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mardi, 07 février 2017

Plus léger que l'air

Une porte claque. Qu’est-ce qui est « plus léger que l’air » ? Le spectateur ne le comprend qu’à la fin. C’est cet élément impalpable qui, comme un avion en plein vol, ne supporte ni la fausse manœuvre ni le moindre égarement. Égarée, le personnage de Faila ( 84 ans) l’est passablement, et le récit  tenu de cet égarement, sans cesse interrompu,  constitue tout l’enjeu de la mise en scène. Jean Lacornerie offre ainsi à Elizabeth Macocco l’occasion de développer un jeu saisissant, de briller parmi son public, puis de s’éteindre peu à peu devant lui. En nous conduisant à petits pas dans cette adaptation exigeante d‘un roman de Federico Jeanmaire, elle nous entraine dans l’intimité, la perspicacité et la démence d‘une femme solitaire de la bonne bourgeoisie de Buenos Aires. Devenue pour trois jours et trois nuits seulement une sorte de Schéhérazade en robe de chambre, elle instaure avec le public un rapport de force dans un jeu fondé sur le caché/révélé (portes et fenêtres closes), et la reconduction incessante de la suite de l’histoire. Elle est sur ce point aidée par Quentin Gibelin (Santi), qui lui sert à la fois de miroir inversé et d‘alter ego égaré. Une belle et bonne heure de théâtre que ce monologue, à voir et entendre au studio du théâtre de la Croix-Rousse, jusqu’au samedi 18 février

mardi, 19 novembre 2013

Bells are ringing, de Jean Lacornerie

Un parfum de fifties flotte sur le théâtre de la Croix-Rousse. Jean Lacornerie, son directeur, y ressuscite la comédie musicale Bells are Ringing, de Jule Styne,  Betty Comden & Adolph Green. Créée à Broadway en 1956, adaptée quatre ans plus tard par Vincente Minelli au cinéma, Bells are ringing conte les aventures de Ella Peterson, opératrice téléphonique dans la permanence de sa cousine Sue, Susanswerphone. Persuadée par ses parents que cela coûte peu et change la vie de faire le Bien (Is it a crime ?), cette dernière s’immisce dans l’existence de ses abonnés en véritable fée communication, jusqu’à les aider à combler leurs ambitions ou réaliser leurs rêves. Bien sûr, il va lui falloir déjouer les pièges que le Mal lui tend, sous les traits d’un bookmaker qui utilise la petite entreprise pour véhiculer des paris codés grâce aux noms de célèbres compositeurs, et sous les yeux d’un inspecteur soupçonneux qui place le standard sous écoute.

La communication est, on le comprend, placée au cœur même de l’intrigue, par les possibilités de détournement comme par les rêves de relations positives entre les uns et les autres qu’elle suscite, dans cette Amérique d’Eisenhower, entre Shannon et Macluhan, qui commence à faire d’elle son moteur économique et social.

Au cœur du dispositif, le déploiement d’une histoire d’amour qui va de pair avec l’élaboration d’un spectacle The Midas Touch, par un auteur sans inspiration, un acteur au chômage, un dentiste compositeur. Pour ne pas se brûler les ailes dans un monde où tout ce qui brille n’est pas or, la standardiste et l’auteur dramatique vont devoir garder intacts cette simplicité de cœur initiale et cet imaginaire heureux, qui président à tout désir de rencontre amoureuse   (It’s a perfect relationship) :

 I'm in love with a man

Plaza-O-Double-Four-Double-Three

What a perfect relationship

I can't see him, he can't see me 

I'm in love with a voice 

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© Bruno Amsellem 

Bells are Ringing est ainsi une fable légère et moderne par son propos mais déjà nostalgique par sa forme, ce que relèvent avec justesse les partis-pris de Jean Lacornerie : en effet, tandis que les costumes et les décors très vintage de Robin Chemin et Bruno de Lavenère ressuscitent les objets, les couleurs et les silhouettes des fifties à Hollywood, les images projetées d’Etienne Guiol recadrent le spectateur dans un tempo technologique fait de lignes, de volumes, de typos et de motifs plus contemporains.

