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jeudi, 20 mars 2008

Infos and Co

Chantal Sébire vient de mourir. Il y a quelques jours, personne ne connaissait son nom. Sur toutes les radios, on se demande si sa mort est naturelle ou non, en attendant « le résultat des prélèvements » : Glauque ! Gueule de bois sur la Cannebière, Carquefou a viré sans ménagement l'OM de la Coupe de France. Il y a quelques semaines, personne ne se souciait de cette équipe de bas de tableau. « C'est historique », aboient les radios ce matin. Du coup, un certain Ndoye est devenu le héros du jour. Cecilia S. n'aurait, parait-il,  jamais reçu de SMS présidentiel, contrairement aux affirmations du Nouvel Obs. Un scoop : Carla témoigne à ce sujet dans le Monde ! Il y a quelques mois, une tribune de Carla Bruni dans Le Monde, cela aurait fait sourire tout le monde. Ainsi va la mise en scène de l'info. A la lisière entre l'exceptionnel et le commun. Tout cela forge un air du temps qu'on respire tous, soit en humant le plus profondément possible, soit en se bouchant le nez. Pas moyen d'y échapper. L'homme du commun, à n'importe quel moment, peut donc avoir son quart d'heure de gloire. Réjouissant ! Les prophètes de la contre culture l'avaient jadis prédit. C'est à présent acquis : Ma concierge a beau philosopher avec l'élégance d'un hérisson, cela devient un best-seller. Cette prise de pouvoir du commun ne souffre aucune opposition. On dirait que c'est le cours des choses, qu'elle s'installe et grignote ainsi tous les marchés, tous les supports, tous les médias. Elle s'opère de jour en jour, sans manger de pain, avec la bénédiction du politique et grâce à la mobilisation de toutes les forces productives du pays. C'est le triomphe de Dany Boom et de Kad Merad et ça craint. L'autre face de cet étrange phénomène, c'est l'apologie du compassionnel. Je répercute tel quel une pulsion citoyenne que Tang a laissée sur son blog : « Je lance une pétition pour obtenir des FARC qu'Ingrid Betancourt ait droit à 5 fruits et légumes par jour. Pour la signer laissez votre nom, prénom, profession, revenu annuel et tour de poitrine en commentaire. » Un tirage au sort désignera, au final, le gagnant d'un gros lot.

11:18 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : société de l'information | | |

mercredi, 05 mars 2008

Météo

532432699.jpgPar la fenêtre, temps clair. Ciel bleu. Très bleu. Où se lantibardanent quelques nuages dodus, rares. Extrêmement lumineux. Il est 14 heures 20. Ce matin même, vers 6h 30, temps couvert. Un peu venteux. Amoncelés sur la ville qu'on domine du haut des collines, aplatissant tout son éclairage, un plateau crèmeux de nuages. Frisquet glacial en prime. Hier soir, vers 22 heures, neige. Neige mouillée, certes. Ne tient pas, certes. Neige quand même. Par la fenêtre, branches d'arbres en bourgeons. Bourgeons naissants. C'est le printemps. Et puis flocons virevoltants dans la nuit. Il neige. Non, il pleut. A présent, soleil. Température qui suit. Comme livrée dans le même colis. Tout comme les sondages, température en yoyo. Tout comme le prix des choses. Dans les autobus : "On ne sait plus comment s'habiller".  Eh non ! Le temps, c'est comme les prix. Ca vient, ça va. On peut plus guère compter dessus. A quel moment la vie est-elle, comme cela, devenue la vie chère ? Passage à l'euro, c'est sûr. Billets très laids, d'ailleurs. Billets d'ailleurs, très moches. Plus un humain dessus. Fini, l'humain. Quel est donc le prix qui a fait déborder le vase ? Foutu prix. Foutu vase. Celui des yahourts ? Celui des pâtes ? Quel seuil ? Du petit noir sur le zinc ? De l'essence ? De la redevance ? Du m2 en centre ville ? A la vitesse où l'euro coule, le temps varie. Nous aussi. Sommes, que nous sommes. Guère plus que ça, avec tous nos codes. Fillon au plus haut : 66 %! Comment est-ce possible ?  Fillon ! Comment est-ce pensable ? Municipales : sait-on pour qui voter ? Je songe à Winnie, enlisée en son tertre. Visionné plusieurs fois la cassette, avec Madeleine Renaud. "Le vieux style...", dirait-elle. Irremplaçable. Irremplacée. Une articulation impeccable. Merveille d'actrice. Chaque syllabe, immobile. Immobile et interprêtée. Sa solitude, en ce tertre. Lumière, disait Samuel. Chaleur et lumière, vives, sur Winnie. Puis écarquillerait d'abord les lèvres. Ensuite les yeux. Est-ce que ça s'écarquille les lèvres, Samuel ? Ou bien les yeux ? N'en sait rien! N'en sais bien rien, non plus. Dirions plus rien, à la fin. Mais quel beau jour! Quel beau jour, quand même...! Mardi. Hier, mardi ! Mardi de mars! Et à présent, Mercure. Mercredi de Mercure : Encore un de plus. Et quel beau jour ! Quel beau jour ç'aura, été, Willie, encore un. N'est-ce pas ?

