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mardi, 08 mai 2012

Le passeport bleu

Je me souviens qu’à l’école, jadis, on nous faisait dessiner des frises chronologiques. Pour le XIXème siècle, par exemple, on traçait clairement des zones franches et déterminées. De 1802 à 1815, c’était l’Empire.  Napoléon et tous ses  grognards en leur pré carré. A leurs côtés, Louis XVIII et Charles X, chacun avec ses propres dates, formaient un autre colis en deux parties qui nous emmenait jusqu’à 1830. On changeait encore de couleur. 1830-1848 : Ah, 48 !  La fin du grand rêve de 89, nous disait-on, avorté avec la mort de la Seconde République. Le commencement du grand roman hugolien.  Le Coup d’Etat du Petit (déjà). Et puis le Second (Empire).Enfin, tout le monde voit le genre. Peut-être pas.

De ces frises colorées, j’ai gardé longtemps sans trop m’en rendre compte une vision niaisement compartimentée de l’Histoire. Comme s’il y avait des époques… Des gens du Premier Empire, puis des gens de la Restauration, des gens de  la Monarchie de Juillet… Des personnages de Benjamin Constant, d’un côté, de Stendhal ou de Balzac de l’autre. Puis viendraient les cohortes des  républicains,  3, 4, 5 comme au défilé…Comme si l’Histoire, avant ma naissance, avait été composée de diverses séquences et que depuis, en me devenant sensible, elle avait cessé d’être à mon tympan si heurtée. Que seule, ma mienne….

C’est Renan qui, dans ses Souvenirs d’enfance, livre le portrait attachant du « Bonhomme Système », un jacobin de 1793 qui, n’ayant jamais su s’adapter aux séquences suivantes, était devenu la risée de tous et mourut dans la défroque d'un tragique anachronisme.  

A en croire le tapage médiatique, nous serions en ce 8 mai 2012, avec nos deux présidents, dans un moment de transition, entre deux séquences. Les socialistes aimeraient faire oublier celle qui s’achève et tentent de ranimer la séquence mitterrandienne du siècle passé, histoire de légitimer ou de colorier leurs futures errances, comme la chiraquie et les sarkozistes l’avaient mise à la trappe pour fonder leur temps à eux. Ils y arriveront. En même temps, l’Europe, le grand « machin », nous pataugeons dans un temps nouveau et un espace remodelé... Et l’on voudrait que notre vie ressemblât au fond à cette frise, que nous jetions les « années Sarkozy » avec le bonhomme, pour s’adonner au « moment Hollande », dans ce temps qui s’annonce.

Pourtant, on ne pourra pas plus jeter ces années-là qu’on n’a pu jeter les autres. Parce que nous vivons, de chair, et qu'elles sont nôtres. Il y en a pour qui ç’aura été les années de l’enfance, d’autres celles de l’adolescence, et ainsi de suite. La vie d’un individu n’est pas « séquençable » comme une frise. Le monde entier nous y pousse et pourtant, nous ne sommes pas « sommés » de nous adapter. Nous cherchons notre fil.

Moi, par exemple, comme le bouquet de fleurs séchées du bonhomme Système de Renan,  je traîne encore des années Pompidou la lecture qu'on fait à un âge précis de sa vie de madame Bovary,  de  Phèdre,  des Fleurs du Mal. Des années Giscard, je garde un passeport bleu, qui ne passe pas, c’est ainsi. Qu’est-ce que je peux leur trouver l’air niais, ces euro-touristes qui m’affirment qu’avec leur monnaie unique, ils n’ont plus à faire la queue à la douane ! Comme si passer plus vite devant la caisse d’un supermarché, c’était leur voyage.... Des années Mitterrand, c’est surtout un Pascal que je traîne, un Montesquieu, un Delacroix, parce que c’est cela qu’il fit disparaître en encourageant l’opinion à voter pour Maastricht. Il y a des baumes qui ne nous lâchent pas des années disparues, c’est ainsi. Elle est donc à la fois illusoire et juste, cette démarcation de couleur que nous tracions d’une période à l’autre, dans ces époques irréelles où nous n’étions pas nés. Je me sens le bonhomme Système d’un autre siècle, qui aurait gardé de soi des pans intimes que seule la littérature aurait le pouvoir d’éclairer. Encore faudrait-il qu’on me fichât la paix, ce que le monde et le temps qui passe me refuse.

Alors, durant ces quelques jours, devant ces deux présidents aussi passagers l’un que l’autre, je serai encore un peu avec Pompidou, c’est sûr, et Giscard, et Mitterrand et Chirac… Parce que c’est de moi qu’il s’agit, de ma propre continuité, de mon passeport bleu et de mes anciens francs, de tout ce qui s’est accroché à mon balluchon depuis. Pas d’eux.

