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samedi, 16 avril 2011

Dialogue avec Jean Rouaud

Grâce à Michèle PAMBRUN qui m'a communiqué le lien, une bonne heure d'entretien avec Jean Rouaud, à propos de son livre Comment gagner sa vie honnêtement, mais aussi de nombreux souvenirs et impressions : on y parle de Chateaubriand, de 2 CV, de comment bloquer un compteur EDF, de Claude Simon, d'auto-stop, de l'intertextualité, de la langue française, de petits boulots, de contrôleurs SNCF, de Bécassine, des Cévennes, du travail à la chaîne, du Capital, de la mort de la France, bref, de la vie poétique, passée, présente et  à venir. 



08:49 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : jean rouaud, littérature, france, société | | |

mercredi, 13 avril 2011

J'ai raté ma vie

De l’extrême bord de l’échiquier politique à l’autre, les agences de communication turbinent en ce moment  à plein régime pour déterminer quels seront les grands thèmes porteurs de la prochaine campagne présidentielle.

Patrick Buisson, avec le pari électoraliste dans lequel il entraîne Sarkozy, tient le haut de l’affiche. Buisson se verrait bien en anti-Jacques Pilhan, l’ancien situationniste qui mit sur pied le plan marketing de Mitterrand, alors au plus bas dans les sondages, en inventant la petite main jaune de SOS racisme et tout ce qui fit la génération Mitterrand. Mais c’est loin d’être joué.

En face, les rengaines du PS sur la France qui souffre et le changement sentent  un peu le replâtrage. On espère un vent d’outre Atlantique pour remplumer tout ça. Rama Yade et son positionnement bien senti sur la jeunesse n’a pas de mal à faire mouche. Sauf qu’entre Borloo et Hervé Morin, elle demeure un peu seulette sur cette thématique chez les centenaires valoisiens.

Il y a cependant fort à parier que l’actualité récente, tant africaine que japonaise, nécessite une reconfiguration de ces diverses stratégies déjà éculées. Aussi risque-t-on, d’ici l’automne, de voir surgir avec le Beaujolais Nouveau de nouveaux beaux jaseurs : sans doute la future légitimité  du candidat  Hulot se jouera-t-elle de ce côté-là  de la partition.

Il est cependant on ne peut plus vrai que tendre l’oreille à tout ça risque d’être un peu vain. Je ne sais pas à combien se facture un plan de communication politique. Si j’en avais un à proposer pour séduire les électeurs de mai 2012, je le fourguerais volontiers à un des ces messieurs dames, avant de partir pour de bon en vacances en un coin de la planète pas trop déglingué. Mais je n’ai jamais été assez bon, c'est-à-dire assez cynique, pour tenter ce genre d’aventure.

A mon poignet ne pend donc ni menottes, ni Rolex.

J’ai raté ma vie. 

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Jacques Pilhan et François Mitterrand, au temps de la petite main jaune

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jeudi, 31 mars 2011

Le faux débat

Est-ce le débat sur la laïcité qui est un faux débat, ou le débat sur l'opportunité d'organiser le débat ? A Tokyo, on vit à quelques kilomètres d'une centrale à ciel ouvert; les peuples du Proche Orient sont au bord de la guerre civile et nous,  nous débattons pour savoir s'il est juste ou non de débattre. Est-ce que cela ne séparerait pas les Français? Comme si les Français étaient unis : la peur du débat en dit assez long sur la question ! Bref.

Ce sont ceux qui font profession de débattre qui tout à coup ont peur du débat : Les journaleux, les politiqueux  et les éditorialeux de tous crins. C'est vrai qu'il vaut mieux débattre du retour de Ribéry en équipe de France, qui est un vrai enjeu, plutôt que de la laïcité, qui n'en serait pas un. Circulez, y'a rien à voir et rien à dire. Quelle fumisterie !

Les médias adorent brûler ce qu'ils ont adoré : l'heure est donc à brûler le président. Comme je n'ai jamais adoré Sarkozy, je n'ai pas de mal à ne pas le brûler aujourd'hui. Et de même, comme je n'adore pas ceux qui dans les coulisses, côté cour,  se frottent les mains en se demandant dans quel ordre ils vont entrer sur scène et sur quel siège ils vont se mettre à table, je n'aurai pas non plus grand mal à ne pas les brûler à leur tour dans six ans. En attendant, leurs costumes froissés pendent au-dessus de la baignoire et leurs masques de pitres grimacent dans les lucarnes. Pitoyable.

