mercredi, 30 mars 2011
Dans ce pays
Je n’aime pas l’euro.
S’il fallait dater la « mélancolie » que je ressens par rapport à une sorte de heimat perdu, c’est de ce maudit passage à l’euro que je le daterais. Bien que joyeux, jovial, je crois avoir toujours eu une nature mélancolique. Le passé m’a toujours parlé, sous la forme d’épiphanies plus ou moins fortes. Une tombe moussue dans une forêt des Cévennes, quelques lierres accrochés sur le pisé d’un mur du Beaujolais, un bouquet d’orties sur un chemin de terre, le fracas d’un torrent alpin : je voyais très nettement se lever des fantômes aux gestes brusques, des spectres aux sourires francs…
Les vivants m’ont toujours paru inachevés. Similaires et inachevés. J’aime Nerval, Béraud et Giono, pour leur poésie du pays. Ce qui est enfoui m’importe. Le reste m’indiffère. Les vivants que je croise dans l’autobus me sont plus étrangers, secs et nerveux avec leur air du moment, que les personnages de Sylvie ou ceux de Ciel de Suie.
Avec le passage à l’euro s’est jouée en moi la perte d’un signifié séculaire. Comme si on m'avait volé je ne sais quoi. Cette décision, œuvre de techniciens monétaires et de spéculateurs cyniques fut une grande erreur poétique. Avec la disparition du franc, oui, nous perdîmes un signifié séculaire. Euro : avec quoi ce terme hideux rime-t-il ? De rage, à l’époque, j’avais écrit sur un carnet : avec égos ; avec égaux. C’est le triomphe de la consommation, le triomphe d’une démocratie aussi planétaire qu’insipide, vraiment. Nous ne méritons depuis que des gens comme Sarkozy ou Strauss-Kahn, des hommes de l’euros, insipides et interchangeables.
Le pays a perdu quelque chose de son autonomie fondamentale. .
Je me souviens avoir voté Chevènement en désirant ardemment la chute du fâcheux Jospin, Jospin l’europhile. Ce fameux 21 avril, j’étais très heureux de ne pas retrouver ses lunettes et ses cheveux bouclés au second tour des présidentielles. Exit, lui et toute sa cohorte d’opportunistes. Non que Chirac et sa clique valussent mieux. Deux cohabitations avaient fait de ces hommes et de ces femmes des gens qui n’aimaient plus le pays et travaillaient pour sa dilution. D’ailleurs, quand ils en parlaient, ils disaient : « dans ce pays ». Ils continuent. Rien que pour ça, je ne voterai plus jamais pour eux.
Dans ce pays, il faudrait vraiment pouvoir passer à autre chose.
00:07 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature, politique, france, euro |
Commentaires
ROCK SOUS PLAGE
En ce pays
Le passage est de rigueur
On s'envenime silencieusement
Parmi les formes de l'oubli
En ce pays
On se croit chez René
Le seul à savoir dire cela
Du haut de la splendeur
En ce pays
Seul un sourire
Sous les fanfreluches
Dont s'attichent les vahinés
bande-son:
http://www.youtube.com/watch?v=aYHZm8BbgGQ
http://www.youtube.com/watch?v=hvvGM3QhtOg
Écrit par : gmc | mercredi, 30 mars 2011
connaissez-vous mahmoud darwich, solko?
Rien ne me plaît
« Rien ne me plaît, dit un voyageur dans le bus, ni la radio
Ni les journaux du matin, ni les citadelles sur les collines.
J’ai envie de pleurer»
« Attends qu’on arrive et pleure tout ton saoul, répondit le chauffeur »
« Moi non plus, dit une dame, rien ne me plaît. J’ai montré ma tombe à mon fils.
Elle lui a plu : il s’y est endormi et ne m’a pas dit adieu »
L’universitaire dit « Moi non plus, rien ne me plaît.
J’ai fait de l’archéologie et je n’ai jamais trouvé
Mon identité dans une pierre. Suis-je vraiment
Moi-même ? »
Un soldat dit alors : « Moi non plus, rien ne me plaît
Je traque une ombre qui me traque »
Nerveux, le chauffeur dit alors : « Terminus ! Préparez-vous
A descendre.
Tous lui crièrent : « Nous voulons aller au-delà du terminus
Continuez donc ! »
Quant à moi, je dis : « Faites-moi descendre. Je suis comme eux, rien ne me plaît mais je suis fatigué du voyage. »
Écrit par : gmc | mercredi, 30 mars 2011
Très beau, GMC. Merci.
Écrit par : solko | jeudi, 31 mars 2011
Solko :
Soyons francs. L'idée d'une monnaie unique européenne était une belle idée. Jean Monnet, pére de l'Europe, en a rêvé. Le bel euro est arrivé, le dollar en était vert ! Mais l'Europe a perdu un « pe » . Il reste l'euro, monnaie forte dans une Europe qui reste l'absente mythique du continent. Avant l'euro,il y avait les monnaies d'état , cela faisait des tas de monnaies dans un serpent monétaire qui avait tendance à vouloir se mordre la queue. Le président de la commission européenne , J. Delors dont la parole était d'or réussit à convaincre que mettre tout l'argent dans une monnaie unique serait la panacée. Ce qui fut fait. L'euro,star, était le bout du tunnel. Il surgit sur les places financières mais l'anglois ne s'y associa pas . Bouquiniste et conservateur dans l'âme, il préfère continuer à lire les livres sterling ; Ce qui ne l’empêche pas de profiter, largement, des subsides européens, façon « so british » de faire la manche. Les états jouaient avec leur monnaie, ils battaient monnaie, faisaient fonctionner la planche à billets, dévalorisaient, les français, réévaluaient, les allemands ; Les banques centrales prêtaient aux états. Avec la banque européenne, il n'est plus possible de tricher. C'est ainsi que nous nous sommes privés d'une arme monétaire au profit d'investisseurs privés. L'euro est devenu une monnaie forte certes mais une monnaie de riches, une sorte de monnaie privatisée.
