mercredi, 08 avril 2009
Le Glas
Il attend…. Il attend pour sonner le glas, qu’au bas, tout le monde ait pris sa place autour de la fosse. Il regarde la mort et sait qu’elle triomphera de tout. Dimanche après-midi, je suis resté longtemps devant ce tableau de Louis Galliac, intitulé Le Glas. Il se trouve au musée des Beaux Arts de Dijon. Il y a dans ce tableau (la rêverie de cet homme devant le précipice et l’enterrement, ses sabots usés, la corde au-dessus de lui) quelque chose de dangereux. Quelque chose aussi d’apaisé : La campagne au loin, les deux mains presque en prière, les veines de son cou où bat le sang, les traits de ce visage de paysan, rugueux et las, mais finalement, soumis à sa condition. Louis Galliac (1849-1934) n’est pas un grand maître, je n’en avais jamais entendu parler. Pourtant je suis resté longtemps devant sa toile (1891) à rêver, tout simplement. A rêver
C’est la première fois que je mettais les pieds au musée des Beaux arts de Dijon.
Beaucoup de fort jolies œuvres, ma foi.
01:45 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : louis galliac, musée de dijon, le glas, ducs de bourgogne, peinture, religion, mort, société, réalisme |
lundi, 06 avril 2009
Entendu à la télé
Entendu tout à l'heure à la télé, par une fenêtre entrouverte, alors que je rentrais chez moi : « J'ai découvert Jésus à la télévision… »
C'était au JT de Pujadas, sur France 2. Troublant, non ? Incroyable, même ! Comment nommer ça ? Perles, ou idioties, c'est selon.
20:56 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (27) | Tags : société de l'information |
samedi, 04 avril 2009
Le terrorisme de la cohérence
Plusieurs chemins conduisent à ma maison qui, c'est drôle, semble toujours, aux visiteurs qui les empruntent, n'avoir eu pourtant qu'un accès. Il n'importe. On entre. On s'installe dans la cuisine, et, sous la lampe à suspension encore tachetée du caca d'anciennes mouches, on s'installe sur des chaises en bois. Je n'ai connu ni l'acier ni le formica, mais simplement ce bois sombre et courbé qu'on trouve dans tous les bons bistrots. Il entre (le visiteur). Ou bien elle (la visiteuse). Tous n'ont pas la même chose en tête. Ni le même air. Certains viennent de loin. Ce n'est pas le même moment de la journée. Ni d'ailleurs le même jour. Ni parfois le même mois. Est-ce franchement le même lieu ? Sur cet écran, nous avons appris à nous passer de presque tout. Nous voici donc réduits à l'essentiel : notre langage. Il, elle, entre...
Là que font-ils ? Et moi, en retour ? Quel sentiment, au fond, nous attache à la lettre - qu'elle soit écrite ou lue, à la lettre seule qui n'est plus la même que celle manuscrite, encore moins que celle simplement dite (c'est comme le pain qui s'est rassis), et qui semble avoir virevolté puis s'être figée sur la partition, même plus mouches, les lettres de l'écran sont comme pattes immobiles... Pourtant, lorsque nous traçions nos lettres sur le papier de jadis, l'encre faisait caca quelquefois, t'en souvient-il ? Sans doute est-ce cela que nous aimions, mais cette arabesque à présent si propre et si figée, mais cette ligne, mais ces lignes, ô lignes : cherchez la tache ! Même là règne le terrorisme de la cohérence, pensée léchée sur lignes lisses, où rien, rien... - ne disent rien, les lignes. Ne disent plus rien ?
Comment imaginer que le lieu où fut bâtie ma maison ne résonnât plus de véritables controverses ? Hardies et folles, aussi folles que hardies, aussi têtues que belles. Quand de ma maison je les regarde venir, je n'imagine pas que des visiteurs empruntant des chemins si divers puissent tous porter le même chapeau. Qu'ils n'imaginent pas, en retour, que j'aie sur moi, chaque matin, la même chemise. Des deux, laquelle est le plus détestable : L'incohérence ? Ou le terrorisme de la cohérence ?
19:09 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : controverse, polémique |
vendredi, 03 avril 2009
Test
Trouvé en salle des ventes un petit réveil mécanique, qui fait tic-tac comme autrefois et chante comme une boite à musique la vie en rose quand on le remonte. Objet des années cinquante. 8 euros (+ frais d’adjudication). Billet sans intérêt, posté simplement pour voir s’il est lisible sur tous navigateurs.
