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mardi, 18 septembre 2007

Tiens, voilà du Boutin !

Le réaménagement de la place Bellecour ne prévoyait pourtant que le remplacement des anciens marronniers (qu'on dit malades) par des  tilleuls, afin de rendre à la place son allure du bon vieux temps. Au lieu de ça - et avec, on l'imagine, la bénédiction de la mairie et de son locataire socialiste -, la place Bellecour se métamorphose en ministère du logement ! Elle devient au vu et au su de tous, le squat de la ministre du logement et de son staff décontracté. Mââme Boutin, tout droit débarquée de Paris avec sa lampe-empire et le portrait de son président, campe, tel un ouvrier en bâtiment, dans une cabane ALGECO et bosse dur, dans l'incognito très people de la foule des passants qui s'entrecroisent en se demandant ce qu'elle fout là. 

On a parlé beaucoup des frais occasionnés (250.000 euros !) pour une opération qui rappelle, versus officiel, celle des Don Quichotte de l'hiver dernier. On a moins parlé de la surveillance et de la sécurité policière que le badaud découvre, étonné, pour le moins : Traverser la place relève de la gageure, d'ailleurs on n'en a même plus envie tant pullulent les uniformes. Mais de la gueule de qui se fout-on, franchement ? Le citoyen contribuable devrait-il s'en réjouir ? Tiens, je me demande, plutôt,  si je ne vais pas aller à mon tour camper un de ces jours sur la place Bellecour, histoire d'exposer moi-aussi ma bobine aux caméras et rencontrer quelques éminences du Régime.

 Autrefois, il y avait à Bellecour, une célèbre voiture aux chèvres qui, pour quelques sous, baladait les gosses autour du cheval de bronze. Aujourd'hui, il y a la Boutin qui ballade les caméras autour de sa personne. Et derrière les caméras les gosses que nous sommes. Un peu plus en arrière, le général de Castellane, Gouverneur de Lyon, venait y promener son bedon et passer sa revue militaire hebdomadaire sous le Second Empire. Ainsi, la place Bellecour a toujours été le lieu privilégié des parades de propagande. En quatorze, c'est là qu'on exposait les chars d'assaut capturés au front, afin de rassurer l'Arrière. Aujourd'hui, Sarkozy délègue Boutin pour y assurer sa communication sociale et rassurer les foules : « Tiens, voilà du Boutin ! Voilà du Boutin ! PoPoPoPoôôômmm ! »

L'enterrement de Jacques Martin a lieu jeudi; on peut donc imaginer que la zélée ministre du logement, qui n'aura qu'à traverser le pont pour se rendre à la primatiale, viendra se fendre d'un coup de goupillon à la mémoire du héros défunt. On peut imaginer aussi que quelques officiels ayant fait le déplacement en profiteront pour aller la visiter dans ses éphémères mais très médiatiques baraquements forains.  

 

17:00 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, lyon, boutin, actualité, sarkozy, société, logement | | |

mercredi, 15 août 2007

PRIMATIALE

 1. Dans sa Dédicace de la cathédrale de Lyon, Sidoine Apollinaire ( Vème siècle) a sans doute composé les lignes dont l’autorité demeure définitive sur la cathédrale Saint-Jean-le- Baptiste de Lyon :  « La forêt de pierres couvre une espace médian : Ici la colline résonne, là la Saône renvoie l’écho ; d’un côté se réfléchit le bruit du piéton, du cavalier et du conducteur de chars grinçants, de l’autre le chœur des rameurs courbés élève vers le Christ le chant rythmé de la rivière, tandis que les rives répondent en écho alléluia. Chante, chante ainsi, matelot ou voyageur, car c’est ici le lieu où tous doivent se rendre, le lieu où se trouve la route qui mène au salut ».  Les vaguelettes de la Saône ne viennent plus lécher son chevet, sur le quai Romain Roland strié de voitures. Pourtant son emplacement, entre la colline (désormais coiffée de la basilique) et la Saône , (toujours limpide malgré la pollution) son implantation entre ce qui passe et ce qui demeure, bref, son existence reste toujours aussi stratégiquement symbolique. Et l’axe que constitue la primatiale avec la basilique demeure un repère pour tout le monde à Lyon, qu’on soit autochtone ou nouveau-venu, athée ou croyant. .