Quand j’y songe, ma propre frise a commencé avec Coty, dans je ne sais trop quel halo brumeux. Je ne sais trop quand elle cessera. Mais, plus que les démarcations d’une séquence à l’autre, c’est désormais le tracé continu qui les borde qui m’intéresse, en mien propre et comme détaché de ce qui fuse. Je ne serai plus jamais moderne.

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10:19 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : renan, littérature, bonhomme système, hollande, sarkozy, passeport bleu | | |

samedi, 05 mai 2012

Le coeur palpitant de la vieille Europe


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Etat primitif de l’ambon de l'abbaye de Klosterneuburg en 1181 : les plaques d’émail contournaient  la structure en bois autour de l’autel. Les panneaux furent transformés en volets après l’incendie de 1332

Le quai des Orfèvres, qui abrite le SRPJ parisien, doit l’insolite de ce nom à l’activité des nombreux artisans qui, au  commencement du XVIe siècle, ouvragèrent l’or et l’argent rue de Jérusalem, à quelques enjambées d’un marché aux volailles. Par la suite, lorsque ses flics installèrent leurs bureaux au 36 du quai, le populaire prit l’habitude de les appeler «des orfèvres» ou bien «des poulets», selon l’humeur et l’occasion du moment.  On ne sut trop dès lors si l’expression «un travail d’orfèvre» convenait mieux au geste précis et méticuleux des anciens artisans ou bien à la réflexion minutieuse et têtue du commissaire absorbée dans son enquête.

De fait, la noblesse de ces deux métiers révèle à l’examen une compétence fort comparable  : la maîtrise de l’art des métaux précieux, comme l’investigation des ressorts de la misère de l’âme humaine, exige de celui qui l’exerce d’être orfèvre en la matière, c’est à dire fin limier dans une expertise qui échappe au moins autant à l’homme de la rue qu’au rat de bibliothèque ou bien au coureur de salons. Par ailleurs, personne n’est à même de concevoir à quel point l’outillage des orfèvres eut une terminologie riche et variée, à l’image de celle qui désigna par la suite les qualités nécessaires à la conduite d’une bonne enquête : mettre à nu la vérité, c’est en bref comme ciseler de l’or. 

Extraire le mot juste de la vaste palette qu’offre le français de Bossuet implique aussi cette même finesse d’esprit  ; conduire des personnages par le labyrinthe d’une intrigue, cette même rigueur d’analyse : pour qualifier le matériau du romancier attentif au phrasé de sa syntaxe comme au toucher de son style, on parle ainsi de «langue d’orfèvre», manière de signifier qu’au fond, ce que les mots forgent dans le Rêve ressemble à s’y méprendre à ce que l’or et l’argent expriment dans le Réel, l’écrivain accordant à des sentiments ou à des idées la même inestimable valeur qu’un orfèvre imprime aux figures de ses bas-reliefs.

D’ailleurs, l’un et l’autre n’exercent-ils pas une profession comparable à celle du plus sourcilleux commissaire du quai des Orfèvres ? Les trois ne forment-elles pas les volets d’un seul triptyque, sur lequel se découvre la même démarche du chercheur, méthodique et curieux ?

Afin de mettre en route cette enquête sur le cœur palpitant de la vieille Europe, il est nécessaire de situer le plus exactement possible son emplacement dans la poitrine même de l’ancien continent ; pour cela, d’exhumer de ses fables l’arôme essentiel des siècles égarés qui le virent frémir de ses tout premiers battements. Nous voici donc projetés en un lieu précis, non loin de Vienne, en un moment spécifique, ce XIIe siècle peuplé d’érudits et de clercs lettrés, Bernard de Clairvaux, Pierre Abélard et tant d’autres en qui Jacques le Goff vit un jour les premiers intellectuels des temps modernes. Un peu partout, le christianisme de rite latin propageait pour ses pauvres et pour son propre confort, ce que la liturgie appela depuis la Paix de Dieu, et d’où sortit le monde cultivé qui gagna peu à peu le continent tout entier, les arts, les techniques et les sciences.

De Nicolas de Verdun nous ne conservons que peu de traces : cette chasse des Rois mages à Cologne, cette autre de Notre-Dame à Tournai, dont nul ne sait laquelle est la plus somptueuse de ses empreintes, et puis les cinquante et un tableaux d’émail et de cuivre doré de Klosterneuburg, annonceurs lumineux des panneaux de clôture du chœur de la cathédrale de Chartres qu’un autre voyant extirperait de la pierre, quelques siècles plus tard. Les plus influentes cités de l’Europe chrétienne, éprises, charmées, se disputèrent longtemps sa paternité, comme si leurs bourgeois affairistes ne comprenaient plus, depuis qu’on avait découvert la rotondité de la Terre, l’impeccable modestie des artistes médiévaux, dont la signature se plaisait à s’éclipser derrière celles de leurs commanditaires, la puissance créative à se fondre dans le parfait ressenti de la Grâce, et dont l’ingéniosité n’avait besoin d’autre reconnaissance que celle de Dieu.

