Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 06 mai 2012

Au menu de la soirée, du melon hollandais

J’aurai donc clos l’ère Sarkozy tout en corrigeant des copies, et débuté l’ère Hollande tout en faisant de même, preuve qu’au fond les urnes ne changeront guère nos existences. Lorsqu'on songe, pourtant,  à la quantité de motivations qui se sont déversées dans l’urne durant toute la journée : ce méli-mélo de passions humaines, le désir, la rancœur, la conviction, l’instinct grégaire, le mépris, l’admiration, l'humour, le sens du devoir, de la provocation, la haine, l’espoir, la crainte, la nostalgie, le cynisme, le calcul politicien, l’idéalisme,  l’esprit de contradiction, la propagande, la violence, la vanité, le militantisme, l’adhésion à ou le rejet de ceci, de cela, de son mari, de sa femme, de ses collègues de bureau, l’émancipation ou la fidélité par rapport au vote de ses propres parents, le suivisme envers tel ou tel star ou tel sportif, les consignes, les fidélités claniques, les projections, puis les varia -il y en a qui mettent un bulletin dans l’enveloppe les yeux fermés, d’autres une moitié de chaque petit rectangle de papier, ou un morceau de sopalin-, le tout magma ou lave en fusion coulant de petite main en petite main à travers les lettres (de très légers empattements) qui forment le nom des candidats, une vaste chaîne jusqu’à la décision finale. Alors ce concentré, cet amalgame confère une légitimité à un seul, que le temps forge et déforge.

Mais toi demain, tu seras seul avec la chasse d’eau qui fuit, les résultats scolaires de tes gosses, le prix trop élevé des biscottes ou des bridges en porcelaine, les examens à passer, les factures à régler… Et comme tu sais tout ça, hélas, depuis lurette, t’as peut-être demandé au plus jeune de ta marmaille de dessiner le clown Bozo sur une feuille de calepin déchiré, avec les feutres achetés à Carrefour et c’est ce truc là que t’as glissé dans l’enveloppe, avec le nez rouge et une étoile sur la tête. Du coup ton vote qui est nul te devient précieux tout comme ta vie qu’on juge nulle, parce que tu lui trouves un sens au milieu du méli-mélo des passions que comptent et recomptent les assesseurs. Ou bien tu as suivi un camp ou un autre, convaincu ou bien illusionné, la consigne de l’un ou de l’autre des candidats du premier tour. Alors ta voix, crois-tu, ta voix aura compté ce soir.

Bientôt, tu sais que le cirque va recommencer. Après le président nul, le député nul. Tout ça flatte en toi pourtant un instinct et tu ne saurais dire lequel : l’instinct du vote ? L’instinct grégaire, celui d’un troupeau historique devenu République ? C’est l’école qui t’a appris ça, souviens-toi : Toi, tu appartiens à une famille, à un clan, qui ne causait jamais politique. Sans doute as-tu tôt senti dans leurs yeux combien la politique, le grand père pour commencer par lui, ils en étaient revenus. Le mépris du politicien, ça se boit au biberon. Alors… L’instinct du décideur ? Dans ta caisse en sapin, tu ne diras plus rien, tu ne sauras rien, tu n’auras plus part…  Qu’est-ce que ça flatte, au fond ? Qu’est-ce que ça justifie ?

Cette sueur populaire suinte un instant sur un président qui sort des urnes, tout comme le sang sur un nouveau-né. On comprend dès lors que la première des choses qu’il ait envie de faire soit d’aller se doucher, seul dans un bureau, avant de prononcer son discours, qu'on dit inaugural.

Moi président va cependant devoir très vite cesser d’égrener des lieux communs d'un ton de texto sur les valeurs de ceci ou les valeurs de cela. Il va devoir cesser de se rêver en rassembleur ou en pacificateur de je ne sais quelle « France meurtrie » ou « pays à reconstruire », pour commencer à s’agiter, l’air grave, dans une Europe que gouverne cette même BCE à laquelle il a contribué à donner tous les pouvoirs jadis, quand il dirigeait le PS de son rusé tonton, et qui continuera pour longtemps à n’être que celle de la crise, du crédit, de la dette et de la dèche, avec tous les privilèges qui vont de pair…

Les ténors, cadres et autres personnalités du parti socialiste qui ce soir, hélas, tient presque tout le pays, sont chargés de mettre en scène sur les plateaux TV et à la Bastille un remake nostalgique de 1981 ; ces barons prets à investir le pouvoir comme on conquiert un poste dans une entreprise, que leur importe, cette autre élection significative qui se conclut en Grèce, et que bientôt ce soit devant leurs portes closes que les peuples viendront gronder ? Ils se partageront porte-feuilles et maroquins, la langue de bois devenue bétonnée, le rictus toujours en coin.

