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mardi, 30 juin 2015

Des pensées humaines...

Canicule annoncée, terrorisme et crise grecque : cette fin de mois de juin fait vivre les populations dans un climat d’accablement et d’impuissance exacerbés, qui rend tout simplement absurde la simple idée de partir en vacances. Comme si où que chacun allât, nous étions tous enfermés dans un même lieu, une sorte de fournaise collective dont rien ni personne n’émerge, une nuée de laideurs communément partagées, une  confusion des valeurs et une inversion des aspirations les plus nobles, bref, dans ce mal informel et avare d’originalité auquel le divertissement sociétal nous livre ; ce mal qui attriste et salit le monde, ce magma de « pensées humaines », dont nous ne demanderons jamais assez d’être à jamais affranchis, « sed libera nos a malo »…

Saint Thomas d’Aquin, dans son commentaire de l’oraison dominicale, explique nettement combien cette dernière demande du Pater Noster, «libère-nous du mal », ne peut être une fin en soi. Mais un simple moyen pour que la première demande, « Que ton Nom soit sanctifié »  (« sanctificetur nomen tuum » qui est, elle, la seule finalité de la prière) arrive.

Que les hommes soient délivrés du Mal pour demeurer entre eux dans leurs vaines pensées, à quoi bon en effet, si le Nom de Dieu n'est pas sanctifié par tous ?

Mais cela, comment nos bons humanistes [qui ne voient plus que l’homme partout, l’homme et ses valeurs, l’homme et sa démocratie, l’homme et sa science, l’homme et sa survie, l’homme, ses Droits, ses œuvres et ses pensées] pourraient-ils encore l’entendre, le souhaiter et le murmurer, agenouillés devant un autel ?

Eux qui, dès qu’ils se trouvent confrontés au Mal dans sa version extrême, poussent des cris d’orfraie et engagent des dissertations aussi inutiles que ridicules sur ce que doit être ou non une civilisation ? Ah, la ronde Aubry et sa « brillante civilisation arabo-musulmane », Valls, Bush père et fils et tutti quanti, quelle rigolade !

Comment ces bons humanistes qui ont oublié une bonne fois pour toutes le visage du Dieu venu racheter, sur l’arbre de la Croix, le Mal qu’ils sont eux en essence, comment  seraient-il capables de le prier ? Tout ira de mal en pis, c’est certain, car ils ne veulent être délivrés du Mal que pour eux-mêmes, et sont déjà perdus.

 

Hier et aujourd’hui, pendant ce temps-là, l’Eglise fête ses deux apôtres, Pierre et Paul.

En mémoire vive de ses deux colonnes principales, l’Eglise doit plus que jamais ne pas être confondue –même s’ils sont admirables – avec les bâtiments qui partout la composent. Même si, à peine béni pour avoir reçu cette révélation « non de la chair et du sang, mais du Père qui est dans les Cieux » (Mathieu XVI – 17), Saint Pierre se retrouve, par le Christ lui-même, traité de Satan [« car tu n’as pas d’intelligence des choses de Dieu, tu n’as que des pensées humaines » (Mathieu, XVI, 23…)], son  corps mystique demeure une assemblée de pécheurs repentis autour de l’hostie, participant d’un combat commun contre le même ennemi. C’est la raison pour laquelle le Christ a dit que « portae inferi non praevalebunt adversus eam » (les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle). Et dans la fournaise humaine dont il était question plus haut, cela reste in saecula saeculorum d’une cuisante actualité pour nous tous…

 

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Giotto, Saint François d'Assise chassant les démons

 

mercredi, 24 juin 2015

Le Précurseur

J’ai toujours ressenti pour Saint Jean-Baptiste une sympathie particulière. Peut-être parce qu’il est le patron de la primatiale de Lyon… C’est possible ! Il est surtout, comme saint-Joseph, ce précieux trait d'union entre l'Ancien et le Nouveau Testament, le monde des Prophètes Juifs, dont le Christ lui-même dit qu'il ne s'en est pas levé de plus grand que lui, et celui des Saints Chrétiens dont il affirme que le plus petit dans le royaume des Cieux sera plus grand que lui (Mathieu, XI-11). Vertigineuse promesse, qui en ces temps d'œcuménisme égalitaire où l'on voit un pape François s'excuser sans frémir d'être catholique devant des protestants vaudois, nous plonge dans le religieusement incorrect et salutaire jusqu'au cou...