Les trois séries d’icones émaillées de Nicolas de Verdun ont beau s’offrir encore sur l’autel abbatial de Klosterneuburg tels les chiffres d’une légende lumineuse, nous ne saisissons qu’à grand peine l’éclat allégorique de leurs figures et n’entendons qu’à travers le savoir abstrait et le style déliquescent des temps modernes ce qu’elles hésitent à nous murmurer à l’esprit ; les temps « les plus noirs du monde », se plaignit une nuit de 1944 Saint-Exupéry, survolant dans sa précaire carlingue les reliefs inquiétants de Atlantique, tout en regrettant l’authenticité des chants perdus de Solesmes.

Pour Werner, le prieur de l’abbaye, comme pour Nicolas de Verdun, le technicien venu de Lorraine, nul doute pourtant que le cœur même de la vieille Europe, spectaculaire et palpitant, devait s’incarner sur ces volets dans les trois phases de l’Histoire telles que la solennité des panneaux qui entouraient l’ambon avant l’incendie de 1322 les proclamait, devant l’humanité tout entière agenouillée : le temps ante legem, antérieur à Moïse, sub lege, de Moïse jusqu’au Christ, et sub gratia, à partir de l’avènement du Messie. Dans ce bel ordonnancement, nul doute que la place de chaque panneau était significative, telle chaque étape du tracé d’un algorithme, la Crucifixion en son centre marquant pour toujours le génie du Christianisme appelé à structurer le temps des hommes, en tous siècles et en toutes nations. Sans doute leur nouvelle disposition en volets redistribua-t-elle après l’incendie le rythme de la chronologie des épisodes bibliques, mais les moines qui, pour étouffer les flammes, avaient sans lésiner sacrifié moult tonneaux de leur bon vin de Klosterneuburg auraient-ils pu imaginer dans quel oubli de l’Histoire Sainte le continent tout entier allait verser un jour ?

 

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L’autel de Nicolas de Verdun, dans sa disposition actuelle en triptyques. L’agencement des plaques en volets bouleverse l’ordre de la narration des panneaux

Quand leur prieur avait passé commande auprès de Nicolas de Verdun du récit de la Passion du Christ, celle-ci était si communément admise et partagée de tous qu’ils s’étaient contentés, en guise de plan, de lui livrer quelques versets.  Ainsi leurs successeurs se contentèrent-ils plus tard de réaménager au mieux l’économie générale du vieil ambon dans la structure en volets, confiants dans le fait que l’Esprit pourrait bien se passer de la Lettre. Là fut leur principale erreur. Et c’est bien dans cette confiance, et c’est bien aussi dans cette erreur qu’il faut chercher le cœur palpitant de la vieille Europe, oui.

    Le cœur palpitant de la vieille Europe demeure l’écho lointain de cette Histoire Sainte, jadis si communément partagée par le peuple et ses élites que tous purent la croire établie in saecula saeculorum.  Il se manifesta tout d’abord en cette habile soumission et cette foi mêlée de crainte dans le cœur de l’artiste, contraint par les seuls versets de ces moines, qui lui dictaient à la fois les couleurs et les sujets d’une Passion christique déjà mille et mille fois contée et universellement reconnue. Dans cette liberté octroyée, dans cette confiance accordée, dans cette ferveur de leur désir brûlant et de silence et de chants, rythmée par les semaines et les saisons, dans cette érudition partagée, nourrie autant des travaux de la terre que de ceux de l’esprit, il faut entendre ses premiers battements.

    Mais comment les comprendre tout entier, ce cœur-là, cette essence-là, nous qui ne survivons qu’en pensant sur une boule ronde dans la finitude de l’espace, quand ces hommes, imbibés de psaumes, de lectures et de chants, ne vivaient qu’en priant dans la finitude du temps, et dans l’attente du Jugement dernier ?

