samedi, 26 juin 2010
Serviteurs du moche
« La perfection technique ne peut créer que l’ennui », affirme Jean Renoir, non sans humour. Il annonce la fin du cinéma sous le règne des serviteurs du moche. Nous y sommes. De la tapisserie de la reine Mathilde à la finesse de grain de la pellicule moderne, il nous explique comment le réalisme absolu dans un art coïncide avec son inévitable décadence. De l’art et de la manière d’allumer le feu le matin, de l’effet du progrès sur ,et du sens de ce qui ne s'explique pas - ou seulement instinctivement - par Jean Renoir. En générique final, La complainte de la Butte, le tout made in RTF...
22:57 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, jean renoir, ortf, reine mathilde, art, france, société |
Un monde qui se chie dessus, et à l'envers par dessus le marché...
Quel abruti disait l’autre jour à propos du carême : « c’est le ramadan des chrétiens … » ?
Et cette insanité, cette horreur, exposée dans un musée niçois par le très rose et très porcin Wim Delvoye, l'inventeur de la machine à chier, bientôt à Paris...
Un monde à chier, pas d'autres mots, à force de s'être chié dessus...
20:35 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ramadan, carême, france, christianisme, société, wim delvoye |
lundi, 21 juin 2010
Le foot, c'est méta-fort
Les politiques qui ont fait du foot une métaphore de la société française en 98 voient donc enfin cette métaphore leur retomber dessus par un coup de boomerang salutaire. Pas seulement la métaphore du très démagogique slogan black-blanc-beur, mais aussi celles qui structurent tout un lexique comme celui du coaching universel qui était censé incarner la relation d’entreprise instaurée dorénavant du haut en bas de la société, du « tu fais une erreur et ça se paye cash » débité par les joueurs sans cervelle à longueur d’écrans, du « c’est que du bonheur » pour célébrer l’argent dans lequel on nageait à profusion, la notoriété acquise grâce à quelques bons ballons.
S’il est des footeux qui espèrent que ce sera l’occasion d’un formidable coup de balai, aussi bien dans l’Equipe de France que dans la fédération, chez les agents, les clubs, les entraîneurs… j’ai peur qu’ils soient bien optimistes : il y a trop à balayer, et puis avec quoi balayer, et qui tiendra le balai ? Sans compter la surface : la mesure-t-on ? Du vestiaire à la loge et de la loge au palais, le terrain est pour le coup bien trop vaste pour des petites mains. Et trop symbolique. C’est bien dommage.
Au moins que ce spectacle grotesque soit l’occasion de rappeler quelques vérités historiques : si la France est une nation de footeux, elle ne l’est que depuis trois générations. Au mieux, une mode, donc. Occupation de gentlemen, le football anglais fut introduit dans le pays au début du XXème siècle : c’est bien peu, pour faire une tradition. En 1931, pas plus de 145 000 joueurs. Pas grand-chose, à côté de la boxe, de la pétanque ou du cyclisme. Ou même de l’intérêt des Français pour le tennis. Dernière remarque : C’est la presse qui a contribué à faire du foot un spectacle de masse en France ; suivie par les entreprises qui perçurent bien vite le potentiel publicitaire du nouvel arrivant. C’est la presse qui est en train de tordre le cou à l’imposture actuelle : le foot, quand même, c’est méta-fort.
