samedi, 31 mai 2014
Une élection du temps de Merlin
Jusqu’à quel point peut se détériorer une image politique ? Rues barrées par les CRS, agriculteurs et métallurgistes en colère, conseiller du président pris en otage… Et pendant ce temps-là, cet idiot rondouillard à l’air bonhomme fait des petites blagues avec cet autre imposteur qu’est Pierre Soulages au musée de Rodez - Où se perd l’argent public ?… (Salut, au passage, à Monsieur Toublanc, dont j’ai d’abord cru qu’il me faisait un blague, qui laissa hier un joli commentaire en bas de ce billet)
Il est assez savoureux, pendant ce temps-là, de se plonger dans le Merlin. Et notamment dans le chapitre titré « Une succession difficile », qui narre l’accession au pouvoir et l’élection du roi Arthur. En ces temps pré-Googolien (Pré-Googolesque ?), « on échangea à cette occasion, dit le conte, bien des paroles qui ne méritaient pas d’être conservées et retenues ». Rien n’a trop changé, direz-vous, sinon qu’à présent, le web veille.
Autre chose : ce n’était point alors des conseillers en communication qui assuraient l’élection des dirigeants, mais bien plutôt de véritables enchanteurs. Celle d’Arthur fut ainsi prévue de longue date par Merlin : ce dernier usa de ses sortilèges pour prêter un instant au roi Uter les traits du mari d’Ygerne pour lui permettre de coucher avec elle, à condition qu’il s’engageât à lui confier l’enfant dès sa naissance. Puis Merlin porta Arthur à Antor, à qui il demanda de l’élever comme son propre fils. On peut se demander un instant à quoi servit ce tour de passe-passe, puisqu’il semblait davantage desservir la légitimité du futur roi de Logres qu’autre chose. Mais on s’aperçoit très vite, quelques pages plus tard, que le subterfuge s’apparente en fait à une géniale opération de communication médiévale. Il permit en effet à Merlin d’octroyer une double légitimité à son candidat, lorsqu’il le présenta au peuple, seize années plus tard.
Une première fois en tant que prétendant normal (peut-on oser ce mot ?) à la fameuse épreuve de l’épée dans l’enclume que tout le monde tentait de réussir. Lorsque Antor pria l’archevêque de « faire essayer cette épée » à son fils, au même titre que n’importe quel autre sujet du royaume, ce dernier la retira avec une facilité qui déconcerta les spectateurs. « Notre Seigneur, dira l’homme d’église et lui ouvrant les bras, connaît mieux que nous l’identité de chacun !» Mais comme la plupart des barons et le peuple eurent besoin de voir le miracle pour le croire, il fallut le renouveler. De Noël à Pentecôte, (le temps que dure une campagne électorale), Arthur n’eut donc de cesse d’ôter puis de ficher à nouveau dans son socle la fameuse Excalibur, puis de la retirer à nouveau. On testa par ailleurs son programme : On lui fit apporter des joyaux et des bijoux, afin de s’assurer si le futur roi serait ou non « plein de convoitise et d’avidité ». On put juger de sa prodigalité, lorsqu’il redistribua tous ces présents. Finalement, tous durent se rendre à l’évidence : le jeune homme avait toutes les qualités d’un chef. Mais les barons les plus récalcitrants refusaient encore qu’un enfant de basse extraction qui n’était même pas chevalier devînt ainsi leur roi.
Il fallut alors que Merlin révèlât la supercherie et la réelle nature des parents d’Arthur. Du coup, il asseyait par un autre moyen la légitimité de son roi : Et par son propre mérite (il était le seul à avoir ôté l’épée et donc à être élu par le Ciel, là où de plus nobles avaient failli), et par la naissance (il était quand même fils de Roi). Au final, les barons les plus récalcitrants eurent beau alléguer que ce n’était qu’un coup monté, ils se retrouvèrent minoritaires, et leurs troupes bien vite décimées par Excalibur, « dont le nom signifie en hébreu Tranche fer, et acier et bois », qui se révéla quasi miraculeuse dès les premiers combats du roi Arthur. Au vu de ces événements peuvent se comprendre la ruse initiale de Merlin, ainsi que sa grande sagesse. Mais tout le monde n'a pas, c’est vrai, le talent d'enchanteur.