Comment le comprendre, autrement qu’en allant rêver solitairement devant les chiffres des maîtres-orfèvres du Moyen-âge, si lointains et si proches, devant leurs alphabets, leurs algorithmes, jusqu’à nos yeux posés sur eux, infiniment prolongés ? 

mardi, 01 mai 2012

Bérégovoy : Derniers sursauts du romanesque

 Un romanesque à la Simenon, presque trop criard : ce canal où flotte de la brume, ce camping non loin, dont les discours fleurent bon encore les comices agricoles flaubertiens, la haute silhouette des arbres de Nevers, cette province toute modelée à l’ancienne, où tout chemine lentement,  d’une part ; et d’autre part l’or et les scandales des palais de la République, les ponts et les quais striés des lueurs de la capitale, où siègent dans la nuit les silhouettes des bâtisses  des chaînes de télés et de radios, des ministères et des banques et, pour faire le lien entre ces deux contrées que tout paraît opposer -  la province et la capitale - , une voiture de fonction dont la boite à gants recèle une arme de fonction, roulant à toute vitesse sur des bretelles d’autoroutes quasi désertes d’une part, d’autre part un hélicoptère rapatriant à l’heure du vingt heures le cadavre encore chaud d’un ancien premier ministre au crâne fracassé, de l’hôpital de Nevers où les médecins sont silencieux à celui du Val de Grâce où les médecins se taisent, comme dans une série d’Urgences : un romanesque décalé, pourtant. Un romanesque fané, même, auquel on fait mine de ne plus se prêter.  Un romanesque dont plus personne ne veut. Car 1993, ce n’est pas seulement la fin du roman de la rose, c’est également  la fin du roman d’un siècle et de celui de la souveraineté d’un pays ; sous ce régime mitterrandien en pleine décomposition, la fin non romanesque d’un peuple, pour faire court.

 


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En d’autres temps, en d’autres lieux, cette affaire Bérégovoy aurait suscité davantage d’engouement et provoqué de franches polémiques au sein de ce même peuple. Mais la France de 1993, déjà abrutie, déjà abâtardie, ne bronche pas. Ne bronche plus. La France de 1993 a déjà tourné sa page Simenon et laisse sur les canaux de Nevers flotter de la brume qui demeure silencieuse;  vers un siècle qui arrive à grand pas, la France de 1993 est toute arcboutée, toute tendue ; les affairistes pullulent et le silence est la loi de ce triste fin de règne. Vite. Comme elle a depuis longtemps pollué ses rivières, vendu ses paysans et liquidé une bonne partie de son patrimoine, la France de 1993 se fout de Bérégovoy comme elle se fout de Simenon, tous deux d’un autre siècle, déjà, pour ne pas dire d’une autre civilisation. Vite. Drapée dans son émotion à l’heure du petit noir, l’opinion publique se contente d’un mensonge proprement présenté par les manchettes des journaux de la cohabitation : Dans ce pays fatigué, cette opinion n’a pas plus d’intelligence que la fumée qui flotte sur les canaux de Nevers, guère plus de consistance que celle qui s’échappe de la pipe de Maigret – pardon, de Bruno Crémer jouant Maigret. Vite. Tout le monde sent bien qu’un mensonge latent entoure cette mort, comme tout le monde en sentira un autre entourer bientôt celle de Grossouvre à l'Elysée. Mais tout le monde a bien d’autres chats à fouetter. 1993, cela fait presque vingt ans que le chômage et que la crise économique sévissent. Alors, passé le week-end du Premier mai, la mort de Bérégovoy indiffère assez vite. La mort de Bérégovoy, malgré son romanesque flagrant, ne réveille pas le pays. Et c’est bien cela, le pire. Le  vrai drame. Le vrai assassinat ou le vrai suicide, comme on l’entend : car quinze ans plus tard,  la mort de Bérégovoy laisse entrevoir à quel point, dans un pays jadis si littéraire, tout romanesque est désormais d’un autre siècle. Ainsi va, ainsi file, désormais, le monde. A rebours du romanesque, ou du cadavre de sa lenteur « suicidé ». Vite.


NB.  Ce billet est une ré-édition du 4 mai 2008. En cette période d'étrange renaissance socialiste, le relire n'est pas indifférent.

 

09:37 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bérégovoy, littérature, simenon, ps, politique, maigret | | |

dimanche, 29 avril 2012

Le dernier abencérage

Plutôt que de nous traiter de noms d’oiseaux, nous devrions profiter avec bonhomie et sérénité de ce qui apparaîtra peut-être un jour comme la dernière campagne présidentielle vieille France. Tandis que Sarkozy jette ses dernières cartouches en faisant monter les polémiques afin de se ménager une sortie honorable, le parti socialiste s’apprête à jouer le pari le plus risqué de son histoire en transformant le pays en champ de tulipes dont il contrôlerait toutes les allées. Pendant ce temps-là, celui qui chantait « qu’il y a du soleil sur la France » passe pour de bon l’arme à gauche. Faut-il y voir un mauvais présage ? Et de quel ordre ? Roland Moréno, le français qui inventa la carte à puces à peu près à la même époque (oui, les années 70 furent très productives, ceux qui les vécurent en savent quelque chose) l'a suivi de peu. 