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Ce qui pourrait menacer une telle adaptation en nos temps saturés de technologie et sans doute passablement déniaisés du rêve américain, c’est cette foi naïve et presque mièvre en la communication qu’exalte la comédie d’après-guerre. Jean Lacornerie l’a parfaitement compris, qui souligne le fait « qu’il n’y a pas d’optimisme béat » et prend soin dans sa mise en scène de noircir en contrepoint tout ce qui par ailleurs désenchante le monde : le chômage, la corruption, la superficialité des rapports et l’anonymat des grandes villes. Les tableaux avec les corps masqués dans le métro (« Saying hello»), ou limités aux membres inférieurs (« Drop a name »),  le clin d’œil à la solitude des personnages de Hopper dans celui du bar, sont de ce point de vue particulièrement efficaces. 

Tout comme le sont Gerard Lecointe et les Percussions Claviers de Lyon, présents côtés cour et jardin, pour porter la partition et le rythme de la comédie musicale. Deux heures trente pour se replonger dans ce qui nous apparaît aujourd’hui comme l’âge d’or de la communication, avec tout ce que cela comporte de naïveté, de rêveries, et d’heureuse mélancolie. 

Théâtre de la Croix-Rousse, du 18 au 29 novembre 2013, Spectacle en français, chansons en anglais surtitrées en français,  Durée : 2h30 (avec entracte)

samedi, 21 mai 2011

Jean Lacornerie à la Croix-Rousse

Jean Lacornerie, le nouveau directeur du théâtre de la Croix-Rousse,  présentera  lundi 30 mai et mardi 31 mai prochains, à 20 heures, la prochaine saison. L'entrée est libre. A cette occasion, je publie ce bref entretien que j’avais eu avec lui pour le journal l’Esprit Canut, au mois de février.

jean_lacornerie_164.jpgJean Lacornerie a fait ses classes au TNS de Strasbourg auprès de Jacques Lassalle, dont il fut l’assistant de 1987 à 1990, et qu’il suivit ensuite à la Comédie Française. C’était le temps où on revisitait les classiques (Marivaux, Ibsen, Racine). Il a vécu la réouverture du théâtre du Vieux Colombier, à Paris, tout en fondant à Lyon la Cie Escuado. Depuis 2002, il a fait  du théâtre de la Renaissance à Oullins un passage obligé pour tout amoureux du théâtre musical. Successeur de Philippe Faure, il s’installe à présent en ces terres croix-roussiennes qu’il connait bien pour avoir travaillé à la Villa Gillet.  

Quel bilan faites-vous de vos années passées à Oullins ?

Un travail passionnant, qui s’est inscrit dans le long terme grâce aux liens tissés avec les spectateurs ! Ces liens étaient essentiels pour faire progresser le projet musical. Il y faut du temps. Peu à peu, le public est devenu curieux. Nous avons mélangé la discipline et le plaisir de l’invention. Neuf ans, c’est un vrai cycle qui s’achève.

Un autre débute. Quels sont vos projets pour la Croix-Rousse et ses 10 000 abonnés ?

Continuer le théâtre musical, bien sûr. Se tenir à la croisée de l’opéra, de l’opérette, de la comédie musicale américaine, du music-hall, du théâtre. Et maintenir l’identité puissante de création et de diffusion qu’y a laissée Philippe Faure. La saison prochaine, on accueillera par exemple Les Misérables d’après Hugo.

Qu’est-ce qui vous donné le goût de ce théâtre musical ?

J’ai toujours été attiré par l’opéra. J’ai été stagiaire à celui de Bruxelles, un des premiers qui s’ouvrait à la mise en scène. C’est un monde où les règles de travail sont très strictes.  Et je trouve que le va-et-vient entre théâtre et musique est un champ à explorer, où il y a beaucoup à faire. On y mélange des savoir-faire, ce qui apporte émotion et énergie, et relève vraiment au fond de la tradition populaire.