 J’exhume pour l’occasion ces deux billets, l’un datant de 2008 l’autre de 2007, et je retrouve dans des notes qui datent de l’hiver encore précédent ces considérations, cette prière jaillie du plus profond de moi devant la haute sculpture en pied du saint, dans l’église saint Sulpice à Paris :

« Une brebis allongé à sa gauche, un bras levé qui désigne le Ciel au passant. Jean-Baptiste ! O grand saint, maintiens toujours en vie ma jeunesse, ma vitalité et ma virilité spirituelles, mon désir d’entreprendre, de vaincre et d'être heureux. Ce qui est destructeur pour mes proches et pour moi-même, en mon cœur comme en ma pensée, ôte-le. Fais de moi un constant arbre de vie. Protège mon baptême que tout menace, en ruisseau comme en lumière, saint Jean-Précurseur. Amen. »

 

Je me souviens très bien avoir adressé cette prière au Précurseur, à l’époque, m'être aussi promené dans beaucoup d'églises parisiennes durant toute une semaine; je notais tout alors sur les pages d'un cahier à spirales et sans doute est-ce pourquoi les premiers billets de Solko furent nimbés, quelques semaines plus tard, de ma timide dévotion envers ce très grand saint. Il est vrai qu’à l’époque, je me morfondais dans un affreux état d'épuisement, pour ne pas dire d’accablement, spirituel. Les Canuts, montés depuis deux ans, n’avaient rien donné de plus qu’un succès éphémère et le théâtre, tout le théâtre, – celui que j’aime en tout cas -, je le voyais se diluer dans une forme de spectacle sans grand intérêt ni grande épaisseur, qui faisait la part belle à un comique idiot ou une technicité frigide.  Idem pour la vie intellectuelle et littéraire, dont on sentait que des puissances de propagande extérieures au pays faisaient tout pour l'en débarrasser définitivement.

Malgré son vote à presque 55 % contre le traité constitutionnel, la France commençait à s’engluer dans l’impasse politique où la fourrèrent de concert le médiocre Sarkozy et l’inutile Hollande. Je me sentais aux abois, pris jusqu’au trognon dans le piège fétide d’une Education Nationale dont se dérobait toute exigence, au point de se métamorphoser en ce parc d’attraction ridicule et ouvert à tous les vents d'une République libérale sans ambitions. Je ne suis pas Charlie, je ne suis pas ça.  Je  lisais Bloy pour me consoler de cette déroute inévitable. Saisi par la perspicacité du bonhomme, j’amorçais un  retour épineux vers l’Eglise, en allant communier à la chapelle de Fourvière chaque matin en douce, avant de sauter dans le funiculaire d’en face, pour arriver à l’heure en cours dans un satané lycée. Je me sentais saisi d'une foi déjà ferme bien que tressaillante : comme quoi il fait bon s’adresser à saint Jean-Baptiste. Grand saint des commencements et des re-commencements, toujours précurseur de quelque chose. Il faut qu'il croisse et que je diminue : tout était dit. 

Pour l’occasion, je remets en ligne l’album-photos que j’avais réalisé alors. Je n’aime pas ce Jean-Baptiste efféminé de De Vinci ; ni celui, sombre pour l'occasion du Caravage, que La Tour, d’ailleurs, imite à son tour trop ostensiblement ; ni ce florilège de têtes coupées, du Titien ou de Moreau. Pour moi, le Précurseur est un cri en lettres capitales dans le désert, et un habit en peau de chameau. C'est à cela qu'il faut s'en tenir. Je crois que celui que je préfère est encore la simple statue qu’on peut voir à la primatiale de Lyon, ou encore ce chef magnifique de la cathédrale de Reims. Vous trouverez dans l'album Précurseur, sous cette sculpture, le magnifique poème que Bloy a composé à propos de saint Jean Baptiste.  Parmi l'un de ses plus beaux...