14:58 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : météorologie, vie chère, société, actualité, littérature, beckett | | |

mardi, 12 février 2008

Saturation d'écrits

L'écrit se perd. C'est un constat effectué par tous ceux dont le métier est de se pencher sur des copies. Et pourtant, direz-vous, la société dans laquelle nous vivons est saturée de toute sorte d'écrits. Ecrits lapidaires, approximatifs, fautifs autant que multiples et bariolés.  Ecrits identitaires ou communautaristes, brandis sur des écrans ou du papier, comme le sont de simples images. Ecrits pub, écrits slogan, écrits gros-titres...  Partout, des écrits ; des écrits, cependant, que plus personne de visible ni d'incarné ne produit jamais sous nos yeux. Je me souviens, il y a déjà une bonne dizaine d'années de cela, m'être fait arracher un chèque des mains par la caissière d'une pizzeria qui - au demeurant - n'était pas des meilleures : "ne le remplissez pas, la machine s'en chargera...." Impression bizarre d'avoir presque pissé contre l'autel ou enfreint le protocole de je ne sais quelle cérémonie de fourmis. Etait-il désormais obscène d'écrire en public ? Et la machine s'est chargée d'écrire, en effet, le montant du chèque à ma place. Rien que du banal.

Rien que du banal que les enfants voient sans cesse se produire autour d'eux. Qui écrit encore, de façon réelle et régulière, de vrais textes dignes d'intérêt dans sa vie quotidienne ? Dans la saturation d'écrits qui nous environne, nous perdons collectivement l'écriture. Il n'y a bien que les collégiens, les lycéens et les étudiants auxquels d'indélicats conservateurs demandent encore de produire du texte écrit, et encore, pas toujours de façon manuscrite. Les résultats, maintes fois décrits autant que décriés, sont des résultats le plus souvent catastrophiques. Et le mouvement est irréversible. Car nous avons quitté la civilisation de l'écrit : l'écrit avait besoin d'espace, de temps, de nature, d'individus libres, autonomes, conscients, cultivés et singuliers. L'espace se restreint, le temps coagule, la nature se transforme, la culture se massifie, que dire des individus libres, autonomes, conscients, singuliers ? L'écrit ne pouvait se maintenir que dans un monde nuancé - où sont les nuances, dans la civilisation techno-médiatique de masses dans laquelle nous sommes entrés. Notre perception du monde est à la fois trop lourde et trop rapide pour l'écrit. Bien sûr, demeurent les irréductibles dont je fais partie - pour combien de temps, ou plutôt pour combien de générations ? Maîtriser correctement la langue écrite est encore perçu par beaucoup d'hommes et de femmes comme un acte encore nécessaire, certes. Mais nécessaire à sa survie, pas à sa vie. Un acte certes encore nécessaire, mais, déjà, un acte qui n'est plus du tout fondamental. Or un acte qui n'est plus perçu comme fondamental, dans quelque civilisation que ce soit, est condamné, à plus ou moins long terme, à disparaitre : « a quoi ça sert? » s'interrogent en effet en chœur les plus nombreux, qui sont toujours ceux que Bernanos appelait les imbéciles." Ainsi s'effaça de la mémoire du peuple l'habitude de croire et de prier, lorsque le système imposé à tous l'exigea de chacun. Car je suis convaincu que, de la même façon qu'on m'ôta le chèque à remplir des mains, on retira le livre de prières de celles de mes ancêtres. Avec de semblables arguments. Ainsi va la civilisation. Tant qu'à la fin elle se brise.