Pour ne pas faire retomber la mayonnaise, le 2ème tour français n’est pas achevé qu’on nous annonce déjà le début du show américain. Ce sera ensuite le tour de l’Allemagne. En perpétuelles élections, le monde ! En perpétuelle crise, pareillement... Je ne sais combien l’UMP + le PS + le FN + les petits candidats auront laissé de pognon dans l’affaire. Réinjecté, me direz-vous. Dans l’industrie du papier, celle des sonos, des locations de salles, des barrières de sécurité et des gradins. Rien ne se perd et tout est recyclé. A ce prix-là, tout de même, le téléspectateur attend un bon spectacle pour mercredi soir. Sous Valéry Giscard d’Estaing, nous n’avions déjà plus de pétrole, mais nous avions encore quelques idées. Depuis, nous n’avons plus ni frontières ni monnaie, et nous n’avons plus guère d’idées. Dettes, en revanche. Dettes. Et grands principes, toujours. 

Il paraît que Ségolène Royal s’est tirée de l’anniversaire de Julien Dray dès son arrivée en apprenant que DSK et Anne Sinclair étaient aussi invités. Valls et Moscovici ne se sont pas fait non plus prier pour prendre la tangente. Ambiance du prochain quinquennat. Pendant que Hollande fera son remake mollement mitterrandien à l’Elysée, Fillon fera le sien, chichement chiraquien, à l’Hôtel-de-Ville. La même chose en dégradé. Les ors de la sous-préfecture, disputés par de riches chinois et de non moins riches qataris, brillent donc de leurs derniers feux. Ce sont toujours les plus factices.

Hier, il paraît que Gérard Collomb, le bâtisseur de l'OL. Land, soutenait l'équipe d'Aulas auprès de Hollande au stade de France. Aulas a eu sa coupe, Hollande aura la sienne. Quid de Collomb ? Je ne sais pourquoi la tête de Hollande me fait tellement penser à celle de Louis-Philippe. Sans doute qu’il lui ressemble.  « Nous vieux témoins des hauts faits, nous sommes obligés de vous dire que vous n’apercevrez là que de pâles et misérables copies. » écrivait François René en avril 1831. Relire la quatrième partie des Mémoires d’Outre-Tombe, celle où le désenchantement lucide de Chateaubriand devant l’imposture du politique s’exprime avec le plus de causticité mais aussi avec le plus de clairvoyance. 

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Prunelle, un Collomb du temps de Louis-Philippe




lundi, 16 avril 2012

Étiennette Chillet

Etiennette Chillet aimait ces jours d’avril, quand au plus fort de la journée, le thermomètre de la remise grimpait quelques heures à 13°. Cette fraîche douceur lui paraissait donner sens aux bas de laine et à la longue jupe de coton qui recouvraient depuis longtemps ses jambes été comme hiver. C’était un temps pleinement pascal, comme si longtemps encore après le Samedi saint, les minutes de tous les hommes eussent dû encore s’étirer dans l’absence et dans le gris, et comme si le curé n’avait pas retiré les longs draps des statues des chapelles, ni distribué à larges brassées son buis béni, et qu’il faille en son cœur attendre et attendre encore l’improbable retour d’un Amour Tout-Puissant, sans être dupe de la feinte des bourgeons, du pépiement matinal des oiseaux et du rougeoiement de la chair des filles et des garçons.

L’écran du ciel brumeux se fermait derrière les granges de La Chivas, celles-là même derrière lesquelles toute la nuit avait roulé un  vent qu’elle avait senti meurtrier, malgré la chaleur de l’édredon. L’herbe sentait bon la pluie, et la pluie, bon l’herbe. A son carreau, Etiennette Chillet emplissait d’air ses poumons, et sous son tablier bleu nuit, ses maigres côtes formaient comme un relief heureux.

Et puis qu’aurait-elle été faire à la ville, de toute façon ?  A force d’écouter mugir la violence des saisons, n’avait-elle pas compris qu’elles seraient jusqu’au bout le seul changement notable, et que celui des hommes était aussi méprisable que leurs opinions ? Tenter fortune pour le bonheur des marchands comme ses deux aînés qui se rompaient la colonne sur des métiers treize heures par jour avaient appris à le faire à leurs propres enfants, quelle vanité ! Son instinct n’avait toujours prétendu qu’au solide, et la ville n’avait à offrir que de l’éphémère.

Là, veilleuse au hameau, elle se sentait de la chair des escargots en leurs coquilles, une de sa race et fière de s’être entêtée. « Le roi Philippe, c’est ainsi qu’avec mépris l’avait nommé le bon curé d’Aveyze, le roi Philippe ne sentira jamais l’honneur de la France et la cire vive dont son peuple est bâti. » Rien, dans cette verte et tendre nature, ne présage l’égalité. Elle le voyait bien, Etiennette, sans même avoir à le théoriser comme un monsieur en habit noir. Tout, au contraire,  est variété. Laisser espérer cette sotte chimère, aux citadins naïfs que sa lignée deviendrait à force par la lecture des journaux et l’écoute des discours politiques, telle est la tromperie de Philippe, que les politiciens les plus dangereux ne cesseront d’imiter. Le pisé de sa bâtisse formait bonne coquille. Combien tout cela prendrait-il pour s’effondrer ?

