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samedi, 07 décembre 2013

Molly Bloom et les Illuminations

On dirait que le TNP est devenu une gigantesque machine à divertir le troisième âge ! Que de têtes chenues et de crânes dégarnis, tandis que la salle Jean Bouise s'emplit peu à peu. Dehors, c’est le commencement de la fête des Lumières. Du haut en bas du cours Emile Zola, une seule « bouche » de métro demeurait ouverte à chaque station, avec des agents de sécurité et des barrières pour guider la foule. La nuit tombée, l’asphalte luisant, longtemps que je n’avais pas fait le trajet Terreaux-Gratte-Ciel à pinces.  L’hôtel de ville de Villeurbanne, cierge de sucre toujours aussi impeccablement stalinien, devant les petites cabanes de Noël en bois de part en d’autres de l’avenue Henri Barbusse.

Sur scène, à présent, un lit en partie défait attend la performance. Anouk Grinberg relance ici sa Molly Bloom, avant de se retrouver une fois encore aux Bouffes du Nord à Paris.  Joyce, tout de même ! Je regarde autour de moi : Le symbole même de l'avant-garde littéraire des années trente n’intéresserait-il plus dorénavant que des seniors ? Comme la roue tourne ! Autour de moi, on ne que parle d'amis au cimetière, de frère a l'hôpital, de chute dans l'escalier. C’est alors que se pointe un garçon de salle qui insiste lourdement sur le fait que nous devons tous éteindre nos portables. Devant un parterre aussi hirsute et insoumis, ça fait sourire. A moins qu'il ne le juge, ce public, trop distrait, étourdi... «L’actrice, dit-il, a besoin de concentration ». Le chapitre 18 qui conclut en une phrase de monologue le roman de Joyce, on s'en doutait… 

Puis Anouk Grinberg commence : « Oui puisqu’avant il n’avait jamais… » Ici, tout tient dans la restitution de ce texte qui doit surgir du corps même jusqu’à ce « j’ai dit oui » de la fin « je veux bien Oui. ». Du corps même. Et sans vulgarité. Gageure que seul l’instant de chaque mot – non pas de chaque phrase – mais de chaque mot, comme il vient à la fois à la bouche et à l’esprit – a rendu possible. Quand au bout d’une heure habitée, peuplée, hantée par ce Dublin et ces personnages avec lesquels le lecteur averti d’Ulysse est familier, et que le profane découvre comme naturellement, Anouk Grinberg vient saluer, ce qui l’unit à la salle un bref instant est une vérité première : Le texte de Joyce n’est ni hermétique ni abscons.  Il est vous, moi, elle, dans le flux de l’esprit. Les rappels fusent. Yeux de feu, bonheur, la comédienne. Une réussite. Puis on se retrouve en marche vers le métro, seul dans la nuit.

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© Pascal Victor – Artcomart

« Le voilà, le plus beau moment du théâtre, disait Béraud, quand on rentre à pied chez soi ». Quand la représentation a été aussi juste, c'est vrai. On se sent alors encore empli d'une présence dont on sait qu'elle tardera à s'évaporer. Pourtant, ce soir, un autre spectacle tourne en boucle par la ville. Du contemporain balourd. Lyon n’est plus qu’un gigantesque parc d’attraction, aux allées/rues gardées par des agents municipaux et des CRS. Inhibition/exhibition. Me demande ce que James Joyce écrirait à propos de ces cohortes d’adultes, se pressant par les rues obscures d’une projection sur façade à une autre. Tous ces monologues qui se heurtent et se bousculent. Mais les lumières en boucle anesthésient le flux de la pensée. N’en disent rien, sinon Oooh ou Aaahhh, ou bien c’était mieux l’année dernière, et puis passer à une autre attraction. Gosses portés sur les épaules. Doigts tendus, de ci de là. Ainsi tassés les uns contre les autres, au pas, de files en files. Étrange rencontre que celle de Molly Bloom et ce commerce de lumières, projeté à ciel ouvert.

Jadis, c'était la fête des Illuminations. Marie/Molly. Le consentement final qui clôt les 18 chapitres d'Ulysse est pensé, lui, telle une épiphanie. Dans la lumière diffuse qui rebondit de colonne en colonne à l'intérieur de l’église saint-Nizier, là où des badauds croisent des paroissiens et des fêtards, c'est le peuple d'aujourd'hui. Pas que des têtes chenues et des crânes chauves, non. On pourrait presque se croire, quelques secondes durant, perdu au détour d'une page du Dublin de Joyce. Paradoxalement, c'est bien le seul endroit de la ville : des Molly Bloom, y en a partout autour de moi. Des Leopold aussi. Des Stephen, des Milly et des Buck Mulligan. Vieux, jeunes. Des passés, des à venir. Une race immuable, les personnages. Je ressors. Sur le parvis de l'église, des marchands de vin chaud. Une épopée qui dure encore...