22:39 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : test |
De troublants trous blancs.
Un certain désordre règne en ce lieu depuis le 1er avril. Involontaire, et cependant bien réel.
De troublants trous blancs ont gêné la lecture par certains de deux billets, pendant que d'autres y déposaient leurs commentaires. Désireux de remédier la chose, je n'ai fait, ce matin, que l'aggraver (semble-t-il). Le texte de l'un (« ceci n'est pas un 1er avril ») est passé sous le titre de l'autre (avec un cri sauvage), dont le texte a, lui, carrément disparu. J'ai donc repiqué les commentaires du premier pour les laisser dessous les deux premiers (commentaires) du second ( texte - vous suivez ?) Du coup, les deux premiers commentaires du second texte ne correspondent plus & on se trouve dans une sorte de collage techno, à dada sur ma techno, en quelque sorte.
Je republie tout de même ce magnifique collage de Kurt Schwitters, lequel avait disparu dans l'opération. Et qui est magnifique.
17:30 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : kurt schwitters, poisson d'avril, dada, technologie, trous blancs |
jeudi, 02 avril 2009
Mémoire des Célestins
Le 13 novembre 1899, c'était soirée de gala au théâtre des Célestins. On donnait Le gendre de Monsieur Poirier, avec Monsieur Louis Leloir, sociétaire à la Comédie Française : Qui, aujourd'hui, oserait porter un tel pseudo, Leloir ? A cette époque, on disait « nom d'artiste » Mémoire des Célestins, un site assez original, retrace avec tout le matériel documentaire disponible l'histoire des saisons du théâtre, de 1899 à nos jours (suivre le lien).
Ci-dessous, deux documents : Jacques Mauclair dans les Chaises de Ionesco (mars 1976) et l'affiche du Gendre de Monsieur Poirier de 1899 (suivre le lien).
Ci-dessous, deux documents : Jacques Mauclair dans les Chaises de Ionesco (mars 1976) et l'affiche du Gendre de Monsieur Poirier de 1899
23:23 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : théâtre, théâtre des célestins |
mercredi, 01 avril 2009
Avec un cri sauvage
Vous aimez vous, les gens qui font des farces un premier avril ? Ils sont un peu comme ceux qui font des cadeaux à Noël, hein, ou qui éteignent leur chez-soi quand tout le monde le fait à l’heure du passage à l’heure d’été, « pour la planète », comme ils disent. Bref. Cette habitude de se comporter en troupeau, après tout, rien ni personne ne nous y contraint et donc, pas de farces sur Solko aujourd’hui. Pas de farces. Mais comme le premier avril est malgré tout un petit événement, j’invite tous les visiteurs à le saluer en se recueillant pieusement la croisée de ces quatre chemins orientés en direction de ces quatre points bloguesques & cardinaux que voici, vers lesquels très souvent j’aime à me lancer. Et pour commencer, le Vaste Blogue du sieur Tanguy, à qui sont dédiées avec beaucoup de reconnaissance ces quelques lignes du caustique, fort nuancé et si délicat Alexandre Vialatte : « Il pleut, il neige, il fait soleil, l’agneau bondit à côté de sa mère, la poule pond déjà des œufs de pâques, les épinards sont magnifiques ; c’est le mois d’avril. Il surexcite l’esprit humain. C’est en avril que l’homme inventa La Marseillaise, le pôle Nord, le système métrique, l’hélicoptère et la Légion d’honneur. Le merle et le corbeau couvent leurs œufs verts. Jamais les prés n’ont entendu tant de chants d’oiseaux : l’aigle glatit, l’alouette turlute, le merle siffle et le pinson lance des fanfares, l’auvergnat appelle d’une voix rauque, le coucou coucoule et le ramier roucoule au loin. » (1) Un autre avril, bien plus ancien dans le siècle, et comme flottant en apnée au-dessus de tous les autres (à tel point qu’il n’est pas daté) est celui des Petits poèmes en prose de Léon Bloy. Je ne peux le dédier, celui-ci, qu’à l’un de ces esprits que j’ai rencontré par sa grâce (celle de Léon), par la vertu incomparable de la jouissive et spirituelle copie, j’ai cité Monsieur Pascal Adam de Theatrum Mundi : « C’est le mois de Pâques, le mois des arbres en fleurs, le mois des renoncules et des pamoisons de l’adolescence. Autrefois, il y a trente ou quarante ans, je me roulais sur l’herbe tendre en bramant vers l’Infini. Depuis, je n’ai rien trouvé dans le plat monde extérieur qui valût cela. Le Mont-Blanc m’a paru un trou et je me suis dégoûté des océans que tout imbécile peut franchir. Le Paradis Terrestre, l’Eden perdu, dont la récupération est l’effort de tout être humain, je ne puis le concevoir autrement qu’ainsi : une prairie de l’Annonciation pleine de pissenlits et de boutons d’or, sous de très humbles pommiers qui ressemblent à des confesseurs, et dont les rameaux chargés de calice ont l’air de baiser la terre ».(2)
Un troisième avril, situationniste, celui-ci, fut celui de 1951 ; à l’occasion du 4ème festival international du film à Cannes, Guy Ernest Debord taguait les murs de la ville du nom d’Isidore Isou, le réalisateur du Traité de bave et d’éternité présenté hors programme et soutenu par Jean Cocteau. Voici donc un extrait d’une lettre de Guy Debord de ce mois d’avril-là, dédié évidemment – comment pourrait-il en être autrement - à la dame agile et toujours décalée de Certains Jours, aussi intriguée par le nouveau monde que non-oublieuse de l’ancien, j’ai nommé Frasby : « J’ai appris qu’Isidore Isou bataillait pour faire passer un film lettriste (durée de projection : 5heures) qui doit révolutionner le cinéma, et que le Festival refuse. Il s’intitule : Traité de bave et d’éternité. Isou en a été réduit à faire appel à Maurois. Il y a quelque espoir. Hier au soir, Fillon et moi sommes repassés à l’offensive – avec de la chaux – inscrivant ISOU en de nombreux points de la ville et sur quatre bancs de la Croisette ». Albert Thibaudet (vous me voyez venir ?) signe ses articles pour la NRF le 1er de chaque mois. Il est donc relativement aisé de repérer ceux du 1er avril dans le gros volume in quarto dans lequel il réside. A la dame dont les mots sont tombés de l’éventail, et elle seule, je ne peux que dédier – car c’est justice - ces quelques considérations d’Albert sur le style, datée du 1er avril 1923, et tirées d’une réflexion sur Renan et Taine: « Mais un homme comme Renan n’est pas seulement attaché à son temps. Il faut aussi qu’il se détache sur son temps et qu’il se détache de son temps. L’originalité de l’homme, la valeur unique de l’artiste sont à ce prix. Cette originalité et cette valeur, elles se définissent par le style. Style personnel, cela constitue presque un pléonasme ; là où il n’y a pas personnalité irréductible un temps et, par un certain côté, étrangère à un temps, il n’y a pas de style. »
Il se trouve que depuis le début de l’année (scolaire s’entend), de ces quatre points, bloguesques et cardinaux comme en leur direction, Vaste Blogue, Theatrum Mundi, Certains Jours, Tombés de l’éventail, un vent amical et complice a souvent soufflé. Mais comment cette chronique sans évoquer les cochons mélomanes et devins de l’ami Porky qui, du fond de son tiroir, obstinément, revisite les opéras du temps jadis, les éclats de dire, coups de gueule et critiques théâtrales de Simone Alexandre, le lointain exil polonais des mots toujours justes de Bertrand Redonnet, les poèmes à la fixité vertigineuse de GMC, les billets à rebrousse poil de Lephauste sur Humeur Noirte, les analyses généreuses de Feuilly sur Marche Romane et les voyages historiques de Marcel Rivière dans les rues de Lyon. Bon je sens que si je continue, ça va finir par faire soirée protocolaire et on va croire pour le coup que c’est un poisson d’avril. Je n’oublie pas non plus Zabou, Rosa, la Zélie, Michèle Pambrun, tous ceux, toutes celles dont les commentaires tissent des liens, nouveaux ou anciens, réguliers, passagers ou épisodiques, Le Photon, Marc, Christophe, Antoine, Nénette… A tous je souhaite donc bonne pêche, bonne friture… Et bonne lecture par tous les chemins croisés qu’avril sèmera à foisons.