 

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00:04 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : précurseur, saint-jean baptiste, lyon, bloy, littérature | | |

mardi, 23 juin 2015

De l'in-justice en toutes choses

Quand j’entends rugir Valls ou Taubira, quand je vois manœuvrer Hollande ou Vallaud Belakacem, je ne peux que ressentir une irréversible répugnance de cœur. Comme ils ne peuvent lutter contre le bon, le juste et le bien à découvert, ils ne cessent de détourner le signe linguistique, en jouant de l’arbitraire de ce dernier, pour feindre de les supporter. Un exemple ?  Ces êtres n’ont que le mot de justice à la bouche. Demandez-leur quel est le contraire de la justice ? Tous vous diront l’injustice, usant du préfixe in qui signifie, nous disent les dictionnaires, le contraire de. C’est là qu'il faut se souvenir de l’arbitraire du signe, par lequel on doit distinguer le mot de la chose : si l’injustice est bien le contraire de la justice en tant que mot, elle ne l’est nullement de la justice en tant que chose.

 

Quel est le contraire de la justice en tant que chose ? La malice. Lorsque je cesse d’être juste dans mes actes, j’utilise en effet la malice pour parvenir à mes fins. Celui qui est juste ne peut être malicieux, et celui qui est malicieux ne peut être juste.  L'injustice, qu’on prend pour le contraire de la justice, n’est dans les faits que le produit de la malice, qui est son vrai contraire en tant que chose. On voit qu’un usage rusé de l’arbitraire du signe (ici de l'arbitraire d’un simple préfixe) conduit à des falsifications du discours fortement préjudiciables à la morale politique, car il permet par un discours de façade de parvenir à des fins apparemment justes mais en réalité profondément iniques sur un plan moral. Il permet de substituer un signifié à un autre, tout en évacuant le référent moral initial. On reconnaît la toute la rhétorique gouvernementale à l’œuvre dans les manipulations langagières du genre « pour tous » (mariage pour tous) ou « je suis » (je suis Charlie) qui permettent littéralement de dire et de faire n’importe quoi. La ministre de la Justice  (quelle blague !) parle à ce sujet de révolution sémantique à effectuer au plus vite pour imposer ce qu'elle appelle la vraie France, et qui n'est qu'une vision abstraite et maçonnique de la République. Cette perversion du discours est à l’œuvre autant quand ils causent égalité des chances, dette grecque ou laïcité. Ne parlons pas de leur inepte « combat contre la haine », si à contre emploi, si grossier, si parjure, que je ne comprends pas comment il peut encore fonctionner dans la cervelle de ceux qui croient en eux. Ils se prétendent justes, mais ne font qu'utiliser la diabolique malice de la langue. Ce faisant, ils sont les fossoyeurs sataniques et terriblement efficaces de tout débat contradictoire, et donc de toute justice.

 

 

dimanche, 21 juin 2015

Dans les griffes de Satan

On ne croit plus guère à Satan. On a tort. Car les trois tentations qu’il a adressées au Christ dans le désert dit depuis de la Quarantaine, au Nord de Jéricho, (Mathieu – IV, 1-11) sont d’une actualité effrayante.

La première, qui est de changer les pierres en pains, semble ne rien contenir de démoniaque, au contraire. Jésus ayant jeûné quarante jours, ce propos fait mine de s’adresser à sa propre faim, mais de manière plus large, il représente aussi une tentation humaniste et généreuse qui passe même de nos jours pour être hautement morale : se proposer de nourrir tous les hommes, puisqu’on prétend en avoir le pouvoir. Or Jésus la rejette d’un coup, alléguant l’Ecriture : « L’Homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». S’il avait prêté l’oreille à cette tentation, il aurait en effet subordonné sa puissance divine aux besoins matériels humains, sa puissance éternelle aux besoins immédiats des vivants, sa puissance spirituelle à des nécessités économiques, car nourrir les corps est censé n’être que le boulot du politique. On voit ici comme Satan tente de pervertir la mission même du Christ, en lui proposant de définir son action au sein du champ borné de ce qu’on appelle aujourd’hui l’humanisme, voire l’humanitaire, lequel occupe pourtant beaucoup de belles âmes

Mais le Christ lui rappelle que la source de toute nourriture authentique demeure, selon l’Ecriture, la Parole, qui incarne face aux propositions du diable le seul réconfort, le seul véritable pain spirituel ; lequel préfigure d’une certaine façon l’hostie. Par ce refus très net, Satan, qui tentait d’arracher le pain spirituel des générations futures à Celui venu le leur apporter, est une première fois vaincu, et le Sauveur pose la première pierre de son magistère divin.

