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dimanche, 11 avril 2010

Facebook, l'église, l'insulte

LIRE ICI LE DERNIER SCOOP SUR CETTE AFFAIRE (14 avril à 18h 30) :

J’avoue que je ne pensais pas devoir prendre un jour, publiquement, la défense du pape et celle de l’Eglise et de ses évêques. Et ceci pour plusieurs raisons. D’abord parce que le pape et ses évêques ont toujours été à mes yeux des figures empreintes d’une théâtralité solennelle, dont je ne pouvais penser qu'elle eût besoin que je plaidasse un jour en sa faveur; théâtralité que depuis l’enfance je regarde avec une certaine défiance mais une indubitable tendresse. Cette chose hybride doit s’appeler le respect. Je suis né dans une famille de catholiques oublieux, dirais-je. Aussi, cette défiance ainsi que cette tendresse – ce respect - que j’ai gardés me paraissent être à l’image du passé de mon vieux pays, la France, fille ainée de l’Eglise durant des siècles, République laïque depuis un peu plus d'un seul.

A ceux qui voudraient nier le passé catholique de la France, il faut rappeler que ce ne sont ni des mosquées ni des salles des fêtes, que cela leur plaise ou non, qui trônent au centre de chaque village, mais bel et bien des églises, parfois somptueuses, parfois mélancoliques, dépositaires de l’autorité de l’histoire au moins autant que de celle de Dieu. A chaque fois que je pénètre dans l’une de ces églises, que ce soit en Bretagne ou dans le Brionnais, dans les Alpes ou dans le Nord, à Lyon où à Paris, c’est toujours une étreinte au cœur que je ressens, la prégnance du passé chrétien du pays, intimement lié à l’histoire des gens qui y ont vécu, à sa culture. J’en veux pour preuve ceci : Des canuts lyonnais, on se souvient – moi le premier, ce blog en témoigne, des révoltes contre le bourgeois, des revendications pour la dignité au travail, de la création des prudhommes. Qui se souvient, plus simplement, de leur foi ? Lassés de partager avec les marchands fabricants qu'ils ne jugeaient guère chrétiens les bancs de l’église Saint-Polycarpe, ils demandèrent en 1852 à Monseigneur de Bonald la faveur d’édifier une paroisse pour eux, qu’on baptisa Saint-Bernard, et qui fut fermée bien plus tard en raison des risques d’éboulements consécutifs au percement du tunnel du funiculaire qui passait juste en dessous, à travers le sol de la colline de la Croix-Rousse. Car dans leur immense majorité, ces canuts étaient chrétiens, leur dévotion envers Marie et la fête du 8 décembre en témoignent également.

21961_242531052080_242528122080_3199098_6493279_n.jpgJe ne pensais pas, disais-je plus haut, et pourtant. Cela fait un moment que je suis excédé par les récurrentes attaques contre Benoit XVI, dont le rôle et la fonction ne sont pas de se faire le porte parole de la modernité journalistique. Celle que subit l’évêque de Soissons, et qui implique le réseau Facebook, me pousse à rompre ma réserve, car la stupidité des temps présents éclate avec trop de pompes, si j’ose dire. Un groupe, donc, nommé « Courir nu dans une église en poursuivant l’évêque » a été créé depuis le mois de janvier sur lequel, entre autres déclarations, on propose de « crucifier Mgr Giraud la tête en bas en lui chatouillant les couilles avec un foetus mort », de « le violer et le forcer à écrire « Fuck Of my Lord » sur le mur de l’église », et autres insanités. Je crois que c’est surtout d’inculture et de bêtise que souffrent les auteurs de ces slogans idiots, qui n’en restent pas moins des incitations à la haine et des appels au meurtre passibles de tribunaux. Tout cela, à vrai dire, ne m'a semblé ni très catholique ni très laïc... Autrement dit pas très digne d'être français. Voilà pourquoi j’ai signé la pétition de soutien à l’évêque de Soissons, et j’encourage tous ceux qui le souhaitent à le faire également en cliquant ICI. Je dirais pour clore ce billet que Facebook, sur lequel on m’a souvent proposé de figurer, et sur lequel je me suis gardé de m’inscrire, signe ici les limites de sa prétendue efficacité : en donnant la parole à tous pour des raisons uniquement commerciales, on voit qu’il ouvre bel et bien - et sans le moindre esprit critique - une boite de Pandore qu’il eût mieux valu garder close; celle de l'insulte comme mode d'expression publique, du règne de l'imbécillité.