Pour eux, ce n’est pas du changement ; c’est la Restauration. 

hollande,politique,élections,présidentielles

hollande,politique,élections,présidentielles

hollande,politique,élections,présidentielles

Louis François Egalité : Mitterrand III ou Sarkozy II ?

19:59 | Lien permanent | Commentaires (92) | Tags : france, politique, élections, présidentielles | | |

vendredi, 04 mai 2012

Les pères de la République ont tonné

 

bayrou,sarkozy,politique,père,république

En traitant naguère Sarkozy « d’enfant barbare », Bayrou prenait face à lui la position de celui qui sait et qui corrige, celle du père qui morigène. En parlant de « cour de récréation » l’autre dimanche au cimetière, François Hollande adoptait ce même point de vue hautain. Ce dernier commente le ralliement du président du Modem à sa candidature de cette façon : « Bayrou a pris conscience que le candidat sortant divisait et que moi je rassemblais ».  Rassembler, telle est encore le propre de la fonction paternelle. Les voilà donc réunis tous deux, les Pères de la République pour ce futur quinquennat qui ne s’annonce  pas très joyeux, c’est bien  le moins qu’on puisse dire.

Quand la saison est prospère, la figure du grand frère qui entraîne les autres en montrant des biceps de caïd fonctionne à merveille ; Sarkozy a séduit en 2007, parce que contre les pères mitterrandien ou chiraquien que le pays venait de subir, il apportait un oxygène salvateur. « Ensemble, tout devient possible » : sa posture symbolique était celle du frère, de l’égal. Sans doute est-ce pour cela que l'opinion ne lui a pas pardonné un dîner au Fouquet’s ou un petit tour sur le yacht de Bolloré, alors qu’elle pardonna à ses prédécesseurs bien pire, un château quasiment payé au frais de l’état ou une table réservée tous les soirs dans ce même Fouquet's. Mais un frère n’est pas un père. Il n’a pas les mêmes droits, les mêmes privilèges ; Sarkozy mit du temps à le comprendre, et ce temps qui passa fut celui de son immaturité. Nul doute que le sérieux  Hollande ne commettra pas la même erreur…

Les termes d’aventurier, de voyou qui ensuite ont fait flores ont fini par le ranger du côté – ce qui vu la fonction occupée était particulièrement risible – du mauvais garçon, du transgresseur, que n’a-t-on pas  entendu ? Enfant qui n’a pas voulu se plier aux contraintes de la posture présidentielle, et dont on  moqua longuement les talonnettes qu’il portait pour faire plus grand. (1) Ne parlons pas du mariage avec Carla, l’ancienne maîtresse de Mick Jagger… Ne parlons pas du nabot.  J’ai vu beaucoup de gens, qui n’avaient sans doute jamais jeté un cil sur la Princesse de Clèves, presque avaler leur plastron parce qu’un parvenu de la pire espèce avait ainsi osé mettre en doute l’intérêt de sa présence dans un concours de recrutement de fonctionnaires de catégorie B. Atteinte intolérable au … patrimoine.

Hier, Sarkozy traita rapidement Hollande de « petit père la Vertu ». Aujourd’hui sans aucun doute est-il en train de ruminer la même insulte contre le piètre Bayrou qui sera sans doute Premier Ministre dans un ou deux ans quand la gôgoche en sera venue, le cul pincé, à la saison de la rigueur... Père la vertu !…  Ne voit-il à quel point Hollande et Bayrou sont au contraire davantage des fils la vertu, dans leurs postures de rassembleurs ? Des enfants sages, des fils qui jouent aux pères qu’ils ont eus, plutôt que des pères véritables ? La République a-t-elle besoin de ces pères-là ? La République a-t-elle besoin de pères tout court ? Tous deux semblent pourtant avoir touché le point faible de Sarkozy lequel, comme beaucoup de garçons sans père, cherche toujours plus à incarner une grandeur à jamais fantasmée qu’à rassembler des petits autour de soi, cherche inlassablement à devenir, bien plus qu’à ressembler.