En lisant le Joseph d’Arimathie, puis ce Merlin, je pensais aux grands récits fondateurs que furent L’Eneide pour Rome, l’Iliade pour la Grèce, et ces récits de chevalerie pour la Chrétienté. S’unir dans un mariage de raison et de monnaie à des fins seulement pragmatiques, comme on le propose aux peuples d’Europe aujourd’hui, cela ne suffit pas. On y entend comme un déficit de culture, de grandeur, de rêve, d’histoire même, malgré les images en boucles de commémorations. L’aura du fondateur de la Cinquième République qui maintient ses institutions, quant à elle, suffira-t-elle à compenser dans l’hexagone la médiocrité de l’actuel président français ? Tiendra-t-elle debout trois ans de plus cet ectoplasme, de petites blagues en petites blagues ? Je ne sais. Auguste en personne eut recours à Virgile pour asseoir son empire. Alors je me dis que ce n’est pas de grands hommes que nous manquons le plus, aujourd’hui, mais de grands récits. « Et je voel que tu saces que ma coustume est tel que je repaire volentiers em bois par la nature de celui de qui je fui engendrés » (Et je désire que vous sachiez, dit Merlin, que je suis fait ainsi que je hante volontiers les forets, en raison de la nature de celui qui m’a engendré)…
Arthur ôte l'épée de l'enclume, iconographie du Merlin, Paris, BNF
05:01 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : merlin, arthur, chevalerie, graal, politique, élections, soulages, rodez, france, europe, littérature, poésie, moyen-âge |
vendredi, 30 mai 2014
Fin de course
Tout respire la fin de course. Les éléments de langage ressassés par les politiciens véreux, la morosité d’événements sportifs qui s’enchaînent, les milliardaires cannois qui s’entre-congratulent à l'occasion d’un palmarès dont tout le monde se fout. Ce n’est pas de l’Europe que les gens sont lassés, mais de la sous culture – ou plutôt du déni de sa propre culture – que les économistes ont engendrée ; pendant ce temps, l’inexorable déclin des moyens de production se poursuit. Depuis l’arrivée du président Plan-Plan, un président d’un autre siècle, vraiment, une sorte de contre-sens, c’est l’équivalent d’une ville comme Lyon qui a été jetée au chômage. Crise, courbe, impôts, euros, impôts, violence, guerre : les infos répètent en boucle les mots d’ordre démonétisés de ce paysage dévasté.
On peut, certes, fermer les écoutilles et se plonger dans son monde à soi. Depuis quelques semaines, quand mon boulot m’en laisse le temps, je vis ainsi au rythme des aventures de Merlin et de Uter, après celles de Joseph d'Arimathie. La Table Ronde tout juste fondée, le duc de Tintagel est mort et Uter s’est empressé d’ensemencer, comme on le disait alors, la noble Ygerne . Le roi Arthur vient donc de naître, grâce à un divin ou diabolique malentendu sur les apparences, et Merlin vient de le confier, nourrisson, à Antor. Le Graal pour tout salut : Se ressourcer à d’anciens mythes collectifs ; dans la débandade narcissique qui s’est saisie de chacun pour la plus grande joie des marchés et des actionnaires repus, cela ne peut pourtant être qu’un ressourcement individuel, loin, bien loin d’une véritable fête collective, réparatrice. Mais c’est au moins ça. Comme disait les gens d’autrefois, « ça que les Boches n’auront pas ». Ce qui est tout dire...
Ygerne abusée par Merlin et Uter, iconographie du Merlin, BNF Paris
01:31 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, moyen-âge, europe, merlin, arthur, table ronde, tintagel, graal |
mardi, 27 mai 2014
Soral et la désinformation
C’est très troublant, ce sentiment : vous venez d’assister à une conférence, et de retour à la maison, vous lisez sur le web qu’elle n’a en fait jamais existé.
