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samedi, 18 avril 2009

A l'ombre des forêts

Je crois n'avoir vu qu'une seule fois - c'était à l'église Sainte Eustache à Paris -  une représentation de Phèdre vraiment sereine et enthousiasmante, en tous points réussie, une représentation qui visait à rendre le spectateur heureux. Mais pour une réussite, combien d'horreurs, combien d'impostures ? La pire Phèdre que j'ai vue, c'était dans une petite salle de Bobigny, il y a pas mal d'années de ça. L'actrice entrait nue, accrochée comme un morceau de viande à des esses de boucher qui coulissaient, en hurlant  Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent ! Mise en scène d'un certain Jean Michel Rabeux... Pouah !

Or, hier soir, j'ai relu le premier acte de Phèdre, et puis ces deux beaux textes à son sujet, le magnifique poème en prose d'Yves Bonnefoy, et ce court extrait de Roger Caillois. Et finalement, j'ai un peu mieux compris Musset, et son théâtre dans un fauteuil...

 

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jeudi, 02 avril 2009

Mémoire des Célestins

Le 13 novembre 1899, c'était soirée de gala au théâtre des Célestins. On donnait Le gendre de Monsieur Poirier, avec Monsieur Louis Leloir, sociétaire à la Comédie Française : Qui, aujourd'hui, oserait porter un tel pseudo, Leloir ? A cette époque, on disait « nom d'artiste » Mémoire des Célestins, un site assez original, retrace avec tout le matériel documentaire disponible l'histoire des saisons du théâtre, de 1899 à nos jours (suivre le lien).

Ci-dessous, deux documents : Jacques Mauclair dans les Chaises de Ionesco (mars 1976) et l'affiche du Gendre de Monsieur Poirier de 1899  (suivre le lien).

 

Ci-dessous, deux documents : Jacques Mauclair dans les Chaises de Ionesco (mars 1976) et l'affiche du Gendre de Monsieur Poirier de 1899

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mardi, 31 mars 2009

Prince en Turakie

Vu hier soir, en guise de consolation à l’orgueilleux Hamlet de Claire Lasne-Darcueil, « La petite fabrique de pingouins » de Michel Laubu, prince en Turakie, au TNG. Il se peut bien, après tout, que ce «théâtre de l’objet », cette forme du théâtre pauvre, née de Dada et passée par Kantor, soit un lieu de renouveau où aller boire un peu de doute, quelques minutes de silence, un moment de recherche, une belle humilité, en ce début de vingt-et-unième siècle. Ici au moins, pas de texte à déconstruire, pas d'auteurs à écrabouiller, pas non plus de technologie : A chaque fois que le théâtre d’acteurs s’est perdu dans le simple divertissement, académique ou bourgeois, ou le ressassement du répertoire « subventionnel et conventionné », le  salut est venu d’un détour par le rudimentaire, la solution a fusé d'un écart loin des formes trop connues qui sont celles de l’acteur : il y a une vertu indescriptible dans le théâtre de marioles : je pense aux derniers feux du drame romantique et du vaudeville sur un boulevard du crime à bout de souffle d’un côté, et aux marionnettes de monsieur Signoret de la galerie Vivienne de l’autre, dont Anatole France a dit à l’époque de si jolies choses. Je pense à Copeau face aux Comédiens du Français, à Charles Dullin se souvenant d’Antoine qui disait qu’au théâtre, la pauvreté devenait un art. Et je pense qu’au théâtre, un pantin qui ressemble à un homme m’émouvra toujours plus qu’un homme qui se met à ressembler à un pantin.

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intimae - Cie Turak, théâtre d'objets, lyon

samedi, 28 mars 2009

De la nudité des acteurs

Dissertation du samedi : Quand un comédien est nu sur la scène, à qui appartient le sexe qu'on voit ? Au comédien ou au personnage ?

 

 