Sur le seul plan politique, que Sarkozy veuille « incarner le peuple » est certes aussi risible que Hollande qui prétend le « rassembler » autour de son parti de notables. Je m’interroge sur la stratégie de communication de cet étrange président qui, après avoir occupé cette posture trop virile aux yeux de beaucoup de « l’hyper président », et s’être tant fait tapé sur les doigts comme on reprend un aîné bagarreur, se retrouve à quelques jours de perdre une élection qu’il aurait gagné haut la main face un adversaire aussi médiocre que Hollande s’il avait accepté – mais il en est semble-t-il incapable –de jouer le jeu que la crise et ses faux-semblants exigent de lui, et dont les deux autres sauront si bien adopter (imiter) la posture. En 2007, on avait le choix entre une femme et un mauvais garçon. 2012 signe le retour des Pères de la République( Hollande, Bayrou) celui des fils sages et patients (Valls, Montebourg…), voire de l'oncle invité à la soupe le dimanche (Mélenchon ).

L’ordre, le vrai, celui qui se dit changement. Et comme le rappelle le père Hollande en fronçant le sourcil qu'il a maigre, tout va bientôt redevenir normal.  Il faut en partie être aveugle pour s’en réjouir. 

(1) Il y a là une vraie question : Pourquoi les hommes politiques, Sarkozy, mais aussi Fillon, Hollande, Bayrou, sont-ils de taille si petite ?


08:37 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (31) | Tags : politique, république, france | | |

lundi, 14 novembre 2011

Le leurre Hollande

Le François made in Corréze n’est pas encore élu qu’il est déjà critiqué par son aile gauche, comme s’il était aux affaires depuis dix ans : « capitaine de pédalo  dans la tourmente », pourquoi diable la formule de Mélanchon fait-elle si joliment mouche ? Voilà une question que les soutiens du candidat devraient se poser avec plus de sérieux qu'ils ne le font. J’entends ces gens qui se rêvent déjà ministres utiliser de plateaux télé en plateaux télé la même méthode Coué en martelant que « les Français ne supportent plus Sarkozy », que « les Français en ont marre de la droite », etc, etc. C’est certes vrai des 2 à 3 millions de militants et sympathisants de la primaire socialiste qui se sont déplacés et y sont allés de leur écu. Cela dit, comme ne s’est pas privé de leur faire remarquer Copé, 3 millions, ça ne fait pas une majorité : la preuve ? C’est encore moins que le score de Jean Marie Le Pen au premier tour de 2007 ( 3 millions 834 530, soit 10,44 % très exactement). Moi, ce n'est pas de Sarkozy que j'ai marre, mais de quelque chose de beaucoup plus vaste, une sorte de tartufferie politicienne qui dure depuis longtemps, et dans laquelle les socialistes autant que les sarkozistes sont inclus. D'ailleurs, tous ces barons locaux ne sont-ils pas déjà aux affaires dans les régions, dilapidant tout autant que ceux de droite au gouvernement, l'argent et le patrimoine public de la même façon ? 

Voilà pourquoi, que ce soit Sarkozy ou Hollande, je n’en ai pas grand-chose à faire. Je sais déjà que le changement en France n’arrangera que les élus ou les militants d’un bord ou de l’autre qui ont des dents à planter dans le gâteau. Comme le remplacement par Monti de Berlusconi, celui de Papandréou par Papadémos  (quel nom, le père du peuple, ça fait un peu froid dans le dos…) celui de Sarkozy par Hollande ne serait qu’un leurre de fort courte durée, un leurre jeté dans les eaux troubles pour créer, faute de rêve, du répit. On le voit déjà, le pli au front, errer parmi les tombes de 14/18 pour se trouver une stature, quelle inspiration !