Retour sur les faits. Gilad Atzmon et Alain Soral étaient attendus hier soir à Lyon – dans un espace jusqu’au dernier moment tenu secret – pour une conférence intitulée « Les Juifs et les autres ». Avec un titre pareil, le Crif se devait de se dresser sur ses ergots et de demander son annulation. Aussitôt, le préfet Jean-François Carenco se fend d’un communiqué dans lequel il annonce qu’ « au nom de la République », l’événement sera surveillé. Il s’indigne «de la tenue d'une telle manifestation, au titre raciste par nature puisqu'il oppose des hommes et des femmes entre eux, et dont le principal animateur Alain Soral attise régulièrement les haines qui rongent la République ». Prévue initialement dans une salle de Lyon 5eme (lire détail ICI), nous apprenons, mon épouse, deux amis et moi, qu’elle se déroulera finalement à Meyzieu.
Nous voici donc en route pour la zone péri-lyonnaise, au-delà du boulevard Laurent Bonnevay, à louvoyer entre des hangars, des réverbères, des ronds-points et des champs. Nous traversons Décines (où j’ai quelques souvenirs douloureux). Il est environ 18h30. Le ciel assombri se met à pisser, d’abord goutte à goutte. Bientôt des trombes d’eau surprennent la file de gens calmes qui attendent devant un perron. Sous les parapluies s’engagent des conversations, et je peux apprécier à la fois la variété et la patience du public venu jusqu’ici. Il faut passer par une fouille des poches avant d’entrer dans la salle qui est très vite emplie.
Très étrange sentiment, en parcourant des yeux cette assemblée où se côtoient ceux que partout ailleurs on oppose avec une virulence qui frôle à certains moments l’hystérie. Ce pourrait être une salle de classe. Règne ici quelque chose qui pourrait s’appeler la paix des banlieues, entre l’agora et le café juste en face du supermarché. Que cette modeste réunion (500 personnes tout au plus) soit placée soudainement au cœur d’une telle effervescence médiatique et policière en France me laisse songeur. Que sommes-nous devenus ? Des amalgames, même, des sous-entendus nauséeux soulevés avec la tuerie de Bruxelles et les agressions antisémites de Créteil. Où sommes-nous ? Encore en France, dans le pays de la libre contradiction ?
La conférence de Gilad Atzmon porte – si je devais la résumer en une phrase – sur la formation comparée des élites depuis les temps médiévaux, dans la Diaspora et dans les nations (ce qui explique le fameux et les autres ). Il appuie sa démonstration sur des courbes de Gauss, pour mieux définir ce que la formation des élites juives a eu d’exceptionnel et de radicalement original par rapport à d’autres cultures. Il en vient à expliquer les ressorts du rapport de domination de l’élite juive, à la fois sur les juifs des ghettos, et sur le reste des élites mondiales, à partir de la fin du XIXème siècle. Rien d’insultant, de discriminant, ni d’antisémite. Soral intervient alors pour parler « des autres », et le débat se déplace inévitablement sur ce prolétariat moderne, dans lequel ceux qu’on appelle français de souche et ceux qu’on appelle beurs partagent et partageront encore longtemps les mêmes tours, les mêmes stades et les mêmes bancs d’école. Et sur le pouvoir des pratiques individuelles du logos, seul à même de réconcilier, au-delà des propagandes gouvernementales et des intérêts des classes dominantes, ceux dont l’intérêt bien compris serait malgré tout de s’unir.
Je songe un instant à Kabir, ce saint qui chercha en son temps, à pacifier hindous et musulmans. Pas étonnant que Soral ait tant d’ennemis, tant d’ennuis, au fond. Le syncrétisme - quelle qu'en soit la forme - n’est acceptable des Puissants que s’ils peuvent revendiquer qu’ils en sont l'origine et s'ils savent qu’ils en tirent seuls les ficelles : or décider de réunir ou de séparer les deux extrêmes, c’est faire de la politique – même si le mot n’est jamais prononcé. Soral plaide pour le territoire national conçu comme espace de réconciliation, où devra fatalement se réaliser un tel syncrétisme, et ce dans le prolongement d’une très longue histoire : on peut être ou non d'accord, dialoguer, contredire. Cela s'appelle la liberté de penser. Et c'est ce que menace en France aujourd'hui un ordre politicien qui a toutes les apparences du véritable extrémisme ...