 

20:46 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : société, facebook, christianisme, religion, mgr giraud, soisssons | | |

mercredi, 07 avril 2010

Renan et la civilité française

« La civilité extrême de mes vieux maîtres m’avait laissé un si vif souvenir, que je n’ai jamais pu m’en détacher C’était la vraie civilité française, je veux dire celle qui s’exerce, non seulement envers les personnes que l’on connaît, mais envers tout le monde sans exception. ».

Dire pourquoi la saveur de cette phrase me touche particulièrement relève de l'exercice de style. Il y a d’abord l’antéposition de « vieux » : Je n’aime volontiers ce mot vieux qu’antéposé, parce qu’il dit alors la continuité du sentiment malgré tous les aléas, la fidélité aux êtres, il marque une certaine moquerie désinvolte à l’égard du temps, qui prétend éroder les affections diverses qu'on porte aux choses, qui me plait bien. Le v de mes « vieux maitres », sans qu’on s’en rende véritablement compte, reprend celui de « civilité », et précède dans l’essor de l’allitération ceux de vif, vraie, veux, et deux fois « envers ».  Indiscutablement, cette allitération porte le propos jusqu'à l'oreille et sans doute joue-t-elle un rôle dans ce qui me charme en lui. Mais pas seulement : La suite logique par laquelle les deux phrases s’enchaînent, d’abord une consécutive (si que) puis une concessive (non seulement, mais) : je me souviens de la tête de mon vieux maître à moi, qui attachait tant d’importance à ces balancements hérités de la syntaxe latine, lorsque la bouche arrondie et le doigt levé, il nous reprenait : « non solum, sed etiam… », et que je me demandais, dans l'éclat impertinent de mes quatorze ans, s'il n'était pas un peu cinglé...

renan-ernest_3.jpgIl faut en venir, justement, enfin au thème : la civilité… La civilité extrême, la civilité française… Renan évoque l'onctuosité de ces vieux ecclésiastiques parmi lesquels, à Tréguier puis à Saint-Sulpice, il a grandi avant de perdre la foi. Extrême et française, ces deux trisyllabiques  sont à prendre pour ce qu'ils sont. Comme si souvent, dans le bus ou dans la rue, j’étais en manque de civilité en effet. Je crois que c’est l’incivisme technologique qui pèse le plus sur nos esprits laminés. Cet incivisme terminal est venu du Japon (Sony). Après un détour par les USA, il a envahi l’Europe dans les années 80, et puis la France avec, qui n’est jamais de reste quand il s'agit de se placer en matière de stupidité  à la hauteur des autres nations. Ne sommes nous pas devenus en quelques années davantage courtois avec nos MP3 et nos portables qu'avec nos concitoyens? Renan rappelle donc que cette civilité non seulement « envers les personnes qu’on connaît », mais envers « tout le monde sans exception » était la vraie politesse française. Sans doute force-il le trait en le rapportant à l’ensemble de la nation, mais je sais qu’aussi bien dans les presbytères des ecclésiastiques que dans les salons littéraires tenus par des femmes, cette politesse a régné et a caractérisé, en effet, ce fameux «esprit français », si cruellement absent de nos jours, je ne dis pas des rues, (1) mais des medias et autres lieux qui se donnent pour être des modèles de culture française.

Reste « le pays des chimères », disait Jean Jacques, la littérature. Les souvenirs d’enfance et de jeunesse sont, il faut bien le dire, un puits de jouvence. « La bonne règle à table, poursuit Renan, est de se servir toujours très mal, pour éviter la suprême impolitesse de paraître laisser aux convives qui viennent après vous ce qu’on a rebuté. Peut-être vaut-il mieux encore prendre la part qui est la plus rapprochée de vous, sans la regarder. Celui qui, de nos jours, porterait dans la bataille de la vie une telle délicatesse serait victime sans profit ; son attention ne serait même pas remarquée. Au premier occupant est l’affreuse règle de l’égoïsme moderne. Observer, dans un monde qui n’est plus fait pour la civilité, les bonnes règles de l’honnêteté d’autrefois, ce serait jouer le rôle d’un véritable niais, et personne ne vous en saurait gré. »