Molly Bloom, avec Anouk Grinberg,

jusqu'au 14 décembre 2013, TNP Villeurbanne, 20.00, durée 1h15

du 14 au 24 janvier 2014, Bouffes-du-Nord, Paris


mardi, 19 novembre 2013

Bells are ringing, de Jean Lacornerie

Un parfum de fifties flotte sur le théâtre de la Croix-Rousse. Jean Lacornerie, son directeur, y ressuscite la comédie musicale Bells are Ringing, de Jule Styne,  Betty Comden & Adolph Green. Créée à Broadway en 1956, adaptée quatre ans plus tard par Vincente Minelli au cinéma, Bells are ringing conte les aventures de Ella Peterson, opératrice téléphonique dans la permanence de sa cousine Sue, Susanswerphone. Persuadée par ses parents que cela coûte peu et change la vie de faire le Bien (Is it a crime ?), cette dernière s’immisce dans l’existence de ses abonnés en véritable fée communication, jusqu’à les aider à combler leurs ambitions ou réaliser leurs rêves. Bien sûr, il va lui falloir déjouer les pièges que le Mal lui tend, sous les traits d’un bookmaker qui utilise la petite entreprise pour véhiculer des paris codés grâce aux noms de célèbres compositeurs, et sous les yeux d’un inspecteur soupçonneux qui place le standard sous écoute.

La communication est, on le comprend, placée au cœur même de l’intrigue, par les possibilités de détournement comme par les rêves de relations positives entre les uns et les autres qu’elle suscite, dans cette Amérique d’Eisenhower, entre Shannon et Macluhan, qui commence à faire d’elle son moteur économique et social.

Au cœur du dispositif, le déploiement d’une histoire d’amour qui va de pair avec l’élaboration d’un spectacle The Midas Touch, par un auteur sans inspiration, un acteur au chômage, un dentiste compositeur. Pour ne pas se brûler les ailes dans un monde où tout ce qui brille n’est pas or, la standardiste et l’auteur dramatique vont devoir garder intacts cette simplicité de cœur initiale et cet imaginaire heureux, qui président à tout désir de rencontre amoureuse   (It’s a perfect relationship) :

 I'm in love with a man

Plaza-O-Double-Four-Double-Three

What a perfect relationship

I can't see him, he can't see me 

I'm in love with a voice 

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© Bruno Amsellem 

Bells are Ringing est ainsi une fable légère et moderne par son propos mais déjà nostalgique par sa forme, ce que relèvent avec justesse les partis-pris de Jean Lacornerie : en effet, tandis que les costumes et les décors très vintage de Robin Chemin et Bruno de Lavenère ressuscitent les objets, les couleurs et les silhouettes des fifties à Hollywood, les images projetées d’Etienne Guiol recadrent le spectateur dans un tempo technologique fait de lignes, de volumes, de typos et de motifs plus contemporains.

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Ce qui pourrait menacer une telle adaptation en nos temps saturés de technologie et sans doute passablement déniaisés du rêve américain, c’est cette foi naïve et presque mièvre en la communication qu’exalte la comédie d’après-guerre. Jean Lacornerie l’a parfaitement compris, qui souligne le fait « qu’il n’y a pas d’optimisme béat » et prend soin dans sa mise en scène de noircir en contrepoint tout ce qui par ailleurs désenchante le monde : le chômage, la corruption, la superficialité des rapports et l’anonymat des grandes villes. Les tableaux avec les corps masqués dans le métro (« Saying hello»), ou limités aux membres inférieurs (« Drop a name »),  le clin d’œil à la solitude des personnages de Hopper dans celui du bar, sont de ce point de vue particulièrement efficaces. 

Tout comme le sont Gerard Lecointe et les Percussions Claviers de Lyon, présents côtés cour et jardin, pour porter la partition et le rythme de la comédie musicale. Deux heures trente pour se replonger dans ce qui nous apparaît aujourd’hui comme l’âge d’or de la communication, avec tout ce que cela comporte de naïveté, de rêveries, et d’heureuse mélancolie. 

Théâtre de la Croix-Rousse, du 18 au 29 novembre 2013, Spectacle en français, chansons en anglais surtitrées en français,  Durée : 2h30 (avec entracte)

mardi, 12 novembre 2013

Libre à ce point...

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La mer libre à ce point où la limite du ciel connu s’efface.

C’est un Père Jésuite, attaché comme à une croix au mât d’une épave. Elle s’enfonce dans l’eau. Et lui, il lance ce bel appel vers l’horizon, vers l’infini de la vie, de la naissance et de la mort. C'est par cette ligne que débute cette prière pour son fils unique Rodrigue, tel un sentier à partir de laquelle s’élance en prolepse tout  le Soulier de satin. Magistral exercice, l’une des plus belles gageures de tout le théâtre français, tant scénique que poétique et qu'articulatoire. 

