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lundi, 28 janvier 2008

Au juge Onofrio

On croit se douter d'après des rapports de police que Guignol naquit le 24 octobre 1808, dans un café de la rue Noire, à Lyo71d2e0e8b42407e64d5fe395ecf4e2bf.jpgn. C'est pourquoi la ville de Colomb et d'Aulas s'apprête à célébrer le bicentenaire de l'illustre  marionnette à gaine. Cela dit, cette date de naissance est purement arbitraire  (Guignol serait-il donc balance ?), car nul ne sait avec précision quand au juste l'accent canant de son créateur Laurent Mourguet (1769-1844) se fit entendre sous sa robe pour la première fois entre Rhône et Saône. De même les premières pièces de Guignol sont-elles définitivement perdues. Il fallut attendre 1860 pour voir réuni en deux volumes un premier répertoire lyonnais de Guignol, grâce à la patience d'un spectateur averti qui, au sortir du théâtre, recopiait de mémoire les répliques qui fusaient. Guignol, à priori, n'aime pas les juges; eh bien c'est à un juge du nom d'Onofrio qu'il doit pourtant la survie éditoriale de ses premiers textes. Du texte original, vraiment ? Le sel de la Gaule abondait en trop grande part, confesse le juge Onofrio (1814-1892) dans la préface de l'édition de son premier théâtre de Guignol(Scheuring, Lyon, 1865) aussi, en digne borjois, a-t-il jugé bon d'en retirer tout ce qui lui paraissait trop licencieux. A quoi ressemblait ce premier théâtre de 1808 ? Impossible à dire. Il se peut bien que ce bi-centenaire, par conséquent, soit celui d'une légende. Qu'importe.

Au ca20d1b563a1cda699af953f5b66ca388.jpgontraire de Mourguet, dont le visage était rond  ( voir croquis ci-contre) le visage d'Onofrio était sec. Le juge Onofrio fut à la fois une bénédiction et une malédiction pour Guignol : si d'un côté il tirait en effet de l'oubli le répertoire initial, dont le premier Déménagement, d'un autre, il en transformait vilainement l'esprit. On peut se demander légitimement ce que serait devenu par exemple Rabelais si le sel de la Gaule résidant en ses écrits était passé, lui aussi, par le tamis de la bienséance bourgeoise du dix-neuvième siècle. En migrant du cabaret du Premier Empire au salon du Second, nul doute que Guignol, qui était fort vindicatif, dut apprendre à n'être que pittoresque. Qui était fort ordurier dut se contenter de n'être qu'un peu grossier. N'empêche. Comme Boudu, sauvé des eaux, l'existence protéiforme de la marionnette pouvait prendre un nouvel essor grâce au juge Onofrio, dont le patronyme est désormais attaché à celui de Guignol et de Gnafron, pour le meilleur comme pour le pire. Extrait de la complainte des mal-logés, des mal-orientés, mais bon-buveurs et bon-vivants:

 

 

Guignol : Pourquoi paierais-tu pas à déjeuner ?

Gnafron : Pourquoi ? C'est que je suis comme toi. Nos goussets sont deux frères bessons. J'ai ben vendu hier quatre paire de grolles, qu'on m'avait donné à ressemeler, mais personne m'a jamais donné de pécuniaux. Ah vois-tu! C'est pas le Pérou que d'être cordonnier.

Guignol : T'as raison ! La savaterie et la canuserie, ça donne pas gras à boire ! Il faut qu'on trouve un autre état. Père Gnafron, nous avons manqué not-vocation : nous avons de vrais organes pour chanter des opéraux.

Gnafron : C'est vrai, Chignol. Te ferais un joli ténor. Et moi, avec ma basse-taille, je te soutiendrais par derrière.  (Ils massacrent un air d'opéra)


14:45 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : guignol, théâtre, onofrio, lyon, mourguet, marionnette | | |

Commentaires

NOEUD D'ABSENCE

Le sel de la gaule
Est un résidu sec
Qui trône au fond d'un puits
Caressé par des marées aériennes
De son opercule dévergondé
Il insémine un cosmos béant
Comme une huître perlière
Labourant de frissons pourpres
Les hanches printanières d'un instant
De pure jouissance olfactive

Écrit par : gmc | mardi, 29 janvier 2008

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