, ah ! La précieuse tyroïde... Est-ce avec ce bidule que les cons pensent ? Tout ça me rappelle Argan et son poumon vous-je... La tyroïde, vous dis-je, quand ce n'est pas l'Alzeimer galopant : Voilà, à l’heure actuelle, où nous en sommes… Et ce putain de printemps qui vient. Au secours ! 

François Hollande, s’il obtient sa majorité dans les cantons corréziens, se verrait bien à l’Elysée. Comme Paris (disait Henri IV) vaut bien une messe, l'Elysée, après tout,  vaudrait bien un régime...  Tout prêt à embrayer le pas au footing de Nicolas.  Une photo présidentielle devant des carottes rapées et du jus de pamplemousse bio, ça changerait des livres et des drapeaux sentencieux, surtout quand on ne sait plus bien lire La Princesse de Clèves  ni parler le français de Bossuet, n'est-il pas ?Il faudrait quand même qu'on m'explique en quoi l'ancien rond François est mieux que le toujours sec Nicolas.

Hollande, Villepin, Bayrou, Aubry, et tous les autres, qui devant le risque Le Pen en sont encore à s’inquièter à voix haute et à vertu effarouchée des risques de contamination de l’électorat : le dernier carré des clowns électoraux. Leur fameux front républicain. Eux ? La République ! Se rendent-ils bien compte, naïfs ou péremptoires,  de ce qu’ils affirment ? Ont-ils lu les chiffres de l'abstentionSe rendent-ils bien compte de ce qu'ils disent, de ce qu'ils sont ? 

Nucléaire, Kadhafi, irradiés, bombardés, OTAN, forces de frappe, crise, bourses, tsunami, sont les fleurs des champs que pétrissent leurs bouches. Niveau 7, 8, 9... A quand  le 10 ? 

A demain, si vous le voulez bien...

lundi, 21 mars 2011

Qu'as-tu fait de tes frères ?

 

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Des personnages qui sont « profondément de ce moment »[1], c'est-à-dire de ces années 70, années « qu’une malédiction littéraire a longtemps poursuivies »[2] et « une masse de clichés » recouvertes : on pourrait prendre le récit de Claude Arnaud pour un roman générationnel ; Qu’as-tu fait de tes frères ? me semble davantage être, tout compte fait, l'autopsie d’un moment, le constat des effets différents qu’il provoqua chez des individus de sexes et de générations différents. Il tient de ce fait davantage du genre des mémoires que de celui de l’autobiographie.

« Les Evénements » (un bref chapitre), scinde en deux les parcours romanesques du personnage principal, de ses deux frères ainés, de sa mère, de son père, et de tous ceux dont le  lecteur va croiser la route. Avant la déflagration se situait l’idéal des années 50, l’époque de la Reconstruction. Après se décline cette période de quelques années dont ce livre a fait son sujet, cette époque excessive, que « nos vieux pays n’ont plus les moyens ni même l’envie de vivre»[3]. D'où la malédiction schizophrénique qui constitue la trame de fond : ces années qui furent celles de la jeunesse de l'auteur, qui n'ont pas réussi à balayer la nécessité d'un vieil ordre auquel on est resté viscéralement attaché, ces années dont on brûle encore et dont on affirme pourtant avec passion ne pas porter la mélancolie. 

La réussite principale de ce livre repose sur la tonalité sobre, minutieuse, savante, grâce à laquelle l'écrivain ressuscite la chronologie des mutations intérieures de chaque personnage ; Arnaud parle toujours au présent de l’indicatif. Cela confère une lisibilité apparemment facile à son phrasé, qui entraîne le lecteur d’une étape à l’autre, dans ce qui se veut une odyssée historique à échelle collective et individuelle.