 

16:50 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : écriture, littérature, langue française, bernanos | | |

lundi, 11 février 2008

La démocratie du spectacle

NON ! Quelle manchette ! Le soir du 29 mai, malgré la hauteur du résultat, il n'y eut pourtant pas particulièrement de liesse populaire dans les rues. On s'attardait un peu devant les écrans (PPDA, Chabot, Pujadas, la même clique, toujours...). Et puis, le peuple qui s'était prononcé alla se coucher.

« Vive l'Europe, vive la France »... Hier, un président français, pour la première fois dans l'Histoire du pays, conclut ainsi l'une de ses interventions.  Teint terreux, coupe de sergent-chef, le ton parfaitement faux-cul et l'œil libidineux de l'avocat véreux touchant ses honoraires: Vive l'Europe ? Un Persan de Montesquieu qui observerait les convulsions médiatiques de ce pays y perdrait son latin. Quoi ? Ce pays qui a dit Non à l'Europe libérale, publiquement désavoué trois ans plus tard par son propre "dirigeant" ? Quel funeste désaveu ! Dans la formule conclusive de ce pseudo-président, où donc, au fait,  est passée la République ? Ainsi va la démocratie du spectacle, le « show politique », lequel « must go on »... Est-ce une nouveauté ? Rouvrons donc les Mémoires d'Outre-Tombe", Troisième Partie, XII, 8. Chateaubriand décrit l'indifférence avec laquelle le peuple accueille la nouvelle du départ de Charles X pour Prague, peu après les Trois Glorieuses de 1830 :

« Dans ce pays fatigué, les plus grands événements ne sont plus que des drames joués pour notre divertissement : ils occupent le spectateur tant que la toile est levée et, lorsque le rideau tombe, ils ne laissent qu'un vain souvenir ».

Sauf que, dirons les plus inquiets d'entre nous, ce n'est pas un roi qui s'en va tristement en exil cette fois-ci, mais une certaine légitimité de la souveraineté populaire.

Sarkozy a beau jeu de se targuer de ses 53 %, plus récents que les 54,67 du référendum (un résultat en chasse l'autre), pour affirmer cyniquement qu'il « fait ce pour quoi il a été élu ». Ceux qui ont voté pour lui, et dont la préoccupation première n'est, certes pas l'application du Traité de Lisbonne, apprécieront. Dans les coulisses, le PS, qui s'y croit déjà, fait mine de s'abstenir et applaudit. Cette démocratie spectaculaire, en sa majorité comme en son opposition, n'est même plus écœurante. Elle est mortifère. Elle porte les traces de la mort, de sa propre mort et de la mort de tous ceux qui se livrent à ses icones. Car un feuilleton politique, bien vite, en chasse un autre. Une série supplante une série. Au nom de la politique de l'audimat dont elle use et abuse, la série Sarkozy touche à ses limites. Une autre suivra sans doute. A quand, le grand réveil du politique ?

 

08:40 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : europe, sarkozy, chateaubriand, montesquieu | | |

samedi, 02 février 2008

chandeleur

Aujourd'hui, Chandeleur, jour de la Purification de la Vierge, rappelle la Légende Dorée de Jacques de Voragine. Marie, qui n'avait nullement besoin d'apporter son enfant au Temple, céda pourtant à la Loi des hommes, par une vertu où se mêlent obéissance et humilité. C'est ce qui permit à Syméon de composer le cantique qui porte son nom :

« Car mes yeux ont vu le salut / que tu préparais à la face des peuples / lumière qui se révèle aux nations / et donne gloire à ton peuple Israël... »

 Sans doute sommes-nous loin du temps où les jeunes filles du peuple achevaient ce jour-là leur neuvaine du même nom, par la récitation fervente de laquelle elles espéraient découvrir en vision le visage de l'époux qu'elles rencontreraient par la suite, afin d'être certaines de ne pas rater l'âme sœur. Charles Nodier, qui fit un conte fantastique de cette coutume, ne reconnaîtrait donc plus Montbéliard. Sans doute sommes-nous loin aussi des processions plus ou moins festives et carnavalesques du Moyen Age, durant lesquelles de graves et songeuses Vierges Noires vêtues et coiffées pour l'occasion de leurs plus beaux atours étaient promenées le long de rues mal pavées.