 

(1) la façon dont la plus ravissante jeune fille peut se mettre à aboyer sitôt qu’elle parle dans & à son portable, en s’adressant à ceux qu’elle connaît ne laisse encore de me sidérer lorsque je suis assis à ses côtés dans le bus, et ne me donne guère envie, je dois le dire, qu’elle exerce sa politesse jusqu'à étendre à ma personne son désir de « communiquer ». Il est des individus dont on se réjouit qu’ils ne soient pas vos familiers.

06:14 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, civilité, politesse, france, renan, société | | |

lundi, 05 avril 2010

Gloire du pamphlet

Quand on cause de polémique, de nos jours, c’est pour évoquer quoi ? Un vague conflit d’idées – et encore – d’opinions, plutôt, tant il est criant que les idées sont mortes. Une tiède controverse plus ou moins manufacturée en loges entre deux politiciens. Lequel conflit, laquelle controverse, noircissent les feuilles de chiottes d’une presse à bout de souffle et les écrans chronophages et publivores un certain temps, trois petits tours… Sans passionner quiconque, à vrai dire, le conflit, la controverse, quel que soit le sujet traité.

Nous avons oublié combien le polémique fut avant tout un registre. Un registre littéraire d’excellence, qui, comme le lyrisme ou le tragique, avait ses rythmes, ses tropes, ses codes. Comme la joute nautique, c’était un art. Hélas, la frilosité, la bêtise, la veulerie des temps contemporains, la manipulation par une élite technocratisée du plus grand nombre sont venus à bout des grands pamphlétaires qui, tous, n’étaient que des individus, des sujets. S’ils revenaient dans notre univers faits d’objets, Les polémistes de l’Ancien Régime, de la Révolution, de la Monarchie De Juillet, de l’Empire – ceux, même, de la Troisième République, nul doute qu’ils s’étonneraient d’entendre les imbéciles que nous sommes devenus leur dire sur un ton de chochotte que « oui, un mot ça peut blesser, et qu’on peut même mourir pour un mot ». Car au mépris de tout bon sens, au mépris de l’arbitraire du signe, la police de la pensée est parvenue à faire avaler au plus grand nombre que les mots, comme les objets qu’ils désignent, avaient le pouvoir de tuer. Quid des images, alors ? Le mot serait-il vraiment une pipe ? Et quid des bombes ? Quels abrutis ! Et quid des terrifiantes inégalités sociales, quid du nombre ? Les mots, je crois, au contraire des billets de banque et des fusils, n’ont jamais bien tué que des morts.

La novlangue, pourtant, emplie d’euphémismes abstraits et faussement délicats, nous a chié un dialecte pour bisournous inoffensifs et stérilisés, une langue dont on ne peut rien faire, ni grands romans, ni beaux poèmes, ni véritables dramaturgies, ni surtout pamphlets emplis de veine et de souffle. Une langue parfaitement traductible, c'est-à-dire sans originalité. Et pendant ce temps, l’image n’a jamais été aussi vindicative, l’Etat si policier, l’administration si procédurière, le capitalisme si belliqueux. Et c’est ainsi que la connerie règne sur terre, protégée par une police de la pensée qui sème en tous lieux ignorance et fatuité, sous couvert d’information et de tolérance.

samedi, 03 avril 2010

En ces temps post-gidiens

 

Un type en a poussé un autre sur les rails du RER hier matin. Sans mobile ni raison apparents. Que de la démence.