La mer libre à ce point : on n'a jamais et nulle part aussi bien dit la sensuelle illusion de l'horizon.

22:30 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : claudel, soulier de satin, jésuite, rodrigue, antibes, théâtre, prologue | | |

dimanche, 27 octobre 2013

Я ЕСТЬ -JE SUIS -

Je suis installe sur le plateau des Célestins l’histoire d’une ville, Komsomolsk-sur-Amour, dont la légende raconte qu’elle a été construite par une jeunesse communiste enthousiaste alors qu’elle est l’œuvre d’abord des déportés au goulag  puis celle des prisonniers de la seconde guerre mondiale. Ce secret des origines, à force d’être tu, est tombé dans un oubli soigneusement entretenu par les officiels, mais tout aussi soigneusement conservé par la mémoire familiale de ses habitants. De cet oubli, Tatiana Frolova extirpe la parole de ses personnages qui développent les uns après les autres le fil de leur histoire, remontant au pire jusqu’aux grands-parents, au mieux jusqu’aux arrière grands-parents : après ou plus loin, on ne sait rien, on ne sait plus. C’est encore l’oubli.

Mais ce que l’on comprend très vite, c’est que le grand mystificateur qui a orchestré jadis cette rupture est le même que celui qui aujourd’hui alimente encore cet oubli : l’Etat. Pour faire face (ou front), à ce dernier, il n’est que l’être de chaque individu qui vient se dire tour à tour dans une nudité de parole quasi artisanale (documentaire), d’où ce titre, « Je suis ».

 « L’histoire de la ville de Komsomolsk-sur-Amour, patrie du Teatr KnAM, est symptomatique de la façon dont la mémoire collective se cultive à partir d’une histoire passée sous silence, dont on ne donne qu’une image positive.» explique Tatiana Frolova. «Staline était un criminel mais sa tombe demeure dans la nécropole de la Place Rouge et, chaque année, les victimes du culte de la personnalité viennent honorer sa mémoire, accompagnés de très jeunes gens »

De Staline à Poutine, le fil conducteur est ainsi l’entretien politicien du mythe au cœur même de ce qui, par ailleurs, le dénonce : c’est la force inouïe de la propagande de parvenir à faire oublier ce paradoxe. Et c’est le pouvoir de l’image (la représentation) de rendre possible la propagande. C’est là que le propos du spectacle croise une réflexion qu’on pourrait dire universelle sur (bien au-delà du cas russe) ce  media qui rend partout possible toute dictature, dès lors qu’il est mis au service de l’oubli : l’image elle-même.

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La première image sur laquelle travaille Frolova est ce fameux quatrième mur placé, depuis Diderot, au cœur même de la représentation théâtrale. Elle l’investit durant toute la durée du spectacle en y projetant paroles, photos, dessins d’enfants, prières, manifestes, témoignages, ombres chinoises, et parfois même le reflet du public en train de  le (se) regarder. Mais en même temps qu’elle l’utilise à la manière d’un écran de cinéma, elle en maintient aussi l’artifice puisqu’à travers lui on continue de voir les acteurs, tantôt occupés à jouer une scène, tantôt à manipuler ou dessiner sur une table de verre ce qui est projeté sur l’écran, dans un dispositif parfaitement brechtien de distanciation : le spectacle dénonce ainsi l’image en train de se faire. Après avoir ainsi occupé et maintenu simultanément le quatrième mur, Frolova le perce de façon fort efficace pour prendre à parti parfois le public, en questionnant frontalement : « qui répondra de tous ces crimes ? », ou, mieux encore, en affirmant que personne parmi ceux qui regardent le spectacle n’aurait eu la force de supporter la pression terrifiante du KGB.

De chaque côté de ce quatrième mur, Tatiana Frolova expose les images quasiment fixes de deux visages, à l’intérieur de deux écrans, qui soulignent la prééminence de la technologie moderne, principale vecteur d’images. Côté cour, celui d’un vieillard (Bernard Noël), côté jardin, celui d’un enfant. Façon de nous rappeler, la prééminence de l’outil de propagande dans la vie personnelle, voire intime, de chacun d’entre nous, de sa naissance à sa mort. Comme Kantor parlait « d’objet pauvre », on aurait envie devant ce que Forlova appelle un « théâtre documentaire » de parler alors d’image pauvre. Car ainsi  exposées ces images finissent par acquérir un statut particulier dans la représentation : arrachées à la réalité non plus de la vie, mais du spectacle, elles témoignent, à leur façon, du mal qu'elles font.