A lire aussi :
- On se traite d'enculé et on recommence
10:16 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : football, politique, france, coupe du monde, histoire, société, mondial |
samedi, 12 juin 2010
Les Nuls de l'In-foot
Très pervers, le foot : il y a ceux qui ne parleront que de ça, et ceux qui ne voudront pas en entendre parler. Y’a ceux qui soutiendront la France, ceux qui souhaitent qu’elle gicle au plus vite. Dans les deux cas, le foot prend une place qu’il ne devrait pas avoir, vraiment pas, ni dans notre imaginaire ni, évidemment, dans la société. Les medias et les politiques seront parvenus à en faire une sorte de référence. Et quelque position qu’on prenne, on se retrouve à la prendre par rapport à lui. Lui. Le foot. Le foot, c’est comme Sarkozy, qu’on soit pour ou contre, on en parle. Se déchiffre là sa parenté avec le pouvoir. Le foot a bien pris le pouvoir, hélas : Pouvoir idéologique avec ce concept bidonné de France black-blanc-beur. Concept qui, dans sa paroissiale, stupide et médiatique tolérance a oublié les jaunes (désolé, y’avait que trois couleurs sur l’ancien drapeau). . . Pouvoir médiatique, car c’est bien le foot qui incarne le spectacle total aux yeux d’une bonne partie de la population. Pouvoir commercial : qui s’insurge véritablement des salaires de tous ces connards, joueurs, entraîneurs, présidents de clubs, journalistes sportifs ?(1) On te dira que c’est toi le connard, l’aigri, le jaloux… Pouvoir culturel, enfin, puisque comme l’a souligné l’excellent Nauher , même les guignols de la direction du PS courent derrière les Ribéry et consorts en prétendant que le foot c’est de la culture…
Histoire de songer à autre chose, et de se faire plaisir, une perle rare (je crois) : le sourire de Hitchcock
(1) Eugène Sacomano, le bon Eugène de « Ooonnnnn refait le match », sur RTL, monnaye de simples et vulgaires piges à 5000 euros, par exemple, tandis qu’on trouve audacieux un propos de Rama Yade qui n’est qu’un simple propos de bon sens, sur l’incongruité d’un hôtel de luxe pour l’équipe des joueurs français, lesquels dans cette affaire ne représentent bien évidemment qu'eux-mêmes et leurs propres intérêts. La France, qu'on lui foute la paix.
06:46 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, france, afrique du sud, les bleus |
mercredi, 07 avril 2010
Renan et la civilité française
« La civilité extrême de mes vieux maîtres m’avait laissé un si vif souvenir, que je n’ai jamais pu m’en détacher C’était la vraie civilité française, je veux dire celle qui s’exerce, non seulement envers les personnes que l’on connaît, mais envers tout le monde sans exception. ».
Dire pourquoi la saveur de cette phrase me touche particulièrement relève de l'exercice de style. Il y a d’abord l’antéposition de « vieux » : Je n’aime volontiers ce mot vieux qu’antéposé, parce qu’il dit alors la continuité du sentiment malgré tous les aléas, la fidélité aux êtres, il marque une certaine moquerie désinvolte à l’égard du temps, qui prétend éroder les affections diverses qu'on porte aux choses, qui me plait bien. Le v de mes « vieux maitres », sans qu’on s’en rende véritablement compte, reprend celui de « civilité », et précède dans l’essor de l’allitération ceux de vif, vraie, veux, et deux fois « envers ». Indiscutablement, cette allitération porte le propos jusqu'à l'oreille et sans doute joue-t-elle un rôle dans ce qui me charme en lui. Mais pas seulement : La suite logique par laquelle les deux phrases s’enchaînent, d’abord une consécutive (si que) puis une concessive (non seulement, mais) : je me souviens de la tête de mon vieux maître à moi, qui attachait tant d’importance à ces balancements hérités de la syntaxe latine, lorsque la bouche arrondie et le doigt levé, il nous reprenait : « non solum, sed etiam… », et que je me demandais, dans l'éclat impertinent de mes quatorze ans, s'il n'était pas un peu cinglé...
Il faut en venir, justement, enfin au thème : la civilité… La civilité extrême, la civilité française… Renan évoque l'onctuosité de ces vieux ecclésiastiques parmi lesquels, à Tréguier puis à Saint-Sulpice, il a grandi avant de perdre la foi. Extrême et française, ces deux trisyllabiques sont à prendre pour ce qu'ils sont. Comme si souvent, dans le bus ou dans la rue, j’étais en manque de civilité en effet. Je crois que c’est l’incivisme technologique qui pèse le plus sur nos esprits laminés. Cet incivisme terminal est venu du Japon (Sony). Après un détour par les USA, il a envahi l’Europe dans les années 80, et puis la France avec, qui n’est jamais de reste quand il s'agit de se placer en matière de stupidité à la hauteur des autres nations. Ne sommes nous pas devenus en quelques années davantage courtois avec nos MP3 et nos portables qu'avec nos concitoyens? Renan rappelle donc que cette civilité non seulement « envers les personnes qu’on connaît », mais envers « tout le monde sans exception » était la vraie politesse française. Sans doute force-il le trait en le rapportant à l’ensemble de la nation, mais je sais qu’aussi bien dans les presbytères des ecclésiastiques que dans les salons littéraires tenus par des femmes, cette politesse a régné et a caractérisé, en effet, ce fameux «esprit français », si cruellement absent de nos jours, je ne dis pas des rues, (1) mais des medias et autres lieux qui se donnent pour être des modèles de culture française.