La deuxième tentation vise à fixer des limites politiques et religieuses à ce magistère : « Jetez-vous en bas [du pinacle du temple de Jérusalem], car il est écrit : Il donnera pour vous des ordres à ses anges, et ils vous prendront sur leurs mains, de peur que votre pied ne heurte contre une pierre. »  Par un aussi éclatant prodige, le Christ aurait été immédiatement reconnu par les Juifs comme le Messie qu’ils attendaient (attendent encore ?). Ceint de l’épée ce dernier devrait abattre toute puissance rivale et faire régner sur la terre de Juda une abondance matérielle et charnelle sans égale, instaurant ainsi la Jérusalem terrestre. En repoussant un tel projet (on dirait aujourd’hui un tel story-telling présent dans tous les programmes électoraux), le Christ heurte tous les préjugés des Juifs, qu’ils soient Pharisiens ou Sadducéens, et soulèvera toute leur haine. Il ne sera pas tel jadis David ou tel plus tard Mahomet un prince conquérant, car le propre fils de Dieu ne tente pas en vain son Père. Le miracle chrétien est celui de l’Incarnation, pas celui de la conquête ; il tient dans la raison, et pas dans le spectaculaire.

Avec sa troisième tentation, Satan se découvre totalement. Puisque le Christ refuse de tenter Dieu, le diable se propose de lui offrir lui-même le règne sur le monde terrestre : « Je vous donnerai tout cela si, tombant à mes pieds, vous vous prosternez devant moi ». C’est la proposition adressée jadis à Eve puis, par son intermédiaire, à Adam : « Vous serez comme des dieux ». On peut dire sans rire que c’était bien tenté, puisque d’Adam à Faust, tous les hommes marqués par le péché originel ne peuvent – à moins de sainteté - que céder à cela. Or Jésus n’est-il pas un homme ? La stratégie de Satan se découvre ainsi d’une nature, il est vrai, guère originale. Mais le démon se découvre surtout d’une nature qu'on dira soit ignorante (du fait que ce fils de l’homme auquel il s'adresse cette fois est aussi le propre Fils de Dieu, venu précisément contrer ses projets sur les hommes), soit naïve (car comment penser que le Fils de Dieu accepterait de lui ce qu’il vient de refuser de son Père ?).

Et c’est à ce moment-là que le Christ-Roi se découvre, le tutoyant et, pour la première fois, lui donnant un ordre : « Retire-toi », ce qu’il ne peut que faire aussitôt. D’un point de vue théologique, les trois tentations étaient inutiles devant le Fils de Dieu et elles n’auront servi qu’à démasquer en le ridiculisant l’Ange déchu, pour l’édification morale et spirituelle des hommes. A la fin du récit de Mathieu, on voit ces mêmes anges, qui avaient fermé sur lui les portes du Ciel, les rouvrir aussitôt, devant Celui qui vient de le vaincre.

Mais, et c’est alors que commence la Passion du Christ, les hommes, eux, n’ont pas vaincu Satan, loin de là. Et le Christ devra endurer – prendre sur Lui – leurs péchés, traverser leur mort et contredire son action maléfique jusque dans les conséquences du péché Originel. Mourir sur la Croix. Là se découvrent les preuves de sa Royauté divine sur le simple chef humain qu’il serait devenu s’il avait suivi les projets diaboliques proposés par le cornu : céder au pragmatisme de l’humanisme, céder à l’intimidation du spectaculaire, et au programme du faux messianisme religieux. Jésus ne sera pas, comme Krisna ou Mahomet, un simple chef de guerre ni un simple chef religieux, ni comme Bouddha, Socrate ou Lao Tseu, un simple éveillé ou un simple philosophe. Une Royauté divine qui, depuis 2000 ans, aura agacé et continue d'énerver beaucoup de gens, athées mais le plus souvent croyants.

Car ce qu'on apprend en lisant saint Mathieu, c'est que la contemporanéité véritable de Satan avec le XXIe siècle ne réside pas dans les rituels de gothiques originaux qui auraient vu trop de films gore dans leur enfance, ni dans les faits divers épouvantables dont la presse aime nous abreuver, crimes de masse et attentats sanglants. Elle réside au cœur des projets même que Satan proposa au Christ et que la Divinité de ce dernier rejeta sans ambages : le pragmatisme humanitaire, le story-telling politique, le faux messianisme religieux. Notre monde qui fête en ce premier jour de l’Eté 2015 sa musique en toute ingénuité est bel et bien pris dans les griffes de Satan. Et la juste compréhension par le plus grand nombre de la Divinité Incarnée du Christ se révèle, plus qu'en aucun autre temps d'obscurantisme, d’actualité. Sans doute est-ce pour la contrer que les ennemis du Christ n'ont jamais été si divers et si nombreux. 