« Le malheureux a été heurté en pleine tête par la rame du RER et serait retombé lourdement sur le quai. », commente dans son article un journaliste de TF1 news (qui ne signe pas). L’euphémisme « malheureux » situe d’emblée dans un registre émotionnel convenu l’information. Personne, évidemment, pour vouloir être ce « malheureux ». Pourtant, on sent bien que n’importe lequel d’entre vous, d’entre nous, pourrait le devenir demain. Il suffirait, qu’un quelconque aliéné, n’est-ce pas… C’est si vite fait. Tout cela, comme disaient nos vieux emplis de bon sens « est bien malheureux. » A propos de conditionnel, on est frappé de remarquer qu’au mode indicatif qui, dans la phrase du journaliste, énonce le fait brut (« a été heurté »), répond un conditionnel (« serait retombé ») comme si, après le premier heurt, avéré, on n’était plus bien sûr de la suite. C’est peut-être d’ailleurs le cas. L’adverbe « lourdement », sonne également d’une façon bizarrement recomposée. Mais recomposés, il semble que beaucoup d’éléments l’aient été dans cette page.

« Selon Europe 1, ce suspect de 29 ans est déjà connu des forces de police et souffrirait de troubles psychiatriques. »

h-20-1493876-1239602508.pngLa préposition selon, nous rappelle le précieux Petit Robert provient du latin populaire sublongum (le long de). Nous revoilà donc le long du quai, mais cette fois-ci de manière purement grammaticale. Ça aide à comprendre ce qui s’est passé. Reconstruisons la scène. Selon signifie « en se conformant à, en prenant pour modèle, pour règle ». Voilà qui en dit long, très long, sur TFI news dont on apprend qu’il prend donc pour règle, pour modèle Europe 1. Recomposition = information. Quant au terme « suspect » (du latin suspicere, « regarder de bas en haut », il est à soi seul l’indice de ce que désormais, tout individu de bon sens doit faire à chaque voyage en métro : prendre bien soin de dévisager de haut en bas et de bas en haut tout autre bipède humain que soi dès qu’on pénétre dans une station de métro : car on ne sait jamais. Se suspecter est donc devenu l'acte citoyen par excellence, dans cette belle société qu'on nous a fabriqué et que, décidément, je ne parviens pas à dire notre.

Ce qui étonne, dans cette autre phrase du journaliste, c’est à nouveau ce balancement (serait-il rhétorique ?) entre l’indicatif (« est déjà connu ») et le conditionnel (« souffrirait »). Le quidam, à ce point s’interroge : Car si le criminel ne souffre pas de « troubles psychiatriques », de quoi souffre-t-il ? A moins qu’il soit désormais admis qu’on puisse balancer son prochain sous les rames d’un métro sans être frappé de démence ? Par jeu, peut-être, ou par simple et admirable souci d’expression ? Parce que « c’est mon choix ». Ou « mon droit ». Un geste esthétique ? (2) Acte gratuit oblige ! Lafcadio, en son temps, le fit bien. Mais laissons l’André en ses caveaux immoraux et revenons à nos stations de RER post-modernes (et donc post-gidiennes).

Les forces de police, le verbe connaître, l’adverbe déjà ont beau tenter de rassurer le chaland, demeure bel et bien un sous-entendu inquiétant dans cette phrase : c’est que le type pourrait bien ne pas être fou, pour peu que des spécialistes patentés...

Mais alors, s’il n’est pas fou …

La fin de l’article, qui évoque deux affaires similaires qui se sont produites récemment (ça rassure mon voisin qui lit par-dessus mon épaule, cette succession de voyageurs sacrifiés… ) nous renseigne. On nous y entretient d’autre un voyageur, âgé d'une quarantaine d'années, « qui avait été violemment poussé sous le métro à la station Grande Arche de la Défense sur la ligne 1 du métro et grièvement blessé. Son agresseur présumé, un SDF âgé de 34 ans, avait été rapidement interpellé sur la base d'images de vidéosurveillance de la station. »

Voilà donc le fin mot de l’histoire : ou plutôt le fin sigle. Le « suspect » (à regarder des pieds à la tête) est probablement un SDF. C’est au final ce que retiendra un lecteur pressé. Et pressés, nous le sommes tous. Nous tiendrons pour acquis le fait que sans doute, les SDF sont tous un peu « troublés ». Et donc à priori dangereux. Et c’est là que le bât blesse. A moins que ce ne soit ça, le rôle de TF1 News, et celui d’Europe 1 : informer (« donner une forme, une structure, une signification à ») sa clientèle inquiète.