2. « D’un geste d’épouvante, Salomé repousse la terrifiante vision qui la cloue, immobiles sur les pointes ; ses yeux se dilatent, sa main étreint convulsivement sa gorge (…) Sous les traits ardents échappés de la tête du Précurseur, toutes les b3b5885acd7e062c575e048999954edd.jpgfacettes de joailleries s’embrasent ; les pierres s’animent, dessinent les corps de la femme en traits incandescents ; la piquent au cou, aux bras, aux jambes, de points de feu, vermeils comme des charbons, violets comme des jets de gaz, bleus comme des flammes d’alcool, blancs comme des rayons d’astre. L’horrible tête flamboie, saignant toujours, mettant des caillots de pourpre sombre aux pointes de la barbe et des cheveux… »  La description de l’aquarelle de Gustave Moreau L’apparition par Huysmans dans A Rebours (1884), sept ans après Flaubert (Hérodias- 1877), vingt ans après Mallarmé (Hérodiade -1864) : (« Et ma tête surgie / Solitaire vigie / Dans les vols triomphaux / De cette faux »), consacre une figure presque païenne de Jean-Baptiste, à travers l’épisode de Salomé et de la décollation. Une figure on ne peut plus fin de siècle, décadente… Et pourtant, là encore, bien qu’il soit réduit à son seul chef, Jean Baptiste, encore, désigne, pointe,  montre, comme si c était, là, de toute éternité sa mission : « Celui-là n’était pas la lumière, mais il avait à rendre témoignage à la lumière » (Jean, Prologue)

 

3. La dédicace de la primatiale à Jean-Baptiste a, paraît-il, toujours étonné les historiens. Il semble pourtant que le culte du Précurseur n’était pas rare à Lyon puisque, d’après J.F.Reynaud (Lugdunum Christianum, DAF, Paris, 1998), l’église de Saint Irénée lui a été également primitivement dédiée. A l’entrée du chœur sur le côté droit, le marbre du patron 095efff2e1da8322c095e18f0ffd091a.jpgdate de 1780. C’est l’œuvre d’un certain Barthélémy Blaise (Lyon, 1738 – Paris,1819), un petit maître responsable également, quatre années plus tôt, du Saint-Etienne qui lui fait pendant à gauche. L’abside actuelle date du XIIème siècle ; la façade du XVème. La chapelle des Bourbons, malgré la laideur des vitraux bleus placés en remplacement de ceux qui se sont effondrés lorsque les nazis ont bombardé le pont Tilsitt en 1944, demeure la partie la plus illustre de l’édifice. Celle où les souvenirs perpétués jusqu’à nous par les chroniques (de multiples conciles, dont le plus célèbre reste celui de 1274, en présence de Thomas d’Aquin et de Bonaventure, concile qui réunit provisoirement les églises d’Orient et Occident, exposition de la dépouille mortelle de Saint Louis de retour de Tunis en 170, mariage de Henri IV avec Marie de Médicis en1600 ), celle où la mémoire et l’imaginaire peuvent le mieux prendre corps parmi la pénombre.

 

4MARGERITE DE NAVARRE (1492-1549) : Simplicité d’une vieille qui présenta une chandelle ardente à Saint-Jean de Lyon et l’attacha contre le front d’un soldat qui dormait en un sépulcre. (Heptaméron, nouvelle 65)

c7ada8d45f261f1edd3bf9ddecb58285.jpg"En l’église Saint-Jean de Lyon y a une chapelle fort obscure et, dedans, un sépulcre fait de pierre à grands personnages élevés comme le vif : et sont à l’entour du sépulcre plusieurs hommes d’armes couchés. Un jour, un soudard se promenant dans l’église au temps d’été qu’il fait grand chaud, lui prit envie de dormir. Et regardant cette chapelle obscure et fraîche, pensa d’aller garder le sépulcre en dormant comme les autres, auprès desquels il se coucha.  Or advint-il qu’une bonne vieille fort dévote arriva au plus fort de son sommeil et, après qu’elle eut dit ses dévotions, tenant une chandelle ardente en sa main, la voulut attacher au sépulcre. Et trouvant le plus près d’icelui cet homme endormi, la lui voulut mettre au front, pensant qu’il fût de pierre. Mais la cire ne put tenir contre la chair. La bonne dame, qui pensait que ce fût à cause de la froidure de l’image, lui va mettre le feu contre le front pour y faire tenir sa bougie. Mais l’image, qui n’était pas insensible, commença à crier, dont la bonne femme eut si grand peur que, comme tout hors de sens, se prit à crier miracle, tant que tous ceux qui étaient dedans l’église coururent, les uns à sonner les cloches, les autres à voir miracle. Et la bonne femme les mena voir l’image qui était remuée ; qui donna occasion à plusieurs de rire, mais les plusieurs ne s’en pouvaient contenter, car ils avaient bien délibéré de faire valoir ce sépulcre et en tirer autant d’argent que du crucifix qui est sur le pupitre, lequel l’on dit avoir parlé. Mais la comédie prit fin pour la connaissance de la sottise de la bonne femme."