Il y avait, c'est certain un rapport charnel à la monnaie nationale. Les gens, petits ou grands,y portaient intérêt, ils pinaillaient. Antoine Pinay les rassurait. Il leurs faisait miroiter, un oui franc et massif pour protéger leurs petites économies. Un sou était un sou, avec l'euro, il reste du mauvais cent. L'arrivée du nouveau franc déconcerta les anciens. L'ancien ne valait plus rien. Mais, les gens restaient attachés au franc. Le franc lourd était un marché de dupes mais se balader avec BB en poche était sexy. Dans l'imaginaire, l'euro n'a pas réussi à prendre sa place. Il fait un peu zone . La monnaie d'état était un indicateur palpable de l'état du pays . Son taux de change, la variation des cours, en disaient plus long qu'un grand discours. Il y avait l'inquiétant deustche Mark.
La lire italienne faisait sourire, la pesetas espagnole ne pesait pas lourd, la drachme grecque, on n' faisait pas un drame... le franc suisse était envié. leurs bons comptes secrets en faisaient des amis respectés. On ne va pas jouer les francs tireurs. Les allemands, faudrait pas les provoquer. Ils auraient vite fait de dire « A nos Marks, prêts, partez ! » ; Il faut ranimer la flamme européenne, admettre qu'il y a le feu à la maison , qu'on pourrait bien être mis en demeure pas par le front national mais par le front monétaire international avec des taux directeur en forme d'étaux . Ce sera strauss tard pour se lamenter. Investissez dans la ceinture, c'est un produit d'avenir.
Écrit par : patrick verroustp | mercredi, 30 mars 2011
Si, si : jouons les francs tireurs...
Écrit par : solko | jeudi, 31 mars 2011
Salut Solko. J'aurais peut-être dit plutôt :"c'est de ce maudit passage à l'euro que je LA daterais." Vous voyez que je ne retiens que l'essentiel. A pluss, comme disent les jeunes.
Écrit par : fredlôtre | mercredi, 30 mars 2011
Heureux de vous retrouver sur la toile.
Écrit par : solko | jeudi, 31 mars 2011
Cher Solko, l'euro, certes, mais qui ne serait pas un tel fossoyeur de notre pensée d'Européens libres, s'il n'était accompagné dela BCE dont le rôle se réduit strictement à n'être qu'un gendarme monétaire obsédé par le seul critère de l'inflation, sans le moindre souci d'une politique économique et industrielle cohérente, c'est-à-dire en étant totalement déconnecté de la réalité, ce que les Américains avec la FED n'ont même pas envisagé. Cela en dit long sur la catastrophe dans laquelle nous vivons.
Écrit par : nauher | mercredi, 30 mars 2011
Dans laquelle nous "survivons..."
Écrit par : solko | jeudi, 31 mars 2011
Oui, derrière l'idée de la monnaie unique se cachait l'imposition d'une pensée unique, hélas. Pourquoi l'universel doit-il être réduit à l'uniformité, là où ce devrait être la somme des unicités ? Je crois vraiment que c'est dans le bazar, précisément dans la "dé-compartimentation", que se trouve la créativité réelle. Les Anglais l'avaient compris, d'abord avec leurs jardins, ensuite avec leur refus de l'euro... ;0)
Écrit par : Sophie K. | jeudi, 31 mars 2011
Si encore c'était une "pensée" unique...
Écrit par : solko | jeudi, 31 mars 2011
J'aime beaucoup votre expression "Heimat perdu"... rapprochement franco-allemand...
Et un peu nervalienne, non ?
Écrit par : Benoit | jeudi, 31 mars 2011
Désolée moi j'aime l'Euro.
je me suis toujours sentie si peu française (mais très francophone) donc la perte du franc ne m'a pas peinée...
Le Franc, symbole du jacobinisme que je déteste particulièrement.
Je suis née à 10 kms de la Suisse et 50 de l'Italie, frontière que je passe fréquemment (je sais la Suisse n'est pas l'Europe !)
J'aime l'Italie et j'aime les euros italiens : il me plaît d'avoir Dante dans mon porte-monnaie. Avec l'Euro je renoue avec mes ancêtres italiens.
Plus prosaïquement, j'aime passer une frontière européenne sans passer à la banque pour changer d'argent
"Passer à autre chose" : revenir en arrière ?
Merci, pas pour moi...
Écrit par : Rosa | lundi, 04 avril 2011
Est-ce une raison pour plébisciter une monnaie désormais « privée » qui impose à tous un niveau de consommation plombant les budgets, et contre lequel on ne peut rien? Qui de surcroît permet l'enrichissement des plus riches, des nantis, aux dépens des plus jeunes qui arrivent. En quoi est-elle "aimable" ?
Une génération entière a profité du franc pour devenir propriétaire grâce, par exemple à l’inflation. Derrière, ça rame, et pas seulement pour se loger. Et qu’on ne me dise pas que c’est plus la faute à Sarkozy qu’aux socialistes qui ont permis cette politique pendant des années et qui tente de repointer le bout du nez. C’est comme le nucléaire dont ils veulent sortir à présent, après avoir soutenu le programme comme les autres, bref…
Quant aux changes aux postes de douaniers, ça ne m’a jamais gêné, au contraire.
Écrit par : solko | lundi, 04 avril 2011
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