Etiennette Chillet ferma les paupières. Que lui importait, après tout, la marche de ce monde ? Elle était de mil sept cent quatre vingt-huit, d’un autre temps.  L’empereur qui était passé sur leurs rêves ne leur avait rien appris, et le neveu qui l’avait imité non plus, tous dorénavant, galopaient en troupeaux furieux vers leur perte. Jadis, il y a si longtemps, le monde était empli de vivants qu’elle avait vu filer, à petits feux parfois, ou d’autres brusquement, comme ce boulanger de Bessenay qu’on avait découvert pendu dans sa grange à foins, et qui n’avait que trente quatre ans. Ses doigts avaient beau être raides, elle les sentait encore alertes et glissant sur le chapelet. La brume qui s’apprêtait à enserrer leur monde serait d’une étrange matière, opaque et gluante telle un songe confus. Au-delà, malgré l’acuité de ses pupilles et l’appréciation de son âge avancé, elle ne voyait pas, elle ne savait plus. Là où tous projetaient de stupides espoirs, elle n’éprouvait que les morsures de l’attente. 

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lundi, 09 avril 2012

De Myrelingues, de l'incroyance, du torchecul...

On fête aujourd’hui l’anniversaire de la mort de François Rabelais, si l’on en croit un épitaphier du milieu du XVIIIe siècle de l’église Saint-Paul à Paris : «François Rabelais, décédé âgé de 70 ans rue des Jardins le 9 avril 1553 a été enterré dans le cimetière de Saint-Paul». Je me souviens comme d’hier de la récitation qu’un professeur de seconde nous fit, dès notre première rencontre le jour de la rentrée, de la méthode torcheculative, par laquelle Grandgousier connut « l’esprit merveilleux » de son fils Gargantua, et songea d’en faire un jour un « docteur en gai science ». Le pari était audacieux. Me revient en mémoire un certain scepticisme devant ses éclats de rire que je jugeai forcés, ne trouvant pas, moi-même, ce chapitre 13 du Gargantua et son énumération fastidieuse de torchecul si hilarant que ça. D’autant qu’il n’accompagna le texte d’aucune explication, nous laissant seuls avec la faconde d’Alcofribas.

Lui savait -nous pas encore-  quel tonnage de commentaires érudits, parfois  passionnants, souvent  divagants, Rabelais avait engendré. Plus tard, je mis mon nez dans les pages de Lucien Febvre, plus tard dans celles de Spitzer, et plus tard encore dans celles de Bakhtine. Le problème de l’incroyance du XVIe siècle, dans sa belle collection « L’évolution de l’humanité » (téléchargeable ICI) me passionna à l’époque, parce que ce texte mettait en lumière, et j’avais grandement besoin de comprendre cela, « la religiosité profonde de la plupart des créateurs du monde moderne ». La thèse de Febvre (1878-1956) reste une grande et belle œuvre à lire aujourd’hui. Leo Spitzer (1887-1960), je ne l’évoque pas non plus sans quelque émotion parce que bruissaient encore dans sa génération ce souci de s’approprier le passé européen via le style que les siècles successifs avaient imprimé à sa littérature, cette conscience, désormais perdue, que cette littérature est le plus légitime de notre héritage. Bakhtine, enfin (1895-1976), qui dégagea la dimension purement carnavalesque, liée au bas corporel, de l’œuvre.

Il m’arrive parfois de songer, quand je me rends de la place des Jacobins à la rue Grenette en passant par la rue Mercière, que ce fut longtemps le trajet de Rabelais se rendant de l’Hôtel Dieu à l’atelier de François Juste. « Me voici  revenu en l’Athènes des Gaules : l’inclyte et famosissime urbe de Lugdune la Myrelingues, Lyon aux dix mille langages, ubi est sedes studiorume meorum… », s’écrie le Rabelais de Claude le Marguet dans son roman Myrelingues la Brumeuse.  Il s’agit d’une fantaisie du journaliste qui écrivit dans les années vingt ce roman historique à la gloire du Lyon de 1536. Cela reste un beau coup de chapeau, non seulement à Rabelais lui-même, mais aussi à cette artère où battaient les presses à bras dans tous ces ateliers transformés en restaurants pour touristes, quand ils n’ont pas été détruits lors des rénovations de Louis Pradel. Le souffle et le rire de Rabelais sont certes à présent légers sur la ville, et il faut beaucoup d’imagination pour retrouver l’un ou l’autre dans la mémoire de ses pierres. C’est cependant faisable, en quelque coin plus éminemment poétique qu’un autre, à condition de zyeuter quelque enseigne sculptée ou gravée dans la pierre et d’y rajouter la récitation de quelque verset rabelaisien :