Nous ne débattrons donc plus, dans ce pays, d'aucun sujet fâcheux qui ne soit sous contrôle des faiseurs d'opinions. Le débat sur l'Europe, qui a enflammé les Français lors du dernier référendum, ne sera jamais rouvert, puisque qu'une majorité d'entre eux verraient leur sauveur en temps de crise dans le patron du FMI. Et celui sur la laïcité non plus : le mélange des genres étant le meilleur garant de la paix civile, quoi de plus frenchie que de manger de la dinde hallal à Noël, tout en faisant discrètement un signe de croix sous son voile, un petit Indignez-vous dans la poche revolver, et la dernière de Johny ou de Lady Gaga dans le baladeur, hein, je vous le demande ?

07:44 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, laïcité, france, débat | | |

mercredi, 30 mars 2011

Dans ce pays

Je n’aime pas l’euro.

S’il fallait dater la « mélancolie » que je ressens par rapport à une sorte de heimat perdu, c’est de ce maudit passage à l’euro que je le daterais. Bien que joyeux, jovial, je crois avoir toujours eu une nature mélancolique.  Le passé m’a toujours parlé, sous la forme d’épiphanies plus ou moins  fortes. Une tombe moussue dans une forêt des Cévennes, quelques lierres accrochés sur le pisé d’un mur du Beaujolais, un bouquet d’orties sur un chemin de terre, le fracas d’un torrent alpin : je voyais très nettement se lever des fantômes aux gestes brusques, des spectres aux sourires francs…

Les vivants m’ont toujours paru inachevés. Similaires et inachevés. J’aime Nerval, Béraud et Giono, pour leur poésie du pays. Ce qui est enfoui m’importe. Le reste m’indiffère. Les vivants que je croise dans l’autobus me sont plus étrangers, secs et nerveux avec leur air du moment, que les personnages de Sylvie ou ceux de Ciel de Suie.

Avec le passage à l’euro s’est jouée en moi la perte d’un signifié séculaire. Comme si on m'avait volé je ne sais quoi. Cette décision, œuvre de techniciens monétaires et de spéculateurs cyniques fut une grande erreur poétique. Avec la disparition du franc, oui, nous perdîmes un signifié séculaire. Euro : avec quoi ce terme hideux rime-t-il ? De rage, à l’époque, j’avais écrit sur un carnet : avec égos ; avec égaux. C’est le triomphe de la consommation, le triomphe d’une démocratie aussi planétaire qu’insipide, vraiment. Nous ne méritons depuis que des gens comme Sarkozy ou Strauss-Kahn, des hommes de l’euros, insipides et interchangeables.

Le pays a perdu quelque chose de son autonomie fondamentale. .

Je me souviens avoir voté Chevènement en désirant ardemment la chute du fâcheux Jospin, Jospin l’europhile. Ce fameux 21 avril, j’étais très heureux de ne pas retrouver ses lunettes et ses cheveux bouclés au second tour des présidentielles. Exit, lui et toute sa cohorte d’opportunistes. Non que Chirac et sa clique valussent mieux. Deux cohabitations avaient fait de ces hommes et de ces femmes des gens qui n’aimaient plus le pays et travaillaient pour sa dilution. D’ailleurs, quand ils en parlaient, ils disaient : « dans ce pays ».  Ils continuent. Rien que pour ça, je ne voterai plus jamais pour eux

Dans ce pays, il faudrait vraiment pouvoir passer à autre chose. 

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00:07 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature, politique, france, euro | | |

mercredi, 02 mars 2011

Et si la France s'éveillait ?

 

6a00e0098cd71e8833014e866f9df7970d-800wi.gifLe maire de Lyon aurait-il des ambitions présidentielles ? La dernière fois que j’ai entendu un discours de Gérard Collomb, il lâchait (sans rire), à propos de la rénovation contestée de l’Hôtel-Dieu : « J’ai besoin d’un hôtel de luxe à Lyon pour accueillir mes invités de marque » Dont acte.