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vendredi, 27 mars 2009

Les malheurs d'Hamlet

Les raisons d'être en colère sont multiples; les sources d'indignation ne manquent pas; « the time is out of joint », proclame Hamlet, à la fin de l'acte I de la pièce de Shakespeare. Alors s'indigner ? S'indigner pour du théâtre ? S'indigner parce qu'un des chefs d'œuvre de la culture occidentale, transformé en divertissement pour bourgeois blasés de tout par une serveuse de plateaux aussi habile que rouée venue de Charentes-Poitou, tourne en ce moment et s'est arrêté pour quelques soirées au théâtre des Célestins à Lyon, s'indigner, oui, à quoi bon ? Hamlet est un prince malheureux. Dans le siècle où nous sommes, qui est malheureux est forcément ennuyeux. Mais Hamlet, comme le dit Claire Lasne-Darcueil, c’est l’un des « tubes » de Shakespeare. « Un peu comme avec Molière », rajoute la dame dans son dossier de presse «quitte à s’attaquer aux grands auteurs, autant choisir des tubes…»  Nous voilà rassurés : Il y a dans la com' d'aujourd'hui quelque chose de désespérément bête, oui. Car vraiment, cette façon de parler est aussi un aveu : Hamlet est le tube de Shakespeare, soit. Mais un tube  de jadis, un tube ennuyeux : qu’en faire pour capter à la fois l’attention bienveillante d’un public d’abonnés et celle, voltigeante, d’un public de scolaires ? Car sans les abonnés et le scolaire, pour les intermittents d'aujourd'hui, peu de salut. En bonne technicienne, en bonne vendeuse de soupe, Claire Lasne-Darcueil a la solution : épuiser, dans une seule mise en plateau, tous les poncifs du théâtre de la déconstruction : bande-son rock n’roll pour ponctuer chaque scène, chouettes, vautour, vol de rapaces en scène, nudité des acteurs, recours à la marionnette, bande-son, toujours, sus au silence, ennemi de l'époque maudite où nous vivons... Surprendre, séduire, divertir. Exaspérer, exhiber, juxtaposer : Ne jamais laisser l'esprit du spectateur vagabonder seul avec le texte non plus. Et pas davantage avec lui-même.

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vendredi, 06 mars 2009

Quat'sous d'opéra

 Vu hier soir un excellent Opera de Quat-sous au théâtre des Célestins de Lyon. Comme c'est la dernière ce soir, je n'en parlerai pas des heures. Simplement, si Johanny Bert passe par là, qu'il sache que sa mise en scène et tout le travail de ses six comédiens (et de sa multitude de marionnettes), nous sommes plusieurs à les avoir trouvés excellents. Nous sommes plusieurs à avoir éprouvé à nouveau la force et la justesse du cri brechtien, ainsi que la virtuosité carnavalesque de cette pièce qui date de 1928, et dont le texte résonne de façon si contemporaine à nos oreilles - que c'en est presque inquiétant.  La manipulation à vue, le dédoublement de jeu entre les comediens-chanteurs et leurs marionnettes, tout cela demande une grande maîtrise, mariée à un sens sûr de l'à propos. Cela donne envie d'aller se balader plus souvent du côté du Puy en Velay, là où le théâtre de la Romette est en résidence. Du bon, du rare théâtre.

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jeudi, 08 janvier 2009

Chronique du vin chaud en hiver, de la marionnette et des petits glougloux

Il fait froid partout en Europe. Il neige sur le Sud de l'hexagone. Rien de tel qu'un petit coup pour se réchauffer. J'ai entendu dire ça et là que ce n'était pas exactement comme cela que ça se passait, et que l'alcool ne réchauffait en vérité rien du tout. Au contraire, même. Que ce n'était qu'une impression fausse et que le répéter tenait du lieu commun. N'empêche qu'hier soir, après cours, nous sommes allés boire un vin chaud au café la Cloche, rue de la Charité, - dont les problèmes sont encore en attente de solution - et n'en déplaise aux jeteurs de sorts, ça fait quand même du bien par où ça passe, un bon vin chaud. L'autre jour, au théâtre des Célestins, j'étais allé voir « Les embiernes recommencent », un spectacle d'Emile Valantin sur et avec Guignol. Trois textes, de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième, exhumés par ses soins. 

Si j'en parle à présent, c'est à cause de cette affaire de grand froid, qui a mis tout le pays en branle-bas de combat, même les Bretons et les Marseillais, jusqu'à congeler la sardine du Vieux Port. Par association d'idées, en quelque sorte. Car c'est bien connu, l'ivresse, c'est bel et bien l'antithèse de la mort : celui qui boit, même avec excès, ne prouve t'il pas qu'il est bien vivant ? C'est ainsi que le lien entre le vin et la marionnette est bien plus fort qu'on ne le croit de prime abord. Francis Ponge ne dit-il pas dans Le Vin que "la flamme du vin transforme les corps articulés plus ou moins en guignols, pantins, marionnettes ?" Regardez par ailleurs cette photo inoubliable, celle du Bonhomme Cep Vermeil : Dirait-on pas, ce brave-là, une marionnette à gaine brandissant sa racine merveilleuse, sa trique magique, sa dive bouteille, toute sa fortune et tout son credo ?