Reste « le pays des chimères », disait Jean Jacques, la littérature. Les souvenirs d’enfance et de jeunesse sont, il faut bien le dire, un puits de jouvence. « La bonne règle à table, poursuit Renan, est de se servir toujours très mal, pour éviter la suprême impolitesse de paraître laisser aux convives qui viennent après vous ce qu’on a rebuté. Peut-être vaut-il mieux encore prendre la part qui est la plus rapprochée de vous, sans la regarder. Celui qui, de nos jours, porterait dans la bataille de la vie une telle délicatesse serait victime sans profit ; son attention ne serait même pas remarquée. Au premier occupant est l’affreuse règle de l’égoïsme moderne. Observer, dans un monde qui n’est plus fait pour la civilité, les bonnes règles de l’honnêteté d’autrefois, ce serait jouer le rôle d’un véritable niais, et personne ne vous en saurait gré. »
(1) la façon dont la plus ravissante jeune fille peut se mettre à aboyer sitôt qu’elle parle dans & à son portable, en s’adressant à ceux qu’elle connaît ne laisse encore de me sidérer lorsque je suis assis à ses côtés dans le bus, et ne me donne guère envie, je dois le dire, qu’elle exerce sa politesse jusqu'à étendre à ma personne son désir de « communiquer ». Il est des individus dont on se réjouit qu’ils ne soient pas vos familiers.
06:14 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, civilité, politesse, france, renan, société |
lundi, 29 mars 2010
Ceux qui dressent des listes
Cette manie, cette folie, cette peur, cette surveillance, cette institution, cette sécurité, ce contrôle...
Les gens qui dressent des listes m’ont toujours fait horreur, ceux-là comme les autres.
L’Histoire a toujours montré comment ils finissaient à chaque fois. Ceux qui se croyaient dotés des plus vertueuses intentions et des plus louables missions se révélant toujours, au final, les plus dangereux, les plus cinglés.
21:52 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : politique, france, société, mrap, listes, stigmatisation |
mercredi, 24 mars 2010
Politiciens lamentables
Juste une anecdote : je me souviens d’un collègue de lettres, membre à l’époque du RPR, qui en mars 1997 était entré furieux dans la salle des profs du lycée de Gagny où je travaillais alors et avait déchiré sa carte devant nous tous en disant : «c’est fini, il n’y a plus de convictions dans ce parti. Chirac va dissoudre l’assemblée et mettre la gauche au pouvoir. Après l’échec de Juppé, il croit qu'il n’y a qu’elle en mesure de réduire les déficits avant le passage à l’euro… »
Et de fait, l’étrange cohabitation Jospin Chirac commençait peu après. Et l’on passait à l’euro. Et Jospin et sa clique finissaient peu après dans les cordes d’un premier tour historique, entièrement fabriqué en coulisses, pour ne pas dire en loges.
Un autre rappel, aussi : dans ce gouvernement Jospin de cohabitation, Ségolène Royal et Claude Allègre, ministres en charge de l’Education nationale, déclenchaient le dernier mouvement du Mammouth d’ampleur, contre une réforme pilotée par l’OCDE que Jack Lang fit passer en douceur après le renvoi d’Allègre, réforme que Chatel, ministre de Sarkozy, est en train de mener à son terme.
Tout ça pour dire quoi ?
Qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que des transfuges du PS comme Besson ou Kouchner finissent leurs tristes carrières chez Sarkozy. Qu’il n’y a rien à attendre de tous ces fous qui appellent « victoire » ce qui n’est que la marque d’un désintérêt allant croissant dans le pays, tout aussi bien pour eux que pour ceux de l’autre camp.