 

Le Perce-neige
Violette de la Chandeleur,
Perce, perce, perce-neige,
Annonces-tu la Chandeleur,
Le soleil et son cortège
De chansons, de fruits, de fleurs ?
Perce, perce, perce-neige
A la Chandeleur.

 

On ne sait pas trop quelle mouche piqua Robert Desnos le jour où il composa cette comptine. Elle est néanmoins bel et bien de l'auteur de Rrose Sélavy.  Fête des crêpes au moins autant que fête des cierges, Chandeleur, jusque dans les trois syllabes de son nom (au contraire d'Epiphanie, par exemple) a gardé dans sa consonance quelque chose de la naïveté de sa formation populaire. Chandeleur : On dit bien que si l'hiver ne meurt pas ce jour-là, il prend vigueur...

 

07:50 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chandeleur, robert desnos, jacques de voragine | | |

mardi, 15 janvier 2008

Que reste-t-il de mai 68 ?

« Que reste-t-il de 68 ? » - Daniel Cohn-Bendit et Luc Ferry...  à l’Institution des Chartreux  Que reste-t-il de mai 68, en effet, quand les commémorations des événements prennent la même tournure (institutionnelle, qui l'eût cru) que celles du 11 novembre 1918 (lesquelles sont sur le point de disparaître, faute d'anciens combattants). Que reste-t-il de mai 68 lorsque, par exemple, l'employée d'un des plus importants centres de distribution du livre d'une des plus grosses villes de France vous indique d'un ton neutre le rayon sociologie lorsque vous lui demandez où se trouvent les œuvres de Guy Debord ! 

Que reste-t-il de mai 68 lorsque Dany Ferry et Luc Cohn-Bendit  (ou le contraire, est-ce que cela importe ?) organisent en partenariat avec France Culture (Du Grain à Moudre)  et le Nouvel Observateur (semaine du 31 janvier) un événementiel à l'Institution des Chartreux, jeudi 17 janvier 2008 à 19H30, 58, rue Pierre Dupont, Lyon 1er. Pour assister à la prestation sans aucun doute succulente des deux charlots, comme au théâtre, la réservation est indispensable (04 78 27 02 48.). On imagine bien que le Tout-Lyon quinqua et sexagénaire, universitaire et intellectuel, y jouera des coudes, tout en se repassant la pelle à l'entracte. Comment, dès lors, se priver du plaisir de relire les affiches de l'époque ? L'une, signée le 15 mai par Guy Debord, l'auteur de la Société du Spectacle : « Le mouvement du 22 mars a trouvé son leader en Daniel Cohn-Bendit qui a accepté un rôle de vedette spectaculaire où se mêle cependant un certain radicalisme honnête. » (1) On appréciera l'euphémisme. Si vous avez, jeudi, votre soirée à perdre, vous pourrez en écoutant l'éminent et toujours spectaculaire (au moins autant que Sarkozy) conférencier Dany vous demander ce qui reste de ce radicalisme honnête. Sinon vous pouvez toujours vous consoler en relisant Debord.

 

 

( 1) Debord, Oeuvre Complète, p 882 - Quarto Gallimard.

17:35 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : guy debord, mai68, cohn-bendit | | |

mardi, 08 janvier 2008

Rompre, dit-il...