Ce présent de narration suit tantôt  le regard naïf de l’enfant découvrant le Paris d’alors : « Je sors d’un univers figé dans son insignifiance pour entrer dans un monde vivant, contemporain excitant »[4] ; « Je découvre enfin Paris et Paris, par un hasard troublant, est en révolution »[5] tantôt il introduit le regard ironique du narrateur d’aujourd’hui : « Je m’entends exiger la démission des ministres de l’Education et de l’Intérieur dont je ne connaissais pas le nom la veille ».[6] « Suis-je prêt à payer mes convictions de ma liberté ou de ma vie ? J’ai dix-sept ans, je prends pour la première fois le temps d’y réfléchir » [7]

La rencontre de cet enfant avec « la capitale » et avec « l’Histoire » ne constitue pourtant pas non plus un roman d’apprentissage, au sens que le XIXème siècle donna à ce terme. La déconstruction, précisément, est passée par là : Claude Arnaud évoque ce « sentiment d’être inachevé », [8]  lorsqu’il s’agit, précisément, de s’engager dans une «relation ». Ou pour « n’avoir pas fait khâgne ». Mais, dit-il tout autant, « j’acquiers l’impression étrange de devenir un peu tout »[9]  et « il y a foule en moi »[10] , « je suis tout le monde et personne à la fois »[11]. « J’ai vingt ans je suis dépassé,  Les composantes de ma personnalité flottent, faute de noyau dur capable de les fédérer »[12] C’est en ce sens qu’on peut parler de roman générationnel : « Je suis l’otage d’un monde tout près de s’éteindre, vidé de l’intérieur, résigné à sa propre fin »[13]



[1]  A propos d’Arlette Donati, p220

[2]  p 360

[3]  p 362

[4]  p 89

[5]  p 97

[6]  p 90

[7]  p 181

[8]  p 235

[9]  p 158

[10] p 258

[11] p 276

[12] p 251

[13] P 236

 

 

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samedi, 12 mars 2011

Bourgeois, chômeurs et mendiants

« Est bourgeois ce qui vit de persuader. Le commerçant en sa boutique, le professeur, le prêtre, l’avocat, le ministre, ne font pas autre chose. Vous ne les voyez pas changer la face de la terre ni transporter des objets. »

C’est Alain qui dans Les Dieux (1934, ch. 6) propose cette définition du bourgeois exclusivement fondée sur la maîtrise du verbe.  Il déduit de là l’importance de la politesse pour le bourgeois. Si le prolétaire, écrit Alain, « méprise la politesse », c’est qu’il n’exerce pas « le métier de demander » c’est qu’il « n’obtient par la politesse, rien de la terre, rien du fer, rien du plomb ».

Autrement si le bourgeois se distingue aussi clairement du prolétaire, c’est par sa capacité à maîtriser le signe.

Ce qui étonne ou pêche  dans ce raisonnement, c’est cette idée de signe, qui paraît se contenter du mot, alors qu’on ne peut ignorer en 1947 que tout est signe, le nombre comme la lettre, et la leçon ou le sermon comme le billet de banque ou le carnet de chèques. Au regard d’Alain pourtant, le signe monétaire semble occuper une place bien moindre que le signe linguistique : « On comprend que le mendiant soit en quelque sorte le pur bourgeois, car il n’obtient que par un art de demander par des signes émouvants ; les haillons parlent. Et le chômeur par les mêmes causes, est aussitôt déporté en bourgeoisie ».

Tout cela tient du sophisme ou de la métaphore : assimiler le bourgeois au mendiant ravale certes sa superbe face à l’artisan ou au paysan qu’il ignore ou méprise ; il n’empêche que ça reste un sophisme de philosophe ou une métaphore de poète. Car si l’on considère que la finance est un discours, on voit bien qu’il y a bien une langue que ni le chômeur ni le mendiant ne savent parler et qui font irrémédiablement d’eux des non-bourgeois, condamnés à recevoir de lui la pièce, dans un jeu de persuasion-séduction dont jamais ils (mendiants et chômeurs) ne maîtriseronnt toutes les règles. 

L'exemple de Martine et des mendiants (suivre ce lien) en constitue le vivant apologue.

 

13:48 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : politique, société, bourgeoisie, alain, littérature | | |