Tout comme l’objet dans l’esthétique de Kantor, elles disent le rapport au monde, à la fois pauvre et dérisoire, de chaque personnage ; elle dénoncent aussi le véritable oppresseur, ce processus que Debord nomma la séparation, et qui est ici au cœur même de la mise en scène. Une étrange harmonie s’installe peu à peu entre les trois acteurs et les images d’eux-mêmes, comme si leur parole et leur effort de mémoire ne pouvaient s’extirper pleinement de l’oubli produit par leur représentation simultanée.

Ce questionnement sur l’image trouve par ailleurs sa forme au fur et à mesure qu’on avance dans le spectacle et que se crée sur scène un univers poétique spécifique : les bandes de gaze servant à effacer les traces de feutres rouges, assimilées à des pansements ensanglantés, par exemple. Ou bien les semelles-couche-culottes usitées, et les chapkas enturbannées, dans une leçon pleine d’humour pour survivre emmitouflé dans  le grand froid.

Puis il devient pleinement critique, lorsque le spectacle suggère l’idée très significative qu’il y aurait un lien entre la maladie d’Alzheimer et la transformation du temps individuel autrefois vécu en histoire collective désormais établie en images. « Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation », disait Debord. Tatiana Forlova rajoute qu’Alzheimer, pourrait être le fruit de cette séparation. Et c’est alors que son spectacle trouve son véritable centre de gravité et sa pleine originalité,: « La première personne qui est venue voir Alzheimer lui a dit : je me suis perdue moi-même. », nous rappelle-t-elle. C’est pourquoi, dans la logique démente du système qui nous gouverne, soigner l’Alzheimer, ce ne peut être que le propager plus encore, jusqu’à une sorte de macabre solution finale, parodie de retour à la civilisation : dressage des vieux malades comme celui des enfants avec imposition d’une autorité, privation de la liberté, fixation d’habitudes, bref, perpétuation de la même dictature … A cet instant, le théâtre de Forlova marmonne, dans le sens noble du terme que le texte lui-même confère à ce mot, le théâtre de Kantor.

Une citation (lue par l’enfant) du livre de Bernard Noël, Le livre de l’oubli, clôt le spectacle : « Depuis l’invention des medias et leur emploi généralisé, il ne s’agit plus d’orienter l’espace mental, mais de l’occuper et de le vider de tout autre contenu que celui des spectacles qu’on y projette. Rien ne fut jamais aussi efficace pour soumettre les têtes que ce décervelage qui remplace pensée et imagination par le flux des images. L’oubli n’y peut rien, et il est temps de se demander s’il n’est plus lui-même devenu l’instrument de cette privation de sens »

Ce n’est pas le moindre mérite de cet insolite théâtre-documentaire de Tatiana Forlova (ni sa moindre prouesse) que de donner à cette privation de sens une signification à la fois philosophique et esthétique, tout en serrant au plus près l'expérience vécue et racontée des personnages que nous sommes.

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Tatiana Frolovaphoto Kirill Khanenkov 

 

Я ЕСТЬ  -JE SUIS - Cie : Teatr KnaM  - Coproduction -Festival Sens Interdits - les Célestins, Théâtre de Lyon , Théâtre de Poche - Genève , Scène nationale André Malraux, Vandoeuvre-lès-Nancy Mise en scène de Tatiana Frolova, avec Elena Bessonova, Dmitry Bocharov, Vladimir Dmitriev, spectacle en russe surtitré  Au théâtre des Célestins de Lyon, du 26 octobre au 30 octobre et du 5 au 9 novembre 2013

 

 

dimanche, 13 octobre 2013

La princesse et le cabotin

Tout en m’ennuyant copieusement devant la lecture de La Princesse de Clèves par Marcel Bozonnet, hier soir au TNP, je me suis pris à rêver d’une autre mise en plateau qui se déroulerait dans un salon de l’époque, car on sait à présent avec certitude que l’œuvre a été composée en un lieu de ce genre vers 1676. La Rochefoucauld, Segrais et sans doute d’autres y ont participé, ce qui ne compromet en rien la gloire de Mme de la Fayette,  la notion d’auteur étant à cette époque un concept bourgeois peu apprécié de son milieu, et la littérature une pratique des plus mondaines.

 Au lieu de l’interminable soliloque de Bozonnet, j’imaginais donc, pour tenir sur mon siège, plusieurs personnages donnant à entendre ce texte à plusieurs voix. Ils se le raconteraient les uns les autres, comme les devisants de Marguerite de Navarre, et  feraient de nous des voyeurs de leur plaisir à le dire. Car là où je rejoins Bozonnet, c’est pour constater que le texte est en effet merveilleux. Un pur joyau de la France monarchique et de la poésie chrétienne. C’est dire la présomption qu’il y a à le lire seul sur un plateau nu, quand tout y réside en la tension permanente entre l’idéal de vertu catholique et la joie déjà libertine de la conversation en salon. Irais-je presque à dire que le lire seul relève du contre-sens ? A mon sens, oui.