Le voilà donc qui se positionne, comme on dit en marketing, le jour même où Martine Aubry dévoile la feuille de route du candidat socialiste à la présidentielle (dixit Le Monde), avec la parution de son petit livre rouge au titre peyrefittien délicieusement bling-bling : « Et si la France s’éveillait ? » (Plon, 17 euros).  Rien que ça... (je parle du titre...)

 Parce que vous tous l’avez remarqué, à Paris, à Marseille, dans le Nord, en Bretagne et dans le Limousin, partout en France, quoi, ça roupille, mais à Lyon, la vie intellectuelle bat son plein, si, si…

Qu'est-ce qu'on pense, qu'est-ce qu'on crée, qu'est-ce qu'on vit mieux et qu'est-ce qu'on rigole chez Gérard's land  !  Le local comme programme national je vous dis pas ! 

Un pavé de plus dans la mare socialiste, en tout cas, puisqu’il s’agit de se démarquer des frères et sœurs afin de les déloger de leur prétentions en affichant de concert les siennes : « Si Dominique n’y va pas, affirme sérieusement Gérard, j’y vais. »

Pour soutenir les propositions du sénateur-maire-candidat, parait qu’il sera en personne à Decitre Lyon le 18 et à la Fnac Bellecour le  24 mars à 17h 30 pour défendre sa prose et dédicacer le tout. Faute d'acheter et de le lire cet ouvrage de campagne, je vous conseille d’aller écouter la video d’accueil sur le blog de promotion sur Gerardcollomb.net : tous ces Lyonnais satisfaits, avec en arrière-plan les quais du Rhône, le passage de l'Argue ou des bouteilles de pinard, ça vaut le détour ! 

 

18:06 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : gérard collomb, politique, france, s'éveillait, ps, socialisme | | |

mardi, 01 février 2011

Pour commencer février pas n'importe comment...

Carla Bruni Sarkozy : « Je ne me sens plus vraiment de gauche ».

Luc Chatel : « Je préconise quinze à vingt minutes de calcul mental par jour ».

Bernadette Chirac : « Mon époux ne souffre pas de la maladie d’Alzheimer »

Jamel Debbouze :« Je n’ai pas le droit de dire n’importe quoi »

Hervé Morin : « Je souhaite qu’on évite les erreurs et qu’on construise des projets portés par le plus grand nombre »

Martine Aubry : « Ce qu’il faut préparer, c’est un nouveau 10 mai 1981 »

Jean Luc  Mélenchon : « Une révolution aura lieu en France »

Harlem Désir : « Les français aiment la diversité de la gauche »

Jean-Louis Borloo : « La France n’avance pas car chacun est dans son archipel de pouvoir. »

Jean François Copé : « Pendant quinze ans, il (Fillon, ndlr) nous a assommés avec ses discours de gaulliste social. Tout ça pour vendre son gaullisme contre un plat de lentilles »

Eva Joly : « Je ne comparais pas Jacques Chirac avec Pinochet (…) Je parlais du fait qu’il avait refusé de comparaitre et que chacun a pu voir qu’il avait vécu dix années après ».

Gérard Bapt (député) : Nous demanderons à entendre Jacques Servier, mais il n’est pas obligé de venir. »

Sophie Favier : « Je serai aux côtés de Bernard Lepmidi pendant la campagne car j’adore ma ville de Neuilly ».

Jean Miche Aulas : « On sait que Valenciennes avait battu Marseille ici et est à l’aise face aux grosses équipes. »

Jean-Christophe Cambadélis : « Les flingueurs vont être obligés de jouer l’unité »

Benoît Poelvoorde « Je ne suis pas la Belgique à moi tout seul »

Ariane Mnouchkine : « J’ai envie de les voir arriver, ces gens. J’ai très envie des petits mots gentils qu’ils me disent. »

 

 et cetera, et cetera

 

Un pays où l’on entend de toutes parts de tels propos est-il  encore un pays  intellectuellement en vie ?