Quelqu'un, quelque chose de l'autre siècle... Ou bien quelqu'un, quelque chose du siècle dernier. J'ai souvent lu ou entendu l'expression, dite avec une ironique tendresse, afin de débusquer derrière de fausses manières l'héroïque ou le ridicule survivant d'une époque désormais engloutie. C'est ainsi que, non sans affection, Chateaubriand parlait des vieillards de l'infirmerie Marie-Thérèse. Il prenait le mot "siècle" dans son sens encore religieux : siècle (monde), gens de l'ancien monde, autrement dit de l'Ancienne France, de l'Ancien Régime, gens du dix-huitième siècle. Dans ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse, bien plus tard, Renan lui emboite le pas en évoquant le  "bonhomme système", vieux révolutionnaire original qui hantait les rues de Tréguier et pour qui le temps s'était arrêté le jour de la fête de l'Etre Suprême, "bonhomme du dix-huitième siècle". Un homme d'un autre siècle... L'expression franchira l'an 1900. Et lorsque Proust évoquera une manière du "siècle dernier", il parlera non plus du dix-huitième, mais bien sûr du dix-neuvième. Gens de l'autre siècle, gens de la Monarchie de Juillet ou du Second Empire. Avec les horreurs qui l'ont caractérisé, le vingtième siècle a comme volé en éclat et s'est coupé en plusieurs parties : aussi parlera-t-on des gens de l'avant-guerre, ou de ceux l'entre deux-guerres... Société désormais englouties. Nous nous sommes si bien habitués à ce que le siècle dernier soit le dix-neuvième que nous avons du mal, alors que nous échangeons nos vœux pour 2008, à nous figurer que le siècle dernier est à présent celui dans lequel nous sommes nés. Eh oui : Gens de l'autre siècle, avec nos mœurs, nos manières, c'est nous, désormais, et le siècle dernier, c'est le vingtième....

La Belle Epoque a souvent été dépeinte par ses esprits les plus brillants comme une époque d'une grande vulgarité. Et cette vulgarité, disaient-ils, résidait dans la prétention de toute une génération élevée dans le dix-neuvième à adopter à tout prix un esprit nouveau qui souvent, révélait ses ridicules, sa prétention, sa fatuité. De même, ressembler à tout prix à quelqu'un du vingt et unième siècle (alors qu'on est quelqu'un du vingtième...), n'est-ce pas le problème aujourd'hui de tout une génération, qu'incarne jusqu'au ridicule le plus élyséen, son charmant président ? Car il n'y pourra rien changer, Sarkozy a été jeune au vingtième siècle, a grandi dans une société sans portables, encore engoncé dans certains tabous et peinte ou racontée chaque soir dans un poste de télé en noir et blanc et à chaine unique. Une époque avec ses passeports en bleu, ses billets en francs et ses disques en vinyle. Il est quelqu'un du vingtième siècle. Sa différence avec Chirac, c'est qu'il ne l'assume pas. Il veut changer. Rompre, dit-il. Avec quoi ? Avec une politique ?  Une femme ? Qu'on croit... Qu'il croit... Sarkozy ne veut rompre qu'avec le vingtième siècle, pour prendre le pouvoir, croit-il, sur son temps, sur le 21ème qui est décomplexé ( forcément décomplexé), riche (forcément riche) technologique (forcément technologique), libéral et libéré, (forcément libéral et libéré).. Régner sur le présent. Le loqueteux présent... Le risque est grand de laisser paraître l'éternel ridicule qui sommeille en lui comme en chacun. Il dit qu'il veut être un homme comme les autres. Quelle fatuité ! Quel ridicule !  Il ne veut pas « sentir l'ancien monde ». Mais il ne pue jamais autant cet ancien monde, cet autre siècle, que lorsqu'il veut avoir l'air 21ème.  La très décomplexée Carla Bruni, croit-il,  arrive à point nommé pour faire de lui un président du vingt et unième siècle. Mais elle aussi sent terriblement son vingtième siècle, trouvez-vous pas ?  Comme tous deux datent, datent ! Déjà, bronzés, en lunettes de soleil sur un arrière plan de pyramides avec un teint fade de papier glacé... Derrière ces pyramides, combien de ridicules vous guettent ? C'est cela que sent confusément un peuple qui commence à en avoir assez de ce « bonhomme système ». Et de cette mauvaise chanson, jouée en couplets de mirlitons par deux êtres insipides, que n'embellit plus ni la grandeur du cynisme, ni l'élégance de l'ambition. Des gens d'un autre siècle...