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Duccio di Buoninsegna. Maestà.

Tentation du Christ sur la montagne. c. 1308-1311. Frick Collection, New York, USA.

 

mercredi, 17 juin 2015

Allez-vous bien ?

A quelqu’un qui me demandait tout à l’heure si j’allais bien, je répondais qu’il faut être fou pour me poser une telle question, car aller bien, dans une société pareille, cela tient de la prouesse. « Du miracle », surenchérit-il en souriant.

Le libéralisme qui s’est diffusé à tous les étages, dans tous les niveaux, toutes les Institutions de la société, y compris celles censées nous protéger de cette lèpre en garantissant un environnement propice, comme l’Eglise, a rendu les gens – tous les gens y compris moi-même – malades et fous.

C’est chez certains théologiens catholiques du XIXe siècle que je trouve la plus juste définition du libéralisme : « Le libéralisme est un subjectivisme qui prétend donner les mêmes droits au vrai et au faux, par amour déraisonné pour une liberté indépendante de toute loi ou autorité. »  Cela m’a fait plaisir de découvrir cette définition, car j’en étais arrivé exactement à cette conclusion avec l’écriture de mon roman La Queue, qu’il constitue en effet la ruse la plus aboutie du diable pour nous perdre tous, soumettre nos cœurs à des gimmicks et notre intelligence à des logiques corrompues.

Mais ce n'est pas seulement la vraie religion et la culture séculaire que le libéralisme vise, c'est aussi, nous en sommes tous les témoins consternés ou pas, la nature. Quand on a commencé a nommer Environnement  (ce qui m'entoure, moi, mon petit moi merdique et mortel) la Nature que les Grecs jugeaient éternelle et que les Chrétiens voient comme l'œuvre de Dieu, le libéralisme gagna une bataille. Quand, comme le dit splendidement Hannah Arendt, l'homme prit la Nature et la fit entrer dans sa mortalité à lui. Quand elle devint un objet d'étude semblable à un autre, autrement dit, quand elle devint la propriété exclusive des naturalistes, tous aussi intrinsèquement scrupuleux que libéraux, comme ne peut que l'être ou le devenir n'importe quel militant des droits de l'homme, c'est à dire de ce moi merdique et mortel...

Le libéralisme procède de la même façon sur le terrain économique (en justifiant par la loi du libre marché des écarts de salaires aussi fous que ceux des footballeurs ou des grands patrons d'une part, et ceux des infirmières ou des patrons de PME d'autre part) et sur le terrain sociétal (en affirmant qu’un couple composé d’un homme et d’une femme vaut un couple composé de deux femmes ou de deux hommes dans l’éducation d’un enfant). Sur les deux terrains, la même dérégulation, la même séparation d’avec la logique et la tradition, le même discours simplificateur, le même laxisme, la même réduction et la même absurdité.

Qu’est-ce donc, par ailleurs, que l’œcuménisme de Vatican II, qui prétend que toutes les religions se valent, sinon l’effet du même libéralisme que celui qui prétend que tous les élèves doivent pouvoir au mérite ( et non plus par la preuve d'un résultat) décrocher un diplôme. Et comme on peut transformer un Hôtel-Dieu en hôtel pour milliardaires, on peut transformer une église en mosquée ou en supermarché. Pour ces chiens, seule compte la Loi du nombre; c'est donc égal, et tout se vaut. 

Une gauche putride gère le libéralisme de mœurs pendant qu’une droite délétère gère à l’étage au-dessus le libéralisme économique, les deux ayant en commun de détester l’Eglise comme la Nation, de se satisfaire du communautarisme imposé, d’utiliser les mêmes canaux de propagande que sont les médias institutionnels, de revendiquer le même révisionnisme historique, et de se partager sans scrupules les parts du gâteau.

 

Voilà pourquoi c’est, pour tout esprit attaché à la raison, pour tout cœur sensible à l’oraison, et pour toute personne attachée à cette France qu’on jette au sol, une prouesse que de rester sain au centre d’une telle entreprise de démolition, sous le gouvernement de tels truands, dans une foule de tels somnambules.