 

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08:02 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : france, gauche, droite, calcul mental, alzheimer | | |

jeudi, 16 décembre 2010

Reçu à l'Elysée

André Salmon évoque brièvement dans ses Mémoires une soirée où il fut reçu à l’Elysée par Alexandre Millerand. Un huissier assez vieux pour avoir assisté aux derniers instants d’Edgar Faure articula son nom, dit-il, d’une belle voix de chantre laïque, comme si cette annonce devait faire plaisir à tout le monde.  La première dame de la République et son homme accueillaient leurs hôtes au seuil du premier salon. Mon salut, écrit Salmon, à la dame. On s’y croirait. Ma main dans celle que me tendait le président aussi lugubrement cordial, ne m’ayant jamais vu, que s’il me connaissait depuis toujours. Il se peut même qu’Alexandre Millerand, précise Salmon, n’écoutant rien, n’ait même pas entendu le nom articulé par le doyen des huissiers.

 

Suit un portrait en plan américain  du président  français d’alors : « Massif, cordial jusqu’à faire douter de la cordialité en soi, le plastron gondolé barré du Grand cordon de la Légion d’Honneur (n’est-ce pas  Giscard qui a remisé le truc aux oubliettes pour la photo officielle ), celui qui me touchait la main ainsi qu’on dit au-dessous de la Loire, imposait à mon esprit l’image de l’Homme du Discours de Saint-Mandé. Bientôt, l’extrême gauche renverserait comme un simple Mac-Mahon, éjecterait, balancerait Alexandre Millerand devenu l’incarnation de l’esprit réactionnaire. Renvoyé de l’Elysée à son cabinet d’avocat, il n’y retrouverait jamais son ancienne opulente clientèle de grand civiliste. Alexandre Millerand, conclut Salmon dans ses Souvenirs sans fin – page 820 – en serait réduit à plaider en justice de Paix. »

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ALEXANDRE MILLERAND (né le 10/02/1859 à PARIS, décédé le 07/04/1943 à VERSAILLES). Il  fut président de la République  du 23/09/1920 au 11/06/1924

 

17:54 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, france, elysée, société, littérature, andré salmon, alexandre millerand | | |

vendredi, 12 novembre 2010

Remanier, remaniement

Pour un type qu’on dit speed, n’agissant que sur coups de tête, Sarkozy pour le moins prend son temps. On devrait (paraît-il) connaître la semaine prochaine la véritable nature du remaniement ministériel annoncé depuis le printemps. Si l’on en croit les bruits qui courent un peu partout, ça risque en effet d’être un sacré remaniement puisque le même est, par les fameux observateurs, donné reconduit, Fillon devant se succéder à lui-même dans le slip du premier ministre. Ce qui serait quand même une sorte de changement, tant tout le monde s’était fait à l’idée qu’il allait partir : le changement ne serait donc qu’une impression de changement, mais à une époque où seule l’impression compte, au fond quelle importance pourrait-on dire ? Et en effet, quel changement !

Dans le milieu strictement politicien, qui croit encore, de toute façon, qui croit sérieusement à cette idée de changement, un changement qui serait dû à M. Chose ou à Mme Machin ? Rien ne serait même in fine plus conforme à l’esprit de l’époque, que ce nouveau Fillon qui, en reconduisant chaque ministre actuel à son poste exact pourrait à son tour créer dans ce vieux pays un bel effet de surprise, en effet. Un changement à l'identique, au secrétaire d'état près.

En attendant d’en connaître comme tout un chacun la teneur, j’ai eu la curiosité d’aller voir ce que le petit Robert disait de ce substantif assez laid à entendre, remaniement. Le terme date de 1690, du bon siècle de Louis XIV et signifie « l’action de remanier, son résultat ». Remanier, lui, formé en 1300 (le bon temps de Philippe le Bel) de re + manier signifie « modifier un ouvrage de l’esprit par un nouveau travail en utilisant les matériaux primitifs». Je ne sais si un gouvernement est un ouvrage de l’esprit, mais je constate que Sarkozy serait en train, consciemment ou non, de renouer avec le sens primitif du terme s’il conserve bien le matériau Fillon. Comme en toute chose il faut connaître l’étymon, je suis allé voir ensuite manier, terme dont la formation nous ramène à l’an 1160, sous le règne de Louis VII le Pieux, l’époux d’Aliénor d’Aquitaine. Manier (de maneir, main) signifie tâter, palper. On voit que, plus on remonte le temps, plus les choses redeviennent concrètes, et presque sensuelles.