17:25 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sarkozy, renan, chateaubriand, bonhomme système | | |

lundi, 31 décembre 2007

Tables d'antan

 

Dans ses Oisivetés du sieur Puitspelu, Clair Tisseur inaugure un genre de littérature fort spéciale, la littérature gastronomique. Manger, affirme-t-il, est une chose d’esprit par laquelle l’homme se distingue de l’animal. :

« Car ne soyez point assez sots de croire qu’un bon morceau se goûte seulement avec le palais ; il se goûte bien plus avec l’esprit. Le palais n’est qu’un agent de transmission. C’est comme si vous disiez d’un Raphaël ou qu’un Ruysdaël qu’il se juge avec les yeux. Apprenez que vous jugez d’un plat exactement avec les mêmes facultés de comparaison, de réflexion, de généralisation, qui vous font juger d’une pièce de vers, d’un tableau ou d’un opéra. »

C’est pourquoi il n’est de bon repas qui ne se fasse sans commentaire :

« Car, si vous visitiez un musée en compagnie d’artistes amis, ne vous éclaireriez-vous point de vos impressions et de vos idées respectives ? Et ne croyez point qu’un bon repas ne soit pas le meilleur des tableaux ? Manger d’une bonne chose sans en parler, autant dire que les caresses entre amoureux se peuvent échanger sans doux propos »

Le repas pris en commun, voilà ce qui le rend savoureux :

« C’est grand heur que de manger bien et bon, et boire d’autant, mais qui n’existe qu’à condition d’avoir en face de soi des visages amis ».

Ayant défini ainsi les conditions de la bonne table, Puitspelu affirme que « les dîners lyonnais ont plus que tous les autres en partage ce parfum de  la cordialité. »

Quelques années plus tard, Vingtrinier prolonge la chanson un peu sur le même air, avec trois chapitres entiers consacrés, dans La Vie Lyonnaise,  au « Ventre de Lyon »,  à « Lyon à table »,  au « Gosier de Lyon ».  Dans la lignée de Nizier de Puitspelu, il cite avec une sorte de mélancolie admirative les immenses plats chargés de viande, de poissons et de légumes qu’on dévorait sous l’Ancien Régime. Énumérations à la Rabelais de volailles  (chapons, poules, poulets, coqs d’Inde, canards, oies, pigeons et paons...), de gibiers à plumes (cigognes, hérons, aigrettes, cygnes, grues, perdrix, cailles, ramiers, tourterelles, faisans, merles et mauviettes, bécasses, becfigues, ortolans, gélinotte de bois, poules d’eau, sarcelles, canetons sauvages, outardes, râles) ou à poils (lièvres, lapins, daims, faons) et de poissons d’eau douce (ablettes, anguilles, barbeaux, brochets, carpes, chatouilles, écrevisses, goujons, lancerons, perches, tanches, truites, ombres...). De quoi se désoler du manque d’opulence des tables démocratiques, conclut-il, «  la Révolution ayant coupé l’appétit à ceux dont elle avait épargné la tête. ».

Pouvoir d'achat en berne, moral, dit-on, dans les chaussettes, les Français termineraient mal l'année 2007 ? Tsss tsss... On a, il est vrai, l'impression qu'une majorité parmi eux se réjouissent avec Sarkozy d'avoir échappé à Royal, tandis que l'inverse aurait pu tout aussi bien arriver. Souhaitons-nous une année 2008 pleine de santé, prospérité, bonheur, paix et bonne chère, si les uns veulent bien aller de pair avec les autres. Joyeuses fêtes à toutes et tous.

20:20 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, société, lyon, gastronomie, culture, reveillon, sarkozy | | |

mardi, 25 décembre 2007

Histoire de dame brune...

Le souci commémoratif n'a jamais été aussi commercial que depuis quelques années.Dans les allées climatisées des centres de distribution de la culture, on voit s'amonceler des compilations d'œuvres d'artistes morts ou sur le point de l'être (je pense à Aznavour et Salvador, par exemple).

