vendredi, 06 juin 2008
Marrons de Lyon
Le 9 janvier 1912 paraît chez Grasset une première série de nouvelles, écrites par Henri Béraud, en collaboration avec Charles Fenestrier, et titrée les Marrons de Lyon L’expression provient en droite ligne une chronique que les deux journalistes tiennent dans Le Septième Jour, une feuille hebdomadaire satirique dont Fenestrier, aussi nommé Hop-Frog, est le directeur. Il s’agit d’épingler des personnalités locales, de relever des faits divers significatifs de la semaine, de débusquer les contradictions, les ridicules, la vanité de la vie mondaine à l'orée du nouveau siècle.
En jouant sur la polysémie du mot marrons (les châtaigniers sont nombreux dans la ville), les auteurs donnent le ton dès leur invocation préliminaire et propitiatoire : « O lyonnais, grands hommes immobiles et majestueux, que nos modernes Cineas prennent pour une assemblée de rois, nous savons votre horreur de la publicité…Deux insensés forcent votre immense incognito » Il s’agit d’exposer « aux étonnements de nos contemporains » les « visages tout nus » des lyonnais, « cohorte de sots et de tartufes. ». De cogner dur et pour de bon. Et puisque Edouard, Herriot, le jeune maire de Lyon, confondant la reconstruction de sa capitale assoupie avec le fondement d’une nouvelle Athènes se prend pour Périclès, les deux compère usent d’une arme antique qui, entre Rhône et Saône, demeure un gage de sa bonne santé républicaine en temps de paix : l’épée de la polémique.
Vingt-et-une nouvelles promènent leur lecteur d’une réunion électorale dans l’arrière salle d’un café au siège de l’Automobile Club du Rhône, du foyer du Grand Théâtre à la salle minuscule du père Coquillat, (1) de la Faculté Claude Bernard qui borde le Rhône à la salle des Pas perdus du Palais de Justice que longe la Saône. Toute proportion gardée, ces vingt et une nouvelles seront, pour leurs deux auteurs ce que fut pour Joyce les Gens de Dublin : un galop d'essai réussi. Dès l'avertissement de leur "Gens de Lyon", les folliculaires déclarent adopter le point de vue de Steyert, de Tisseur ou de Vingtrinier, c’est à dire celui des littérateurs érudits de la génération précédente, les "pères" qui ont, dans chacun de leur livres, contribué à tisser la légende de "l'âme lyonnaise". Au nom de « l’amour de Lyon », les deux acolytes vont donc se livrer à une entreprise de démystification en bonne et due forme : Les Marrons de Lyon proposent, en pastichant la méthode du Lyon de nos pères, d'en prendre le contre pied idéologique. Ils dressent un tableau caustique du Lyon des fils, singulièrement dépourvus d’âme comme d’esprit, de charité comme de lyrisme, de sentiment comme de culture. Aimer Lyon, ce n’est donc pas travestir en particularisme local la banalité de ses préjugés et de ses vues, c’est au contraire mettre à nu le conformisme prude et marchand qui, scandaleusement, y sert de sagesse :
« La moindre originalité est crime aux yeux des lyonnais. Ils conspuent les femmes élégantes et laissent crever de faim les artistes pour les mêmes raisons. Quand un bourgeois d’ici veut accabler quelqu’un de son mépris, il dit : c’est un original. Non, mais regardez-moi ce cortège, Monsieur : ils se ressemblent tellement qu’ils ont l’air de porter pour uniforme la livrée de l’Ennui. »( L’étrange rencontre)
Aimer Lyon, ce n’est pas magnifier avec complaisance l’académisme de sa culture marchande et industrielle, c’est tout au contraire dévoiler publiquement la prétention ridicule et la sottise sans fonds de son élite : « Il y avait aussi M. Georges Martin, désolé qu’on ne jouât point Sigurd, et M. Verpillat, qui pleurait dans le giron de M. Aurand-Wirth l’agonie des orphéons. Sur un fond d’or, M. Leroudier portait le masque d’un Van Dyck comptable et M. Degors le facies d’un Brutus hépatique. M. Clapot poussait son ventre débonnaire. Un ennui mortel engourdissait ces personnalités diverses, qui n’avaient plus rien à dire, ni à faire, s’étant dûment congratulées. Soudain la sonnette retentit. La salle ouvrit à deux battants ses portes, où la foule s’engouffra. Le deuxième acte commença, et tout ce petit coin d’univers se tut, se retint de remuer, de respirer, de souffler, afin de juger avec plus d’impartiale quiétude le ténor, le baryton, la chanteuse. Et tout va son train dans la bonne ville de Lyon. » ( L’Africaine, troisième nouvelle)