Dans les années cinquante, à la belle époque du crime passionnel, lorsqu’un cinglé poussait un mec sous une rame, la presse à sensation n’y voyait pas l’œuvre d’un clochard. Mais plutôt celle d’un cocu. Quelle raison plus ou moins latente contient cette assimilation contemporaine du SDF au troublé psychiatriquement (1) ? Un certain glissement de la morale commune, peut-être : jadis, cette dernière réprouvait l’adultère ; le véritable pécheur, aujourd’hui, le criminel dont on doit se méfier, serait celui qui ne parvient pas à être propriétaire.

 

Reste, à en croire ces images extrêmement violentes saisies par des caméras de surveillance à la station Porte de Namur dans le métro de Bruxelles il y  a trois mois, que l'acte gratuit a fait des émules parmi des  types qui n'ont pas tous l'air de SDF...

 

(1) Je ne sais pas comment on dit fou en novlangue. Dérangé mental est encore trop insultant semble-t-il pour les susceptibilités post modernes.

 

(2) Agression d'un jeune homme à Bruxelles, d'une jeune femme à San Francisco ...


 

 

16:16 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gide, lafcadio, acte gratuit, sdf, société, porte de namur, information, rer | | |

lundi, 29 mars 2010

Ceux qui dressent des listes

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Cette manie, cette folie, cette peur, cette surveillance, cette institution, cette sécurité, ce contrôle...

Les gens qui dressent des listes m’ont toujours fait horreur, ceux-là comme les autres.

L’Histoire a toujours montré comment ils finissaient à chaque fois. Ceux qui se croyaient dotés des plus vertueuses intentions et des plus louables missions se révélant toujours, au final, les plus dangereux, les plus cinglés.


 

dimanche, 14 mars 2010

Le silence du champignon

Le mensonge des élus de tous bords est tel qu’il est devenu très compliqué, après les volte-face et les dénis, les compromissions et les assujettissements en quelque sorte professionnels de chacun, de voir en un quelconque homme politique autre chose qu’un fonctionnaire prétendant à la reconduction (ou a la conquête) de son poste. Par conséquent, le choix entre l’un ou l’autre, à les voir tous alignés sur le plateau d’Arlette Chabot ou, pour une élection régionale, sur celui de chaînes plus modestes, apparaît bien vain. On pourra toujours me dire que la chemise de Dany le Rouge n’est pas de la même couleur que celle de Sarkozy ou que celle d’Aubry, je vois bien que seule, une petite phrase les sépare tous. Cette petite phrase, qu’on ne compte pas sur moi pour la prononcer.

Je ne sais pas pourquoi la cueillette des champignons est devenue, plus que la pêche aux truites ou le ramassage des noix, le symbole même de l’abstentionnisme. Peut-être parce que, comme le souligne Lewis Mumford dans les Transformations de l’homme,  « la vie archaïque, dans ses formes érodées par le temps et recouvertes de mousse, nous charme encore et nous attire (…) Nous sentons-nous jamais, en vérité, plus pleinement satisfaits du moment présent que lorsque nous cueillons des baies ou cherchons des champignons, comme le premier homme, ou quand nous ramassons des cailloux polis  par le sable, des coquillages ou des bois flottés sur une plage, comme les hommes de l'âge de pierre ? »

Ainsi posée, l’abstention relèverait pour ses détracteurs d’une attitude archaïque, d’un refus de toutes les complications, devenues insurmontables, de la civilisation. Après tout, pourquoi pas ? S’agit-il d’une bouderie vilainement rousseauiste ? Non pas. Celui qui se penche pour ramasser un champignon accomplit un geste, en effet, bien plus ancien, bien plus fondamental, ben plus significatif, en réalité,  que celui qui glisse son bulletin dans l’urne. Geste immémorial, même. Ce que je sauve en moi, en ne votant pas, ou du  moins ce que je n’abime pas, c’est ma parole. Ma parole, devenue, je le consens volontiers, une sorte d’archaïsme. Mais il est des archaïsmes nécessaires. Comme la cueillette des champignons, un dimanche électoral.

