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samedi, 12 mars 2011

Bourgeois, chômeurs et mendiants

« Est bourgeois ce qui vit de persuader. Le commerçant en sa boutique, le professeur, le prêtre, l’avocat, le ministre, ne font pas autre chose. Vous ne les voyez pas changer la face de la terre ni transporter des objets. »

C’est Alain qui dans Les Dieux (1934, ch. 6) propose cette définition du bourgeois exclusivement fondée sur la maîtrise du verbe.  Il déduit de là l’importance de la politesse pour le bourgeois. Si le prolétaire, écrit Alain, « méprise la politesse », c’est qu’il n’exerce pas « le métier de demander » c’est qu’il « n’obtient par la politesse, rien de la terre, rien du fer, rien du plomb ».

Autrement si le bourgeois se distingue aussi clairement du prolétaire, c’est par sa capacité à maîtriser le signe.

Ce qui étonne ou pêche  dans ce raisonnement, c’est cette idée de signe, qui paraît se contenter du mot, alors qu’on ne peut ignorer en 1947 que tout est signe, le nombre comme la lettre, et la leçon ou le sermon comme le billet de banque ou le carnet de chèques. Au regard d’Alain pourtant, le signe monétaire semble occuper une place bien moindre que le signe linguistique : « On comprend que le mendiant soit en quelque sorte le pur bourgeois, car il n’obtient que par un art de demander par des signes émouvants ; les haillons parlent. Et le chômeur par les mêmes causes, est aussitôt déporté en bourgeoisie ».

Tout cela tient du sophisme ou de la métaphore : assimiler le bourgeois au mendiant ravale certes sa superbe face à l’artisan ou au paysan qu’il ignore ou méprise ; il n’empêche que ça reste un sophisme de philosophe ou une métaphore de poète. Car si l’on considère que la finance est un discours, on voit bien qu’il y a bien une langue que ni le chômeur ni le mendiant ne savent parler et qui font irrémédiablement d’eux des non-bourgeois, condamnés à recevoir de lui la pièce, dans un jeu de persuasion-séduction dont jamais ils (mendiants et chômeurs) ne maîtriseronnt toutes les règles. 

L'exemple de Martine et des mendiants (suivre ce lien) en constitue le vivant apologue.

 

13:48 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : politique, société, bourgeoisie, alain, littérature | | |

Commentaires

La quémande serait la politesse du bourgeois et la demande un art de mendiant.... en sémiotique appliquée.

Écrit par : ArD | samedi, 12 mars 2011

Oui. Et Alain en serait le précurseur...

Écrit par : solko | samedi, 12 mars 2011

Alain n'avait aucune idée de ce que la financiarisation dépasserait en imagination la stricte production ! :)

Quant à la maîtrise du verbe, m'est avis que nous en sommes, avec ces billets, au lancement d'une nouvelle collection des Martine...

Écrit par : Michèle | samedi, 12 mars 2011

Il aurait dû y songer. La planche à billets tournait déjà depuis un moment et la financiarisation avait déjà dépassé la stricte production, 1929 étant en plus déjà passé par là.
Oui, il va falloir faire après la série des "le petit Nicolas" la série des "Martine". Sans oublier celle des "Marine" et celle des "Dominique".
La dernière me paraissant déjà la plus retorse (Dominique au FMI...) , mais bon...

Écrit par : solko | samedi, 12 mars 2011

Péguy aborde cette notion du bourgeois qui demande tout à tout le monde.Mais l'assimilation au mendiant, fallait la trouver !

Écrit par : ArD | samedi, 12 mars 2011

Les commentaires sont fermés.