Giscard d’Estaing et sa loi de 1973 ont permis à Mitterrand de financer sa « politique sociale » au point de devenir ce Dieu-grenouille ridicule qu’on a connu, qui fut le premier, il faut le rappeler, à précariser la jeunesse avec les TUC de 1983 (le socialisme militant eut la vie brève). Puis cette même loi permit à deux présidents de droite de maintenir à grands frais un geste de hauteur – faute de grandeur (car ceux qui taclent constamment Sarkozy ont oublié que ce dernier n’est que le fils conjoncturel de Chirac en matière de grossièretés et de revirements de veste) – geste de hauteur de plus en plus grotesque, tout en arrosant les plus riches. Chacun des trois derniers présidents a donc laissé creuser le déficit à des fins électoralistes, selon le vieil adage de Louis XV, je crois, « après moi le déluge ». Mitterrand est mort, Chirac à moitié gâteux, Sarkozy presque carbonisé : que peut-on attendre de l'énarque Hollande en train d'ouvrir les narines et d'humer l'air, lui qui n’a jamais dirigé que le PS et ce dans son époque la plus corrompue  (et on peut à nouveau savourer là la bonne blague de son copain Mélanchon) quel renouveau, quelle vertu, quelle discipline ? Comme Sarkozy, Hollande ne serait jamais qu’un leurre, qui peut en douter ? d’ailleurs ce vieux roué de Mitterrand le savait fort bien, qui traita un jour Chirac de « faux-dur entouré de vrai professionnel ». Et qui, songeant à l’héritage de souveraineté qu’il laissait à celui qu’il ne considéra jamais autrement que comme son premier ministre, déclara un jour dans l'un de ces sourires mortifères dont il avait le secret qu’il serait, lui, le dernier président français. Après avoir vendu le pays à Maastricht, en faisant basculer de ce côté catastrophique le vote des Français, il savait ce dont il parlait. Toujours en parlant de Chirac, Hollande balança : «Si ce type entre à l’Elysée, n’importe qui peut y entrer…. »  On ne saurait mieux dire…

En attendant, le choix que les urnes laissent en 2012 aux classes moyennes est celui de la rigueur imposée (UMP) ou de la rigueur consentie (PS). Entre la peste et le choléra, je ne choisirai pas. Le système a toujours fait passer qui il voulait, on sait bien que Sarkozy & Hollande sont ses deux candidats et que l’un comme l’autre ferait son affaire. Durant les dernières décennies, le peuple, comme ils disent tout le temps (et qu’est-ce que ça a le don de m’énerver), a foutu deux fois le bordel dans leurs belles prévisions : Le Pen au deuxième tour en 2002 et le Non à la Constitution en 2005. Contempteur blasé de ce vieux rite démocratique fatigué et désormais placé sous la Haute surveillance des marchés, j’attends de voir, un peu comme on attend sans l'attendre le dénouement d’une série à laquelle on s’est laissé prendre, autant par lassitude ou désœuvrement, quel leurre sera à l'arrivée en 2012. 

 

politique,sarkozy,hollande,france,europe,actualité


vendredi, 15 juillet 2011

Pitoyable Joly

.A la phrase parfaitement cohérente de Fillon : «Cette dame n'a pas une culture très ancienne des valeurs françaises », Eva Joly, qui vient de contester la tradition du défilé militaire au profit d’un défilé citoyen (on craint le pire…) répond par « Cela fait cinquante ans que je vis en France et donc je suis Française.»

Autrement dit elle confirme qu’en effet, elle n’a pas une culture très ancienne des valeurs françaises. Cinquante ans, qu’est-ce, au regard de Valmy ?

Pour ma part, je ne suis pas un militariste convaincu, je ne regarde jamais le défilé du Quatorze Juillet ; pourtant, je sais les liens entre la culture française, sa littérature, sa peinture, sa musique et Valmy, la Grande Armée napoléonienne, les poilus de Quatorze Dix-huit. Et je vois bien que les propos de cette femme ne relèvent pas du domaine du scandaleux, mais de celui de l’arrogance. C’est ce discours du contemporain, toujours le même, ce discours qui prétend que tout ce qui n'est pas nous est « dépassé » : c’est au fond l’argument des imbéciles. Comme celui, d'ailleurs, qui consiste à confondre la France et les Français ( et donc, dit-elle). La France existe depuis le Moyen Age. Les Français, qu'ils soient de souche ou issus de l'immigration, - comme on dit aujourd'hui - n'existent que depuis qu'en leur coupant le cordon ombilical, on leur fit un nombril. Cette dame pitoyable devrait s'en souvenir plutôt que de jouer aussi vulgairement qu'elle vient de le faire en se prétendant attaquée (alors que c'est elle qui sort des conneries grosses comme elle) la carte populiste de la discrimination. 