Aimer Lyon, enfin, ce n’est pas taire les conflits qui la traversent, vanter niaisement la bonhomie de ses coutumes, c’est dénoncer tant qu’on peut la dureté des mœurs des soyeux, louer la jovialité de son peuple et ressusciter une tradition satirique qui soit digne, au moins, du premier Guignol de Laurent Mourguet. A la façon de l’héméraphile, maniaque qui collectionne anecdotes, croquis et faits divers contemporains, les narrateurs saisissent en flagrant délit d’insignifiance ou d’insipidité tous leurs illustres compatriotes, dont ils citent par ailleurs les véritables patronymes avec une minutie clinique. Leurs pères étaient, affirme la légende, dignes de mémoire ; sont-ils, eux, digne d’intérêt ? Ridiculiser les mœurs locales en retournant contre eux la méthode qui les a érigés en mythes, tel est le principe et la signification de ce premier essai. Vifs et comiques, les tableaux s’enchaînent : « Autour de nous ne se trouvent que visages convulsés, bouches béantes, têtes, bras et jambes épileptiques. Les honnêtes dames poussent de grands cris de bonheur et leurs amis crient avec elles. Le parterre et les loges sont soulevés d’une même frénésie ; on s’interpelle, on se provoque, on excite les matcheurs, on brandit des chaises et des cannes, et les messieurs graves, eux-mêmes, congestionnés et farouches, hurlent plus fort que les autres. Dans les galeries roulent les trépignements d’enthousiasme : la Terreur de la Guille et le Vampire des Charpennes « reconnaissent leur sang dans ce noble courroux ». Et c’est un merveilleux unisson de passions déchaînées ». (Sports, onzième nouvelle)
La rhétorique au service du reportage : car ces croquis en sont déjà, à leur façon. Les terrasses, les salles de café, les rues, les visages et les habits, tous ces lieux anodins, inlassablement saisis dans leur instantané, leur monotonie, finissent par former un contraste comique avec la rhétorique convoquée pour les dépeindre. L’historiographe se trouve mise à mal par la platitude du sujet traité et toute la légende du Lyon mystique s’évapore peu à peu dans causticité du propos : « Les spirites parlent souvent de photographier la pensée. Voici, mon cher monsieur, du spiritisme à la portée de toutes les bourses et de tous les cerveaux. Ce que je tâche à réunir, sans médium ni table tournante, c’est en somme, si vous me passez cette expression sternutative, une collection de photographies psychiques : l’âme de nos contemporains, dans une tache d’encre, sous le soleil : » (Un héméraphile , quatorzième nouvelle)
A ces scènes vues et glacées sur le vif, qui restituent toute l’ambivalence de l’urbanité régnant à cette époque, se mêlent des scènes loufoques et imaginaires, comme la fondation de la Société des Meilleurs Peintres de Lyon, soirée de réconciliation entre peintres, critiques et politiques, qui s’achève en pugilat et laisse sur le tapis les cadavres de ses trois organisateurs. La démystification vise à mettre à nu autant l’académisme de l’éloquence que la démagogie du discours politique, comme en témoigne le long et grotesque discours d’une réception fictive de Raoul Cinoh (2) à l’Académie de Lyon prononcé, par M. Exupère Caillemer (3): « Nous avons longtemps hésité à prononcer en votre faveur le dignus est intrare qui fait à cette heure, du petit nyonsais que vous étiez en 1880, un lyonnais digne de mémoire et qui marque votre place parmi cette galerie de bustes où resplendissent les nobles visages des Raspail, des Ballanche, des Meissonier et des Brunard. Les temps sont changés. Les raisons mêmes qui nous contraignaient naguère à vous ignorer nous font un devoir de vous appeler parmi nous. Le flot démocratique gagne tous les mondes, et singulièrement celui des bourgeois, dont nous sommes à Lyon les représentants incontestés. Nous n’aimons pas la plèbe, mais nous la tolérons, et nous n’en saurions donner une preuve plus éclatante que d’admettre celui dont le talent réalise le mieux les désirs, le goût et les aspirations du faubourg. Le peuple lyonnais tout entier, Guignol et sa tavelle[9], Gnafron et sa chopine, les jouteurs, les mutualistes, le Denier des Vieillards, le Village en Bois, les Rigolards danseurs, les Branquignols, les Guillemochains et les Panouflards même, pour ne rien dire de plus ; toute la population sordide de la Guille et celle, goguenarde, du Plateau, les canuts, les mitrons, les clarinettistes, les voituriers, les bandagistes, les ronds-de-cuir et les marchands de fromages entrent à l’Académie à vos côtés, et c’est faire montre, je pense, d’un esprit moderne que recevoir tant de monde en un seul jour… » (Soirée Académique, dix-neuvième nouvelle)
Une réalité trivialement bourgeoise, tristement démagogique et partout régnante, en lieu et place de l'aristocratique, historique et fort digne de la fameuse "Ame de Lyon"… Comment le public de l’époque pouvait-il réagir ? Car si la déconstruction d’un motif littéraire devenu aussi académique que stérile était indispensable à celui qui pressentait déjà son destin d’écrivain national, la bourgeoisie locale de l’époque pouvait-elle lui pardonner qu’elle s’opérât publiquement, et de surcroît, à ses frais ? Le différend entre Béraud et une partie de ceux qui le jugèrent durement plus tard commençait. Il se prolonge encore aujourd'hui, puisque une municipalité qui prétend être sacrée en 2013 "capitale européenne de la culture" s'apprête à faire l'impasse sur le cinquantenaire de la mort au bagne, en ocotbre 1958, de l'un de ses plus illustres écrivains.