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Vierge à l'Enfant, Galerie Sabauda, Turin,

Une consolation tirée d'une Foi devant laquelle & grâce à laquelle je m'incline. 

(et pas seulement, comme le disent les Docteurs infatués d'Esthétique moderne, devant la splendeur du bleu ou l'éclat du doré...)

20:53 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fra angelico, sabauda, libéralisme, france, la queue, littérature | | |

mardi, 16 juin 2015

Compatibles ?

Pour le maçon Manuel Valls, la France et l’Islam seraient donc pleinement compatibles. On est si habitué à écouter ses âneries qu'on pourrait à la limite ne pas s'arrêter sur celle-ci. Pourtant une affirmation aussi péremptoire demande qu’on la considère quelques minutes.

L’Islam ? Valls souhaite, « en faire jaillir au grand jour ce qu’en est la réalité ». Manuel, le grand mage de l’esprit du 11 janvier veut-il connaître la réalité de l’Islam ? Il n'a qu'à écouter Dalil Boubakeur, président sortant du Conseil français du culte musulman, qui s’empresse alors de la lui dévoiler en déclarant qu’il serait envisageable de transformer « les églises abandonnées » en mosquées… La France de 2015, sous le président Hollande…. Triste, sordide déclin. Délitement.

 « C'est le même Dieu, », ose donc affirmer l’impayable Boubakeur devant le déiste Valls, balayant d’un revers de main  la Trinité, la Passion, et des siècles de théologie autrement plus subtile et raffinée, que ce genre de slogan pour décérébrés républicains. Ignorant, pour le coup, des siècles d'histoire et de culture. Car de deux choses l’une : soit le Dieu de l’Islam et Celui du Christianisme sont les mêmes, et le Christ étant mort pour la conversion des pécheurs pénitents, tous les musulmans de France n’ont plus qu’à se convertir pour rencontrer leur propre Dieu et être justifiés. Soit Il n’est pas le même, et dans ce cas-là, Valls et ses sbires sont encore en train de mentir et devraient de toute urgence relire les épitres de Paul, celle « aux Musulmans » restant bien sûr à déduire de toutes celles adressées aux Romains, Ephésiens et autres Galates. « Vous n’êtes pas sous la Loi, mais sous la Grâce » dit l’Apôtre ; et il leur explique que le vieil homme, celui qui n'a que la Loi, a été crucifié avec Lui. Oui, crucifié, afin d'être justifié.

Selon cette logique, qui est la logique du christianisme, déclarer identiques des lieux où se célèbre l’Eucharistie et d'autres lieux où se revendique la pré-éminence de la Loi qui lui est antérieure, comparer les deux comme des lieux où se célèbreraient deux mêmes rites, cela relève donc du pur blasphème.

Or « ce sont des rites qui sont voisins et fraternels », rajoute Boubakeur, énonçant une scandaleuse contre-vérité théologique. Car il n’y a rien de voisin ni de fraternel dans une religion qui nie totalement depuis des siècles ce qui fait l’essence et la raison d’être de l’autre, à savoir la Passion et la Divinité du Christ. Ce qui n’empêche évidemment pas chrétiens et musulmans de s’aimer fraternellement dans leur humanité, mais cela ne peut s'étendre au domaine religieux sans tomber dans la pure hérésie, ce que Valls, Boubakeur et tous les réformateurs zélés au plus haut de l’Etat (comme peut-être dans certains cas au sommet de l'Église) font mine d’ ignorer, ce qui constitue un aveu.

Et, rajoute Boubakeur, «  Je pense que musulmans et chrétiens peuvent coexister et vivre ensemble ». Curieuse conception du vivre ensemble que celle qui consiste à se substituer à, et qu’on voit à l’œuvre dans d’autres parties du monde.

 

La question que tout cela pose crument à chaque Français est finalement celle de sa propre apostasie : à chacun de se demander s’il est prêt à abandonner purement et simplement la religion de ses pères. Sinon, il peut toujours retourner aux églises, et la question de savoir si elles peuvent ou non être légalement et publiquement transformées en mosquées ne se posera plus.