Qui nous délivrera de ces « people » de gauche comme de droite, maqués avec des journalistes, des stars et des sportifs aussi pourris qu’eux, boulimiques d’écran et repus de certitudes ?
On voit la folle de Charente Poitou tendre déjà sa carabine vers 2012, le longiligne De Villepin fonder « son » parti comme Bayrou avait fondé « le sien », et d’autres, déjà, affamés, pointer le museau vers l’Elysée. Vautours d’une démocratie cybernétique et d’une population aimablement couillonnée, dont on aura je ne sais combien de fois trahi la parole, et à qui le passage à l’euro aura durablement vidé les poches ; réduite à attendre le mondial africain pour enfin penser quelque chose, dans la foulée de cette maudite coupe du monde 1998. En espérant quoi ? Mais quoi, de cette gauche prête à porter le coup final avant de repasser le plat à ses compères ?
Une seule question, pour finir : Comment se fait-il que les dirigeants syndicats ne soient pas capables de s’entendre entre eux au niveau européen afin de dresser des revendications légitimes et cohérentes, face aux grandes organisations qui dirigent le monde à la place des Etats ?
La droite a encore de beaux jours devant elle, quoi qu'en disent ces politiciens lamentables qui sont censés la combattre, et ne rêvent, une fois de plus, que de prendre sa place.
06:12 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, ps, régionales, ump, france, sarkozy |
vendredi, 05 février 2010
Scandaleux,sordide,fascisant...
Scandaleux, sordide, fascisant…
Que n’ai-je entendu sur le débat suscité par Besson à propos de l’identité nationale. Tandis que Besson et son inquiétant rictus politicien sortait du bois, Peillon instrumentalisait le non-débat pour placer ses billes dans son parti décomposé.
Et puis, comme on le fit de l’épidémie de la grippe A, on déclara le débat terminé.
Jusqu’à ce que ce que, pour faire parler de soi, à droite comme à gauche, ces deux partis interchangeables que sont le PS et l’UMP trouvent autre chose.
Scandaleux, sordide, fascisant : ce débat est surtout inutile, imbécile et sans issue. Il me rappelle ces espèces de questions bidonnées que posait Delarue dans son talk-show : comment vit-on avec un paraplégique ? Y-a-t-il une vie après un troisième divorce ?
Qu’est-ce qu’être français ?
Etre français, c’est avoir épousé, comme un italien, un russe, un marocain, ou un esquimau, les contours d’un certain particularisme au sein de la grande famille universelle. Mais j’emploie des mots que l’idéologie dominante, à l’élaboration de laquelle PS et UMP auront bien contribué de pair (1), n’aime pas : l’idéologie dominante préfère mondialisé à universel, et communautariste à particulier. Demander aux français résidents en France de se poser la question de leur identité, cela revient à les considérer comme une communauté parmi d’autres. Or nous ne sommes pas une communauté parmi une autre. Car le communautarisme est une imposture autant idéologique qu’historique, nous le savons tous. J’en veux pour preuve cette réflexion identitaire que je viens de conduire à travers nombreux textes sur le fait d’être lyonnais : réfléchir au particularisme sans déboucher sur l’universel, c’est se perdre dans le communautarisme, comme le lit d’un torrent qui prendrait la mauvaise pente et n’arriverait plus ensuite à trouver la route de la mer.
Le marché mondialisé a besoin de penser le monde sans histoire et sans transcendance : c'est-à-dire sans particularisme et sans universel. Le monde a besoin d’un seul marché et le marché a besoin qu’il n’y ait face à lui qu’un monde fait d’individus et de communautés qui auraient besoin exclusivement de lui pour trouver (et se payer) de pauvres repères afin de survivre dans une idéologie et une histoire faites de bric et de broc. S’interroger sur une quelconque identité dans un tel contexte, cela revient à renoncer (ou faire mine de) à la sienne. Seul celui qui est perdu se demande qui il est. Et ce qui était vrai, jadis, sur un plan uniquement ontologique, l’est devenu, aussi dans ce monde post-moderne et foireux, sur le plan identitaire. Dans un tel contexte, et au vu des échéances électorales qui se préparent, nous n’avons pas fini d’entendre un peu partout des âneries en cascades. Je viens par exemple d'apprendre hier soir qu'on pouvait, au XXIème siècle, porter le voile pour les beaux yeux de Mahomet et militer dans un parti d'obédience marxiste. Visiblement, il n'y a pas que la religion qui est l'opium des peuples... Vive les facteurs !