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Pour en revenir à Gounod, si, comme tout le monde, je me souvenais de son Ave Maria, j'ignorais bien qu'il était aussi le compositeur d'un opéra inspiré du Médecin malgré lui de Molière. Sganarelle, comme Guignol, on ne connait que lui. Ces valets de comédie, rajoutez-y Scapin et Figaro, ont quelque chose d'éternellement réjouissant, de neuf à jamais, allez savoir pourquoi!  Passent, comme le chante le bon Guillaume, les jours et passent les semaines... or donc, dans le premier acte de cet opéra-comique oublié (1), Emilie Valantin a déniché une Chanson à boire bien moins interprétée aux quatre coins du monde que ne le fut l'Ave Maria, mais tout aussi plaisante  et, à la fin de son spectacle de Guignol, elle est parvenue, ce qui est une forme de miracle, à la faire chanter au public - tenez vous bien - du théâtre des Célestins.

Au passage, je dois dire que j'aime beaucoup le travail d'Emilie Valantin. Il y a toujours une grâce particulière à regarder ses marionnettes : comment elles se déplacent, s'assoient, s'immobilisent, vous regardent, et se jouent de l'illusion théâtrale dont elles sont nées. L'an dernier, j'avais raté son spectacle à la Comédie Française, la  Vie du grand dom Quichotte et du gros Sancho Pança d’Antonio José da Silva. Mais je ne vais pas me lancer dans une discussion sur la marionnette, outrecuidante. A propos de celles de M. Signoret (au passage Vivienne à Paris, Anatole France a tenu ces propos délicieux, dans ses si élégants souvenirs (La Vie Littéraire) :  "j'ai vu deux fois les marionnettes de la rue Vivienne et j'y ai pris un grand plaisir. Je leur sais un gré infini de remplacer les acteurs vivants. S'il faut dire toute ma pensée, les acteurs, me gâtent la comédie. J'entends les bons acteurs. Je m'accommoderais encore des autres! mais ce sont les artistes excellents, comme il s'en trouve à la Comédie-Française, que décidément je ne puis souffrir". 

Ce n'est pas la chose la plus intelligente que Breton et sa tribu aient faite, de liquider aussi stupidement Anatole, qui les valait bien, tous. Quitte à s'en prendre à un cadavre d'académicien, dans les années 23-24 il y avait assurément bien pire. Preuve de leur total manque de discernement, à ces surréalistes. Enfin, je m'égare. Est-ce le vin ? Est-ce le froid ? Est-ce la marionnette ? Il est temps de conclure. Comme ni sur Daily Motions, ni sur You tube, je ne trouve la moindre trace des glougloux de Gounod, je vous laisse imaginer l'air, pour accompagner les paroles, que voici. Et c'est ainsi qu'Alexandre est Grand.

(doux)

Qu’ils sont doux

Qu’ils sont doux

Qu’ils sont doux

Bouteille jolie

 

(joyeux)

Qu’ils sont doux

QU’ils sont doux

Vos petits glougloux

Vos petits glougloux

 

(silence 2 temps)

Ah *Bouteille, bouteille

Bouteille, ma mie

 

(Très joyeux)

Ah !

Pourquoi, pourquoi

Pourquoi vous videz-vous

Mon sort ferait bien des jaloux

Si vous étiez toujours remplie !

 

Qu’ils sont doux

Qu’ils sont doux

Qu’ils sont doux

Bouteille jolie

 

Qu’ils sont doux

QU’ils sont doux

Vos petits glougloux

Vos petits glougloux

 

(Doucement)

Qu’ils sont doux …

 

( Très festif)

Qu’ils sont doux.

Vos petits glougloux

Vos petits glougloux

 

 (1) Opéra comique en 3 actes, créé le 15 Janvier 1858 au Théâtre-Lyrique de Paris.

07:00 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : vin chaud, froid, neige, hiver, vialatte, littérature | | |

mardi, 16 décembre 2008

La cousine Pons

Oui je sais, c'est un jeu de mots très Bette. Ou très Pons, comme on voudra. Dédicace de ce jour spéciale à Simone Alexandre et à Porky. Sur Théâtrauteurs, le blog de Simone Alexandre, une actualité théâtrale parisienne tenue d'arrache-pied et de coeur vaillant; au fond du tiroir, sur le blog de Porky, une rubrique érudite des Opéras du temps jadis. Des nouvelles de Dostoëvski sur l'une, de Béla Bartok sur l'autre.

Lily Pons vocalise pour le bonheur de tous. Très honorée ...