Philippe Faure avait tenu à rebaptiser Maison du peuple le théâtre de la Croix-Rousse. Ça tombe bien. L’enjeu est grand, tant la place occupée par cette scène dans la ville est vive et originale. On souhaite à Jean Lacornerie, dont la prochaine saison porte la signature, beaucoup de réussite et de succès auprès de son nouveau public. 

jeudi, 24 mars 2011

Vous qui savez, à la Renaissance

« Voi che sapete che chosa e amor… » : L’air de Chérubin des Noces de Figaro est un peu la diagonale du fou du dernier spectacle de  Jean Lacornerie, juste avant son départ du théâtre de la Renaissance à Oullins pour celui de la Croix-Rousse. Pour cet « adieu » enjoué, il s’est entouré de noms prestigieux : Thierry Escaich pour l’orchestration, Jean Paul Fouchécourt pour la direction musicale. Une équipe de solistes tous passés par les plus grandes mains et les meilleures formations techniques ou vocales.

On prend, certes, plaisir à écouter les 17 morceaux choisis du « programme musical », sorte de best-off qui effectue un tour d’horizon efficace et varié en piochant parmi les pages des opéras les plus célèbres de Mozart : Noces de Figaro, Don Giovanni, La Finta giardiniera, Cosi fan tutte, comme quelques lieder moins fréquentés.

C’était, dit-il, « une idée un peu folle », que de coudre ensemble ces « airs de femme ». Pour tenter d'y parvenir, Geneviève Brisac a utilisé l’aiguille d’une histoire peu crédible. Empruntant au dialogue d'Amour et de Folie (clin d'oeil à Louise Labé ?), elle a placé le personnage de Chérubin et son initiation à l’amour au centre d'une intrigue qui tient plus du sketch divertissant que d'une quelconque dramaturgie. Difficile alors  d’oublier  que ces solistes, lorsqu'ils jouent, ne sont pas des acteurs, tant la fiction qu’ils endossent apporte peu à la compréhension de Mozart. Dans sa part française comme dans sa part anglaise (on se demande d’ailleurs pourquoi cet emploi soudain de l’anglais... ) le texte demeure un bel amas de lieux communs sur l'amour. 

Mais il est vrai que dans cette forme qui se revendique populaire, on est là pour essentiellement se divertir : la façon dont Jean Lacornerie soigne le visuel en se jouant de cet univers soigneusement décalé emprunte au meilleur du Maritie et Gilbert Carpentier de nos enfances des ingrédients éprouvés : un triple paravent blanc évoluant sur un plateau tournant, des jeux d’ombre et de lumière se profilant dessus pour signaler les égarements des sens et de la raison ; des costumes colorés (vert, rose, bleu, gris, blanc et noir) pour camper des silhouettes tranchées ; un rythme qui ne se dément jamais ; les six instrumentalistes projetés hors de la fosse, enfin,  et placés sur la partie supérieure du fond de scène comme sur un écran, non loin d’un lustre éclairé.

C’est du beau travail, propre, léché, ludique et performant. Mais terriblement réducteur ; une fantaisie de solistes brillants dont, en écoutant de retour à la maison un opéra de Wolfgang dans sa continuité, on risque de se demander - au-delà du brio de la simple performance ou de l'exercice de style -  à quelle nécessité elle cherche à obéir, in fine. 

 

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Crédit Photo : Bertrand Stofleth

 

Vous qui savez… ou Ce qu’est l’amour, Lieder et extraits d’opéras de Wolfgang Amadeus Mozart 

Scénario de Geneviève Brisac – orchestration de Thierry Escaich -

direction musicale Jean Paul Fouchécourt - mise en scène de Jean Lacornerie  -

 du jeudi 24 mars au mercredi 6 avril, théâtre La Renaissance – Oullins

04-72-39-74-91 

 

05:53 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : vous qui savez, jean lacornerie, mozart, théâtre, geneviève brisac | | |