On recherche donc en vain dans cette prise de position certes engagée et violemment antisioniste une pensée d'ordre véritablement antisémite et surtout un appel à la haine. Soral souligne de son côté à plusieurs reprises l'ineptie de s'en prendre à ceux qu'il appelle les Juifs du quotidien. Ses ennemis diront toujours qu'il adopte là une posture ou une précaution oratoire, parce que tout dans le discours politicien, au contraire du logos, se borne désormais à des postures et qu'après tout, on peut tout autant qu'un autre tenter de réduire son discours à un discours politicien. Mais c'est ignorer que si les éléments de langage sur lesquels reposent la propagande officielle peuvent se retourner au gré des circonstances, le logos lui ne peut se retourner qu'en dénonçant une vraie faille de raisonnement.
Pendant que je discute avec un jeune prêtre en soutane de la théologie de la substitution, mon épouse se fait dédicacer un exemplaire des Dialogues Désaccordés écrits avec Naulleau, et lui offre un de mes Béraud de Lyon. Je ne quitte pas la salle sans lui serrer chaleureusement la main. Ce qui ne signifie évidemment ni un accord, ni un désaccord, mais quelque chose d'un autre ordre et d'une autre nature : une reconnaissance.
Le lendemain, le journal Le Progrès retrace à sa manière le « pied de nez que Soral et ses amis ont fait lundi soir aux médias qui ont annoncé en chœur l’annulation de sa sulfureuse conférence ». Franchement, j’ai entendu plus sulfureux ! Subversif conviendrait sans doute mieux, surtout face à l’ordre moral à la fois bêtifiant, absurde et terroriste, qui tente de maintenir dans la fidélité de l'ignorance une bonne part de sa jeunesse, qu'elle soit estampillée blanc,black ou beur,comme pour en faire une forme nouvelle et matée dès le berceau de prolétariat.
Gilad Atzmon et Alain Soral à Meyzieu
23:30 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : alain soral, gilad atzmon, antisémitisme, politique, kabir, égalité et réconciliation, conférence, meyzieu, crif, tolérance, europe |
lundi, 26 mai 2014
Le bruit et la durée
On a du mal à comprendre -et on comprend aussi fort bien-, à quelle nécessité politicienne obéit – en attendant la Coupe au Brésil – le bruit médiatique qui entoure les résultats des élections européennes en France. Un président archi-minoritaire et désavoué (au point qu’à Stains, par exemple, son électorat a chuté de 44,67% à 8,92% en deux ans ) n’a plus grand-chose à dire ni à faire à la tête de l’Etat, sinon y faire du bruit, en espérant durer ainsi jusqu’en 2017. C’est à cela que sert le petit communicant Valls : faire du bruit. Il faudrait cependant lui apprendre à moins froncer les sourcils ni hausser le menton, s’il veut être un tant soit peu entendu.
Le bruit consiste donc à transformer le score du FN en événement dramatique, en prenant des postures d’indignés, de désolés, de dégoûtés, ou de fatalistes : On a dans la République toute la gamme Pantone. Alors que chacun sait que cela ne représente en rien un danger : le centre droit est au pouvoir à la Commission européenne, les fédéralistes sont toujours majoritaires et pourront même durcir le ton pour mener leurs guerres ou signer leurs traités scélérats dans le dos des électeurs.
Chacun feint de ne pas comprendre le séisme en perpétuant des analyses bidonnées, à partir d’une grille d’analyse et de lecture vieillie parce que datant de la Seconde Guerre Mondiale et de la Shoah. C’est évidemment oublier Maastricht, la réunification de l’Allemagne sous la botte libérale américaine, et le déni par Sarkozy et Hollande du référendum sur le traité européen. Car c’est Maastricht, Merkel et le déni du référendum par des prétendus démocrates qui ont placé le FN où il se trouve. Et l’on sait depuis longtemps que l’électorat du FN se constitue à partir d’un mariage de raison, inévitable face aux fédéralistes français, entre identitaires et souverainistes. C’est pourquoi, à 88 ans, le fondateur du FN obtient à Vénissieux 27,06 % des voix quand, dans le très sélect 6ème arrondissement à Lyon, il n’arrive qu’en quatrième position avec 11,91% et en cinquième position dans Lyon/Croix-Rousse, paradis du bobo écolo, avec seulement 9, 87%. Regardez les scores de sa fille dans le Nord, le constat est le même.