1. Bibaste, alias le père Coquillat. Canut et comédien. De 1831 à 1915, le Père Coquillat fut le très populaire directeur du théâtre de la Gaieté sur les pentes de la Croix Rousse, rue Diderot.
2. Raoul Cinoh (anagramme de son réel patronyme, Chion) : Journaliste républicain effectivement né à Nyons, qui écrivit avec succès plusieurs revues ( Passons le pont, Ohé le gones, Perrache-Brotteaux), lesquelles furent jouées au Casino, à l’Eldorado, aux Célestins.
3. Exupère Caillemer : Directeur de la Faculté de droit depuis 1875, correspondant de l’Institut, membre de l’Académie de Lyon
14:22 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, béraud, lyon, herriot, culture, nouvelles |
lundi, 02 juin 2008
Jules Sylvestre
La bibliothèque municipale de la Part Dieu a mis en ligne quelques-unes de ses collections patrimoniales et régionales : soit 30 000 images « prêtes à voir », issues de plusieurs fonds anciens et régionaux d'estampes, d'affiches, de photographies, ou d'enluminures de toutes sortes...). Parmi elles se trouve le fond Jules Sylvestre, qui se compose d’environ 4500 vues concernant Lyon et Villeurbanne, durant une période qui s'étend de 1850 à 1950.
Photographe lyonnais né en octobre 1859, Jules Sylvestre avait ouvert en 1892 un atelier photographique au 23 cours de la Liberté, qui émigra six ans plus tard non loin de là, au 2 rue de Bonnel.
Dès le tournant du siècle, il fut, contacté par la Commission municipale du Vieux-Lyon, composée d'une vingtaine de bibliophiles et d’érudits lyonnais, afin de les aider à conserver « par l’image et la description » le souvenir des maisons, monuments et quartiers artistiques appelés à disparaître en raison du remaniement industriel subi par la cité. En parcourant du regard les vues ainsi mises en ligne, on peut ainsi aisément se rendre compte du bouleversement considérable que représentèrent les grands travaux d’urbanisme effectués à partir du Second Empire et réalisés à la mode hoffmannienne, sous l’impulsion du tout-puissant et impérial préfet d'alors, Claude Marius Vaïsse : d'un côté surgissent à nouveau les anciens édifices promis à la démolition, d'un autre on voit s’élever les nouveaux, en construction.
Et d’un siècle à l’autre, Lyon tourne ses pages.
08:52 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, culture, lyon, jules sylvestre, vieux lyon |
dimanche, 01 juin 2008
La loge du change
Lorsqu’il prononça son mémoire pour l’Académie Royale d’Architecture, le 28 juillet 1778 , Soufflot rappela à son auditoire les quelques règles dont le respect assure le succès à tout architecte de bon sens : règle d’utilité, qui détermine le rapport du bâtiment à l’usage qui lui est imparti, règle de solidité, seule garante de la sécurité des gens appelés à le fréquenter, règle de convenance, qui insère l’ouvrage dans le paysage, règle de symétrie qui confère à l’édifice son unité et sa beauté. Il est un monument qui m’a toujours plu et qui correspond bien, me semble-t-il, à cet équilibre recherché par l’architecte des Lumières, c’est la Loge du Change, sur la place du même nom, dans le cinquième arrondissement à Lyon.