 

5. Emile Baumann, ami lyonnais de Léon Bloy, à propos de la primatiale, dans Lyon et le Lyonnais :

« Quand l'office est achevé et la foule partie, je me plais à circuler un moment le long des nefs et du transept. La chapelle du Saint Sacrement, à droite, très obscure, où la lampe suspend comme une ampoule de sang embrasé est dominée au fond par un vitrail : la Vierge en manteau bleu sombre soutient sur ses genoux son Fils mort, entre deux anges qui s'inclinent, deux anges aux ailes d'argent, aux robes d'émail. Je ne sais pourquoi, détachée sur le fond noir de la chapelle, cette image d'un coloris assez lourd, me paraît, plus que nulle autre semblable, envelopper un mystère douloureux comme si, derrière elle, le monde était une nuit sans étoile. »

 

6.Ma prière à Jean le Baptiste :

 Jean-Baptiste ! O grand saint, maintiens toujours en vie ma jeunesse, ma vitalité et ma virilité spirituelles, mon désir d’entreprendre, de vaincre et d'être heureux. Ce qui est destructeur pour mes proches et pour moi, en mon cœur ou en ma pensée, ôte-le. Fais de moi un constant arbre de vie. Protège mon baptême que tout menace, en ruisseau comme en lumière, saint Jean-Précurseur. Amen. »

 

09:20 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : christianisme, lyon, religion, tourisme, eglises, saint | | |

vendredi, 10 août 2007

QU'IL VIVE !

Article publié dans L'Esprit canut du mois de juin 2007 

Selon un vieil adage qui souligne qu’en toute chose, il convient de préférer l’original à la copie, nous poursuivons notre défense des visites de l’atelier MATTELON, seul atelier croix-roussien rescapé du XIXème siècle puisque la bâtisse qui l’héberge date de 1841. C’est en 1878 que Mr Milan, son propriétaire, la rehausse afin d’installer plusieurs métiers à bras dans un espace adapté. Lequel, par conséquent, alignera fièrement l’an prochain ses cent trente printemps, tandis que son métier le plus ancien  aura connu rien moins que la révolution de 1830 et la romantique bataille d’Hernani.

En 1947, Georges Mattelon, le successeur de Mr Milan, organise les premières visites, parmi lesquelles l’élégant Graham Green. Le syndicat d’initiative de l’époque était alors demandeur pour élaborer une collaboration public/ privé, dans laquelle il trouvait son intérêt et qui a perduré jusqu’au décès de monsieur Mattelon. Le livre d’or que nous montre sa veuve s’ouvre en 1956, par une photo dédicacée du président Herriot. « Emerveillement, plaisir, habileté du goût français, splendeur… » Venus de Grèce, de Madagascar, de Tahiti, du Togo, du Brésil, les hommages pleuvent… « Il ne faudrait surtout pas que ce genre d’industrie disparaisse car alors la gloire de Lyon et de la France disparaîtrait », souligne, parmi tant d’autres,  Monique Duval, journaliste à L’Evénement du Québec en 1957.

Que reste-t-il de cette collaboration aujourd’hui ?  La municipalité en exercice a décidé de la suspendre pour des raisons de sécurité et de concentrer ses efforts sur d’autres lieux. Ces derniers ont probablement leur intérêt. Mais ils ne possèdent ni le charme ni l’authenticité de l’atelier de 1878 - authenticité avec laquelle monsieur Jacques Mattelon et sa mère n’ont pas l’intention de transiger : s’il est possible, disent-ils, d’installer une porte coupe-feu et de repenser l’installation électrique, il n’est nullement question de toucher aux tomettes du sol ni aux murs. De fait, cet atelier « dans son jus », qui a traversé tant de décennies, demeure un joyau unique au monde. Une sorte de France ou de Concorde de la canuserie qu’il faut préserver vaille que vaille, car pas un seul lieu recomposé, quelque sécurisé qu’il soit, ne saurait lui être comparé. Et comme monsieur Jacques Mattelon le répète avec humour : un atelier de 1878 peut-il être aux normes de 2007 ? Ce dernier a beau être inscrit au Patrimoine (« lequel n’est pas très généreux puisqu’il refuse de payer l’assurance », précise madame Mattelon), il semble que la présente équipe municipale n’ait jamais eu véritablement l’intention de le sauver mais qu’elle ait trouvé dans ces raisons de sécurité un prude cache-sexe et un pratique alibi pour se débarrasser de ses responsabilités :