Non, cette histoire d’amour, contrairement à ce que semble postuler cette mise en plateau, n’est pas une histoire d’amour comme les autres ; non, contrairement à ce que postule d’ailleurs  l’idéal classique, il n’y a pas un idéal universel de l’homme et de l’amour, et le sentiment est une affaire avant tout culturel. On n’aime plus au XXIe siècle de la même façon qu’au XVII e ou plus encore au XVIe. C’est d’ailleurs ce que postule la lecture très intelligente que Pierre Malandain fit un jour de ce texte étonnant : La Princesse fut pensée comme un personnage de la Cour de Louis XIV, quand le duc de Nemours appartenait encore à celle de Henri II, d’où leur impossible rencontre. La reconstitution d’une époque révolue se donnait alors à lire aux sujets de Louis XIV, comme l’occasion d’une identification critique et la mesure d’un écart. La princesse est donc une action sans maxime. Tout sauf un sentiment : Sur scène, rien de tout cela. Le texte, bien articulé certes, mais plat. Une narration terriblement fossile, parce que sans plus la moindre intériorité révélée dans, par exemple, les si magnifiques monologues du roman et les multiples décrochages énonciatifs qu'ils supposent, ici aplatis.

Il n’y a pas seulement de la présomption à vouloir porter seul un texte pareil et à assumer seul ses différents protagonistes (La Princesse, sa mère, son mari, le duc de Nemours…) habillé en fraise et pourpoint sur scène. Cela relève aussi du cabotinage. Certes, Marcel Bozonnet a du métier, de la technique, et parvient même à laisser transpirer parfois quelque support pour une émotion, ce qui reste la moindre des choses pour un acteur de son expérience. Mais pas assez pour en construire une qui fonde le spectacle. Il se couche parfois sur scène, dans un mimétisme déplacé par rapport à la tonalité générale du spectacle (Nemours à Coulommiers) , puis se relève, animal étrange (il le dit lui-même) « entre le crustacé et le moustique ».  Bien sûr, au dernier mot enfin prononcé, le public applaudit la performance – car c’en est tout de même une – de s’être en quelque sorte avalé tous ces eût et tous ces eussent.  Mais très franchement, que voilà un spectacle inutile ! S’il s’agit d’apprécier la langue, la lecture complète du roman, non coupé de ses digressions dont, très doctement, Bozonnet et son équipe prétendent pouvoir se passer, suffit.

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© Elizabeth Carecchio

Salle Jean Bouise, TNP Villeurbanne, jusqu'au 20 octobre, 20 heures

00:02 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : marcel bozonnet, la princesse de clèves, tnp, théâtre | | |

lundi, 07 octobre 2013

La mort et Chéreau

Il va falloir, quand on pense à Chéreau, penser à la mort. Association à la fois irréelle et logique. Irréelle parce qu’à 68 ans, toute une mythologie jeuniste désormais bien installée dans la société contemporaine nous ferait presque croire qu’on est encore un jeune homme. Logique, parce que depuis toujours, la mort est au cœur des productions de Chéreau. En 1998, par exemple, Chéreau signe un film,  Ceux qui m’aiment prendront le train. Le personnage principal, Jean Baptiste, déclare : « Je veux être enterré à Limoges ». Et quand son interlocuteur lui demande : « Pourquoi Limoges ? », il répond que ça sera plus pratique, parce qu’il y a un caveau de famille. » Alors l’autre lui fait remarquer que, pour ceux qui l’aiment, ce ne sera pas pratique de se rendre à l’enterrement. Et Jean Baptiste réplique : « Eh bien ceux qui m’aiment prendront le train, ce n’est pas si compliqué que ça »

Des trains des gares… C’est dans la gare des Brotteaux tout juste fermée au trafic, à Lyon, que Chéreau tourna son troisième film en 1983, L’homme Blessé. L’un des premiers grands rôles de Jean-Hugues Anglade. On y meurt à la fin, déjà. Gisants pré sidaïques et déjà post-modernes. Tout comme, sur un autre ton, en  75, dans la Chair de l’Orchidée, d’après le roman de Chase qui fait suite à Pas d’orchidées pour Miss Blandish.

Chéreau a dû être l’un des plus jeunes directeurs du TNP tout juste décentralisé, de 1971 à 1981. Il essuie les plâtres, comme on dit, auprès de Planchon, place Lazare Goujon . Période faste pour le théâtre à Lyon, avec Maréchal au théâtre du Huitième. Une période dont il dira, je crois sans coquetterie, qu’elle fut artisanale. Massacre à Paris, de Marlowe, et sa scénographie monumentale, la scène croulant sous les eaux, les noyés, les fusillés de la saint Barthélémy, la mort comme un moteur de l’histoire, le cadavre comme un objet esthétique. « La mort au théâtre, on n’y croit jamais beaucoup, dit alors Chéreau. Alors qu’en fait quelqu’un qui disparait dans l’eau, qui glisse, ça donne une chose plus inhabituelle, plus rare… ». On s'en souvient, en effet.