Bien sûr, tout n'est pas à jeter dans cet effort à l'adresse du bon public de la société de saturation, qui ne sait plus quoi s'entre-offrir durant cette période mièvre de fêtes de Noël. Ces compilations, ça aide, certes...  Je me demande ce qu'en aurait pensé Monique Serf, alias Barbara, dont on s'est souvenu, non sans émotion, durant ce mois de novembre, qu'elle nous avait quittés il y a déjà dix années. A première vue, comme ça, je dirais pas grand bien. Son souci d'éviter les plateaux-télé dans lequel le moindre citoyen lambda à présent se précipite tête baissée, au risque de se prendre les pieds dans les fils d'un projo, fut toute sa vie manifeste. Et la dame avait raison. Cela dit, il fallait bien vivre et aimer. Paradoxe du comédien, non des moindres, la scène est un métier public, dont il convient bien sûr honorer les exigences. N'empêche. Brel, son grand copain, dans le coffret-tombeau qui est à lui aussi dédié, déclare :

« et vous ne trouvez pas indécent, en 1967, que des gens soient encore obligés de montrer leur cul ? » Que dirait, à présent, le Grand Jacques ? Siècle de goujats ! Société de masses...

160.gif« Je ne peux pas me servir des morts qui ne sont pas les miens », déclare la longue dame brune à Denise Glaser, dans un enregistrement bien ancien de Discorama . Notre enfance, ni plus ni moins. Qui a connu un peu Barbara, de fait, sait qu'il y a un avant-Nantes comme un après Nantes. Comme il y aura par la suite un avant Perlimpimpin et un après- Perlimpimpin.  Avec beaucoup de délicatesse, de prudence et de talent, Barbara a su approcher un à un tous les éléments de son drame personnel pour l'envelopper derrière une confidence, dont elle apprit à son public qu'elle devait, cette confidence, devenir peu à peu un art - ou n'être pas : La confidence esthétisée, au risque de simplifier tragiquement celle qu'on se fait entre infirmes, très sérieusement, en se livrant ce qu'on appelle des secrets, au coin d'un trottoir. La confidence sublimée par la note et par l'articulation : écoutez-là, puisque c'est aujourd'hui jour de Noël, ar-ti-cu-ler les mots dents, puis gants, par exemple, dans la chanson pleine de légèreté et de gravité (ou de l'alliance des deux) intitulée Joyeux Noël. Ecoutez-là vous dire, yeux dans les yeux : « la so-li-tu-de... »

  Née en 1930, Monique Serf était, malgré son métier, quelqu'un de discret, quelqu'un - cela me fait drôle de l'écrire -  d'un autre siècle. A sa poursuite, j'ai couru un temps les routes de France et de Hollande, et campé non loin de son piano dans le provisoire du théâtre des Variétés ou de Bobino. Son approche de la scène était empreinte de la conscience du temps qui passe, de la mort qui vient, de l'amour qui illusionne, et de l'art, seul capable de figer l'instant de la mort comme celui de l'amour.  Recréer chaque soir, comme si le temps qui passe n'avait plus d'incidences, le même rituel, au geste près, au souffle près. Et, derrière le voile de cette maitrise technique, laisser croître en lui l'émotion du spectateur, comme monte la mayonnaise. J'avais vingt ans, et cela m'épatait :

« La scène est un pouvoir, disait-elle. Mais c'est un faux-pouvoir ». 

Toute la loyauté, toute l'honnêteté de Barbara est dans cette deuxième phrase.  Voilà ce qu'on ne comprend plus trop, aujourd'hui, mitraillés que nous sommes par de faux-artistes technologiquement assistés  : Le grand artiste n'est pas là pour mystifier les autres, ni pour les corrompre ou les manipuler  : bien au contraire, son art,  tout en même temps qu'il mystifie, démystifie. C'est cela le paradoxe. Tenir en haleine pour libérer l'haleine. Elle chantait la mort, l'enfance, l'amour, pour se libérer de la mort, de l'enfance, de l'amour. Toute la carrière de Barbara fut ainsi un long voyage pour aller d'un point A (parler de soi à soi-même devant les autres) à un point C  (parler des autres à soi-même devant soi) en passant par un point B (parler de soi aux autres devant soi-même).  J'utilise ces concepts soi, soi-même, autre, qui ne sont qu’approximatifs. Il faudrait d'ailleurs en rajouter un quatrième, inventé pour l'occasion, l'autre-même, auquel elle dédia « sa plus belle histoire d'amour. Question chez elle, non pas de sincérité (Dieu que ce mot est exécrable en matière artistique !), mais de moralité. Question, hélas aussi, d'un autre siècle...

 

08:35 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : noël, barbara, société, chanson, variété, culture, consommation | | |