Comme demeure d'actualité, dès lors, cette remarque de Léon Boitel dans ce passage où il justifie l'existence de la revue qu'il vient de créer en 1835 :
« Au milieu des graves préoccupations qui dominent notre société, au milieu de tant de partis qui la déchirent, de tant de corruption et de scepticisme qui l’envahissent, au moment enfin où, à voir les transes convulsives qu’elle éprouve, on devine l’enfantement de nouvelles idées et l’agonie d’idées anciennes ; nous dirons qu’avec les révolutions matérielles il nous faut les révolutions intellectuelles ; qu’aux hommes ballottés par la politique décevante et irritante, il faut souvent une page où reposer l’esprit. »
(1) L’encartage politicien mis à part, rien ne ressemble plus à Nicolas Sarkozy que Dominique Strauss-Kahn. Les sondages qui discrètement nous rappellent l'existence d'une opposition entre eux deux en témoignent. Rien, hélas, ne ressemble non plus tant à Martine Aubry (M.A) que Michèle Alliot Marie (MAM).
23:52 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, ps, france, régionales, actualité, société, identité nationale |
mercredi, 06 janvier 2010
Vieilles serres
La neige tout autour d’eux, fins flocons sur la place, nous enrobe :
Lendemains de fêtes, peu de maraîchers au matin.
Sous l’auvent de la remorque, une vieille emmitouflée, le regard vif et rond, qui s’attarde. Le fromager (la soixantaine), la fromagère (itou), leur fils (la trentaine), eux s’activent : Chaussée de bottes à longs poils dans lequel disparait son pantalon-fuseau, elle pointe du doigt à travers la vitre tel fromage qu’elle gouterait bien, tel autre, sera-t-il à la hauteur de ses espérances ?
« Un peu de celui-ci – un peu cet autre-là », qu’elle montre de ses vieux doigts très bagués, tels ceux des vieux pigeons.
Et derrière, ça poireaute.
Vieilles griffes diamantées … Vieilles serres.
Le fromager est déjà passé à une autre cliente, pendant ce temps.
Au suivant.
La fromagère, très professionnelle, sa lame instruite, qui luit de ci de là – un fin morceau de ceci, un fin morceau de cela… La nonagénaire fait la moue, toute emmitouflée sous une large casquette de marque, revient à ses problèmes de santé.
Le fils, à mon intention : « Monsieur ? »
La nonagénaire aux yeux de faucon, qui jusqu’alors ne parlait qu’à sa mère, les plante férocement dans ceux du fils à cet instant :
« Mais pour vous c’est formidable ! » lui lance-t-elle…
La voix, d’une extrême dureté, est aussi d’une extrême suavité : A quelle cochonnerie pense-t-elle en le dévisageant ?
Lui, hésitant…
Beaucoup de choses traversent leur regard à tous deux.
Le temps qui file chez l’une. L’argent qui manque chez l’autre. Beaucoup d’humanité, en somme.
Un clin d’œil en ma direction : « Oui, dit-il, c’est formidable ! ».
Ses deux parents, qui s’activent sous l’auvent :
Le père, sous la casquette élimée, est en train d’enfoncer un large couteau dans un morceau de comté.
La mère, dans son tablier blanc, attend qu’enfin la nonagénaire, qui a dû déjà enterrer pas mal de monde à ce rythme là, on le sent tous, se décide.
Derrière ça s’impatiente.
Il neige et l’auvent n’est pas bien large.
C’est formidable, grince-t-il.
(Le temps, disaient les anciens, n'est-ce pas de l'argent ? ...)
Et Bonne année, lance Vieilles Serres à la cantonade, avant de revenir à ses fromages.
06:16 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : voeux, bonne année, 2010, société, france, nouvel an |