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jeudi, 24 mars 2011

Vous qui savez, à la Renaissance

« Voi che sapete che chosa e amor… » : L’air de Chérubin des Noces de Figaro est un peu la diagonale du fou du dernier spectacle de  Jean Lacornerie, juste avant son départ du théâtre de la Renaissance à Oullins pour celui de la Croix-Rousse. Pour cet « adieu » enjoué, il s’est entouré de noms prestigieux : Thierry Escaich pour l’orchestration, Jean Paul Fouchécourt pour la direction musicale. Une équipe de solistes tous passés par les plus grandes mains et les meilleures formations techniques ou vocales.

On prend, certes, plaisir à écouter les 17 morceaux choisis du « programme musical », sorte de best-off qui effectue un tour d’horizon efficace et varié en piochant parmi les pages des opéras les plus célèbres de Mozart : Noces de Figaro, Don Giovanni, La Finta giardiniera, Cosi fan tutte, comme quelques lieder moins fréquentés.

C’était, dit-il, « une idée un peu folle », que de coudre ensemble ces « airs de femme ». Pour tenter d'y parvenir, Geneviève Brisac a utilisé l’aiguille d’une histoire peu crédible. Empruntant au dialogue d'Amour et de Folie (clin d'oeil à Louise Labé ?), elle a placé le personnage de Chérubin et son initiation à l’amour au centre d'une intrigue qui tient plus du sketch divertissant que d'une quelconque dramaturgie. Difficile alors  d’oublier  que ces solistes, lorsqu'ils jouent, ne sont pas des acteurs, tant la fiction qu’ils endossent apporte peu à la compréhension de Mozart. Dans sa part française comme dans sa part anglaise (on se demande d’ailleurs pourquoi cet emploi soudain de l’anglais... ) le texte demeure un bel amas de lieux communs sur l'amour. 

Mais il est vrai que dans cette forme qui se revendique populaire, on est là pour essentiellement se divertir : la façon dont Jean Lacornerie soigne le visuel en se jouant de cet univers soigneusement décalé emprunte au meilleur du Maritie et Gilbert Carpentier de nos enfances des ingrédients éprouvés : un triple paravent blanc évoluant sur un plateau tournant, des jeux d’ombre et de lumière se profilant dessus pour signaler les égarements des sens et de la raison ; des costumes colorés (vert, rose, bleu, gris, blanc et noir) pour camper des silhouettes tranchées ; un rythme qui ne se dément jamais ; les six instrumentalistes projetés hors de la fosse, enfin,  et placés sur la partie supérieure du fond de scène comme sur un écran, non loin d’un lustre éclairé.

C’est du beau travail, propre, léché, ludique et performant. Mais terriblement réducteur ; une fantaisie de solistes brillants dont, en écoutant de retour à la maison un opéra de Wolfgang dans sa continuité, on risque de se demander - au-delà du brio de la simple performance ou de l'exercice de style -  à quelle nécessité elle cherche à obéir, in fine. 

 

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Crédit Photo : Bertrand Stofleth

 

Vous qui savez… ou Ce qu’est l’amour, Lieder et extraits d’opéras de Wolfgang Amadeus Mozart 

Scénario de Geneviève Brisac – orchestration de Thierry Escaich -

direction musicale Jean Paul Fouchécourt - mise en scène de Jean Lacornerie  -

 du jeudi 24 mars au mercredi 6 avril, théâtre La Renaissance – Oullins

04-72-39-74-91 

 

05:53 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : vous qui savez, jean lacornerie, mozart, théâtre, geneviève brisac | | |

Commentaires

Solko:

Après la représentation,les metteurs en scène,solistes acteurs, cette compagnie provisoire, argenterie provisoire de prestigieux brics et brocs pour passer les plats au partant étaient fatigués s'ils lisent votre billet, ils vont se sentir éreintés.
Au demeurant, votre démarche est la bonne, le spectacle vivant se tire une balle dans le pied à force de ne plus avoir que des critiques thuriféraires. Le hasard fait que j'étais, hier au soir, avec une compagnie à qui j'ai dit que l'accumulation des très bien dans tous les compartiments du spectacle donnaient une performance un peu gratuite,ils en vinrent à conclure que je devrais trouver une tribune. Une dent dure n'aime pas la bouillie et a bon appétit.
Après tout, en théâtre, comme en politique,écorner la connerie est un devoir pourvu qu'il soit fait avec respect et empathie (en politique avec réserve)

Écrit par : patrick verroustp | jeudi, 24 mars 2011

C'est toujours un peu compliqué, ce va-et-vient entre l'empathie avec le spectacle, l’honnêteté intellectuelle qu'on se doit à soi-même, la justesse qu'on doit à ses lecteurs; il ne faut pas non plus majorer l'importance d'une critique. Ce n'est qu'un point de vue parmi d'autres.

En l’occurrence, dans cette entreprise, c'est surtout l'entreprise de G. Brisac que je trouve fade et dont je ne vois pas l'intérêt.

Mais s'il s'agit d'écouter un récital de Mozart bien conduit, il n'y a rien à redire au boulot des solistes et du metteur en scène.

Écrit par : solko | jeudi, 24 mars 2011

Solko:

Je suis d'accord, l'analyse critique est un exercice délicat Il y faut beaucoup de respect, de recul , d'empathie, savoir écrire "en creux.
C'est un véritable travail d'écriture qui doit s'accompagner d'une grande liberté. Les compagnies sont friandes d'expressions singulières pourvu qu'elles sentent de l'empathie et de la curiosité.
Ce n'est, effectivement, qu'un point de vue parmi d'autres mais il n'est pas inutile que de modestes éclairages viennent contrecarrer les lois du marketing et de la com'

Écrit par : patrick verroustp | jeudi, 24 mars 2011

D'après ce que j'ai compris de l'argument du spectacle, celui-ci tient plutôt de la bande-annonce de film genre "blockbuster" que du récital. Mozart instrumentalisé, utilisé dans les moments les plus connus (pour ne pas dire les plus courus) de ses opéras, voilà ce qui me vient à l'esprit, à moi qui n'ai pas vu le spectacle, qui n'ai rien lu de Madame Brisac, mais qui connais relativement bien les trois oeuvres nées du tandem Mozart / Da Ponte.

Écrit par : alexipharmaque | mercredi, 30 mars 2011

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