Mais au fond, que peut bien nous importer les tripatouillages de la sous-préfecture élyséenne ? Sarkozy « président du G20 » depuis aujourd’hui va nous jouer à nouveau la carte de l’hyperactif omniprésent sur tous les fronts, comme si en bon VRP il faisait à nouveau peau neuve. Je me souviens de sa bobine au JT de mai 1993 lorsque, ministre du budget et porte parole du gouvernement Balladur, il quitte l’école maternelle de Neuilly avec un chiard dans les bras, cerné de micros et de caméras. Changement ?

C’est plutôt bien une lente décomposition, dans la perpétuation spectaculaire d’une même crise, qu’un changement. Nos espérances de changement, qu’elles soient de droite ou de gauche, s’enlisent au fil de septennats devenus quinquennats dans le spectacle du non-changement européen, et dans la pratique généralisée de l’illusion du changement, gestion de crise oblige : pensez que Martine Aubry, fille de Delors, incarne aux yeux des gens un espoir d’alternance

Remaniement, changement, alternance : me vient à l’esprit ce paragraphe de Chateaubriand qui date de 180 ans.

La bonne littérature, c’est comme le bon vin ; nous sommes alors en 1830 et Charles X, le vieux légitimiste chassé de Paris part en exil à Prague, laissant le trône à Louis Philippe. Ni Sarkozy, ni Aubry, ni Fillon, ni vous ni moi n’étaient encore nés. Ni Debord qui théorisa la société du spectacle, ni Brzezinzski qui théorisa le divertissement. Pour parler de changement, on ne disait pas remaniement ou alternance, on disait Révolution. Et pourtant, déjà :

 

« Maintenant, qu'était devenu Charles X ? Il cheminait vers son exil, accompagné de ses gardes du corps, surveillé par ses trois commissaires traversant la France sans exciter même la curiosité des paysans qui labouraient leurs sillons sur le bord du grand chemin. Dans deux ou trois petites villes, des mouvements hostiles se manifestèrent ; dans quelques autres, des bourgeois et des femmes donnèrent des signes de pitié. Il faut se souvenir que Bonaparte ne fit pas plus de bruit en se rendant de Fontainebleau à Toulon, que la France ne s'émut pas davantage, et que le gagneur de tant de batailles faillit d'être massacré à Orgon. Dans ce pays fatigué, les plus grands événements ne sont plus que des drames joués pour notre divertissement : ils occupent le spectateur tant que la toile est levée, et, lorsque le rideau tombe, ils ne laissent qu'un vain souvenir. Parfois Charles X et sa famille s'arrêtaient dans de méchantes stations de rouliers pour prendre un repas sur le bout d'une table sale où des charretiers avaient dîné avant lui. Henri V et sa sœur s'amusaient dans la cour avec les poulets et les pigeons de l'auberge. Je l'avais dit : la monarchie s'en allait, et l'on se mettait à la fenêtre pour la voir passer. »

 

Il est indéniable que le rideau finira par tomber sur ceux qui nous gouvernent aujourd’hui, sans qu’il y ait besoin de tirer la ficelle plus que ça. Laisser simplement du temps filer : comme le temps vint à bout de ceux-là, il viendra aussi à bout de ceux-ci. Indéniable, également, que ceux-ci sur lequel le rideau se lèvera pour que le show continue ne produiront à leur tour qu’une impression de changement, puisque c’est malheureusement la nature même du spectacle de continuer, et que, mine pour mine et masque pour masque, faux-semblants pour faux-semblants, remanier un gouvernement reste plus faisable que remanier le spectacle tout entier.

 

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 Louis VII, dit le Jeune ou le Pieux 

mardi, 02 novembre 2010

L'esprit quarante-huitard

 

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Lorsque retentissent les tout premiers coups de canons de février, Pierre Dupont était déjà l’une des plus éminentes figures des quarante-huitards. En quelques mois, quelques couplets, il en devint rapidement le chantre absolu.  