« J’ai essayé de toutes mes forces de maintenir la tradition là où elle est née, disait son mari en 1963.  Il me semblait que le bistenclaque ne pouvait pas tout à fait mourir à Lyon. Qu’il y aurait toujours de belles choses à faire avec lui, qui ne pourraient naître que des doigts de fée d’un canut, au fond d’un atelier aveugle et inconfortable. Maintenant, j’ai perdu la foi. Le canut à bras est devenu un objet de musée »

Un objet de musée ? Encore faudrait-il qu’un véritable lieu, digne de ce nom, voie le jour à la Croix Rousse, qui puisse in fine intégrer à sa visite un précieux détour par le survivant insolite qu’est l’atelier Mattelon.

 

16:25 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lyon, politique, soierie, canuts, soie | | |

vendredi, 03 août 2007

La prose poétique de Béraud

Le Vitriol de lune(1921) de Henri Béraud renoue avec le récit historique, en plongeant son lecteur dans une intrigue à la Dumas  : conspirations, empoisonnements, écartèlement, énucléation, errances et voyages sur fond de querelles religieuses et politiques. Personnages fictifs et personnages historiques (Louis XV, Damiens…) s’y côtoient, le fil conducteur étant la tendresse filiale qu’un oncle ( Giambattista), porte à son neveu orphelin (Blaise Cornillon). Une tendresse bourrue, fidèle, protectrice. 

         Le héros de Au Capucin Gourmand (1925) est quant à lui un paysan dauphinois du dix-huitième siècle, lequel vivait heureux avec sa Jeannette jusqu'à ce qu'un soldat de passage violente cette dernière durant son absence. S’estimant déshonoré d’avoir été incapable de la protéger, il la rend à son père, gagne Lyon, où il se fait recruter par le racoleur du régiment du Dauphiné. C’est ainsi que le paysan Lèbre devient le beau Sergent du Roi.

        Plus de quinze ans plus tard, il retrouve l’agresseur de sa femme, un certain sergent Merru, qu’il provoque en duel et qu'il tue. Lorsqu’il regagne son pays, il retrouve une Jeannette si lasse et si usée qu’après un an passé en sa compagnie, il engage une aventure auprès de Fanchon, une comédienne et prostituée lyonnaise. Après l’avoir entraîné dans la ville, Fanchon intègre peu à peu à sa bande de « chevaliers » son beau sergent, le pousse au vol, puis au crime. Arrêté, condamné, le sergent Lèbre finit seul et exécuté sur la place des Terreaux.  Ces intrigues populaires plus ou moins empruntées (on passe à l'abbé Prévost, notamment)  offrent à Béraud  l’occasion de travailler son style. Ainsi, dès Le Vitriol de Lune et surtout Au Capucin Gourmand, le projet littéraire qui le conduira aux futurs chefs d’œuvre de la Conquête du Pain prend forme et mûrit :

« Rue de la Limace , à Lyon, tout contre la manécanterie de Saint-Nizier, il y avait un cabaret. Sous l’enseigne Au Capucin Gourmand, un bouchon d’herbe pendait. Deux tilleuls protégeaient le jardin, où étaient des tables et des bancs. On y accédait par dix marches, que rongeaient les brouillards du Rhône »

(Henri Béraud – Au Capucin gourmand, incipit)

 

 

La prose poétique de cette séquence repose sur l’usage alterné de mètres pairs et impairs :  on trouve en effet deux mètres de 7 syllabes : « Rue de la Limace , à Lyon », « un bouchon d’herbe pendait », trois de 9 syllabes : « Sous l’enseigne Au Capucin Gourmand », « Deux tilleuls protégeaient le jardin », « où étaient des tables et des bancs », ainsi que  trois octosyllabes : « Il y avait un cabaret », « on y accédait par dix marches », « que longeait le brouillard du Rhône ». La simplicité du vocabulaire, empruntée à la chanson traditionnelle, estompe évidemment la structure métrique du paragraphe. Seul un segment de treize syllabes se détache, que clôt le mot Saint Nizier, qui domine le fragment tout entier.