france,français,eva joly,françois fillon,quatorze juillet, défilé militaire


samedi, 25 juin 2011

Faites du cinéma

Le jour où les adresses IP deviendront plus chères que les pas de portes, peut-être que le monde virtuel redeviendra à part entière une part domptée, une page écrite, un tableau achevé du monde réel. Ceux qui, croyant converser avec le monde entier grâce à leur portable s’apercevront, dépités, qu’ils n’ont jamais tenu le crachoir qu’à quelques dizaines, voire centaines de personnes éparpillées un peu partout, reviendront sur terre.

A cette époque, le Japon sera-t-il toujours habité ? La Grèce sera-t-elle ou non devenue une colonie chinoise ? Le Qatar aura-t-il envoyé le premier specimen humain sur mars ? Et la France ? Martine Aubry  sera-t-elle enfin présidente ? Pourra-t-on enfin y fumer tranquillement son chichon sur le perron d'une église en sortant du baptême du fils de ses voisins gays ? De quel archipel financier indéfini sera-t-elle la colonie ? Non contents d'avoir voulu être tous égaux, serons-nous enfin tous pareils

Il parait que débute la fête du cinéma. Voilà qui me donne envie de faire de la musique, où d’offrir une cravate à pois, comme celle à Gilbert sur la photo, à mon  vieux papa...

 

fête du cinéma,




12:18 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fête du cinéma, société, politique, france | | |

mardi, 21 juin 2011

Fête de la musique

Dans sa naïveté, il espérait qu’ils en auraient tous marre un jour. Qu’ils comprendraient que cette fête qu’ils honoraient depuis trente ans n’était qu’une fête nationale aussi conne qu’une autre, que celles qu’ils critiquaient par ailleurs, une fête qui n’avait plus rien ni de festif ni de subversif, destinée à soutenir l’ordre en place. Comme les autres. Comme toujours. 

Dans sa naïveté, il se disait qu’ils finiraient par ne plus vouloir ressembler à leurs mères et leurs pères qui déambuleraient cette nuit-là encore comme chaque année en troupeaux dans les rues, au milieu du vacarme des villes. Qu’ils se diraient enfin que, la musique, oui, mais pourquoi tous ensemble, pourquoi cette nuit-là, pourquoi en troupeaux, entre des barrières de CRS ?

Quel nom déjà, ce ministre qui avait si bien su brouiller tous les repères culturels des gens, et continuaitn déplumé, à faire le bellâtre à la télé ? Faites de la musique ! Tout ça pour un bon mot à la con... Ils en étaient là...

Dans sa naïveté, il se répétait qu’une fête ne pouvait ainsi se perpétuer sur commande, qu’il y aurait bien forcément un jour ou l’autre un mouvement d’Indignés contre çà aussi, tout ce bordel municipalement organisé à dates fixes par toutes les mairies de l’Hexagone, dans les provinces de l’Empire...

Qu’il suffisait peut-être de laisser passer encore un peu de temps…

recyclage-du-materiel-electronique_940x705.jpg


09:58 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : fête de la musique, politique, france, empire | | |

mercredi, 01 juin 2011

G.T.

Je m’étais depuis longtemps promis de rendre un hommage particulier à G.T., mais le temps filant, sales semaines qui se suivent, j’avais sans cesse remis à plus tard cette espèce de dette accrochée à la filiation. Que de choses demeurent en friches et trouent la barque parmi nos résolutions, parce que tout simplement nous nageons trop vite et trop mal, en gens pressés dans un siècle sans esprit, cloués à la routine tels des chouettes au cœur vide.

