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mardi, 21 décembre 2010

Defense et illustration des oisivetés hivernales

Oisif proviendrait en ligne courbe du latin otium. Courbe, parce que comme beaucoup de mots de formation populaire, il fit un détour par la langue vulgate, ce latin machouillé médiéval, d’où en 1350 jaillit ouesif, lequel donna d’abord oiseux, puis, par changement de suffixe savant, oisif. Quand je lis chez Robert les définitions des deux mots, je me demande quelle connotation tinte le mieux à mon oreille :

Oiseux : « Qui ne sert à rien, ne mène à rien »

Oisif : « Qui est dépourvu d’occupation, n’exerce pas de profession ».

Le mieux n’est-il pas de ne mener à rien ?

 

De oisif est dérivé oisiveté, qui est l’état qu’on imagine d’une personne oisive  (pas nécessairement oiseuse) C’est un mot qui ne s’emploie, semble-t-il, qu’au singulier (on dit crânement que l’oisiveté serait la mère de tous les vices). Le terme s'utilise également au pluriel, pour qualifier un genre littéraire des plus agréables à pratiquer, les Oisivétés.

Les Oisivetés sont des textes qui se reconnaissent au fait d'être nés sous la plume  d’un oisif. Peut-être même d’un oiseux, puisque les textes, songes, récits en question ne mènent pas nécessairement à grand chose. Sénèque, en conseillant à Lucilius de ne mener d’otium que studieux, n’était guère éloigné de l’Oisiveté entendue comme telle. Montaigne non plus, qui dès le huitième de ses essais, évoqua des « terres oisives » et, causant de son esprit, déclara qu’il ne pouvait lui faire de plus grande faveur « que de le laisser en pleine oisiveté, s’entretenir soi-même, et s’arrêter et rasseoir en soi » L’oisiveté favorise le bon comme le mauvais imaginaire, et si le mauvais est le prix à payer pour le bon, il ne faut point être avare de ses vices, contrairement à ce que prétend le proverbe.

Les Oisivetés ne sont guère éloignées non plus des Loisirs, autre genre littéraire oublié du siècle ignare où nous sommes.  Le Loisir pourrait après tout être l’œuvre de l’oisif, même si les étymologistes nous soufflent à l’oreille qu’il n’en est rien.

Comme les Divertissements, les Loisirs sont davantage tournés vers l’extérieur. Dans cette forme de littérature assez libertine, le bourgeois narre des épisodes galants qui l'arriment davantage du réel, et deviennent donc assez rapidement ennuyeux, comme avec les Promenades ou les Souvenirs. Les Loisirs sont partie prenante du printemps, me semble-t-il. Les Promenades de l’été, les Souvenirs de l’automne. Tandis que les Oisivetés, comme les Divagations, dépendent foncièrement de l’hiver. Tous deux sont ensemble comme l'ongle à la main. C’est en ce sens qu’elles coiffent de haut tous les autres genres susnommés. Et qu’en ce 21 décembre, elles sont, plus que jamais, de saison.

Commentaires

Billet un rien oiseux, cher Solko...
Merci pour cette petite promenade d'hiver.

Écrit par : Tanguy | mardi, 21 décembre 2010

Si l’oisiveté favorise le bon comme le mauvais imaginaire, dans ce cas, Professeur Solko, quel penchant la non-oisiveté (devrions-nous l'appeler occupation ?) favorise t-elle ?

Toujours pour savoir, vous l'imaginez bien, c'est important pour moi (sinon je ne sais plus que faire et me sens oisif en toute saison), si l'oisiveté est une porte.

Écrit par : thomas p | mercredi, 22 décembre 2010

Voilà un beau billet "Solkoïen", bravo ! c'est difficile d'arriver jusqu'ici, mais ce fût le seul but de ma journée, quel bonheur de retrouver Montaigne et l'évocation de ces "terres oisives". (Il faut sauver l'oisiveté en charmillonnant :), ej souv housiate nue persube roisée aguev te oufl.

Écrit par : Frasby | mercredi, 22 décembre 2010

@ Thomas : Vous connaissez Nizier du Puitspelu, l'auteur du "Littré de la Grand Cote" ? Il a écrit un fort bon livre, des vraies Oisivetés qu'il a nommées "Les Oisivetés du sieur du Puitspelu". Et c'est en ayant ce livre en tête que je puis vous dire que les oisivetés sont bel et bien une porte. Quant à la non-oisiveté, elle ne favorise aucun penchant. C'est une chute, définitivement.

Écrit par : solko | jeudi, 23 décembre 2010

@ Frasby : Bien le merci à vous.

Écrit par : solko | jeudi, 23 décembre 2010

J'enquêterai auprès des bouquinistes, solko, et développerai comme un forcené mes oisivetés (au risque qu'elles n'en soient plus, du coup)... ce que vous me dites est trop inquiétant.

Mais j'espère qu'au bout de la chute, il y a au moins un cercueil décent, je veux dire: revendable à des conditions avantageuses.

Écrit par : thomas p | jeudi, 23 décembre 2010

"L’oisiveté favorise le bon comme le mauvais imaginaire"...qui descendent tous deux de l'arbre du même nom, haha, tout est là, pourquoi 2 qualificatifs?^^


@thomas p

il y a une phrase bouddhiste qui répond à votre question: "la réelle action est non-action; tout le reste n'est qu'agitation"

Écrit par : gmc | jeudi, 23 décembre 2010

@gmc: oui, je commence à comprendre ces choses-là !

Écrit par : thomas p | jeudi, 23 décembre 2010

@thomasp :

Le contraire de l'otium, c'est le "neg otium", c'est à dire le négoce.

Joyeux Noël.

Écrit par : Jarre | samedi, 25 décembre 2010

Les commentaires sont fermés.