mercredi, 01 février 2012
La gazette de Solko n°16
06:17 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : moodys, standard and poor's, hiver, neige |
mardi, 21 décembre 2010
Defense et illustration des oisivetés hivernales
Oisif proviendrait en ligne courbe du latin otium. Courbe, parce que comme beaucoup de mots de formation populaire, il fit un détour par la langue vulgate, ce latin machouillé médiéval, d’où en 1350 jaillit ouesif, lequel donna d’abord oiseux, puis, par changement de suffixe savant, oisif. Quand je lis chez Robert les définitions des deux mots, je me demande quelle connotation tinte le mieux à mon oreille :
Oiseux : « Qui ne sert à rien, ne mène à rien »
Oisif : « Qui est dépourvu d’occupation, n’exerce pas de profession ».
Le mieux n’est-il pas de ne mener à rien ?
De oisif est dérivé oisiveté, qui est l’état qu’on imagine d’une personne oisive (pas nécessairement oiseuse) C’est un mot qui ne s’emploie, semble-t-il, qu’au singulier (on dit crânement que l’oisiveté serait la mère de tous les vices). Le terme s'utilise également au pluriel, pour qualifier un genre littéraire des plus agréables à pratiquer, les Oisivétés.
Les Oisivetés sont des textes qui se reconnaissent au fait d'être nés sous la plume d’un oisif. Peut-être même d’un oiseux, puisque les textes, songes, récits en question ne mènent pas nécessairement à grand chose. Sénèque, en conseillant à Lucilius de ne mener d’otium que studieux, n’était guère éloigné de l’Oisiveté entendue comme telle. Montaigne non plus, qui dès le huitième de ses essais, évoqua des « terres oisives » et, causant de son esprit, déclara qu’il ne pouvait lui faire de plus grande faveur « que de le laisser en pleine oisiveté, s’entretenir soi-même, et s’arrêter et rasseoir en soi » L’oisiveté favorise le bon comme le mauvais imaginaire, et si le mauvais est le prix à payer pour le bon, il ne faut point être avare de ses vices, contrairement à ce que prétend le proverbe.
Les Oisivetés ne sont guère éloignées non plus des Loisirs, autre genre littéraire oublié du siècle ignare où nous sommes. Le Loisir pourrait après tout être l’œuvre de l’oisif, même si les étymologistes nous soufflent à l’oreille qu’il n’en est rien.
Comme les Divertissements, les Loisirs sont davantage tournés vers l’extérieur. Dans cette forme de littérature assez libertine, le bourgeois narre des épisodes galants qui l'arriment davantage du réel, et deviennent donc assez rapidement ennuyeux, comme avec les Promenades ou les Souvenirs. Les Loisirs sont partie prenante du printemps, me semble-t-il. Les Promenades de l’été, les Souvenirs de l’automne. Tandis que les Oisivetés, comme les Divagations, dépendent foncièrement de l’hiver. Tous deux sont ensemble comme l'ongle à la main. C’est en ce sens qu’elles coiffent de haut tous les autres genres susnommés. Et qu’en ce 21 décembre, elles sont, plus que jamais, de saison.
14:33 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature, hiver, oisivetés, essais, promenades, souvenirs |
jeudi, 21 janvier 2010
Les jours de janvier
Les jours obscurs de janvier, que commence à grignoter la vorace et terrifiante luminosité du soleil, sont, de tous, les plus infiniment précieux.
23:38 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : janvier, hiver |
jeudi, 08 janvier 2009
Chronique du vin chaud en hiver, de la marionnette et des petits glougloux
Il fait froid partout en Europe. Il neige sur le Sud de l'hexagone. Rien de tel qu'un petit coup pour se réchauffer. J'ai entendu dire ça et là que ce n'était pas exactement comme cela que ça se passait, et que l'alcool ne réchauffait en vérité rien du tout. Au contraire, même. Que ce n'était qu'une impression fausse et que le répéter tenait du lieu commun. N'empêche qu'hier soir, après cours, nous sommes allés boire un vin chaud au café la Cloche, rue de la Charité, - dont les problèmes sont encore en attente de solution - et n'en déplaise aux jeteurs de sorts, ça fait quand même du bien par où ça passe, un bon vin chaud. L'autre jour, au théâtre des Célestins, j'étais allé voir « Les embiernes recommencent », un spectacle d'Emile Valantin sur et avec Guignol. Trois textes, de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième, exhumés par ses soins.