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lundi, 08 juin 2015

Les deux cités de Turin

Curieuse ambiance, samedi soir, dans les rues de Turin. Les catholiques fêtaient, autour de leur évêque, l’anniversaire du miracle du Saint-Sacrement, avec une messe au sanctuaire della Consolata, puis une procession jusqu’à l’église du Corpus Domini, par les rues peu animées du centre, la plupart des Turinois suivant à la télé la finale retransmise de Berlin de la finale de la Ligue des champions. Ici, un récit fondateur, ce miracle dont on célèbre depuis 1453 le caractère surnaturel et prodigieux; là, une compétition de foot, avec des milliards distribués à la clé. Ici, pour paraphraser saint-Augustin, la cité de Dieu ; là, la cité terrestre.

Vers onze heures, le petit millier de chrétiens rassemblés regagnaient leurs pénates, croisant dans leurs maillots à rayures blanches et noires les supporters revenant, dépités, de l’écran géant où la défaite venait d’être diffusée ;  deux mondes, deux temporalités, deux manières d’être et de marcher. Troublant…

 

Comment leur faire comprendre que, de toute manière, une victoire de leur Juventus n’aurait pas été un miracle - sinon au prix d’une démoniaque analogie, tant le langage est partout dévoyé ?  Race de Caïn, race d’Abel mêlées sur les trottoirs secs et dallés de la capitale piémontaise... Car les footballeurs qui se signent avant une partie ne recherchent pas la volonté de Dieu, mais la leur, selon le propre de la cité terrestre. Et les supporters en priant pour la victoire ne cultivent pas l’amour de la sagesse, mais la passion de dominer et la jouissance des faux honneurs. Jamais je n’avais vu à quel point le foot était à sa façon une religion, mais une religion (tout comme la religion républicaine vers laquelle se tournent les politiques qui « croient aux forces de l’esprit») fausse et dévoyée, car elle ne voit pas plus loin que la Cité Terrestre, c'est à dire qu'elle ne voit rien.

 

Dimanche, au réveil, les journaux titraient sur ce rendez-vous raté de la Juventus avec les dieux du stade, tandis que le saint-Suaire encore exposé jusqu'au 24 juin dans le Dôme continue de témoigner de cette Passion Véritable et Parfaite, qui dit trop à quel point il n'est homme ni femme dont il ne faille se méfier tant nous sommes tous capables de la pire des offenses, et qu'il n'est pas d'offense non plus qui ne puisse être effacée par l'éclat d'un sacrifice aussi complet que celui du Fils de Dieu.

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 Départ et arrivée de la procession à Turin

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vendredi, 05 juin 2015

Les saints de Turin

Turin partage avec Prague et Lyon la redoutable réputation d’être l’une des portes de l’Enfer.  C’est pourquoi, tout comme les deux autres villes, elle bénéficie d’une protection divine spécifique. Lyon fut placée sous la protection de la Vierge par un vœu de ses échevins en 1643, Turin fut en 1453 le théâtre d’un miracle eucharistique dont la ville célébrera demain l’anniversaire, et dont on reparlera ici.

La capitale du Piémont conserve pieusement les corps incorruptibles de nombreux bienheureux ou saints qu’on rencontre dans ses églises en y faisant halte

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Maria Mazzarello (basilique di Santa Maria Aussiliatrice)

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Valerico  ABATTE (Sanctuaire della Consolata) )

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Catherine de Sienne (église san Dominico)

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 Et bien sûr, Don Bosco

 

Ces saints firent face, de leur temps, à de nombreux maux : épidémies, guerres, ignorance. De leurs vivants, nombreux furent ceux qui entrèrent en conflit avec eux, pour les contester. Mais il semble que le plus inconditionnel des athées gardât en son for intérieur quelque estime pour leurs actes, quelque considération qui rendait possible le dialogue avec eux. Le siècle actuel a produit un mal contre lequel j'ignore quelle aurait été leur recommandation : le divertissement. Car le divertissement ne cherche pas à contrer ni à détruire les saints, ils les laisse dormir, tout simplement, il ignore leurs œuvres pour concentrer sur d'autres énergies et d'autres efforts l'attention de ceux qu'il retient et guide par le bout du nez. Pascal, jadis, écrivit sur le divertissement, mais les libertins à qui il s'adressait pouvaient encore le considérer tel un interlocuteur, car ils parlaient la même langue. Du divertissement qui fait rage & dévaste avec minutie le monde aujourd'hui, que dirait-il ? Et que préconiseraient les beaux saints endormis de Turin ?

 

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vignette de Don Bosco n°13, Turin

 

jeudi, 04 juin 2015

Le suaire et le sacré.