La victoire de Mitterrand l’enlève de la capitale du saucisson pour les Amandiers à Nanterre. Chéreau devient peu à peu un personnage incontournable de la Mitterrandie. Un théâtreux de gauche sculpté dans la cire de l’Etat, un officiel du Régime, pendant masculin de Mnouchkine, porteur déjà fané des mythes de 68. Ce sera son côté générationnel agaçant au fil du temps qui passe. Comme les autres, il s’institutionnalise et l’engagement devient une posture nostalgique. Il n’empêche. La mort est toujours là, au cœur de sa création, comme le rappelle l’intermède Koltès. Elle persiste et signe.  Comme dans un dispositif à jamais bi-frontal.

Si l’actuel défenseur de la politique de Filipetti n’était plus guère intéressant, l’homme de théâtre un peu fourvoyé dans une sempiternelle nostalgie continuait de l’être. Chéreau a donc fini par mourir ce matin d’un cancer au poumon. Façon de payer le tribu de sa génération aux industriels du tabac. Les hommages vont pleuvoir, avec ce qu’ils ont de fourbes, et parfois d’irréels. Libé fera sa une. On ne pourra plus dire à quel point on a détesté Dominique Blanc braillant de façon hystérique le rôle de Phèdre, sous le prétexte fallacieux que l’alexandrin classique ne devait plus être un vers après les barricades de 68. Il ne faudra plus  se souvenir que de la scène si inventive, si réussie dans son formalisme glaçant du récit de Théramène, dans la même Phèdre de Chéreau. Car Chéreau, c’était le pire et le meilleur de ce que la scène française de ces quarante dernière années, étudiante jusqu’à l’académisme, obstinée et légère, révoltée et conventionnelle, oublieuse et érudite, a produit avec l’argent du contribuable. Un  théâtre qui devrait se méfier des hommages, s'il veut rester vivant...

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Chéreau et Planchon en 1972, Les barbus du TNP © PINAUD / AFP

22:40 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : théâtre, patrice chéreau, tnp, amandiers | | |

dimanche, 06 octobre 2013

Le Président de Michel Raskine

Au centre du texte  du Thomas Bernhardt et dans les propos du président lui-même se niche la comparaison entre l’art politique (le premier dans sa hiérarchie) et l’art dramatique (celui qui vient juste après, avant les Beaux-Arts et tous les autres): Le dispositif  imaginé par Raskine pour la mise en scène du Président, actuellement au théâtre de la Croix-Rousse, tient tout entier dans cette assimilation d’un art par un autre : le trône et l’estrade, lieux symboliques du pouvoir, se dressent devant les spectateurs entre deux vestiaires où deux comédiens (Marief Guittier et Charlie Nelson) vont endosser les peaux successives de leurs deux personnages : la Présidente, le Président. A leur côté, un troisième officiant, régisseur à la fois du palais et du théâtre, comme l’indique sa tenue. Et une multitude de petits pantins hauts de quelques centimètres afin de figurer les personnages secondaires, parmi lesquels la bonne de la présidente, le colonel victime du premier attentat et le masseur. Ce parti pris de théâtre dans le théâtre  culmine lors du dénouement lorsque, vêtu du même tee-shirt que le régisseur, Charlie Nelson contemple la mise en bière de son personnage sur l’estrade en bois comme s’il la mettait en scène, tout en jouant du saxo.

Le texte de Bernhardt n’a rien perdu de sa force depuis 1975, bien au contraire : «En chaque individu, il y a un anarchiste », y compris dans le Président et la Présidente, qui ont enfanté le Fils qui menace de les tuer. Y compris chez les militaires, les domestiques. Y compris chez les curés et les médecins, dont il est vain de croire qu’ils pourraient former un rempart contre  les risques galopants qui menacent le pouvoir. « Ambition, haine, rien d’autre » : c’est le fameux leitmotiv, auquel se rajoute « la peur » dans la bouche du président, qui hante la scène comme le palais et court d’un bout à l’autre du texte de l’auteur autrichien : survivre aux attentats qui déciment peu à peu le Régime et ses dignitaires, tel est donc l’enjeu de ce couple présidentiel qui justifie leurs monologues successifs, lesquels s’énoncent devant le spectateur telles deux longues phrases ponctuées autant que hachées par les répétitions : manière pour les personnages de communiquer leur isolement, leurs obsessions de se dire, et surtout leur incapacité à communiquer entre eux.