Si j'en parle à présent, c'est à cause de cette affaire de grand froid, qui a mis tout le pays en branle-bas de combat, même les Bretons et les Marseillais, jusqu'à congeler la sardine du Vieux Port. Par association d'idées, en quelque sorte. Car c'est bien connu, l'ivresse, c'est bel et bien l'antithèse de la mort : celui qui boit, même avec excès, ne prouve t'il pas qu'il est bien vivant ? C'est ainsi que le lien entre le vin et la marionnette est bien plus fort qu'on ne le croit de prime abord. Francis Ponge ne dit-il pas dans Le Vin que "la flamme du vin transforme les corps articulés plus ou moins en guignols, pantins, marionnettes ?" Regardez par ailleurs cette photo inoubliable, celle du Bonhomme Cep Vermeil : Dirait-on pas, ce brave-là, une marionnette à gaine brandissant sa racine merveilleuse, sa trique magique, sa dive bouteille, toute sa fortune et tout son credo ?
Pour en revenir à Gounod, si, comme tout le monde, je me souvenais de son Ave Maria, j'ignorais bien qu'il était aussi le compositeur d'un opéra inspiré du Médecin malgré lui de Molière. Sganarelle, comme Guignol, on ne connait que lui. Ces valets de comédie, rajoutez-y Scapin et Figaro, ont quelque chose d'éternellement réjouissant, de neuf à jamais, allez savoir pourquoi! Passent, comme le chante le bon Guillaume, les jours et passent les semaines... or donc, dans le premier acte de cet opéra-comique oublié (1), Emilie Valantin a déniché une Chanson à boire bien moins interprétée aux quatre coins du monde que ne le fut l'Ave Maria, mais tout aussi plaisante et, à la fin de son spectacle de Guignol, elle est parvenue, ce qui est une forme de miracle, à la faire chanter au public - tenez vous bien - du théâtre des Célestins.
Au passage, je dois dire que j'aime beaucoup le travail d'Emilie Valantin. Il y a toujours une grâce particulière à regarder ses marionnettes : comment elles se déplacent, s'assoient, s'immobilisent, vous regardent, et se jouent de l'illusion théâtrale dont elles sont nées. L'an dernier, j'avais raté son spectacle à la Comédie Française, la Vie du grand dom Quichotte et du gros Sancho Pança d’Antonio José da Silva. Mais je ne vais pas me lancer dans une discussion sur la marionnette, outrecuidante. A propos de celles de M. Signoret (au passage Vivienne à Paris, Anatole France a tenu ces propos délicieux, dans ses si élégants souvenirs (La Vie Littéraire) : "j'ai vu deux fois les marionnettes de la rue Vivienne et j'y ai pris un grand plaisir. Je leur sais un gré infini de remplacer les acteurs vivants. S'il faut dire toute ma pensée, les acteurs, me gâtent la comédie. J'entends les bons acteurs. Je m'accommoderais encore des autres! mais ce sont les artistes excellents, comme il s'en trouve à la Comédie-Française, que décidément je ne puis souffrir".
Ce n'est pas la chose la plus intelligente que Breton et sa tribu aient faite, de liquider aussi stupidement Anatole, qui les valait bien, tous. Quitte à s'en prendre à un cadavre d'académicien, dans les années 23-24 il y avait assurément bien pire. Preuve de leur total manque de discernement, à ces surréalistes. Enfin, je m'égare. Est-ce le vin ? Est-ce le froid ? Est-ce la marionnette ? Il est temps de conclure. Comme ni sur Daily Motions, ni sur You tube, je ne trouve la moindre trace des glougloux de Gounod, je vous laisse imaginer l'air, pour accompagner les paroles, que voici. Et c'est ainsi qu'Alexandre est Grand.
(doux)
Qu’ils sont doux
Qu’ils sont doux
Qu’ils sont doux
Bouteille jolie
(joyeux)
Qu’ils sont doux
QU’ils sont doux
Vos petits glougloux
Vos petits glougloux
(silence 2 temps)
Ah *Bouteille, bouteille
Bouteille, ma mie
(Très joyeux)
Ah !
Pourquoi, pourquoi
Pourquoi vous videz-vous
Mon sort ferait bien des jaloux
Si vous étiez toujours remplie !
Qu’ils sont doux
Qu’ils sont doux
Qu’ils sont doux
Bouteille jolie
Qu’ils sont doux
QU’ils sont doux
Vos petits glougloux
Vos petits glougloux
(Doucement)
Qu’ils sont doux …
( Très festif)
Qu’ils sont doux.
Vos petits glougloux
Vos petits glougloux
(1) Opéra comique en 3 actes, créé le 15 Janvier 1858 au Théâtre-Lyrique de Paris.
07:00 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : vin chaud, froid, neige, hiver, vialatte, littérature |