On n’approche pas commodément du Saint-Suaire à Turin.  La réservation s’opère par Internet. Des milliers de bénévoles (« les blousons violets ») venus des diverses paroisses de la capitale du Piémont accueillent les visiteurs dans la zone du Dôme, depuis le commencement du parcours liminaire dans les Jardins Royaux jusqu’à la salle des confessionnaux et aux marchands de souvenirs sur le parvis de la cathédrale Saint-Jean Baptiste, Piazza Castello. On franchit tout d’abord un portique, comme dans les aéroports, ce qui montre à quel point notre civilisation est placée constamment dans une certaine ligne de mire. Il est vrai qu’un fou d’Allah parvenant à s’infiltrer dans les tunnels en toile qui conduisent durant plus de 800 mètres jusqu’à l’entrée de la chapelle serait assuré de faire le buzz sur le champ. Les tunnels d’accès sont donc garnis de caméras. Nous habitons bien au XXIe siècle.

Le pèlerin est ensuite introduit dans une salle où un bref film vidéo lui dépeint ce qu’il s’apprête à voir en détail. Toutes les parties du corps de l’homme au suaire sont successivement zoomés et agrandis. Un commentaire en plusieurs langues insiste sur les traces de coups de fouets, de trous d’épines et de lances. Étrange exhibition mortuaire, devant une assemblée silencieuse où se découvrent toutes sortes de gens.

La question de l’historicité de l’homme dont l’image frontale et l’image dorsale se joignent par la tête n’a ici plus guère d’intérêt. Comme Benoit XVI l’a dit un jour, cet « icône écrite avec le sang » est surtout un émouvant miroir de la Passion. Le sacré, ici comme ailleurs, n’a nullement besoin d’être breveté par l’historicité. Sinon pour les manants.

Elle est d’ailleurs suffisamment présente, l’histoire, la belle et triste histoire humaine, sous la forme de cette poignée de quidams en casquettes et tee-shirts, pantacourts et autres tenues de p.à.p, le smartphone à la main, foule mixte de touristes ou de pèlerins, ou les deux à la fois, mi-pèlerins, mi-touristes, immobilisés dans le noir face à l’image qui se reflète de l’image sacrée offerte à cette foule même qui passe, telle un miroir d’un moment de l’histoire – cet aujourd’hui faits d'eux tous  défilant, profanes, devant lui, le sacré.

Car la voici enfin, entre deux sentinelles en costumes historiques, immobiles comme au musée Grévin. La voici la châsse le portant, puis le suaire lui-même, derrière des glaces de sécurité multicouche ; en rangs, trois rangs, les spectateurs du moment contemplent un instant le tracé d’un corps dans lequel chacun lit ce qu’il peut, ce qu’il veut, ce qu’il sait et ce qu’il ressent de ce qui lui est offert ou non dans le silence de cette confrontation avec un autre Monde. Car c’est bien d’un autre Monde qu’il s’agit, l’Antiquité, le Dénuement, la Mort, la Cruauté des hommes acharnée contre ce corps en ostension, la Religion,  la voici, la Passion. Au-delà du spectacle (car il demeure là encore, le spectacle -  certains même tentent un fois de plus de photographier, [et tu te dis qu’à l’instant de rendre l’âme, tenteront-ils encore, les sots, les stupides, de photographier la mort qui venant à eux leur arrachera des mains leur foutue richesse ? ] ) chacun ne reçoit que ce qu’il amène, dans cette cité terrestre qui, comme le dit Saint-Augustin, prétend tout dominer, et se trouve elle-même soumise par l’esprit de domination (1)

 

A cette image de Dieu dont la Charité ravive jusqu’au cœur de la société du Spectacle ces quelques traces perceptibles du Saint-Golgotha, nous amenons donc un cœur gonflé de sanglots et de peines, et notre honte d’appartenir à cette espèce si vaine et si folle, et notre ferveur aussi, notre espérance et notre Joie toutes deux faites de larmes invisibles et de limon silencieux; et puisqu’ici, chaque sacrement est une réconciliation, nous nous souvenons un instant de Joseph d’Arimathée qui, de Béthanie, emporta le sang du Christ jusqu’en Cornouailles, tel un Ulysse ou un Enée de la Cité de Dieu à bâtir sans cesse, de la Chrétienté dont nous sommes les ultimes et insuffisants rejetons. 

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Extérieur de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin

1 - Saint-Augustin, Cité de Dieu, livre 1