Survivre et non pas vivre, non pas régner : Jadis tragique, la figure de l’ordre est devenue comique, car la classe dirigeante, nous apprend le texte, meurt finalement d’elle-même, de son exposition et de sa corruption. De son auto-érosion.

« On oublie souvent, déclara Raskine dans un interview, que Thomas Bernhardt est un survivant. Il aurait dû mourir à 18 ans dans un sanatorium ; les médecins n’ont jamais compris comment il a survécu à tant de difficultés d’ordre médical. Il a survécu. Je pense qu’il a mis la barre à une telle hauteur d’exigences qu’on est tiré vers le haut ».

Dans Le Président, en effet, la survie est à la fois un thème burlesque et le moyen de la satire. On répète souvent que la pièce a été montée pour la première fois au Schauspielhaus de Stuttgart en 1975, alors que s’ouvrait le procès de la bande à Baader. On se souvient moins souvent que cette année 1975 fut aussi celle où Thomas Bernhardt entreprit le premier volume de sa longue suite autobiographique avec son premier volet, L’Origine :

« Lui-même est incapable de transformer même en un seul instant de sommeil son état d’épuisement encore bien plus grand, l’état d’un blessé perpétuel », peut-t-on lire dès les premières pages de ce récit. Or c’est bien cette rencontre entre la comédie du pouvoir et la tragédie de la survie qui confèrent aux deux personnages de la pièce leur épaisseur toute particulière, toute bernhardienne, mais aussi plus classique, plus universelle qu’une simple pièce au motif politique : c’est ce que soulignent la mise en scène de Raskine, comme la performance des deux comédiens, sur le fil d'un bout à l'autre du spectacle. Un beau et vrai moment de théâtre, en ce moment-même à la Croix-Rousse.

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Marief Guittier  Photo © Loll Willems

Théâtre de La Croix-Rousse, jusqu'au 11 octobre 2013

mercredi, 02 octobre 2013

Petites histoires stupéfiantes

Première soirée de la nouvelle saison, aux Ateliers, en plein cœur du quartier Mercière., Le soir, il fait encore doux. A 20h 30, badauds et touristes se lantibarnent. Pendant ce temps  Chavassieux en personne explique à son public la situation du théâtre. Depuis des mois qu'il a perdu son co-directeur, Simon Délétang, ,la municipalité ne se presse pas pour lui trouver un successeur. Depuis juillet, on attend sa nomination. Et en attendant, plus le moindre financement public. Chavassieux explique qu'il paye ses artistes à la recette. Et ça tombe bien : voilà que Jean-Paul Bolle-Reddat descend la travée centrale en prévenant : « J’arrive les mains vides » Puis grimpe sur le plateau. Vide, presque. Un tabouret, un caddy, un aspirateur pour le ménage. Soudain, tout ça prend du sens, entre réel et fiction. 

Le comédien a choisi de raconter les Petites histoires stupéfiantes. C'est, une création de la Cie Drôle d’équipage en résidence au théâtre de Givors (voir extrait ICI). A l'origine, un texte de 18 heures jamais monté, pensez donc, plus long encore que Le Soulier de Satin !  Ma Solange, comment t'écrire mon désastre, Alex Roux, de Noëlle Renaude. L'auteure a accepté que le comédien en picore une heure et quelques dix minutes, comme un moineau, et nous avec. Bolle-Redat est, on le sait, un amateur de Pierre Michon comme de Karl Valentin, qui a frotté son talent à Jean Louis Martinelli, Didier Besace, Jerôme Deschamps et a donc rejoint à présent Charly Marty pour sa première mise en scène. 

L'histoire ? Celles des vrais gens, comme on le répète depuis Robert Park et l'invention de la sociologie. Ceux, par exemple, qui travaillent dans la moquette, écoutent Iglésias, et dont les existences à jamais floues posent un problème à la société. Là où ils sont, là d'où ils postent leurs cartes postales, c'est toujours nulle part. Noëlle Renaude ne travaille pas le non-sens, mais plutôt le petit sens. C'est d'ailleurs pourquoi des extraits de son texte sont travaillés souvent dans des cours de théâtre ou des compagnies amateurs. Instants choisis où se croisent parfois  les fameux passés simples fautifs, le boucher venda, prena, disa... C'est l'expérience et le talent de Bolle-Reddat qui assurent le lien. Pour nous entraîner d'un prodigieux numéro de marionnettistes, à deux mains (vides) à un duo avec Salvatore Adamo au portable. On pense à Pierre Autin Grenier et Toute une vie bien ratée, A notre époque, personne ne fait son âge, lance, par sa bouche, un personnage. Celui qui meurt après tout le monde, lance un autre, finit quand même par mourir. Impossible de ne pas tomber en empathie avec eux, puis de s'en distancier l'instant qui suit pour en sourire. Le premier invité de cette saison aux Ateliers, aussi spéciale que neuve parce qu'elle devrait être celle de sa renaissance, éblouit finement mais surement. Il est donc à ne pas rater.