G.T. naquit, fils majeur dans une famille de cultivateurs, le 29 octobre 1834. Sur son extrait de naissance, les âges de son père (trente deux ans)  et de sa mère (trente quatre). La première fois qu’il a glissé entre mes pattes, je me souviens m’être dit que ça faisait des parents plutôt âgés pour le dix-neuvième siècle et une famille de paysans : leur jeunesse à tous deux, un espace déjà romanesque, ouvert sur son berceau.

L’Ain, en pleine Monarchie de Juillet, campagne profonde d’un pays chrétien où se parle le patois. Les parents de Guillaume, Antoinette et Claude ont reçu juste ce qu’il faut d’instruction pour être à même de signer les registres : leurs signatures vacillantes, balbutiantes, baveuses, de quoi m’émouvoir, oui. Me semble percevoir le bruit de leurs pas, renifler leurs odeurs et comment dire ? Leurs traces, oui, comme les empreintes du gibier qui s’est enfui, sur le registre des mariages de la commune de Thil, ce 3 février 1862-là. Devant un officier du nom de Jean Martin, dans le canton de Montluel, Guillaume T. comparait à la maison commune en compagnie d’Antoinette M., elle aussi cultivatrice et fille de cultivateurs. La lignée. Le sillon. Ils sont des millions par tous les départements, comme ça, à faire un pays.  Il a 27 ans, elle 23.

Conformément aux articles 63 et 64 du code Napoléon, suite à un contrat établi par un certain maître Munier, notaire à Miribel, les voilà qu’on  déclare unis au nom de la Loi ! Quel effet ça peut faire, d’avoir 27 ou 23 ans en 1862 !  Tellement facile  et tellement niais de s’affirmer tous les héritiers d’Arthur, à présent, pauvres modernes de nous passés par les bancs du lycée !  Arthur, c’était qu’un fieffé fou, un cas, comme disait l’entourage de la mère Rimb’, un extravagant, un inconnu. Mais pour les gens du commun qui furent ma souche, avoir 27 ou 23 ans alors, c’était quoi, comment, cet hier déjà si lointain ?

De l’autre côté de l’Atlantique débute la Guerre de Sécession. En Egypte, se perce le canal de Suez. En Prusse, Bismarck est fait ministre de Guillaume Ier, et par cheu nous, Guillaume et Antoinette se marient nom d’un chien ! Imaginer ces ancêtres bilingues ? Pas possible… A s’attarder sur l’épais trait des lettres appliquées de leurs signatures, même fierté de rustres que j’imagine, pourtant, fiers d’avoir su écrire comme d’avoir gagné l’Université à quelques générations de ça. La France, nation civilisée d’après 89. Sûrs d’être modernes, eux déjà.

Républicains ? Peut-être. Dans la suite du registre de l’Etat-civil, le nom de Guillaume presque partout ; toujours lui qu’on cite en témoin, à titre de cousin ou de voisin, sa griffe quatre ou six fois l’an, sous des avis de naissances, de mariages, de décès. A-t-il lu beaucoup de livres ? Nulle assurance. Le journal, j’en ai l’intime conviction. J’imagine ses pantalons gris à rayures épaisses, ses chemises de coton, ses bretelles à boutons. Sans trop me forcer, j’entends comme son rire

Or nous voici déjà en 1867. Une nouvelle fois, sur le parquet rustique de cette maison commune. Guillaume « présente un enfant de sexe masculin ». C’est le 30 décembre. A son domicile est né un garçon qu’on prénomme aussi Guillaume avant d’aller vider les verres. Guillaume II, donc.  On vient de passer Noël. Bientôt l’an neuf.

Se joue-là comme un bonheur épais, collectif, rural, calfeutré dans les rouages de la tradition et sûr de son temps. La poursuite de la race. Cultivateurs, leurs maisons basses sont en pisé, leurs champs bordent le Rhône large qui galope vers la ville, leurs rues sont bordées de platanes et leur église, faite de chapelles bancales autour d’un haut clocher, domine le haut mur du cimetière où veillent les Anciens. Entre Lyon et la Suisse, il y a comme du Jean-Jacques dans leur république agricole.

