lundi, 21 avril 2008
Le Père Coquillat
Les illustres disparus ont leur plaque commémorative pour se rappeler à la mémoire des badauds. Si vous vous promenez à Lyon, dans le premier arrondissement, vous en trouverez-une au 7 de la rue Diderot (à l’endroit où ça grimpe) qui, en substance, raconte cela :
« Ici a fonctionné le Thiatre lyonnais de la Gaieté créé par le Père COQUILLAT (1831-1915). AMICAL COQUILLAT EN SOUVENIR »
Un vieux prospectus, à présent : Théâtre de la Gaîté – 7 rue Diderot Dimanche 2 mai – Pour la première fois à Lyon, le plus grand succès de l’Ambigu : LA MOME AUX BEAUX YEUX - Drame en six tableaux… Suit le détail des tableaux du mélodrame populaire : « Une égarée – La nuit sinistre – Le rapide de Mulhouse – Folie d’Amour – Ce qu’on voit à travers une fenêtre. Les fleurs poussent... »
Une centaine de personnes se coudoient dans la salle, les jours où son propriétaire a fait le plein. Une galerie, au-dessus, en supporte cinquante autres. Une petite scène, la rampe éclairée avec des becs de gaz que le patron des lieux venait parfois régler en cours de spectacle. Neuf toiles de fond pour les décors, huit trappes pour les effets spéciaux. Le chahut est fréquent dans l’assistance où tout le monde se connaît car tous sont gens de la Colline ou du Plateau.
Maintes-fois le Père Coquillat doit suspendre la représentation.
A l’entracte, il rappelle « qu’on est prié de pas pisser dans la cour ».
Description qu’en fait Henri Béraud en 1912 (Marrons de Lyon, « Théâtres à côté ») :
« Le Père Coquillat est un vieillard sec et droit. Il s’exprime d’une voix claire et trainante, avec de pittoresques locutions, en bon canut qu’il est. Car l’art dramatique, auquel il a pourtant dédié sa vie, n’est pour lui qu’un accessoire : le père Coquillat n’a jamais cultivé les planches qu’en amateur, à temps perdu. Son métier de tisseur est là, derrière son théâtre, et le bistenclac en retentit pendant les longues laborieuses. Seulement, chaque soir venu, le canut se fait impresario. Il pose sa navette et d’un pied de jeune premier, court au-devant des enthousiasmes populaires… »
Et de fait, tous les mélodrames et tous les vaudevilles du célèbre Boulevard du Crime parisien sont passés par la modeste scène de la rue Diderot : Les Deux Orphelines, La Porteuse de Pain, La Tour de Nesle, Le Bossu, Le Chevalier de Maison Rouge, Les Pirates de la savane, Julie ou la Fille du marchand de coco, Michel Strogoff, et même Ruy Blas... Répertoire d’un peuple et d’une époque. Né un an tout juste après 1830, sa bataille d’Hernani et sa Révolution de Juillet, le Père Coquillat, en homme pas pressé et toujours un peu décalé, mourut un an après 1914, le suicide de l’Europe et du « monde d’hier », comme l’entend Stefan Zweig. Le vieux théâtre des canuts d’antan demeure, comme un reliquat auquel on n'ose toucher, car on ne sait trop qu'en faire. Alors la mairie du 1er arrondissement de Lyon en a fait une salle municipale dans laquelle elle héberge des associations et tient des conseils de quartier. Patronage.
Quelques mots savoureux du peintre Pierre Combet-Descombes qui, durant son adolescence, fut un spectateur assidu des productions du père Coquillat : « Vrai théâtre populaire, dans lequel jouaient les gens du quartier, ouvriers ou employés de magasin, un public de vrais gens»
Vrai théâtre populaire ...
En ces temps-là ...
Sur le père Coquillat, d'autres informations ICI
10:14 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, théâtre, lyon, marmite colbert, coquillat |