Depuis le début du XVIème siècle, marchands toscans et milanais avaient établi à Lyon le commerce de l’argent ; comme partout en France, ces opérations financières se traitaient en plein air, d’abord sur la place de la Draperie, puis sur celle « des Changes » ; le roi Henri II ordonna en 1551 qu’une maison commune fut bâtie « en laquelle se pourrait aisément faire belle court, trois galeries découvertes, une grande salle de vingt cinq toises de long sur huit et demi de large, 36 magasins, des boutiques et des logements…». Projet ambitieux. Projet d’autant plus ambitieux que cette ordonnance n’était accompagnée d’aucun plan de financement. Elle, n’eut donc le bonheur d’aucune suite immédiate ; mais l’idée d’une place publique et d’une loge pour le commerce d’argent fit son chemin. Henri III, en 1584, fit élargir la place du Change en abattant quelques maisons. De cette époque datent les premières galeries couvertes pour le change. Le même Henri III commanda, un peu plus tard, le projet d’une loge pour les marchands, inspiré des plans de l’architecte Serlio. La loge du Change, telle qu’elle se présente à nous aujourd’hui fut finalement construite par Soufflot, de 1748 à 1750, avant de devenir en 1803 un temple protestant. « Ce si joli monument bâti par Soufflot et dont on admire la belle façade si pure en lignes », écrit à son sujet Antoine Rivoire. « Edifié sur un perron à plusieurs marches, le bâtiment est d’un style simple, renchérit le baron Raverat, pur, élégant, à un seul étage percé de cinq fenêtres séparées par de jolies colonnes engagées.» C’est peu dire. Léon Boitel n’en touche mot dans Lyon vu de Fourvières de 1833, pas davantage Monsieur Josse durant ses promenades de 1887, ni Emile Baumann, dans Lyon et le Lyonnais de 1934. Les proportions de ce discret bâtiment sont pourtant très belles, qui allient à la fois les règles de sécurité, d’utilité, de symétrie, de convenance et de goût, selon l’idéal dont Soufflot se prévalut. Je conclurais pour ma part en disant que, de tous les monuments lyonnais, c’est peut-être le plus agréable à dessiner...
00:49 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : architecture, lyon, soufflot, culture, loge du change |
lundi, 19 mai 2008
Les lyonnais au 7ème ciel
Le slogan est facile ; le jeu de mots est idiot. Pour une manchette du Progrès, une première page de l’Equipe, passe encore. Passe encore. Titre régional, titre sportif, tous deux amis des piliers de bistrots et de ce genre d’approximations : pourtant, être citoyen, désormais, cela se décline-t-il sur le même ton qu’être supporter ? C’est bien, en effet, sur les panneaux d’affichage municipal électroniques que la phrase tourne en boucle : LES LYONNAIS AU SEPTIEME CIEL ; là où d’habitude sont annoncées les permanences de mairies et autres renseignements : monsieur Collomb, jusqu’à quel point prenez vous vos électeurs, et tous les autres pour des cons ?
Dans le vestiaire de l’OL, samedi soir, à Auxerre, Cris et ses copains répandent comme du foutre le champagne de la victoire par bouteilles entières sur le carreau. Vision inquiétante du mâle heureux, du champion qu’on est, s’il faut en croire la parole sainte de la chanson. Tout à coup, le visage rond et les yeux globuleux du président Aulas, annonçant par la porte entrouverte à tous ses joueurs : « si samedi prochain, vous gagnez la coupe de France, je vous offre une décapotable à tous »… « Je vous offre une décapotable… » Et pourquoi pas une belle petite pute en prime ? Ah, les vraies valeurs du footballeur, les voilà donc, la belle nana et la belle caisse, les bonnes valeurs citoyennes des salariés en milliers d’euros... Et tous, donc, dans ce vestiaire de milliardaires, tous ces héros qui ont propulsé chaque Lyonnaise et chaque lyonnais à parité égale – parait-il - « au septième ciel », tous de se mettre à brailler brailli-braillant et tous en chœur : Président, président…, tout en faisant encore gicler le contenu des bouteilles de champagne tout autour d’eux, et sur le col de la veste de Jean Michel.