Ils portent noms Guillaume, mais aussi Claude ou Balthazar. Antoinette, Jeanne ou Claudine. 1867 : s’apprête à leur tomber dessus, avant la grande Boucherie de quatorze qui balayera leur monde, comme un avant-propos douloureux,  la première guerre du monde moderne.  Guillaume qui sait écrire, continue à signer les avis, d’un geste de plus en plus sûr, qui rythme la vie de la commune. Les saisons recouvrent les champs humides non loin du Rhône. Le fleuve offre ses poissons, mais fait aussi pousser l’arthrose. Le pire et le meilleur, toujours. La République de Paris arrive à son pas. La salope leur offrira le meilleur, et le pire tout autant.

C’est Guillaume qui, un tragique soir de janvier 1863, « à une heure du soir », avait signé à 28 ans l’acte de décès de sa mère. C’est lui qui, dix ans plus tard, aura signé celui de son épouse « âgée de trente quatre ans ». Plus tragique encore, et j’entends derrière ces lignes comme un gros chagrin : on vivait en ce temps là dans les champs contigus de la naissance et du deuil, vieillissant, apprenant à survivre.

En 1884, c’est finalement lui qui trépasse, « au domicile de lui-même »,  déclare l’avis signé par son beau-frère et par l’instituteur, le trente du mois de novembre à six heures du matin. De quoi meurt-on, en ces temps déjà modernes et pourtant rudes,  à cinquante ans, au domicile et quand point l’aube ? Suis tenté d’imaginer la thrombose, la thrombose des cultivateurs, et j’espère pour lui qu’elle fut vraiment foudroyante.  Il était le grand-père que mon grand-père, né en 1893, n’a jamais connu. Pourtant, que peu d’ans nous séparent !

Je n’ai reçu de lui, ni murs ni papiers ni paroles ni photo. Que des gènes, un vrai parchemin de silence. Sur lequel était inscrit le pire comme le meilleur, l’écriture et la thrombose, un vif émerveillement, aussi, quoi d'autres... allez savoir ?  Au cimetière de Thil, nulle trace de sa tombe et sur les registres, le seul roman de sa signature. La dette était là, pourtant, jusqu’à ce jour. Ce genre de chose qu’on sent qu’il faut aussi régler.

Guillaume T, octobre 1834, novembre 1884. Un siècle tout juste avant Orwell.

Dans la France chrétienne d’alors, on composait à la plume des espèces de faire-part en carton plié  : « Il n’a pas connu le repos ici-bas. Priez pour lui, en retour, il priera pour vous ».  

Voilà. A ce point d'effacement, la prière est telle une dette, et la dette telle une prière : nombreux ceux qui furent, et dont le portrait le plus juste n'est qu'un champ...

sasiadka20.jpg


20:09 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, ain, thil, france, état-civil, hérédité | | |

samedi, 07 mai 2011

Français, vieux et moyen

Dans le bœuf, le morceau qu’il préférait était le manteau, le nom qu’on donnait dans son quartier à la hampe. Comme le morceau n’est pas si gros, il se rendait chez le boucher dès l’ouverture, pour assurer sa part du jour avant que les mères de familles nombreuses ne fassent la razzia.

Il ne ratait jamais le tirage de l’Euromillions.  Parmi les dates des grandes victoires napoléoniennes, il avait choisi plusieurs numéros pour figurer les chiffres et les étoiles à cocher sur les grilles. Comme il ne jouait jamais, il guettait toujours sur l’écran la chute des boules, avec au ventre la peur que sa martingale sortît. A la fin, il poussait toujours un ouf de soulagement en constatant que sa combinaison n’était pas tombée. Ne l’ayant pas jouée, il s’estimait remboursé. Et le lendemain, buvait un verre de Viognier à la santé de cette putain de Française des Jeux, heureux, au PMU du coin.

Sitôt quitté le collège, il n’avait plus lu aucun roman. Durant son existence, il n’avait d’ailleurs terminé que peu de livres : quelques essais de libres penseurs l’avaient intéressé dans les années soixante, mais à présent qu’il s’approchait de la vieillesse, il songeait qu’il était inutile de se brûler les yeux pour si peu.  

Sa vie professionnelle avait filé sans brio, lui assurant juste la possibilité de traverser les temps de crise sans trop manquer, comme disaient jadis les braves gens qui l’avaient élevé et qui tous étaient morts. Mais sans non plus lui permettre de se mettre à l’abri. Le soir, avant de s’endormir, il entendait les quelques piétinements de Milou parmi la paille, dans le vieux fourneau qui lui servait de table de nuit et se murmurait en lui-même qu’au fond, ça n’avait pas été si mal d’être un rond de cuir, que ça aurait pu être pire.