« Ci entrez, vous, qui le saint Evangile 
Annoncez en sens agile malgré ce qu'on gronde; 
Vous aurez céans refuge et bastille; 
Contre l'hostile erreur qui tant distille 
Son faux style pour en empoisonner le monde: 
Entrez, que l'on fonde ici la foi profonde, 
Puis que l'on confonde de vive voix et par rôle
Les ennemis de la sainte Parole. » 

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lundi, 02 avril 2012

Aube d'avril sur la ville

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Boire au même lit, comme ce fleuve

Est impossible aux foules qui dorment encore

Même si l’on peut encore rêver d’un sort commun

Au matin sur un pont qui n’est pas encore

Celui du doute

06:08 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : aube, poésie, littérature, ville | | |

vendredi, 30 mars 2012

La vie dans les bois

L’Ermite. — Je me demande ce que fait le monde en ce moment. Voilà trois heures que je n’ai entendu même une sauterelle sur les myricas. Les pigeons dorment tous sur leurs perchoirs, — sans un battement d’ailes. Etait-ce la trompette méridienne d’un fermier qui vient de retentir de l’autre côté des bois ? Le personnel rallie bouilli de bœuf salé, cidre et gâteau de maïs. Pourquoi les hommes s’agitent-ils ainsi ? Qui ne mange pas n’a pas besoin de travailler. Je me demande combien ils ont récolté. Qui voudrait vivre où l’on ne peut penser à cause des aboiements de Turc. Et… oh ! le ménage ! tenir brillants les boutons de porte du diable, et nettoyer ses baquets par cette belle journée ! Mieux vaut ne pas tenir maison. Disons, quelque creux d’arbre ; et alors pour visites du matin et monde à dîner ! Rien que le toc toc d’un pivert. Oh, ils pullulent ; le soleil y est trop chaud ; ils sont nés trop loin dans la vie pour moi. J’ai de l’eau de la source, et une miche de pain bis sur la planche. Ecoutez ! J’entends un bruissement des feuilles. Quelque chien mal nourri du village, qui cède à l’instinct de la chasse ? ou le cochon perdu qu’on dit être dans ces bois, et dont j’ai vu les traces après la pluie ? Cela vient vite, mes sumacs et mes églantiers odorants tremblent. Eh, Monsieur le Poète, est-ce vous ? Que pensez-vous du monde aujourd’hui ?

Le Poète. — Vois ces nuages ; comme ils flottent ! C’est ce qu’aujourd’hui j’ai vu de plus magnifique. Rien comme cela dans les vieux tableaux, rien comme cela dans les autres pays — à moins d’être à la hauteur de la côte d’Espagne. C’est un vrai ciel de Méditerranée. J’ai pensé, ayant ma vie à gagner, et n’ayant rien mangé aujourd’hui, que je pouvais aller pêcher. Voilà vraie occupation de poète. C’est le seul métier que j’aie appris. Viens, allons.

L’Ermite. — Je ne peux résister. Mon pain bis ne fera pas bien long. J’irai volontiers tout à l’heure avec toi, mais pour le moment je termine une grave méditation. Je crois approcher de la fin. Laisse-moi seul, donc, un instant. Mais pour ne pas nous retarder, tu bêcheras à la recherche de l’appât pendant ce temps-là. Il est rare de rencontrer des vers de ligne en ces parages, où le sol n’a jamais été engraissé avec du fumier ; l’espèce en est presque éteinte. Le plaisir de bêcher à la recherche de l’appât équivaut presque à celui de prendre le poisson, quand l’appétit n’est pas trop aiguisé ; et ce plaisir, tu peux l’avoir pour toi seul aujourd’hui. Je te conseillerais d’enfoncer la bêche là-bas plus loin parmi les noix-de-terre, là où tu vois onduler l’herbe de la Saint-Jean. Je crois pouvoir te garantir un ver par trois mottes de gazon que tu retourneras, si tu regardes bien parmi les racines, comme si tu étais en train de sarcler. A moins que tu ne préfères aller plus loin, ce qui ne sera pas si bête, car j’ai découvert que le bon appât croissait presque à l’égal du carré des distances.