Autre image, tout aussi ahurissante, celle d’un pauvre mec d’une trentaine d’années perdu sur les tribunes lensoises de cette dernière journée de championnat, qui tombe en pleurs, oui, vous lisez bien, en pleurs. Parce que, oui, figurez-vous, Lens, un club historique, le club des ch’tis, savez-vous pas, Lens, eh bien Lens est pour de bon relégué « dans l’enfer » de la Ligue 2. Et voilà que, soudain, un petit gamin -six ou sept ans pas plus- ce petit gamin prend ce qui doit être son père et dont la poitrine est tout brisé de sanglots incompréhensibles et horrifiants dans ses bras pour le consoler comme il le peut : un monde à l’envers. Et voilà qu’on comprend comment la passion du foot vient aux pauvres gosses, me direz-vous… Dernière image, pour achever d’horripiler les irréductibles, en prélude de ce qui nous attend avec l’Euro et la putain de liste de Domenech : En Chine, cette fois-ci. En Chine. On compte les morts au fur et à mesure qu’on les découvre, un à un, les morts, une à une, les dépouilles, on les aligne, on les recense, on les couvre, et puis on désinfecte. . Cela en fait de bien beaux reportages, n’est-ce pas monsieur PPDA, n’est-ce pas monsieur Pujadas… Félicitations au membres du gouvernement chinois puisque, au contraire des vilains dirigeants de Birmanie qui refusent l’accès aux occidentaux, sont pour une fois « transparents » : Ah, cette mondialisation des Droits de l’Homme par le sport, les médias et l’économie, un septième ciel, n’est-ce pas ! Et c’est au nom de ce septième ciel que nous devons tous nous réjouir, enfants, femmes et hommes de cette Terre ravagée, surpeuplée, et pourtant joyeusement indifférente, parce que, proclame un speaker dans toutes les langues, sur ces images de désolation : la flamme olympique va passer….
20:26 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : lyon, championnat, politique, foot, aulas, collomb, domenech |
dimanche, 18 mai 2008
La vierge de Fabisch
Mardi 27 mai à dix-huit heures, un événement à la fois insignifiant et extraordinaire se produira à Lyon : la fameuse Vierge dorée de Fabisch, qui trône sur le toit de la chapelle de Fourvière, sera descendue de son haut socle et placée pour sept à huit mois sur le parvis de la basilique ; une estrade est déjà en place pour l'accueillir. Hugues Joseph Fabisch (1812-1886), sculpteur aixois, professeur à l'école des Beaux-Arts de Lyon avait été lauréat d'un concours qui rassembla en son temps trente concurrents. Représentée en Immaculée Conception, couronnée, les bras ouverts et sans l'enfant Jésus, cette Vierge de 5,60 mètres est familière à l'œil de tous les habitants de la capitale des Gaules. Son inauguration, le 8 décembre 1852, fut à l'origine de la fête des Lumières (Illuminations). Sept à huit mois, ce sera donc le temps nécessaire pour les travaux de restauration. Durant ce temps-là, on ne la verra donc plus trôner là-haut, surplombant le paysage face au levant tel un santon doré, de quelque point qu'on regarde « la colline qui prie ». En revanche chacun pourra la contempler de près, en empruntant à pied le chemin du Rosaire ou en prenant le funiculaire, ce qui, depuis cent cinquante ans qu'elle domine le site, était impossible.
18:02 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fourvière, fabisch, lyon |
lundi, 21 avril 2008
Le Père Coquillat
Les illustres disparus ont leur plaque commémorative pour se rappeler à la mémoire des badauds. Si vous vous promenez à Lyon, dans le premier arrondissement, vous en trouverez-une au 7 de la rue Diderot (à l’endroit où ça grimpe) qui, en substance, raconte cela :
« Ici a fonctionné le Thiatre lyonnais de la Gaieté créé par le Père COQUILLAT (1831-1915). AMICAL COQUILLAT EN SOUVENIR »
Un vieux prospectus, à présent : Théâtre de la Gaîté – 7 rue Diderot Dimanche 2 mai – Pour la première fois à Lyon, le plus grand succès de l’Ambigu : LA MOME AUX BEAUX YEUX - Drame en six tableaux… Suit le détail des tableaux du mélodrame populaire : « Une égarée – La nuit sinistre – Le rapide de Mulhouse – Folie d’Amour – Ce qu’on voit à travers une fenêtre. Les fleurs poussent... »
Une centaine de personnes se coudoient dans la salle, les jours où son propriétaire a fait le plein. Une galerie, au-dessus, en supporte cinquante autres. Une petite scène, la rampe éclairée avec des becs de gaz que le patron des lieux venait parfois régler en cours de spectacle. Neuf toiles de fond pour les décors, huit trappes pour les effets spéciaux. Le chahut est fréquent dans l’assistance où tout le monde se connaît car tous sont gens de la Colline ou du Plateau.
