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samedi, 13 mars 2010

Né en 1930

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La génération de 1930… Je discutais ce matin-même avec une femme née en 1929 qui m’expliquait qu’elle aurait aimé être un peu plus âgée, car « enfant pendant la guerre », elle n’en avait pas mesuré « tous les enjeux ». A ses côtés, un homme qui, lui, m’affirmait qu’au contraire, il avait été bien content de naître à ce moment-là, car il était passé « entre les gouttes », comme ont dit. « Trop jeune pour une guerre, et trop vieux pour la suivante. » (Algérie). Naitre en 1930, c’est en tout cas habiter pleinement le vingtième siècle : en avoir d’abord subi dans son enfance la part la plus dramatique, auprès de parents frappés en plein front par la première guerre mondiale et précarisés par la crise économique qui s’abattait sur eux ; en avoir goûté l’essor économique, dans le contexte politique de l’après-guerre, fortement marqué par un optimisme et une foi dans le progrès quelque peu idéalisés, quelque peu intempestifs,  portés tout autant par un gaullisme aux affaires que par un parti communiste tout puissant dans la vie culturelle; avoir enfin bénéficié d’un formidable bond dans l’espérance de vie par rapport à ses parents, ceux de la génération « sacrifiée », bond dont il n’est pas certain d’ailleurs qu’il soit un acquis réel pour les générations suivantes; je connais d’ailleurs bon nombre de personnes de cette génération qui évoquent, les yeux encore humides, le destin de leurs parents dont une minorité statistique – surtout parmi les hommes (un quart, je crois) – dépassa l’âge de 60 ans, et avec une vive inquiétude le sort de leurs petits-enfants, et arrière petits-enfants devant lesquels s’ouvrent le XXIème siècle

En écoutant ce témoignage, je me disais que cette génération-là avait été, en effet, marquée par l’histoire. Pas par la sienne, certes. Par l’histoire de celle qui l’avait précédée, soit. Mais cette empreinte était encore là, et l’avait sans aucun doute intellectuellement marquée, lui permettant par là de se protéger de beaucoup d’illusions et de leurres.

Et puis j’ai appris en fin d’après-midi la mort de Jean Ferrat. Je me suis promené un peu sur le net et j’ai vu l’abondance « d’hommages » qui lui sont faits. On retrouve, un peu partout déclinée, sa même biographie, et les mêmes phrases, tirées de ses chansons : « Né le 26 décembre 1930 à Vaucresson, dans les Hauts-de-Seine, Jean Ferrat, né Jean Tenenbaum, a 11 ans lorsque son père, juif émigré de Russie, est déporté… »

J’avoue que ce chanteur, peut-être à cause du lyrisme bucolique avec lequel il offrit une seconde jeunesse à Aragon, ne m’a jamais invraisemblablement ému, parce qu’Aragon, lui-même… Ce qui émerge cependant de sa discographie, c’est bien pourtant cette empreinte historique, celle de Nuits et Brouillard à Potemkine, celle de La Montagne à Ma France, qui est la marque de fabrique de ce chanteur. C'est cet engagement qu'on dit de gauche. A mon sens, c'est pourtant bien plus un engagement dans l'Histoire que dans la politique, un engagement générationnel, somme toute, qu’on ne retrouvera plus par la suite avec l’arrivée des baby boomers et l'institutionnalisation de la société du spectacle. C’était la génération de Monique Serf (Barbara) qui chanta Gottingen, celle de Brel qui chanta Ces gens-là. Et je rajouterai, pour clore, que c'était aussi celle de mes parents, qui  ni l’un ni l’autre ne connurent l’an 2000.  Une génération en train de s'en aller à petits pas, et là réside peut-être le noeud  gordien de cette espèce de nostalgie qui s'exprime de ci de là devant la disparition de Jean Ferrat qui fut l'une ses icônes : une génération d'un autre siècle.

18:35 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jean ferrat, actualité, société, histoire | | |