dimanche, 18 mai 2014
Falco & la vie volée
Je regardais l’autre jour une série dont on dit « qu’elle cartonne » sur TF1. Le thème en est la vie volée. Elle met en scène un policier dans la tête duquel son meilleur ami a planté un pruneau, une vingtaine d’années plus tôt. Il sort du coma, retrouve sa femme qui a épousé un autre homme, sa fille qui est adulte, son commissariat métamorphosé, le tout dans une société qui a complètement changé. Il se heurte à l’indifférence des vivants, seulement rompue par la surprise parfois gênée de ses proches. Il plonge dans ses enquêtes, pour se divertir de son mal. On pressent qu'il finira par devenir lui-même, au fil des épisodes, l'objet principal de son enquête.
Le thème n’est pas très original, nombre d’écrivains, dont Béraud dans son magnifique roman Lazare, l’ont déjà traité dès les années 20. C’était à l’époque des soldats blessés qui, après un long coma, se heurtaient à l’indifférence des gens de l’après-guerre, avides de jouir.
Et je me demandais s’il est vraiment nécessaire que son meilleur ami vous ait jadis planté un pruneau dans le crâne pour éprouver un tel malaise, un tel insidieux sentiment : sentir sa vie volée. D’une certaine façon, et c’est peut-être ce qui explique le succès de cette série, nous avons tous une part intime de nous-mêmes, de notre vie, de notre temps, qui a été, qui est et qui sera encore volée. Tout cela est lié à la façon dont le monde, la société – qui ne sont rien d’autres qu’une sorte de coma de l’âme – se saisissent de nous, à celle dont nous jugeons les autres, qui tout autant nous jugent, à ce qui se fige là-dedans.
C’est un drôle de sentiment, qui se mêle à ceux de la diversion, de la déception. Vie volée : Y entrent sans doute en jeu autant de lucidité que d’illusions. Il laisse un grand vide au cœur, avec l'impression -fondé ou non- que le mystère de vivre s’est encore un peu plus épaissi, et que l’on n’a cette fois-ci, dans une société de plus en plus perdue, déboussolée, fausse, plus aucun droit à se laisser distraire. Mais distraire de quoi ? Résonne alors à nouveau la question que posa, un jour, le poète Rimbaud : Comment agir, ô cœur volé ?
20:20 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : falco, vie volée, policier, polar, tf1, rimbaud, lazare, béraud, séries tv |
Commentaires
Thème déjà visité, oui. Les Français sont toujours en retard de trois trains (trop larges), côté séries. Mais ta réflexion est très pertinente.
Écrit par : Sophie K. | lundi, 26 mai 2014
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