Maintes-fois le Père Coquillat doit suspendre la représentation.
A l’entracte, il rappelle « qu’on est prié de pas pisser dans la cour ».
Description qu’en fait Henri Béraud en 1912 (Marrons de Lyon, « Théâtres à côté ») :
« Le Père Coquillat est un vieillard sec et droit. Il s’exprime d’une voix claire et trainante, avec de pittoresques locutions, en bon canut qu’il est. Car l’art dramatique, auquel il a pourtant dédié sa vie, n’est pour lui qu’un accessoire : le père Coquillat n’a jamais cultivé les planches qu’en amateur, à temps perdu. Son métier de tisseur est là, derrière son théâtre, et le bistenclac en retentit pendant les longues laborieuses. Seulement, chaque soir venu, le canut se fait impresario. Il pose sa navette et d’un pied de jeune premier, court au-devant des enthousiasmes populaires… »
Et de fait, tous les mélodrames et tous les vaudevilles du célèbre Boulevard du Crime parisien sont passés par la modeste scène de la rue Diderot : Les Deux Orphelines, La Porteuse de Pain, La Tour de Nesle, Le Bossu, Le Chevalier de Maison Rouge, Les Pirates de la savane, Julie ou la Fille du marchand de coco, Michel Strogoff, et même Ruy Blas... Répertoire d’un peuple et d’une époque. Né un an tout juste après 1830, sa bataille d’Hernani et sa Révolution de Juillet, le Père Coquillat, en homme pas pressé et toujours un peu décalé, mourut un an après 1914, le suicide de l’Europe et du « monde d’hier », comme l’entend Stefan Zweig. Le vieux théâtre des canuts d’antan demeure, comme un reliquat auquel on n'ose toucher, car on ne sait trop qu'en faire. Alors la mairie du 1er arrondissement de Lyon en a fait une salle municipale dans laquelle elle héberge des associations et tient des conseils de quartier. Patronage.
Quelques mots savoureux du peintre Pierre Combet-Descombes qui, durant son adolescence, fut un spectateur assidu des productions du père Coquillat : « Vrai théâtre populaire, dans lequel jouaient les gens du quartier, ouvriers ou employés de magasin, un public de vrais gens»
Vrai théâtre populaire ...
En ces temps-là ...
Sur le père Coquillat, d'autres informations ICI
10:14 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, théâtre, lyon, marmite colbert, coquillat |
vendredi, 04 avril 2008
François Auguste Ravier
« Assez grand, assez gros, jadis blond, aujourd'hui grisonnant 65 ans - enfance maladive, le culte de la mère, l'amour de la sœur. La mère et la sœur ont commencé à faire battre ce petit cœur, culte aujourd'hui bien tombé, hélas ! Illusions dont j'ai vu le fond... »
Ainsi se dépeint François Auguste Ravier, né le 4 mai 1814, dans une missive qu'il poste à son ami le photographe Thiollier (lequel sera son premier biographe) en 1880, quinze ans avant sa mort. Auguste Ravier naquit à Lyon au 18 rue de la Poulaillerie (actuelle rue Lainerie, dans le quartier de Saint-Paul à Lyon).
Son père, un fils de notaire devenu artisan confiseur, le destine très tôt au droit. Après être passé par le petit séminaire des Minimes de Lyon et le collège Saint Thomas d'Aquin à Oullins, Ravier obtient le baccalauréat et s'installe à Paris en 1814. Figure parfaite du provincial balzacien exilé au cœur du septième Cercle de l'Enfer, il compose quelques poignants et langoureux poèmes et avoue à son confesseur, l'abbé Gonin : « Je suis bien seul, ici. Bien étranger »
Bien vite, il devient un disciple de Lacordaire, dont il écoute régulièrement les causeries et les sermons à Notre-Dame. Il admire avec ferveur Lamartine (« je suis bien sûr que vous direz avec moi : c'est beau ! c'est sublime ! c'est bien Lamartine ! ») et commence à griffonner des croquis durant ses errances au cœur des rues, des places, des ruelles et sur les ponts parisiens. En mars 1839, après une année morose durant laquelle il se brouille plus ou moins avec ses parents, il présente deux tableaux au Salon (« Cette exposition n'a pour but que de vous prouver par d'autres témoignages que le mien et ceux de mes maîtres que j'ai travaillé, que j'ai fait des progrès... ») qui les lui refuse. On a d'ailleurs perdu la trace de ces deux œuvres de jeunesse.