Alors les dirigeants nationaux n’ont plus le choix s’ils veulent éviter l’inexorable progression de cette dernière : pour réduire le vote identitaire, réduire le chômage et réguler l'immigration; pour réduire le vote souverainiste, renégocier les traités. Mais au lieu de cela, Hollande, pingouin, de plus en plus isolé sur sa banquise, premier notable arrogant d'un parti en déroute, ne peut que choisir de faire du bruit pour durer. Et du bruit bien médiocre,est-il capable d'en produire un autre ? Plus encore que Mitterrand son mentor, il sera comptable devant l’histoire de tous les troubles, de tous les drames qu’une telle posture ne manquera pas d’engendrer. Cela s'appelle la responsabilité.Les dénoncer d’un air contrit la main sur la couture ne suffira pas à s’en dédouaner.
Décidément, il est bien le pire des présidents que la Cinquième République aura produite. Un nain au volant d’un Airbus, qu’il est en train de projeter dans le décor, tout le pays et sa souveraineté dans sa suite. Une politique maladroite,conduite par un amateur,diront certains. La politique de ses maîtres, plus vraisemblablement, visant au fédéralisme européen le plus totalitaire, à l'image - en pire même - de celui, américain.
13:07 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : fn, euro2014, hollande, europe, france, maastricht, merkel, politique, bruit médiatique |
samedi, 24 mai 2014
Le dernier mensonge d'un trop long règne
« La démocratie est inséparable de la souveraineté nationale», disait De Gaulle. Sur cet extrait du débat entre Philippe Séguin et François Mitterrand de 1992, on voit le premier expliquer au second, en charge pour quelques longs mois encore de la dissolution du pays dans une construction fédérale aujourd’hui bien en cours, pourquoi ces deux notions vont inévitablement de pair. Et c’est édifiant, à la veille d’un vote européen, de réécouter Seguin en train de prévoir l’impuissance des successeurs de ce rusé et matois vieillard (impuissance dont l’actuel locataire de l’Elysée est l’héritier caricatural, à la fois effrayant et ridicule). Lorsque, à la toute fin de l’extrait, Seguin interpelle Mitterrand en mettant en doute la possibilité qu’auront ces successeurs là de mener une politique nationale libre et souveraine, l’assurance avec laquelle Mitterrand affirme : « le traité de Maastricht le permettra» en dit long sur la duplicité de son long règne. Et de fait, il aura fallu le mensonge et l’autorité de ce rusé et matois vieillard pour faire basculer le vote de Maastricht du sinistre côté.
Sur son blog Off-shore Philippe Nauher nous propose de réécouter Philippe Seguin, « dernier homme politique français », lors de son discours contre le traité de Maastricht à l’Assemblée Nationale, cette même année 1992. Ce qui a été fait, disent tous les progressistes, peut être défait. Dont acte.
09:56 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : élections européennes, seguin, mitterrand, europe, france, dictature, souveraineté, otan, usa, démocratie, culture, politique |
jeudi, 22 mai 2014
La zone me rend triste.
C’est devenu une mode, Valls aidant, une tendance de se proclamer patriote, français. Je l’entendais brailler dans un poste tout à l’heure, le Manuel : « Moi j’ai choisi la France, ce qui ne m’empêche pas de me sentir fier de mes origines catalanes. » Grand bien lui fasse. D’ailleurs, il fait son meeting de campagne à Barcelone pendant que l’Allemand Martin Schultz dégoise dans l’hexagone. On nous prépare au fédéralisme, à petites doses. Moi, me dis-je en entendant le tout jeunot Prime Minister moi, je n’ai pas choisi la France. Je suis tombé dedans quand je suis né, un peu comme Obélix dans la potion magique. Et ça a fait un grand plouf.
L’autre jour, nous étions quatre profs attablés à une pizzeria. L’une (prof d’espagnol) commence à expliquer que sa famille maternelle vient de Murcie, d’un ton très feutré. Une autre (prof de gestion) réplique que du côté de son père, on était catalan. La dernière (prof d’anglais) est née au Maroc. Soit. On dirait de nouveaux aristocrates se régalant de leurs frais blasons. L’ambiance est très cosy, bobo (très prof), ça fait aussi parvenu, sans réelle hauteur d’esprit. Vous me direz, à l’heure des pizzas... Me dis soudain qu’il n’y a plus que moi dans cette honorable assemblée à n’avoir pas le passeport élargi de la zone. A être par conséquent un vrai roturier. « Ma mère est née à la Croix-Rousse et mon père à Villeurbanne », je lâche, un brin excédé par cet entre soi gélatineux qui feint de se trouver des accointances. « Mais j’ignore lequel a traversé le Rhône le premier.» Et je rigole un coup, parce que je sens qu’on se demande autour de moi si c’est du lard ou du cochon, et quelle réaction il convient d'adopter. Cosy, bobo, n'est-ce pas....