La république, que son oeuvre si populaire à l'époque n'a cessé de célébrer, n'a duré que deux ans, étranglée par le coup d’état de Louis-Napoléon : « Quel contraste, écrivait-il dans la préface du tome IV de ses oeuvres, entre l'époque où l'auteur a débuté par ses chants rustiques, c'est-à-dire en 1846, et celle où nous vivons aujourd'hui en 1859. Une heure en 1848, on put croire que ces théories touchaient à l'application, et ces inéffables rêves se sont brisés sur les roches dures de la réalité...»

Pierre Dupont, réfugié dans sa ville natale, alcoolique, abandonné de la jeunesse, mourut le 24 juillet 1870 à Lyon, un mois et quelques jours avant Sedan et la chute du second Empire, l’avènement de la Troisième République.

Étrange destin que celui de cet homme qui porta si haut le désir d'une génération avant de sombrer dans l'oubli sans connaître l'heure des possibles réparations .

A bien y regarder, la république de Pierre Dupont n’était éloignée que de trois générations, guère plus, de la Grande Révolution, comme le disaient encore avec haine, emphase, désir  ou  respect les gens du XIXème siècle. Entre « la grande Révolution » et la République de Pierre Dupont, un Empire aussi glorieux qu’éphémère, une Restauration aussi improbable qu’avortée, une Monarchie constitutionnelle aussi inique que corrompue : Pouvons-nous nous représenter vraiment à présent ce que cet idéal, je veux dire l'idéal républicain, a pu représenter pour ces hommes et ces femmes qui, comme lui, ne le connurent que quelques mois  ?

Il me semble que c'est impossible.

Impossible sans le secours d'une mémoire vive, celle de la littérature. 

Et entre autres oeuvres, parce que le peuple d'alors chantait bien plus qu'il ne lisait, une oeuvre comme celle de Pierre Dupont. 

A se replonger dans ces célébrations d'un autre âge des artisanats perdus, des animaux de la ferme, de la rude nécessité du pain, des amours de villages et des élans pour la fraternité, on est d'abord saisi, un peu comme à la lecture du Peuple de Michelet, de l'écart qui nous sépare de ce monde enfoui. République ? Nos ministres, députés, journalistes, sportifs, artistes engagés, syndicalistes, tous n'ont pourtant que ce mot à la bouche.

Qu'est-ce que la République  de Pierre Dupont ?

 

Paris est sorti du tombeau

En renversant la sentinelle,

Radieux comme un Christ nouveau.

Répandons la bonne nouvelle, 

Bouches de fer, canons, fusils,

Tambours, clairons, bouches de cuivre,

Apprenez à tous les pays

Comment la France a pu revivre.

(La Jeune République - 1848)

 

La République, cette reine

Qui donne des leçons aux rois

En trois tours d'horloge a sans peine

Ressuscité tous nos vieux droits.

On se battait pour des réformes,

Pour des semblants de liberté;

Elle a brisé les vaines formes,

Et rétabli son unité.

(La Républicaine, 25 février 1848)

 

Dans l'oeuvre de Pierre Dupont, la République est à la fois,  je ne peux mieux dire, une Allégorie et une Réalité : Allégorie de la Liberté et réalité de l’évènement. Allégorie de la Fraternité, et réalité de la révolution. La deuxième République est encore un idéal, fait de jeunesse, de rêves, d'insouciance face à l'avenir et face au monde. En même temps, elle n'est plus, enfin, et depuis peu, une utopie. On la salue donc par les visages et par les rues, telle la Bonne Nouvelle. Car -pouvons-nous comprendre cela ?-, la République de Pierre Dupont n'a encore ni sang sur les mains, ni mensonges à la bouche. Pas même une arrière-pensée en tête. 

D'un mot dur, elle n’est pas encore la salope de Steinlen : nous sommes en 1848.