Il devient l'ami de Corot, et s'exile plusieurs fois à Rome (1840-1842; 1844-1848). De retour à Lyon, il se marie en 1853 (janvier, février ou mars, on ne sait pas) avec la fille d'un marchand de vieux fer, Antoinette Dessaigne. Le couple s'installe non loin de Lyon, à Crémieux.
Là, Ravier devient peu à peu un maître estimé, reconnu et visité. Chaque année voit naître un enfant, et s'enrichir l'œuvre du peintre. En 1864, le peintre perd son père. Trois ans plus tard, il s'installe définitivement à Morestel, dans une très belle demeure dauphinoise qui surplombe la ville, dans laquelle il séjourne jusqu'à son dernier souffle, le 26 juin 1895.
Ravier est célèbre pour avoir beaucoup arpenté la campagne dauphinoise, dans laquelle il devient peu à peu excellent chasseur. Marcheur infatigable, il épie les variations de la nuance d'heure en heure sur les étangs, il "note des crépuscules en fleurs, écrira Béraud, "ne sortant que le matin, à l'aube, ou quand, à la tombée de la nuit, le paysage dauphinois se noit dans une brume violette et que les arbres, les chemins, les enclos semblent se recueillir dans le silence reposant du soir." "Je travaille à mort, écrit Ravier pour sa part, de la lumière, ça vient ! Je commence à être content de moi". Ses recherches sur la lumière et les brumes, en effet, le rapprochent de ses grands maîtres, Delacroix et plus particulièrement Turner, qu'il avait connu et toujours admiré. "Je ne puis offrir à mes hôtes que la bonne volonté, la bonne foi d'un homme sincère mais un peu morose et misanthrope, aimant plus à rêver qu'à rire, avare de son temps pour le donner plutôt à la nature et au travail qu'à la charge et au divertissement...", écrit-il à propos de lui-même en octobre 1879. La quête d'Auguste Ravier dérive lentement vers une exigence d'incandescence (ci-dessus, "coucher de soleil sur l'étang") qui n'a plus grand chose à voir avec les travaux académiques effectués à Rome (plus haut Les pins parasols). Ravier est un peintre en mouvement, bien plus que le peintre d'un mouvement ou d'une école. "Pas homme du monde du tout = Ahuri et bête comme une oie dans un salon". Des travaux de Rome à ceux de Morestel, de l'académisme des jeunes années à la lumineuse quête des dernières, alors qu'il finira aveugle, ce peintre incarne un itinéraire et une passion de voir qui est le propre des vivants:
« Et je passe la vie sans jamais m'ennuyer, après la peinture, il y a les livres - les anciens avant tout. Je laisse la foule applaudir Offenbach. Je ne crois guère à l'amitié, j'ai perdu la foi, je ne crois plus à l'amour, la nature reste, c'est suffisant = c'est encore l'Infini... »
08:25 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lyon, ravier, peinture, romantisme, impressionnisme |
lundi, 10 mars 2008
Maires de Lyon
Lyon garde ses maires lorsqu'ils sont lyonnais et ne font pas trop de remous sur le plan national : ce qu'on leur demande, c'est de la discrétion. De la bonne discrétion, alliée à de la bonne efficacité. Gérard Collomb, opposant socialiste historique à Francisque Collomb puis à Michel Noir, intronisé parmi les notables inoffensifs sous le mandat de feu Raymond Barre, a gravi une à une toutes les marches qui l'ont conduit à cet Hôtel de Ville dans lequel il siège depuis déjà un septennat. Comme Henri IV, dont la statue équestre confère à la façade de la Maison commune, place des Terreaux, l'élégance d'une patisserie bavaroise, il doit se dire qu'après tout Lyon vaut bien une loge ! 52,9 % dès le premier tour ! C'est historique, titre Le Progrès local, qui ne mâche jamais ses mots. Edouard Herriot lui-même, dont le tombeau à l'esthétique stalinienne fait l'angle droit quand on pénètre dans le paisible cimetière de Loyasse, n'y était, en cinquante années d'un règne sans partage, jamais parvenu une seule fois : Est-ce dû au propre génie de Collomb ou à la nullité crasse de Perben ? Un peu des deux, sans doute, un peu des deux. Gérard Collomb a la carne salée d'un rusé pragmatique. Guignera-t-il, pour imiter Edouard le Bel, une carrière nationale ? Lui qui, comme l'auguste Précurseur, fut tout d'abord agrégé de Lettres ? C'est peu probable. Autre temps, autres moeurs : Gérard préfère jouer la carte d'une sorte de régionalisme européen, un peu à la façon d'Aulas, l'Agrégé de Foot Local. Eliminé à nouveau de la Ligue des Champions, l'OL demeure sur "la voie royale" (autre titre du Progrès) pour un septième sacre en Ligue 1. Tudieu ! Ce dimanche 10 mars 2008 aura été, décidément, le jour du conservatisme le plus intransigeant : On reconduit le maire, on reste le boss du championnat. Perben n'a plus qu'à aller pleurer dans les bras de Juppé, l'entraîneur municipal de la mairie de Bordeaux. Désagrégé, pour sa part.