Ainsi se forge le style artisanal de Béraud. Souvent composée de mètres identifiables, la proposition va au plus court, incisive. Le terme juste tombe, équilibré sur de discrètes allitérations. La phrase, rarement complexe, forme une séquence close sur son seul prédicat.  Lorsque surgit une comparaison, elle est toujours aussi simple qu’inattendue. Béraud, c’est un Boileau qui aurait lu son Michelet. Alors que le roman traditionnel entre dans une crise qui menace de lui être fatale, plusieurs décennies avant le film de capes et d’épées, il invente, si l’on peut dire, le classicisme moderne du roman populaire français :

« Il faisait un froid sec qui, devant les boulangères, fouettaient les femmes attroupées. On vendait le pain, huit sols la livre. Tous les souffles du ciel semblaient se jeter par les rues étroites, sur les malheureux de Paris. Les fumées se couchaient contre l’échine de toits comme des queues de bêtes. Dans l’azur glacial, des brumes flottaient. »                                                                                         

Le Vitriol de Lune II.9

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07:15 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : béraud, littérature, lyon, écriture, houdaer | | |

lundi, 30 juillet 2007

Délocalisations

Conversation surprise, vendredi dernier, à la terrasse mi pleine d'un café bien lyonnais, propos échangés entre deux trentenaires (un mâle et une femelle) bien friqués, bien bronzés, mal sapés et bien ... :

 -Il parait qu'y vont délocaliser les maisons de retraite aussi. Y z'ont commencé, vers l'Inde...

 - Ah ?  (seul émoi manifeste). C'est pas trop humide là-bas, pour des vieux ?

  Pas de réponse. La fille conclut : « Pauvres vieux ! »

On leur apporte un demi-pêche. Il fait moite.

Alors, ils passent à autre chose.

 

Le lendemain samedi, après la messe de 16 heures, à Saint-Bonaventure. Un beau vieillard (Son chapeau accroché au rebord de la grille de la chapelle, sa canne, ses cheveux blancs, assez fournis, un peu long; sa veste : une certaine élégance malgré la difficulté à tenir la station debout; quelque chose de joycien chez cet octogénaire - peut-être même nonagénaire...), après la messe, donc, ce beau vieillard est allé s'agenouiller dignement dans la chapelle Notre Dame de Piété. Et plaçant son front assez haut dans ses doigts très maigres et noueux, il a prié longtemps...

Avait-il surpris, lui-aussi, cette conversation entre deux monstres ?

 

14:30 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : société, contemporain, blabla de fille, politique, lyon | | |

mercredi, 18 juillet 2007

CHAPELLE DE FOURVIERE

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Depuis lundi, la chapelle de Fourvière est fermée pour plusieurs mois, en raison de travaux qu'on nous dit nécessaires. Occasion de toucher deux mots dans ce blog de ce sanctuaire historique et merveilleux, toujours accueillant, toujours fervent, lieu magique en nos temps, car réservé à la seule prière et non aux canonnades touristiques des portables et des numériques qui flashent et crépitent dans trop d'églises, hélas ! J'ai vu des touristes prêts à photographier littéralement n'importe quoi, que ce soit dans la basilique ou dans la primatiale à Lyon, comme à l'intérieur de Notre Dame de Paris ou du Sacré Cœur. Encore qu'au Sacré Cœur montmartrois règne un « service d'ordre » efficace et méritant contre cette espèce de folie de l'immanence profane.

 

Mais dans la chapelle de Fourvière, la Vierge à l'Enfant, dite miraculeuse,  en bois noir peint, qui date du début du XVIIème siècle, emplit de sa seule présence et de son majestueux silence toute les boiseries de l'autel. Elle demeurera donc, pendant plusieurs mois, invisible, tandis que l'autre statue de la Vierge, celle dite du Bon Conseil sera, parait-il, transférée dans la crypte. Quant à celle de Fabisch, elle continuera évidemment de trôner au centre des feux d'artifices et des nuits de juillet, tandis que les travaux se dérouleront juste en dessous. Solko et bien d'autres attendront donc avec impatience la ré-ouverture de la chapelle de Fourvière, lieu d'histoire, de culture, de mémoire et de religion, prévue pour le 8 décembre 2007.