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12:52 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : politique, régionales, regionales, société, ps, ump | | |

samedi, 13 mars 2010

Né en 1930

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La génération de 1930… Je discutais ce matin-même avec une femme née en 1929 qui m’expliquait qu’elle aurait aimé être un peu plus âgée, car « enfant pendant la guerre », elle n’en avait pas mesuré « tous les enjeux ». A ses côtés, un homme qui, lui, m’affirmait qu’au contraire, il avait été bien content de naître à ce moment-là, car il était passé « entre les gouttes », comme ont dit. « Trop jeune pour une guerre, et trop vieux pour la suivante. » (Algérie). Naitre en 1930, c’est en tout cas habiter pleinement le vingtième siècle : en avoir d’abord subi dans son enfance la part la plus dramatique, auprès de parents frappés en plein front par la première guerre mondiale et précarisés par la crise économique qui s’abattait sur eux ; en avoir goûté l’essor économique, dans le contexte politique de l’après-guerre, fortement marqué par un optimisme et une foi dans le progrès quelque peu idéalisés, quelque peu intempestifs,  portés tout autant par un gaullisme aux affaires que par un parti communiste tout puissant dans la vie culturelle; avoir enfin bénéficié d’un formidable bond dans l’espérance de vie par rapport à ses parents, ceux de la génération « sacrifiée », bond dont il n’est pas certain d’ailleurs qu’il soit un acquis réel pour les générations suivantes; je connais d’ailleurs bon nombre de personnes de cette génération qui évoquent, les yeux encore humides, le destin de leurs parents dont une minorité statistique – surtout parmi les hommes (un quart, je crois) – dépassa l’âge de 60 ans, et avec une vive inquiétude le sort de leurs petits-enfants, et arrière petits-enfants devant lesquels s’ouvrent le XXIème siècle

En écoutant ce témoignage, je me disais que cette génération-là avait été, en effet, marquée par l’histoire. Pas par la sienne, certes. Par l’histoire de celle qui l’avait précédée, soit. Mais cette empreinte était encore là, et l’avait sans aucun doute intellectuellement marquée, lui permettant par là de se protéger de beaucoup d’illusions et de leurres.

Et puis j’ai appris en fin d’après-midi la mort de Jean Ferrat. Je me suis promené un peu sur le net et j’ai vu l’abondance « d’hommages » qui lui sont faits. On retrouve, un peu partout déclinée, sa même biographie, et les mêmes phrases, tirées de ses chansons : « Né le 26 décembre 1930 à Vaucresson, dans les Hauts-de-Seine, Jean Ferrat, né Jean Tenenbaum, a 11 ans lorsque son père, juif émigré de Russie, est déporté… »

J’avoue que ce chanteur, peut-être à cause du lyrisme bucolique avec lequel il offrit une seconde jeunesse à Aragon, ne m’a jamais invraisemblablement ému, parce qu’Aragon, lui-même… Ce qui émerge cependant de sa discographie, c’est bien pourtant cette empreinte historique, celle de Nuits et Brouillard à Potemkine, celle de La Montagne à Ma France, qui est la marque de fabrique de ce chanteur. C'est cet engagement qu'on dit de gauche. A mon sens, c'est pourtant bien plus un engagement dans l'Histoire que dans la politique, un engagement générationnel, somme toute, qu’on ne retrouvera plus par la suite avec l’arrivée des baby boomers et l'institutionnalisation de la société du spectacle. C’était la génération de Monique Serf (Barbara) qui chanta Gottingen, celle de Brel qui chanta Ces gens-là. Et je rajouterai, pour clore, que c'était aussi celle de mes parents, qui  ni l’un ni l’autre ne connurent l’an 2000.  Une génération en train de s'en aller à petits pas, et là réside peut-être le noeud  gordien de cette espèce de nostalgie qui s'exprime de ci de là devant la disparition de Jean Ferrat qui fut l'une ses icônes : une génération d'un autre siècle.

18:35 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jean ferrat, actualité, société, histoire | | |

Que du bonheur...