L’Ermite seul. — Voyons ; où en étais-je ? Selon moi j’étais presque dans cette disposition-ci d’esprit ; le monde se trouvait environ à cet angle. Irai-je au ciel ou pêcher ? Si je menais cette méditation à bonne fin, jamais si charmante occasion paraîtrait-elle devoir s’en offrir ? J’étais aussi près d’atteindre à l’essence des choses que jamais ne le fus en ma vie. Je crains de ne pouvoir rappeler mes pensées. Si cela en valait la peine, je les sifflerais. Lorsqu’elles nous font une offre, est-il prudent de dire Nous verrons ? Mes pensées n’ont pas laissé de trace, et je ne peux plus retrouver le sentier. A quoi pensais-je ? Que c’était une journée fort brumeuse. Je vais essayer ces trois maximes de Confucius ; il se peut qu’elles me ramènent à peu près à l’état en question. Je ne sais si c’était de la mélancolie ou un commencement d’extase. Nota bene. L’occasion manquée ne se retrouve plus.

Le Poète. — Et maintenant, Ermite, est-ce trop tôt ? J’en ai là juste treize tout entiers, sans compter plusieurs autres qui laissent à désirer ou n’ont pas la taille ; mais ils feront l’affaire pour le menu fretin ; ils ne recouvrent pas autant l’hameçon. Ces vers de village sont beaucoup trop gros ; un vairon peut faire un repas dessus sans trouver le crochet.

L’Ermite. — Bien, alors, filons. Irons-nous à la rivière de Concord ? Il y a là de quoi s’amuser si l’eau n’est pas trop haute

Thoreau, Walden ou la vie dans les bois, 1854,  texte intégral ICI

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Les Bois, Pier Antonio Gariazzo


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mardi, 06 mars 2012

Jacques Rancière est vieux

Jacques Rancière est aujourd’hui  non seulement un beau vieillard, mais également un orateur brillant, capable de tenir longuement et sans notes un discours émaillé de références. C’était un plaisir l’autre samedi, à la fête du livre de Bron, de l’entendre évoquer le travail sur le régime esthétique de l’Art qu’il poursuit depuis déjà des années, à l’occasion de la présentation de son dernier livre,  Aisthesis, ouvrage qui a l’ambition d’être à l’esthétique ce que celui d’Erich Auerbach, Mimesis, fut en son temps à la représentation du Réel. Tout comme lui en effet, il s’appuie sur l’étude d’extraits d’œuvres pour exposer peu  à peu un point de vue critique circonstancié.

Jacques Rancière l’avait écrit en 2008 dans Le spectateur émancipé, il appartient « à cette génération qui se trouva tiraillée entre deux exigences opposées. Selon l’une, ceux qui possédaient l’intelligence du système social devaient l’enseigner à ceux qui souffraient de ce système afin de les armer pour la lutte ; selon l’autre, les supposés savants étaient en fait des ignorants qui ne savaient rien de ce qu’exploitation et rébellion signifiaient, et devaient s’en instruire auprès de ces travailleurs qu’ils traitaient d’ignorants ». Quand on se souvient à quel point la question de l’éducation  populaire était alors au cœur des débats et des intérêts, et constituait un enjeu politique d’envergure, on est carrément effrayé d’entendre les lieux communs démagogiques que gauche et droite se jettent aujourd’hui à la figure, de « faut virer les étrangers » à « suffit de faire payer les riches », comme si les discours assénés en permanence sur la crise et le chômage depuis les années Giscard, sur le fric-roi, l’immigration et l’égalitarisme depuis les années Mitterrand, sur l’Europe, le pouvoir d’achat et la mondialisation depuis ce qu’on a pompeusement baptisé « le nouveau millénaire », avaient définitivement enfumé les esprits.

Et tandis que j’écoutais Jacques Rancière évoquer les chapitres de son livre (dont j’aurai l’occasion de reparler puisque je l’ai acheté), je me demandais quelle pertinence gardait la question de l’émancipation de l’individu par le regard ou par la  pensée, à l’heure où on ne parle plus que de socialisation et d’intégration, de catégories ou de communautés sociales, de peuple ou de nation. Le solitaire marginal est de plus en plus KO.et ne peut survivre que résolument réactionnaire. Qu’un président comme Sarkozy ou comme Hollande soit élu, quelle nourriture en sa marge le solitaire trouvera-t-il pour survivre (je parle de nourritures intellectuelles) ? Car la question qui se posait dans l’hexagone en ébullition à l’époque où Jacques Rancière a eu vingt ans et où un vieux général nostalgique de grandeur régnait sur la France est une question aujourd’hui non pas dépassée, mais plus curieusement qui ne se pose plus, ni à notre temps, ni à notre école, ni à nos medias, ni à nos intellectuels, s’il en existe encore dans ce triste village qu’on veut globalisé.  Il est d’ailleurs très significatif qu’on soit passé de l’éducation populaire à l’éducation citoyenne, de la volonté d’élever les gens à celle de les intégrer,en passant du monde où Jacques Rancière était jeune à celui où il est devenu vieux.

 

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Jacques Rancière  Photograph by Giulio Squillacciotti.