 

18:10 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lyon, christianisme, églises, église, fourvière | | |

vendredi, 06 juillet 2007

Henri BERAUD

 Je quitte à l’instant l’œuvre de Béraud. Et il me semble qu’il ne l’a jamais écrite, à peu de gens près, que pour lui-même. Comme tous les écrivains. Je ne parle pas, bien sûr, des grands reportages ni des pamphlets polémiques. Comme Joseph Kessel, comme Albert Londres, auxquels il ouvrit bien des portes, il rédigea les premiers pour vivre. Quant aux seconds, dans le contexte rudement cauchemardesque de la seconde moitié des années trente, il estima que c’était son devoir d'être de la bagarre en les faisant publier.

Je parle d’une bonne quinzaine de livres, ce qui n’est pas absolument rien. Et je n’hésite pas à croire que si la littérature française doit sortir vivante de la vacuité sidérante et du conformisme accablant dans lesquels l’ont plongée aussi bien l’institution universitaire que les politiques éditoriales de ces quarante dernières années, la redécouverte de cette œuvre par de jeunes ou de nouveaux lecteurs aura un rôle déterminant à jouer.

Car il y a dans la phrase d’Henri Béraud  quelque chose d’asséné et de brutal,  de juste et d’élégant, et même souvent de raffiné, qui fait sa fête à tout amoureux de la langue française. Henri Béraud ne fut ni un idéologue, ni un penseur, ni un politique Contrairement à beaucoup d’hommes de sa génération, il sortit la vie sauve de l’enfer des tranchées de quatorze dix-huit. Comme beaucoup d’hommes de sa génération, il sut alors qu’il avait sacrifié son existence, car la société au sein de laquelle elle s’apprêtait à se dérouler avant que la boucherie ne commence, cette société, bel et bien, n’était plus. C’est pourquoi il jeta sur le monde un regard à la fois baroque et lyrique, l’un de ceux qui siéent mal au sérieux que lui demandait son temps : un regard de revenant désenchanté. Iceberg anachronique et têtu, n’explique-t-il pas encore, en 1944 ainsi sa conception politique : « Elle s’exprime toute dans l’amour de la France, la haine des Anglais et le refus de toute obédience étrangère » Cette politique qui, dit-il « a suffi à nos vieux rois, aux hommes de 93, à Napoléon, peut bien suffire à un fils de boulanger

L’effacement d’un grand auteur, quel qu’il soit, est toujours significatif de quelque chose. Dans une démocratie sur-médiatisée de pied en cap, le fait d’honorer chaque 11 novembre la mémoire d’un soldat inconnu est évidemment moins compromettant que le fait de perpétuer la mémoire d’un soldat qui fut trop connu et, surtout, inconsidérément bavard. Pour sa défense, c’était son métier de parler ainsi. Loin de moi l’idée d’attenter à la justesse d’une commémoration dont Béraud lui-même écrivit un jour que les Allemands nous en enviait l’idée. Le fait est que, pour son malheur, Henri Béraud a appartenu à cette génération-là - que des cadets opportunistes auront singulièrement réduite au silence- et qui, parce que la gloriole la faisait rire, a laissé faire. Brasillach eut les honneurs d’un procès en bonne et due forme. Celui de Béraud, qui passa avant, lui, est une atroce caricature.  

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jeudi, 21 juin 2007

Fête de la musique

Un million de participants annoncés, dix millions de spectateurs, vingt-sixième édition aujourd'hui... A New York, Jack Lang envolé là-bas pour vendre son concept festif s'est, paraît-il, fait jeter par le maire qui n'avait "pas le temps de le recevoir". Les Américains seraient-ils intelligents ? Retour sur une promenade de l'an dernier dans les rues de Lyon le 22 juin à l'aube :

"A cinq heures trente, les lampadaires s'éteignent. Alcooliques, cas psys, cas sociaux, tous se retirent, enfin... Un quart d'heure plus tard, les hommes en jaune commencent à ratisser la place, les trottoirs, les rues qu'ont désertés les oiseaux. Bouteille après bouteille, canette après canette, débris après débris. Cliquetis des verres dans le ballet des balais en acier. Le jour se lève. Il ne reste que quelques minutes avant que le citoyen lambda ne passe par ces lieux-là. Quand la ville a chié toute une nuit...