07:49 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : lily pons, chant lyrique, musique, vocalises | | |

vendredi, 26 septembre 2008

Tantôt pour Guignol

Les festivités autour du bicentenaire de Guignol sont multiformes. A cette occasion, la salle Rameau se met au goût du jour en accueillant le samedi 4 octobre 2008  des marionnettistes et des marionnettes de tous les théâtres Guignol de Lyon. On jouera Le Déménagement, l'une des pièces fétiches de Mourguet, ré-actualisée par Gérard Truchet et mise en scène par Christophe Jaillet. Les représentations auront lieu à 15 h et à 20 h.30.

En photo, Guignol, Gnafron, Madelon (musée Gadagne) Voici le monologue d'ouverture de Guignol, celui de Mourguet, dans la fantaisie initiale :

GUIGNOL -seul. — Ah l Guignol, Guignol… Le guignon te porsuit d'une manière bien rébarbarative (1). J'ai beau me virer d'un flanc et de l'autre, tout va de traviole chez moi... J'ai ben changé quarante fois d'état, je peux riussir à rien… J'ai commencé par être canut comme mon père…. Comme il me disait souvent dans sa chanson :

trio.jpg« Le plus cannant des métiers,

« C'est l'état de talle, taffe,

« Le plus cannant des métiers,

« C’est l'état de taffetatier (2) »