Oui ça me fait chier ce souci d’être français et cette fierté d'être d'ailleurs, revendiqués comme un compte en banque bien garni, parce que je ne me sens pour ma part pas fier d’être français, juste français. Et encore : La culture française s’est tellement dilapidée, dégradée ! A moitié moins français que mes parents, et pour un quart seulement quand je pense à mes grands parents. Je me souviens de ce que prophétisait cet irakien rencontré un jour, à propos des Américains : « Ils veulent qu’il y ait autant de différences entre moi et mon petit-fils qu’entre vous, Français, et vos grand-pères.» (LIre ICI) Oui, la zone me rend triste. La zone sonne faux. Elle est en toc, emplie à nouveau d'imbéciles heureux qui sont nés autre part. chanterait Brassens s'il revenait parmi nous, Parce que cette sociabilité des origines n’a pas plus lieu d’être chez les nouveaux ou récents arrivants que chez les Français de souche, comme on dit dans la presse dite progressiste, pour ne pas dire les Deschiens. Sale presse, sale époque,où l’esprit se réduit comme une peau de chagrin, et la sociabilité, livrée à la seule dimension du consumérisme normé, n’a pas plus de goût que la crème allégée qu‘on nous sert en dessert....
07:00 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : france, français, europe, société, culture |
lundi, 19 mai 2014
Les escrocs devant leur miroir
Escrocs : Quel est le comportement commun à tous les escrocs, le point commun entre toutes leurs forfaitures, qu'ils finissent seuls et corrompus sous les toits dorés des palais ou sous ceux, en contreplaqué, des prisons ? Comme les cons, ils osent tout, et c'est à cela qu'on les reconnait. Ils osent tout et ça marche, jusqu'à un certain point, toujours. Ils recherchent le même enivrement, la même gloire passagère, hantés qu'ils sont probablement du même vide, de la même nullité. On ne saurait dire a priori quel escroc, de Kerviel ou de Hollande, sera jugé par l'Histoire comme le plus représentatif du pus le plus pur, de l'excrément le plus sordide de son temps - qui est aussi, hélas, le nôtre - Il faudrait pouvoir établir devant une Justice Loyale qui n'existera jamais lequel aura dupé le plus de gens. Ils auront cédé dans leur médiocrité respective aux mêmes sirènes passagères et sombreront de toute façon un jour dans un même oubli... Ils sont les doubles inversés d'un même reflet de la laideur du monde dans la glace. En attente de leurs biopics, ils occupent, comme on dit en temps de guerre, le même terrain, et au prix du mètre carré, c'est aussi abject dans un cas que dans l'autre.
Les escrocs devant le miroir
00:00 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : kerviel, hollande, france, politique, faits-divers, escrocs |
dimanche, 18 mai 2014
Falco & la vie volée
Je regardais l’autre jour une série dont on dit « qu’elle cartonne » sur TF1. Le thème en est la vie volée. Elle met en scène un policier dans la tête duquel son meilleur ami a planté un pruneau, une vingtaine d’années plus tôt. Il sort du coma, retrouve sa femme qui a épousé un autre homme, sa fille qui est adulte, son commissariat métamorphosé, le tout dans une société qui a complètement changé. Il se heurte à l’indifférence des vivants, seulement rompue par la surprise parfois gênée de ses proches. Il plonge dans ses enquêtes, pour se divertir de son mal. On pressent qu'il finira par devenir lui-même, au fil des épisodes, l'objet principal de son enquête.
Le thème n’est pas très original, nombre d’écrivains, dont Béraud dans son magnifique roman Lazare, l’ont déjà traité dès les années 20. C’était à l’époque des soldats blessés qui, après un long coma, se heurtaient à l’indifférence des gens de l’après-guerre, avides de jouir.
