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mardi, 19 janvier 2016

Manifestation (7)

VII

 

S’il y a un Dieu pour les ivrognes, comme le chante le proverbe, alors il doit y avoir un Dieu pour tout le monde, puisque tout un chacun se révèle un tant soit peu ivrogne, à mener brutalement sa vie sans prendre le temps, le souci, l’intelligence d’y regarder d’aussi près qu’un but comme le salut de l’âme le mériterait. The time is out of joint depuis plus longtemps qu’Hamlet ne le croit et les choses ne vont pas en s’arrangeant, au contraire. Ce matin, il causait mort de Michel Tournier, et, de là, décrépitude du paysage littéraire contemporain, avec une collègue de travail haute en gueule et en couleurs. Et de fil en aiguille, il avait fini par lui avouer que devant la stupidité de l'ensemble, il était revenu, lui, à la lecture des Evangiles. Elle, alors, haussant l’épaule, le chignon un peu défait et la dégaine fièrement bancale avait rigolé qu’elle lisait ça quand elle était petite, ni plus ni moins, quand elle était petite, et qu’elle se lançait dorénavant dans l’œuvre complète de Nicolas Bouvier. Que répondre à cela ? Bonne route, alors, bonne aventure... Et rien de plus. Une ivrogne, s’était-il dit dans son propre marasme, une ivrogne parmi des milliards… Puis il s’était souvenu de cette formule de Rebatet, dans Les Deux étendards,  « J’ai perdu la foi comme mes dents de lait » Sans doute est-ce qu’elle voulait dire, la collègue. Une victime de plus de cette catéchèse trop précoce, de ces Bibles à colorier niaiseuses, de ces hallucinantes Vies de Jésus en bande dessinée et autres alibis de la bonne éducation.

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Ivrogne, non, certes Bricard ne l’était pas… Enfin, pas totalement,  malgré la phonétique anisée de son patronyme… Mais croyant ? Jérôme n’avait jamais rencontré l’horloger-bijoutier à l’église. Mais qu’est-ce que ça pouvait signifier ? Beaucoup de baptisés se passaient des sacrements depuis Vatican II. Et même depuis plus tôt. Depuis que Quatorze Dix-huit avait soufflé son haleine de diable sur la foi des Français, comme en témoignent l’inachèvement des statues de Fourvière, et tant d’autres renoncements par tout le pays. Un vrai bal des ivrognes, ce pays, et la planète qu’ils se refilaient de père en fils et de mère en fille, une véritable boule de poison, à bouffer cru les meilleures bonnes volontés et n’en laisser qu’un squelette façon Auschwitz, goulag ou Nagasaki… Comment cela ne sautait-il pas aux yeux de tous que cet humanisme absolu, cette fascination de l’individu pour l’espèce et de l’espèce pour l’individu, ne réglait pas le problème du Mal, mais au contraire, l’avait empiré durant tout le vingtième siècle, jusqu’à sa version post moderne de la guerre de chacun contre chacun ? Mais le Mal leur était tabou. Le Mal, avez-vous dit ? 

Que se passait-il pourtant, dans la cervelle et dans le cœur de Bricard lorsque, dans le silence de son atelier, sa loupe œil sur le nez, il observait de son vivant le mécanisme des montres de jadis que les vieux du quartier lui donnaient à réparer ? Qui le savait ? Qui s’en souciait ? L’enquête à mener ne se situait-elle pas cependant de ce côté-là ? Jérôme empoigna son dizainier puis entama un Credo. Christ le Doux n’était-il pas mort et ressuscité aussi pour ce Bricard ?

(A suivre

lundi, 30 juillet 2012

Londres - lancer du poids

bronze-statue-of-hamlet-carl-purcell.jpg

Where be your gibes now, your gambols, your songs, your flashes of merriment that were wont to set the table on a roar ? Not one now to mock your own grinning ? 

23:14 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : londres 2012, jo, shakespeare, théâtre, hamlet | | |