Bon. Revoilà le président Aulas, la larme à l’œil, suavement perché sur sa montagne. Au lendemain de « l’exploit », l’action OL Groupe a clôturé à + 9,5 : De quoi se refaire une santé après la perte sèche de 8,7 millions d’euros de l’an dernier, de quoi aussi remettre en selle le projet OL land, juste avant les élections régionales, compromis par les désaccords entre le maire socialiste Gérard Collomb, partisan du projet, et son ex-adjoint écolo Etienne Tête, qui ne cesse de ferrailler pour avoir sa peau, le jugeant ubuesque et pharaonique : le coût des travaux supporté par l'OL à Décines devrait s'élever à quelque 400 millions d'euros tandis que l'Etat, le Conseil général, le Grand Lyon et le Sytral se partageront la charge des 180 millions d'euros destinés aux aménagements annexes. Ouverture prévue en 2014…

Un petit malin, ce président Aulas. Il fait dire de ci de là, depuis mercredi soir qu’il serait le mal aimé du foot français, que la reconnaissance nationale manquerait encore à son club. Cela dit, on est toujours le pauvre de quelqu’un : comme l’a titré jeudi El Païs, avec quelle madrilène élégance ne jette-ton pas, de l’autre côté des Pyrénées, 250 millions d’euros à la poubelle…

En cas de doublé Liga/C1, le président du Real avait promis à ses joueurs une super-prime de 950 000 euros. Envolées, les primes ! Comme les 110 millions d’euros que, selon une étude de Mastercard, relayée par le journal espagnol Expansion, le futur champion d’Europe empochera à la fin de la campagne européenne, et sur lesquels le président Perez comptait pour renflouer ses caisses. Van Graal, l’entraineur du Bayern de Munich, se régale : « Je l'avais prédit. On ne peut pas construire une équipe de toutes pièces en dépensant beaucoup d'argent. Le président du Real, Florentino Perez, n'a rien appris de ses erreurs passées. Au lieu de miser sur l'argent, le Real devrait se doter d'une philosophie. L'alchimie entre l'équipe et son entraîneur est déterminante, ainsi que le soutien que reçoit l'entraîneur de ses dirigeants »

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Projet Ol land (Décines)

 

Au final, le trop patient et trop méthodique Claude Puel qu’on était prêt à lyncher il y a peu est devenu un tacticien sauveur et sa méthode de fourmi un exemple à suivre par tous. A l’avant-veille du Mondial africain, il en serait presque devenu aimable, lui-aussi, comme son président aux yeux bleus. Comme le football et toutes ses figures de proue, parce que le football, tout le monde a bien appris sa leçon désormais, même le munichois Ribéry qui arrive à présent à répéter la phrase dans un micro sans trop bafouiller, «c’est que du bonheur. »

Quant à Benzema, dont le rêve brondillant et paradoxal était à la fois de jouer au Real et de gagner une coupe aux grandes oreilles avec son club formateur, il ne verra pas les quarts de finale mais se consolera d’une large augmentation : avec 8,8 millions d'euros cette année, il est le troisième sportif français le mieux payé, loin derrière Henry et ses jeux de mains, qui plane, toutes primes confondues, à 18 millions d’euros cette année écoulée… Un modèle pour tous, évidemment.

14:04 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : ol, aulas, football, ol land, actualité, société | | |

vendredi, 12 mars 2010

Bruits de chiottes

2010940337_small_1.jpgDans un café. Tous trois sont trentenaires. Deux filles, un garçon : bien propres sur eux, tous trois. Deux jus de fruits et une bière en bouteille. On parle à voix presque basse. Dehors, le soir tombe :

-    - Elle serait, dit l’une, avec un chanteur, et lui avec une secrétaire d'Etat.

-    - Tu l’as entendu dire aussi ?

-    - Il y a eu des coups de fil à Europe Un. D'autres au J.D.D. Ils cherchent à étouffer le truc.

-    - Et depuis longtemps ?

-    - Cela fait six mois qu’ils ne sont plus ensemble.

-    - Une secrétaire d'Etat ? dit le gars

-    - Et un chanteur, confirme l’une des filles

-    - Ça c’est un scoop ! répète le gars

-    - Une conversation de nanas… rigolent les deux autres.

-    - En tout cas Europe un a bien reçu des menaces… Et The Sun en a causé...

Dans un coin, l'écran plat, dont le patron a coupé le son. Y défilent les mêmes images en boucle. Sur la bande déroulante de news, celle-ci ne s’y trouve pas. C’est rien qu’une rumeur de bistrot. Un bruit de chiottes, comme on dit.

19:11 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : communication, politique, actualité, société, europe un | | |