Je boulottais tout petitement sur ma banquette. Mais voilà qu'un jour que j’allais au magasin - je demeurais en ce temps-là aux Pierres-Plantées -  je descendais la Grande-Cote avec mes galoches, sur ces grandes cadettes (3) qu'ils appellent des trétoirs… voilà qu'en arrivant vers la rue Neyret, je mets le pied sur quéque chose de gras qu'un marpropre avait oublié sur le trottoir... Je glisse... patatrouf !... les quatre fers en l'air... et ma pièce dans le ruisseau… Quand je me relève, ils étaient là un tas de grands gognands qui ricanaient autour de moi... Y en avait un qui baliait la place avec son chapeau... un qui me disait : « M'sieu, vs’ avez cassé le verre de votre montre?» l'autre répondait : «Laisse donc, te vois bon qu'il veut aller ce soir au thiàtre, il prend un billet de parterre»… Je me suis retenu de ne pas leur cogner le melon... Enfin, je me ramasse; je ramasse ma pièce dans le ruissiau, une pièce d'une couleur tendre, gorge de pigeon... ça lui avait changé la nuance... Je la porte au magasin, ils n'ont pas voulu la prendre... Y avait le premier commis, un petit faraud qui fait ses embarras avec un morceau de vitre dans l'oeil... qui me dit : Une pièce tachée! J’aime mieux des trous à une pièce que des taches ! — Ah bon! que j'ai dit, je veux bien... — J'ai pris des grandes ciseaux, j'ai coupé les taches tout autour... C'est égal, il a pas voulu la garder… Puis il m'a dit : — Vous vous moquez de moi, Mossieu Guignol, ne revenez plus demander d'ouvrage à la maison... et dépêchez-vous de vous en aller, mon cher, car vous ne sentez pas bon... — J'aurais bien voulu le voir, lui, s'il était tombé dedans, s'il aurait senti l'eau de Colonne... Je suis rentré à la maison; J’étais tout sale; Madelon m'a agonisé de sottises : — Te voilà! t'es toujours le même! T’es allé boire avec tes pillandes (4), te t’es battu!... — Elle m'a appelé sac à vin, pilier de cabaret, ivrogne du Pipelu (5) Elle m'a tout dit; enfin... on n'en dit pas plus à la vogue de Bron (6)… La moutarde m'a monté au nez ; je lui ai donné une gifle, elle m'a sauté aux yeux ; nous nous sommes battus, nous avons cassé tout le ménage. C't histoire-là m'a dégoûté de l'état…Je me suis dit : Je vergetais là depuis cinq ans sans rien gagner... y faut faire un peu de commerce... Je me suis mis revendeur de gages (7)dans la rue Trois-Massacres (8) .. Mais j'ai mal débuté... J'ai acheté le mobilier d'un canut qui avait déménagé à la lune . . . Le propriétaire avait un ban de loyer… il a suivi son mobilier... Le commissaire est venu chez moi... il m'a flanqué à la cave... J'ai passé une nuit avec Gaspard (9)… Mon vieux, que je me suis dit après ça, faut changer de plan... T'as entrepris quéque chose de trop conséquent... t'as voulu cracher plus haut que ta casquette…  Y faut faire le commerce plus en petit… Y avait un de mes amis qui avait une partie d'éventails à vendre... je l'ai achetée... et je les criais sur le pont… Mais j’avais mal choisi mon m'ment... C'était à la Noël... j’avais beau crier : « Jolis éventails à trois sous ! Le plus beau cadeau qu'on peut faire à un enfant pour le Jour de l’An ! » . . . Personne en achetait, et encore on me riait au nez. Après ça, je me suis fait marchand de melons... Pour le coup, c'était bien au bon m'ment... c'était au mois de jeuliet . . . Mais quand le guignon n'en veut à un homme, il le lâche pas… C'était l'année du choléra (10).. et les médecins défendaient le melon... J'ai été obligé de manger mon fonds... toute ma marchandise y a passé . . . Eh ben! ça n'a pas arrangé mes affaires... au contraire, ça les a tout à fait dérangées... J'ai déposé mon bilan..." ça a fait du bruit… la justice est venue sur les lieux avec les papiers nécessaires... et elle a dit : V’la une affaire qui ne sent pas bonne... C'est égal, les créanciers ont eu bon nez, ils n'ont point réclamé de dividende. J'ai pas eu plus de chance dans mes autres entreprises… Y a bien un quéqu'un qui m'avait conseillé de me faire avocat... parce qu'il disait que j'avais un joli organe... Mais y en a d'autres qui m'ont dit que, pour cette chose- là, je trouverais trop de concurrence. Ah ! j’ai eu, par exemple, un joli m'ment... je m'étais fait médecin margnétiseur (11), et ma femme Madelon somnambule... C'était un de mes amis, qui avait travaillé chez un Physicien, qui m'avait donné des leçons... Madelon guérissait toutes les maladies... On n'avait qu'à lui apporter quéque chose de la personne... sa veste, ses cheveux, quoi que ce soit, enfin... Elle disait sa maladie et ce qui fallait lui faire… Les écus roulaient chez nous comme les pierres au Gourguillon... et tous les jours y avait cinq ou six fiacres à notre porte... C'est que Madelon était d'une force!... Et pour le déplacement des essences.'... c'était le même ami qui m'avait appris ça... Elle y voyait par le bout du doigt, elle y voyait par l'estomac, de partout, enfin... Elle lisait le journal, rien qu'en s'asseyant dessus... Eh ben ! nous avons fini par avoir un accident... Y avait une jeunesse qui était malade de la poitrine; Madelon l'a conseillée de s'ouvrir une carpe sur l'estomac et de s'asseoir sur un poêle bien chaud, jusqu’à ce que la carpe soye cuite... Elle a prétendu que ça lui avait fait mal... ça nous a ôté la confiance... Les fiacres sont plus venus, les écus non plus. .. Nous avions fait bombance pendant le bon temps, acheté un beau mobilier… y fallait payer ça ... Tout a été fricassé. Du depuis, je n'ai fait que vivoter… je suis revenu à ma canuserie... mais l'ouvrage ne va pas… Le propriétaire m'est sur les reins pour son loyer. Je lui dois neuf termes... Il est venu hier... il va revenir aujourd'hui... Je sais plus où donner de la tête..."



[1] Corruption comique de l’adjectif « rébarbative »

[2] Ouvrier fabriquant du taffetas (étoffe de soie fine). Les taffetatiers lyonnais appartiennent à la corporation plus large des canuts.

[3] Une cadette est une large dalle qui, avant l’invention des trottoirs, était placée contre la façade des maisons afin d’en éloigner les eaux de pluie. Le développement des trottoirs à Lyon, mot écorché par Guignol, s’opère de 1830 à 1848, sous les mandats des maires  Prunelle et Terme.

[4] Pillandre : vieille guenille ; Vaurien, canaille

[5] L’ancien quartier du Puits-pelu, vers l’actuelle rue du Palais Grillet, où s’entassent à l’époque les cabarets .

[6] A la vogue de Bron, on pouvait s’injurier librement.

[7] On appelait jadis à Lyon revendeur de gages, les marchands de vieux meubles, probablement parce que ces industriels avaient l'usage de prêter sur gages aux pauvres gens.

[8] Rue des trois massacres : rue Tramassac, dans le vieux Lyon.

[9] Dans les caves de l’Hôtel-de-Ville, peuplées de rats, où l’on enfermait les prisonniers gardés à vue. Le rat Gaspard finit par être une sorte de personnage populaire.

[10] 1832 ;

[11] Corruption comique pour magnétiseur.

 

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