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samedi, 04 avril 2009

Le terrorisme de la cohérence

Plusieurs chemins conduisent à ma maison qui, c'est drôle, semble toujours, aux visiteurs qui les empruntent, n'avoir eu pourtant qu'un accès. Il n'importe. On entre. On s'installe dans la cuisine, et, sous la lampe à suspension encore tachetée du caca d'anciennes mouches, on s'installe sur des chaises en bois. Je n'ai connu ni l'acier ni le formica, mais simplement ce bois sombre et courbé qu'on trouve dans tous les bons bistrots. Il entre (le visiteur). Ou bien elle (la visiteuse). Tous n'ont pas la même chose en tête. Ni le même air. Certains viennent de loin. Ce n'est pas le même moment de la journée. Ni d'ailleurs le même jour. Ni parfois le même mois. Est-ce franchement le même lieu ? Sur cet écran, nous avons appris à nous passer de presque tout. Nous voici donc réduits à l'essentiel : notre langage. Il, elle, entre...

Là que font-ils ? Et moi, en retour ? Quel sentiment, au fond, nous attache à la lettre - qu'elle soit écrite ou lue, à la lettre seule qui n'est plus la même que celle manuscrite, encore moins que celle simplement dite (c'est comme le pain qui s'est rassis), et qui semble avoir virevolté puis s'être  figée sur la partition, même plus mouches, les lettres de l'écran sont comme pattes immobiles... Pourtant, lorsque nous traçions nos lettres sur le papier de jadis, l'encre faisait caca quelquefois, t'en souvient-il ? Sans doute est-ce cela que nous aimions, mais cette arabesque à présent si propre et si figée, mais cette ligne, mais ces lignes, ô lignes  : cherchez la tache ! Même là règne le terrorisme de la cohérence, pensée léchée sur lignes lisses, où rien, rien... - ne disent rien, les lignes. Ne disent plus rien ?   

Comment imaginer que le lieu où fut bâtie ma maison ne résonnât plus de véritables controverses ? Hardies et folles, aussi folles que hardies, aussi têtues que belles. Quand de ma maison je les regarde venir, je n'imagine pas que des visiteurs empruntant des chemins si divers puissent tous porter le même chapeau. Qu'ils n'imaginent pas, en retour, que j'aie sur moi, chaque matin, la même chemise. Des deux, laquelle est le plus détestable : L'incohérence ? Ou le terrorisme de la cohérence ?

 

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19:09 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : controverse, polémique | | |

Commentaires

Ah Solko, heureux temps que celui où les mouches faisaient encore caca!!!

Écrit par : Sophie L.L | samedi, 04 avril 2009

Bon, j'disais ça mais votre billet est extra, "précieux"donc, même!

Écrit par : Sophie L.L | samedi, 04 avril 2009

@ Sophie : J'aime bien votre premier cri du coeur !

Écrit par : solko | samedi, 04 avril 2009

Moi ce qui m'a fait rire parce que je suis quand même très bête c'est d'imaginer les curieuses émoustillées à imaginer d'abord vraiment votre intérieur... Ah ah...
Bon et puis après j'arrête un peu d'être bête et je trouve aussi que c'est un beau billet, qui dit de jolies choses vraies... Et riche d'enseignement pour qui veut écrire, car ce terrorisme dont vous parlez est un de mes démons intérieurs, sans grande surprise s'agissant d'une âme aussi brouillonne que la mienne.

Merci!


PS: Au fait Solko, j'ai lu il y a quelques jours la préface de Béraud à "Qu'as tu fait de ta jeunesse?", elle est très belle mais je la relirai et reviendrai dessus chez moi... Je crois deviner aussi une des raisons de mon "appréhension" à entamer cette lecture. Au calme des vacances qui arrivent, je lirai ce livre au jardin de Saintes que j'aime beaucoup, où la jeunesse parlait à mon âme contemplative.

Écrit par : tanguy | samedi, 04 avril 2009

A la question : " Des deux, laquelle est le plus détestable, l'incohérence ? Ou le terrorisme de la cohérence ? "

Je répondrai sans hésiter : le terrorisme de la cohérence car il sous-entend une tricherie avec soi. Nos incohérences n'étant pas préméditées font plus souvent notre richesse.

Écrit par : simone | samedi, 04 avril 2009

"Pensée léchée sur lignes lisses" : c'est que, Solko, même si on vient dans votre cuisine en voisine, avec juste le jardin à traverser, et qu'on y descend en pyjama dans cette cuisine comme on ferait chez soi, on prend quand même soin de choisir le pyjama le plus potable, le moins cucul, parce qu'on n'est pas seule dans cette cuisine : y'a toute la famille, parfois tout le quartier, et les fenêtres sont toujours grandes ouvertes !

Écrit par : michèle pambrun | samedi, 04 avril 2009

Puisqu'on n'a rien contre les cacas de mouches et qu'on se fout de la cohérence, on peut peut-être envisager que le billet "Le dernier franc" soit réitéré sans tenter de récupérer les commentaires (sinon le branlebas va recommencer, les navigateurs vont encore confondre les indes et les amériques). Lesquels commentaires pourraient venir se récrire pour les petits camarades qui n'ont pas pu les lire sous le billet tombé dans un trou blanc. C'est clair ou c'est trou bleu ma propositon ?

Écrit par : michèle pambrun | samedi, 04 avril 2009

J'aime bien cette idée : "Sur cet écran nous avons appris à nous passer de presque tout ; Nous voici réduits à l'essentiel : notre langage."

Écrit par : michèle pambrun | dimanche, 05 avril 2009

...Et moi je n'aime pas cette idée Michèle! il nous manque cruellement tout le reste, je le ressens très souvent; et l'absence du visages, des voix, de la réalité... ben... charnelle des uns et des autres, me gêne terriblement!!!

Écrit par : Sophie L.L | dimanche, 05 avril 2009

M'est avis Sophie que certains réaliseront ce voeu de la rencontre de visu, dans un certain café, un certain 24 avril (date aussi de la sortie en librairie du "Zozo" de Bertrand).

Moi si j'y étais dans ce café, eh ben je resterais tranquillement dans mon coin sans rien dire et sans en perdre une miette, de la conférence et tutti quanti.

La voix, le visage, la réalité, sont là depuis le début comme ils sont dans tous les livres et les morts qui nous constituent.
Ceci dit ce serait pas rien de boire un coup tous ensemble, évidemment !

Écrit par : michèle pambrun | dimanche, 05 avril 2009

en vieux norrois, le mot rune signifie mystère^^

Écrit par : gmc | mardi, 07 avril 2009

En vieux norrois, là où le mystère trouve une cohérence.

Écrit par : solko | mardi, 07 avril 2009

Les commentaires sont fermés.