21:46 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : tadeusz kantor, théâtre, dada, kurt schwitters |
mardi, 31 mars 2009
Prince en Turakie
Vu hier soir, en guise de consolation à l’orgueilleux Hamlet de Claire Lasne-Darcueil, « La petite fabrique de pingouins » de Michel Laubu, prince en Turakie, au TNG. Il se peut bien, après tout, que ce «théâtre de l’objet », cette forme du théâtre pauvre, née de Dada et passée par Kantor, soit un lieu de renouveau où aller boire un peu de doute, quelques minutes de silence, un moment de recherche, une belle humilité, en ce début de vingt-et-unième siècle. Ici au moins, pas de texte à déconstruire, pas d'auteurs à écrabouiller, pas non plus de technologie : A chaque fois que le théâtre d’acteurs s’est perdu dans le simple divertissement, académique ou bourgeois, ou le ressassement du répertoire « subventionnel et conventionné », le salut est venu d’un détour par le rudimentaire, la solution a fusé d'un écart loin des formes trop connues qui sont celles de l’acteur : il y a une vertu indescriptible dans le théâtre de marioles : je pense aux derniers feux du drame romantique et du vaudeville sur un boulevard du crime à bout de souffle d’un côté, et aux marionnettes de monsieur Signoret de la galerie Vivienne de l’autre, dont Anatole France a dit à l’époque de si jolies choses. Je pense à Copeau face aux Comédiens du Français, à Charles Dullin se souvenant d’Antoine qui disait qu’au théâtre, la pauvreté devenait un art. Et je pense qu’au théâtre, un pantin qui ressemble à un homme m’émouvra toujours plus qu’un homme qui se met à ressembler à un pantin.
07:42 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : turak, turakie, théâtre, michel laubu, théâtre d'objets, petite fabrique de pingouins |
lundi, 30 mars 2009
Chronique des libres penseurs de l'ancienne France et des chrétiens d'aujourd'hui
Au commencement de l'Argent, Péguy a cette phrase extraordinaire, avec laquelle une part de moi n'a cessé d'être, depuis que je l'ai lue : "Les libres-penseurs de ce temps-là (vers 1880) étaient plus chrétiens que nos dévôts d'aujourd'hui (1913)" J'aime cette phrase et je l'ai beaucoup respirée, comme on respirerait un brin de mimosa ou de muguet, si juste. Avec gaieté, cette phrase proclame combien il est ridicule de s'affirmer de façon dogmatique comme étant un libre-penseur ou un chrétien, combien c'est même impossible quand en vérité, on ne peut être que de son temps. Je me souviens avoir mis 20 / 20 à un élève qui présentait ce texte difficile de Montesquieu, cette lettre du Persan Rica dans lequel l'astucieux bordelais fait dire à son personnage que le pape est un grand magicien... Tous les élèves passés par le moule dogmatique de l'enseignement secondaire vous diront qu'il convient de lire là une condamnation par Montesquieu lui-même de la Trinité et de l'Eucharistie (1)
"Ce que je dis de ce prince (le roi) ne doit pas t'étonner: il y a un autre magicien plus fort que lui, qui n'est pas moins maître de son esprit qu'il l'est lui-même de celui des autres. Ce magicien s'appelle le pape: tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu'un; que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce."
Or cet élève commença son introduction en me rappelant que Montesquieu était enterré en terre chrétienne, ce qui me fit tendre l'oreille, car des introductions de ce genre, on n'est plus habitué, n'est-ce pas, plus du tout ! Et donc qu'il avait sans doute quelques "scrupules à critiquer le dogme". Et qu'au nom de ces scrupules (je dis bien scrupules, car c'est un mot qu'on n'entend plus guère non plus dans les lycées), il avait placé cette offensive dans la bouche d'un Persan. Non pas "pour fuir la censure" ou "déléguer sa pensée à un étranger". Mais juste à cause du scrupule. Et que tout ce passage était à envisager selon "la poétique du scrupule". Mon candidat parlait ainsi comme Péguy. Bien sûr, "Les libres-penseurs de ce temps-là étaient plus chrétiens que nos dévôts d'aujourd'hui" Nos dévots d'aujourd'hui bêlent comme des singes face au camp d'en face qui bêle comme des chiens. Toujours dans L'Argent, Péguy note que le problème extrêmement grave que rencontre le pays à l'heure de la modernité, c'est sa déchristiannisation. Et, dit-il, ce n'est pas une affaire de curés, mais de générationsn qui passe. Le problème n'est donc pas qu'il n'y ait plus de curés. C'est que les boulangers, les instituteurs, les paysans soient moins chrétiens que ne l'étaient leurs pères. .
(1) Très peu seront en mesure de vous expliquer correctement ce que sont précisément la Trinité et l'Eucharistie
07:51 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : vialatte, péguy, littérature, libre-pensée, catholicisme, religion, montesquieu |