Le mal, alors, ce n'était que les rois, les prêtres et les empereurs. C’était avant la Commune, la colonisation, Panama, la confiscation puis la mise à sac du régime par les notables et les industriels francs-maçons, la guerre de quatorze, les dévaluations successives du franc, juin 40, la collaboration, les accords de Bretton Woods, Hiroshima, l’exode rural, la guerre froide, la décolonisation, le pétrole, les idées, Joe Dassin, Claude François et Sylvie Vartan, le pétrole encore et toujours, les week-ends meurtriers sur les routes, Giscard, Mitterrand, la vie Auchan, l’argent virtuel, le consumérisme, le communautarisme et les putains de banlieue, Tchernobyl, la couche d’ozone, Zidane, Harry Potter, Loana, Internet, le réchauffement climatique, en un un mot, la République vivait ce qu’on pourrait appeler son âge d’Or, l’âge d’or de la République Française. Et Pierre Dupont pouvait chanter que le vote était sacré.

Pour mieux comprendre et situer cet instant qui ne dura que deux années réelles mais subsista virtuellement durant tout le second empire, écoutons Baudelaire, préfacier enthousiaste des œuvres complètes de Pierre Dupont :

 « La révolution de Février activa cette floraison impatiente, et augmenta les vibrations de la corde populaire ; tous les malheurs et toutes les espérances de la Révolution firent écho dans la poésie de Pierre Dupont. »

Cette République décrite telle une vibration, qu'est-elle pour ces hommes d'alors sinon un instant de grâce, je ne trouve d’autre mot pour le nommer...

N’est-ce pas d’ailleurs  à cet instant que, de manière toujours abusive, chaque président fait allusion à sa prise de fonction, pour évoquer ses premiers mois de gouvernance ? Relier, renouer, retrouver, le peuple, le peuple, le peuple, tous à l’affût du bon vieux mythe. Et pour donner à ce mythe une coloration spécifique, Mitterrand eut son convoi ridicule au Panthéon, Chirac sa traversée décontractée de Paris, Sarkozy son jogging ankylosé à Brégançon… Il faut bien que la télévision serve à quelque chose...

Glissons.

« A mon avis, Pierre Dupont a été surfait par les uns et réduit plus que de raison par les autres », écrivit l’un de ses critiques (aujourd’hui oublié plus encore que lui-même). Ce constat n'est-il pas davantage évident pour les écrivains politiques que pour les autres ? Et Dieu sait si Pierre Dupont fut un chantre politique. Et Dieu sait si Pierre Dupont est à présent oublié.

Durant le vingtième siècle, la république des notables et celle des élus n’a pu qu’exécrer celle des paysans, des ouvriers et des artisans. C'est sous la pression des évènements internationaux (au premier lieu desquels 1917 et ce qu'on appelle dorénavant l'épisode soviétique), bien plus que sous la pression de la rue, qu'elle a été contrainte d'ouvrir sa bourse et de délivrer des droits sociaux. Depuis la création de l'Europe libérale, depuis l'effondrement du bloc soviétique, combien de mouvements de rues ont eu raison des gouvernants ?

La République qui n'est plus celle de Pierre Dupont a appris à manier les armes de l'autoritarisme et celles de la démagogie. Lorsqu'au moment du vote, elle se souvient avoir besoin du peuple, de quelque parti ou de quelque loge  que soient ses élus, ils n’hésitent jamais à recourir au populisme le plus abject, le plus goujat, celui de gauche comme de droite, si c’est le prix à payer pour assurer une réélection ou bien reconquérir le pouvoir. 


Relire Pierre Dupont, c’est un peu comme se laver de tous ces miasmes. Ceux du sarkozisme, enfant du chiraquisme, enfant du mitterrandisme, lui-même enfant du gaullisme, pour retrouver l’esprit quarante-huitard,  quand la République incarnait à part entière l’espoir du peuple et se présentait aux yeux de tous comme un objet réllement poétique.

  

Voici la musique et les paroles du Chant des Ouvriers, le chant fameux de la Révolution de 1848. L'oeuvre complète de Pierre Dupont n'a pas été ré-éditée depuis 1862 (Muse populaire, chez Garnier frères.) Je suis en train d'en rassembler les bribes éparses. Ceux qui désirent recevoir par mail  les 4 tomes en format PDF peuvent laisser leur adresse mail  ICI 

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15:20 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : france, politique, lyon, 1848, pierre dupont, révolution de 1848, chant des ouvriers | | |