Lorsque durant ses promenades, il croisait une bande de jeunes, il s’étonnait formidablement du fossé vaste qui désormais le séparait d’eux. Les vieux de sa jeunesse ressentaient-ils cet écart aussi vivement ? Ce qu’il avait pris jadis pour de la morgue ou du dédain, il comprenait à présent à quel point ça tenait de quelque chose d'imperceptiblement métaphysique : n'était-ce pas lié à cette chose que sans se l’avouer, depuis la disparition de sa vieille cousine (dernière de la famille à l’avoir ainsi quitté) il attendait à son tour  ?

Les milliards de petits pas qu’il avait effectués sur l’asphalte chaque jour de sa vie compteraient-ils beaucoup plus que ceux de Milou sur la paille ? Savoir ! Au fond, l’existence de cet homme avait quelque chose de romanesque qui lui appartenait en propre mais que ni lui, ni aucun de ses semblables n’écrirait jamais. Ce romanesque tenait certes du désenchantement qui s’était saisi de toute sa génération vers la fin du siècle dernier, devant la fadeur décrétée du Réel. Mais aussi, sans doute, d’une capacité inébranlable à maintenir vivant en lui une sorte d’illusion de grandeur, qui le rendait au soir de sa vie aussi imbécile qu’heureux. 

clapierenvilledoisneau1.jpg


00:45 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, france, société, politique | | |

dimanche, 24 avril 2011

Salauds de pauvres

Marine Le Pen, ça se confirme, fait un tabac chez les ouvriers : 36%, affirme un sondage du Journal du Dimanche. C’est finalement un signe de santé de la part de cet électorat qui majoritairement, qu’il vînt de la droite ou de la gauche extrêmes, avait rejeté la Constitution giscardienne et que les barons de l’UMP comme ceux du PS giflent et toisent de haut depuis des décennies. Décomplexés, les pauvres ! Salauds de pauvres !

Et c’est drôle de voir  les états majors de tous bords affuter leurs arguments : Marine Le Pen n’a pas de programme, ne tiendra pas ses promesses, Marine Le Pen décevra… Comme si eux, non plus n’étaient pas, n’’avaient jamais été des professionnels de la déception. Comme si eux non plus ne s’apprêtaient pas à décevoir.

D’ailleurs, les riches ont tort et le savent : Ils savent que Marine le Pen ne décevra pas, elle, et les pauvres le savent aussi, puisqu’elle ne sera jamais élue. Elle ne sera jamais élue contre leur monde, celui des medias, de l’économie, de la finance et des affaires. Elle ne décevra donc pas. La boucle est bouclée et le roi est nu, le roi est plus que nu, sur sa fesse droite comme sur sa fesse gauche.

C’est pourquoi toutes leurs sirènes d’alarmes, leurs gyrophares policiers et leurs mines de circonstance devant ces sondages en réalité calamiteux pour eux sont si vains, sonnent si faux, mettent une fois de plus à nue leur seule ambition au service d’eux-mêmes, dans ces primaires aussi ridicules là où elles sont déclarées (à gauche) que là où elles ne le sont pas (au centre et à droite).

Tout le monde sait que si elle passe le 1er tour, Marine Le Pen ne servira, comme son père avant elle, qu’à faire élire avec un score sans doute moins pharaonique que le désastreux Chirac (82,21 % au premier tour !), mais cependant toujours aussi peu représentatif, un de ces candidats du sérail.

Alors, le vote utile ?

 

fr2-1.gif

Même cette rhétorique éculée ne prend plus.  Comme si finalement, les pauvres disaient aux riches qu’ils se foutent bien que ce soit l’un ou l’autre d’entre eux qui les gouverne, puisque comme le fit au forceps la constitution européenne, ce sera de toute façon l'un ou l'autre d'entre eux qui passera.

La politique n’est plus même un spectacle qu'on se contente de regarder de l'autre côté d'un écran. Le parterre veut s’amuser. Et demande à rire un peu.

19:41 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marine le pen, politique, france, 2012, élections | | |