Début d'une sinistre promenade : Entre l'Hôtel de Ville de Mansart et l'Opéra de Chenavard, on dirait une tornade : papiers gras, canettes cabossées, bouteilles fracassées, des pizzas à moitié bouffées, renversées dans des flaques de pisse et des mares de vomi, au milieu des détritus, des mégots, emballages et autres saloperies gluantes, glissantes, un tapis d'ordures que les hommes jaunes chassent au jet d'eau sous les yeux de quelques matinaux hagards. Alignées comme des quilles devant les vitrines et sur les marches, cadavres de bouteille (triomphe de la vodka et de la bière): une heure pour faire disparaître tout cela. Ah! On lit dans le journal que la fête de la musique a été une réussite. Hier matin, ma femme qui est musicienne m'a dit :

-          c'est aujourd'hui la fête de la merde! 

 Ma femme avait raison. A sept heures du matin, il ne reste plus aucune trace de leurs déjections."

Mon Dieu, cette année, faites qu'il pleuve...

 

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mardi, 19 juin 2007

NIZIER DU PUITSPELU

Clair Tisseur (1827-1895) -alias Nizier du  Puitspelu.

 « Le plus lointain souvenir qu’il eût gardé devait remonter à l'âge de moins de trois ans, époque où on le mena voir un petit frère, le dernier des six, qui mourut en bas âge, et se trouvait aussi en nourrice dans un village voisin ».

Ainsi débute l'autobiographie de Clair Tisseur, alias Nizier du Puitspelu. Cet auteur n'est plus guère connu qu'à Lyon, en raison du Littré de la Grande cote, sorte de dico du patois des canuts, émaillé d'anecdotes personnelles. Cette injustice est grande. Car le phrasé de Puitspelu, autobiographe, philologue et moraliste, mérite mieux que cet oubli :

« Au temps que mon grand-père était trésorier de la Compagnie, les Brotteaux n'étaient rien, et pour faire un peu recette, la Compagnie était réduite à organiser des fêtes de l'autre côté du Rhône, manière d'engager les gens à passer le pont. La grande Allée, comme on disait, qu'on appelle aujourd'hui le cours Morand, était en contre-bas de ce qu'elle est, de la hauteur, ma foi, d'un étage, et l'on y descendait du pont comme sur un bas-port. L'allée était plantée d'arbres. C'est là qu'était le théâtre ».

Il y a du Montaigne chez Puitspelu. En témoigne ces extraits :

« C'est grand heur que de manger bien et bon, et boire d'autant, mais qui n'existe qu'à condition d'avoir en face de soi des visages amis. Vous figurez-vous un homme qui demanderait à Pierrre, du café Neuf, un salon pour s'y embocquer, se truffer, s'empiffrer, se bourrer, se gaver, se tuber, se taper le fusil et s'arroser à soi seul, tout seul ! Ce serait la gastronomie d'Onan ! » (Les Oisivetés – « Propos de gueule lyonnais »)

« Pour prendre les choses de plus haut, il faut dire, en manière de conclusion, que, par notre manque de culture, par le besoin de produire à outrance, par le défaut de goût qui nous a fait perdre le sentiment de la propriété des termes, et aussi par un désir grossier de raffinement, d'excentricité, dans le but d'attirer l'attention publique, nous avons entièrement corrompu une langue que les écrivains du XVIème siècle avaient maniée de façon incomparablez, et que ceux du XVIIème avaient portée à la perfection »   (Les Oisivetés – « Le bon parler lyonnais »)

resizer.jpgEt puis, j'aime bien sa "gueule" de patriarche. Clair Tisseur était architecte : On lui doit, à ce titre, de nombreuses églises : Sainte Blandine, cours Charlemagne, le Bon Pasteur dans le premier arrondissement ; celles de Brignais, Tassin, Orliénas... Il participa également aux travaux de la rue Impériale, devenue "de la République", voire même "de la Ré" pour tous les Lyonnais.

C'était un érudit et un véritable humaniste à la mode d’antan, tout aussi puriste que farceur : Il a fondé  en 1879 l'Académie du Gourguillon, dont il est demeuré durant deux années entières le seul et unique membre.

On trouve encore ses ouvrages (sur le net ou chez les bouquinistes.)

Voici quelques titres :

Les Vieilleries lyonnaises (1879)

Les oisivetés du sieur Puitspelu (1883)

Coupons d'un atelier lyonnais, Les Histoires de Puitspelu (1886).

 

 

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