Et je me demandais s’il est vraiment nécessaire que son meilleur ami vous ait jadis planté un pruneau dans le crâne pour éprouver un tel malaise, un tel insidieux sentiment : sentir sa vie volée. D’une certaine façon, et c’est peut-être ce qui explique le succès de cette série, nous avons tous une part intime de nous-mêmes, de notre vie, de notre temps, qui a été, qui est et qui sera encore volée. Tout cela est lié à la façon dont le monde, la société – qui ne sont rien d’autres qu’une sorte de coma de l’âme – se saisissent de nous, à celle dont nous jugeons les autres, qui tout autant nous jugent, à ce qui se fige là-dedans.
C’est un drôle de sentiment, qui se mêle à ceux de la diversion, de la déception. Vie volée : Y entrent sans doute en jeu autant de lucidité que d’illusions. Il laisse un grand vide au cœur, avec l'impression -fondé ou non- que le mystère de vivre s’est encore un peu plus épaissi, et que l’on n’a cette fois-ci, dans une société de plus en plus perdue, déboussolée, fausse, plus aucun droit à se laisser distraire. Mais distraire de quoi ? Résonne alors à nouveau la question que posa, un jour, le poète Rimbaud : Comment agir, ô cœur volé ?
20:20 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : falco, vie volée, policier, polar, tf1, rimbaud, lazare, béraud, séries tv |
jeudi, 15 mai 2014
Tendancieux, non ?
Les épreuves des divers BTS ont débuté en France. Je surveillais, hier, celle de Cultures de la Communication. L’épreuve porte toujours sur une campagne de communication à analyser à partir d’un texte critique, le tout étant à compléter par un travail de création. Épreuve plus compliquée à réaliser qu’il n’y parait de prime abord. Au vu de la profusion des campagnes, les concepteurs de sujets n’ont que l’embarras du choix.
Hier après-midi, en ouvrant l’enveloppe des sujets devant une quarantaine de candidats (silence toujours très recueilli), première surprise : les étudiants vont devoir plancher sur la campagne de communication du gouvernement pour ses discutables et discutés emplois d’avenir. On demande aux étudiants d’analyser les plaquettes retenues pour la campagne, et d’imaginer une bannière pour le site www.lesemploisdavenir.gouv.fr . Ça tombe bien, me dis-je en distribuant la chose, je leur ai fait lire le Propaganda de Bernays en long, en large et en travers. En terme de communication politique, ils sont au top. Sauf que ce n’est pas un travail critique qu’on leur demande. Mais de confronter la vision que Rimbaud se ferait de la jeunesse dans son poème Roman (le fameux « on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans») avec le point de vue des concepteurs de cette campagne.
Et puis il y a autre chose, qui me saute aux yeux sur la plaquette qu’on leur propose en exemple. Cette splendide faute d’orthographe. L’accord grammatical de pas de est discutable et se fait toujours d’un point de vue sémantique : On dira « Il ne fait pas de fautes », mais « venez sans faute »… Sauf que lorsqu’il est précédé de peu de, le pluriel l’emporte de façon indiscutable : Dans le rond rose, il fallait écrire Peu ou pas de diplômes.
Bref. J’aurai passé l’année à dire à mes étudiants qu’une faute d’orthographe sur un Bon à Tirer devient une faute professionnelle parce qu’elle se chiffre en euros lorsqu’il faut tout ré-imprimer, pour les voir plancher sur un sujet contenant (dans un plaquette officielle payée au frais du contribuable) une faute qui aura passé les seuils successifs :
- d’une agence de communication gouvernementale
- d’un premier imprimeur
- des concepteurs du sujet
- des vérificateurs
Ce qui implique au minimum deux bons à tirer et combien de relectures ? .
Bref.
A l’arrêt du bus, plus tard, deux examinateurs me demandent :
« -Qu’avez-vous pensé du sujet ? Tendancieux, non ?
Ricaner. Que faire d'autre ?
- La gauche est revenue au pouvoir, leur fais-je. Et ça se voit… »
08:24 Publié dans Aventures post-mortem de la langue française | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : lesemploisdavenir, communication, bts, politique, propagande, gauche au pouvoir, socialisme, france, éducation nationale, tendancieux |