vendredi, 27 mars 2009

Les malheurs d'Hamlet

Les raisons d'être en colère sont multiples; les sources d'indignation ne manquent pas; « the time is out of joint », proclame Hamlet, à la fin de l'acte I de la pièce de Shakespeare. Alors s'indigner ? S'indigner pour du théâtre ? S'indigner parce qu'un des chefs d'œuvre de la culture occidentale, transformé en divertissement pour bourgeois blasés de tout par une serveuse de plateaux aussi habile que rouée venue de Charentes-Poitou, tourne en ce moment et s'est arrêté pour quelques soirées au théâtre des Célestins à Lyon, s'indigner, oui, à quoi bon ? Hamlet est un prince malheureux. Dans le siècle où nous sommes, qui est malheureux est forcément ennuyeux. Mais Hamlet, comme le dit Claire Lasne-Darcueil, c’est l’un des « tubes » de Shakespeare. « Un peu comme avec Molière », rajoute la dame dans son dossier de presse «quitte à s’attaquer aux grands auteurs, autant choisir des tubes…»  Nous voilà rassurés : Il y a dans la com' d'aujourd'hui quelque chose de désespérément bête, oui. Car vraiment, cette façon de parler est aussi un aveu : Hamlet est le tube de Shakespeare, soit. Mais un tube  de jadis, un tube ennuyeux : qu’en faire pour capter à la fois l’attention bienveillante d’un public d’abonnés et celle, voltigeante, d’un public de scolaires ? Car sans les abonnés et le scolaire, pour les intermittents d'aujourd'hui, peu de salut. En bonne technicienne, en bonne vendeuse de soupe, Claire Lasne-Darcueil a la solution : épuiser, dans une seule mise en plateau, tous les poncifs du théâtre de la déconstruction : bande-son rock n’roll pour ponctuer chaque scène, chouettes, vautour, vol de rapaces en scène, nudité des acteurs, recours à la marionnette, bande-son, toujours, sus au silence, ennemi de l'époque maudite où nous vivons... Surprendre, séduire, divertir. Exaspérer, exhiber, juxtaposer : Ne jamais laisser l'esprit du spectateur vagabonder seul avec le texte non plus. Et pas davantage avec lui-même.

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08:45 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : hamlet, célestins, claire lasne-darcueil | | |

mardi, 23 septembre 2008

Hamlet's performance

Me tombe sous la main le dossier d'une compagnie théâtrale lyonnaise que je ne citerais pas. Je recopierai simplement là ce que je lis, assorti de quelques commentaires bileux entre parenthèses.

HAMLET 4 GO.  Création / Performance. Du 5 au 7 février 2009. 

Performance (Il doit, Kantor, se retourner dans sa tombe) avec comédiens, danseurs, plasticiens  (pas de noms propres cités; on est humble)

D'après Williiam SHAKESPEARE  (on apprécie le d'après, très couru ces temps-ci depuis l'Inferno de Romeo Castellucci d'après le malheureux Dante. Après Dante, donc, Shakespeare tombe en enfer. Dans cette novlangue outrecuidante, d'après signifie en réalité sans - C'est Hamlet sans Shakespeare : c'est pour ça que, plus haut, on parle - de façon un peu péremptoire, certes, de création ) Ceux qui veulent des explications peuvent les trouver là. Je continue :

"Dans ce système, Hamlet sera omniprésent et totalement absent. (La loi des contraires, si chère à René Char et aux présocratiques, servie à la sauce BTS en communication marketting) Nous tâtonnerons individuellement et collectivement. (traduction : nous sommes tous des artistes. Vous aussi, public... Sauf que, NDLR, seuls ceux qui sont sur scène - et qui sont de moins en moins artistes-  sont payés..) Nous jouerons de l'objet téléguidé, nous serons des dominants dominés, nous appuierons sur des boutons. (Cela doit faire référence à quelque scénographie incluant de la technologie : waaaouuuuh : quelle audace ! - pour traduire la dialectique du regardant/regardé, joueur/joué, arroseur/arrosé...)  Nous inventerons, malgré nous, d'autres logiques, nous provoquerons des collisions (appréciez ici l'emploi des indéfinis - autres notamment, qui me rappelle le fameux "faire de la politique autrement" = on fera donc du théâtre autrement. C'est à dire qu'on n'en fera pas. Ou qu'on fera autre chose ). Nous serons les maîtres du monde, nous déciderons du chaos total ou du silence absolu. ( Tudieu !) Nous serons têtus et peut-être pervers. ( Autosatisfaction, quand tu nous tiens, tu ne nous lâches plus...) Nous ne comprendrons rien. ( Ah ça !) Nous/Vous. "

Pour donner à ce discours une touche intello, une citation d'Anne Giffon-Selle rajoute la petite couche, celle qui manquait au ridicule institutionnel, celle du Trissotin savant, qui achève de rendre le ton de cette brochure jaune et non paginée ( pour qu'on ne s'y retrouve pas ?) conforme et terriblement subventionné : "Derrière  la mécanique formelle instaurée par la règle, se joue pour chacun une dialectique entre liberté d'action ou de choix et étroite interdépendance (...) De l'aveu de tous, cette interdépendance entre un individu et un groupe, cette prise d'otage réciproque, génèrent une intimité entre les deux parties, non exempte d'une violence sous-jacente". ( Prise d'otages... Hmmm. Le trait d'époque est creux, maladroit, démago, pour ne dire qu'un mot. )

Ce pauvre Hamlet, (" La dernière figure de l'intellectuel en Occident", disait Yves Bonnefoy dans son cours au Collège de France ) ce pauvre Hamlet, si j'ose dire, resucé a cependant son prix : 12 euros tarif plein, 6 euros tarif réduit. Le jeudi, précise-t-on, c'est gratuit.

On viendra le jeudi, promis.

Avec tomates et oeufs pourris.

Pour foutre le boxon.

 

15:33 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : théâtre, shakespeare, hamlet, société, performance, lyon | | |