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Petites histoires stupéfiantes, Les Ateliers, d'après Noëlle Renaude, ms Charly Marty, avec Jean-Claude Bolle-Reddat, du 1er au 19 octobre 2013 à 20h30, samedi à 19h, 1h10

mercredi, 20 février 2013

Les enfants se sont endormis

J’étais très curieux de cette Mouette argentine,  ré-écrite et revisitée par Daniel Veronese, après Les Trois Sœurs (Un homme qui se noie) et Oncle Vania (Espionne une femme qui se tue). Il y a comme un jeu farceur dans cet exercice qui invite à la comparaison avec l’original tout en se proposant d’exister par soi-même. Daniel Veronese gère cette tension avec beaucoup d’habileté, en jouant de plusieurs dépaysements :

Une transposition dans une durée bien plus courte, avec un texte très resserré, des monologues raccourcis, des répliques rajoutées, qui signent le passage du verbe de 1895 à la parole de 2013.

L’utilisation de costumes contemporains – ou atemporels, et d'un décor dénué de tout signe de richesses, loin de la vaste propriété de Sorine,  une table, deux canapés, quelques chaises, un ensemble plutôt précaire.

Il y a surtout la transposition dans une autre langue, l’espagnol, un autre continent, l'Amerique du Sud

Et c’est troublant, pour un français, de recevoir cette Mouette ainsi repliée sur soi, en cet accent du Sud et en ce décor aussi dépouillé que passe-partout. 

Une fois le code et la convention acceptés, intégrés, la mise en situation crée un effet de sourdine aussi théâtral que déconcertant, comme si le sens de ce classique enfoui sous la langue russe retrouvait dans la psalmodie espagnole et ce lieu quelconque une autre étrangeté que celle que nous lui connaissions, et une nouvelle liberté.

L'attention se concentre du coup sur ce qui demeure essentiel chez Tchekhov comme chez Veronese, c’est-à-dire les personnages, et derrière ce qu’ils rêvent d’être, leur nudité, leur fatuité et leur ennui, ce qui les rend au sens plein humains,  universels.

Au centre de la pièce, il y a toujours Nina. Nina, la mouette, qui tombe amoureuse non de Trigorine, l’écrivain de passage, mais de l’idée qu’elle se fait d’un auteur, d’une façade. Elle dit qu’elle est actrice, mais en même temps, on sait qu’ici encore elle sera toujours la mouette, le personnage dans laquelle Trigorine l’a distribuée, un rôle qu’il faut jouer. Au centre de la pièce, il y a toujours le théâtre et sa mise en abîme, avec la pièce de Treplev elle aussi ramenée à l’essentiel : « les hommes, les lions, les aigles et les perdrix… », quelques mots récités le plus sobrement possible. Et cette dialectique  du comédien jouant un personnage lui-même un comédien.

Au centre de la pièce, il y a toujours l’amour inassouvi de chacun, enfin, un amour insensé fait de la nostalgie d’un Dieu perdu, qui conduit au dénouement tragique qu’on sait.

Véronèse explique que La Mouette est une pièce chorale : Ce sont dix personnages dont quatre sont centraux, et aucun vraiment secondaire, dit-il. Dans l’espace unique, triangulaire et clos de sa mise en scène, c’est bien cela qui saute aux yeux durant toute la pièce, et qu’on garde en mémoire : la circulation de la parole entre dix personnages qu’on ne dira pas en quête d’auteur, mais en quête l’un de l’autre à travers la fiction de la comédie qu'ils se jouent, et le décalage temporel d’un siècle et d’un pays à l’autre. Et cela ne manque pas de second degré, lorsque Treplev lance par exemple que si le père du personnage est l’auteur, sa mère est l’acteur, ou qu'on ouvre le quatrième mur pour mieux rétablir le huis-clos où s'arrime l'étrange dialogie entre Tchékhov et notre temps.

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© Catherine Vinay

 

Les enfants se sont endormis d’après La Mouette de Tchékhov, à voir au Théâtre de la Croix-Rousse jusqu’au 22 février 2013

 

Adaptation et mise en scène Daniel Veronese Avec Ernesto Claudio, Boris Alekseevich Trigorin Marcelo D’Andrea ,Evguenii Serguevich Dorn Claudio Da Passano,Semion Semionovich Medvedenko Lautaro Delgado, Konstantin Gavrilovich Treplev María Figueras, Nina Sarechnaia

Pablo Finamore, Ilia Schamraev  Ana Garibaldi, Mascha Marta Lubos, Polina Andreevna María Onetto, Irina Nikolaevna Arkadina Javier Rodriguez, Piotr Nikolaevich Sorin

Durée : 1h30  En espagnol surtitré en français