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lundi, 28 janvier 2008
Au juge Onofrio
On croit se douter d'après des rapports de police que Guignol naquit le 24 octobre 1808, dans un café de la rue Noire, à Lyon. C'est pourquoi la ville de Colomb et d'Aulas s'apprête à célébrer le bicentenaire de l'illustre marionnette à gaine. Cela dit, cette date de naissance est purement arbitraire (Guignol serait-il donc balance ?), car nul ne sait avec précision quand au juste l'accent canant de son créateur Laurent Mourguet (1769-1844) se fit entendre sous sa robe pour la première fois entre Rhône et Saône. De même les premières pièces de Guignol sont-elles définitivement perdues. Il fallut attendre 1860 pour voir réuni en deux volumes un premier répertoire lyonnais de Guignol, grâce à la patience d'un spectateur averti qui, au sortir du théâtre, recopiait de mémoire les répliques qui fusaient. Guignol, à priori, n'aime pas les juges; eh bien c'est à un juge du nom d'Onofrio qu'il doit pourtant la survie éditoriale de ses premiers textes. Du texte original, vraiment ? Le sel de la Gaule abondait en trop grande part, confesse le juge Onofrio (1814-1892) dans la préface de l'édition de son premier théâtre de Guignol(Scheuring, Lyon, 1865) aussi, en digne borjois, a-t-il jugé bon d'en retirer tout ce qui lui paraissait trop licencieux. A quoi ressemblait ce premier théâtre de 1808 ? Impossible à dire. Il se peut bien que ce bi-centenaire, par conséquent, soit celui d'une légende. Qu'importe.
Au contraire de Mourguet, dont le visage était rond ( voir croquis ci-contre) le visage d'Onofrio était sec. Le juge Onofrio fut à la fois une bénédiction et une malédiction pour Guignol : si d'un côté il tirait en effet de l'oubli le répertoire initial, dont le premier Déménagement, d'un autre, il en transformait vilainement l'esprit. On peut se demander légitimement ce que serait devenu par exemple Rabelais si le sel de la Gaule résidant en ses écrits était passé, lui aussi, par le tamis de la bienséance bourgeoise du dix-neuvième siècle. En migrant du cabaret du Premier Empire au salon du Second, nul doute que Guignol, qui était fort vindicatif, dut apprendre à n'être que pittoresque. Qui était fort ordurier dut se contenter de n'être qu'un peu grossier. N'empêche. Comme Boudu, sauvé des eaux, l'existence protéiforme de la marionnette pouvait prendre un nouvel essor grâce au juge Onofrio, dont le patronyme est désormais attaché à celui de Guignol et de Gnafron, pour le meilleur comme pour le pire. Extrait de la complainte des mal-logés, des mal-orientés, mais bon-buveurs et bon-vivants:
Guignol : Pourquoi paierais-tu pas à déjeuner ?
Gnafron : Pourquoi ? C'est que je suis comme toi. Nos goussets sont deux frères bessons. J'ai ben vendu hier quatre paire de grolles, qu'on m'avait donné à ressemeler, mais personne m'a jamais donné de pécuniaux. Ah vois-tu! C'est pas le Pérou que d'être cordonnier.
Guignol : T'as raison ! La savaterie et la canuserie, ça donne pas gras à boire ! Il faut qu'on trouve un autre état. Père Gnafron, nous avons manqué not-vocation : nous avons de vrais organes pour chanter des opéraux.
Gnafron : C'est vrai, Chignol. Te ferais un joli ténor. Et moi, avec ma basse-taille, je te soutiendrais par derrière. (Ils massacrent un air d'opéra)
14:45 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : guignol, théâtre, onofrio, lyon, mourguet, marionnette |