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samedi, 18 avril 2009

A l'ombre des forêts

Je crois n'avoir vu qu'une seule fois - c'était à l'église Sainte Eustache à Paris -  une représentation de Phèdre vraiment sereine et enthousiasmante, en tous points réussie, une représentation qui visait à rendre le spectateur heureux. Mais pour une réussite, combien d'horreurs, combien d'impostures ? La pire Phèdre que j'ai vue, c'était dans une petite salle de Bobigny, il y a pas mal d'années de ça. L'actrice entrait nue, accrochée comme un morceau de viande à des esses de boucher qui coulissaient, en hurlant  Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent ! Mise en scène d'un certain Jean Michel Rabeux... Pouah !

Or, hier soir, j'ai relu le premier acte de Phèdre, et puis ces deux beaux textes à son sujet, le magnifique poème en prose d'Yves Bonnefoy, et ce court extrait de Roger Caillois. Et finalement, j'ai un peu mieux compris Musset, et son théâtre dans un fauteuil...

 

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00:39 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : phèdre, roger caillois, yves bonnefoy | | |

vendredi, 17 avril 2009

Abracadabrantesque

L’abracadabrantesque popularité de Jacques Chirac : tel est le titre d’un papier du Monde de ce soir, signé Raphaëlle Bacqué. 74 % de bonnes opinions ! Quand on lit ça, on regarde d’un air vraiment suspicieux 7 passants et demi sur 10 qu’on croise dans la rue. Et on se dit que la France est bien malade. On peut toujours se rassurer en se répétant que ce n’est qu’un sondage, et que seuls, 958 gugusses ont répondu (pourquoi ce chiffre de 958 – en quoi assure-t-il une représentativité ?). Dans le même article, on apprend aussi que l’un des escrocs politiques les plus habiles de la Cinquième République ; tous mandats confondus, se repose avec Bobonne à La Gazelle d’Or, un palace marocain, au milieu d’une belle orangerie. Jours tranquilles à Taroudant. Il doit vraiment prendre les Français pour des cons ; y'a de quoi, remarquez : une réélection à 82,1 %, une cote de popularité à 74 % après un septennat et un quinquennat aussi merdiques l’un que l’autre, qui auront fini de transformer en sous-préfecture d’opérette un pays ensarkozysé - faute d’avoir été enroyalisé (aurait-ce été mieux ? J’en doute…)- , et surtout jeté au bord de la faillite. Christine Albanel résume la situation en déclarant qu’il est un peu notre grand-père à tous …. (C’est ministre de la culture, ça ?). Avec l’aide d’un jeune historien, Chirac chie parait-il ses mémoires, c’est toujours bon à savoir, et se plait à recueillir des marques de sympathie. Il n’aura pas les miennes. Je n’ai jamais éprouvé la moindre estime pour Chirac, qui a squatté la vie politique française des accords de Matignon de 68 jusqu’à l’extinction des feux, avec une rare indécence de vieillard obstiné et de politicard véreux. Il avait été, il faut l’avouer, à bonne école avec son prédécesseur. Son ensachée Bernadette ne m’aura jamais été plus sympathique que lui. Je suis convaincu que si le pays va mal, à bien des points de vue, c’est aussi parce que Mitterand comme lui-même auront fait chacun un mandat de trop, en tout, douze ans de popotterie élyséenne veule, sept pour le second mandat de l’un, cinq pour le second de l’autre, ça n’aura rien, décidément, arrangé. Devant le triomphe sordide du politicard correct, comment agir, ô cœur volé ? Arthur, le bel, le disait il y a cent cinquante ans : Le poème Le cœur volé de Rimbaud date de mai 1871 et c'est là que le petit jacques a piqué son « abracadabrantesque »

 

Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur couvert de caporal :
Ils y lancent des jets de soupe
Mon triste cœur bave à la poupe :
Sous les quolibets de la troupe
Qui pousse un rire général,
Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur couvert de caporal.

Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs quolibets l'ont dépravé.
Au gouvernail, on voit des fresques
Ithyphalliques et pioupiesques.
O flots abracadabrantesques
Prenez mon cœur, qu'il soit lavé.
Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs quolibets l'ont dépravé !

Quand ils auront tari leurs chiques
Comment agir, ô cœur volé ?
Ce seront des hoquets bachiques
Quand ils auront tari leurs chiques
J'aurai des sursauts stomachiques
Moi, si mon cœur est ravalé:
Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô cœur volé ?

06:26 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : rimbaud, chirac, abracadabrantesque | | |

jeudi, 16 avril 2009

Souvenir de Jacques Seebacher

C’est à Jacques Seebacher,  qui est mort il y a tout juste un an, que je dois la découverte de Michelet ; l’Histoire de la Révolution Française, celle du Moyen Age, dormaient plus ou moins sur mes rayons. Je dis plus ou moins, parce que s’il m’arrivait alors d’en lire une ou deux pages, je trouvais toujours quelque autre priorité pour ne pas aller de l’avant. Il y avait aussi Le Peuple, dans une vieille édition glanée chez un bouquiniste, dormant à côté ; un jour, il nous proposa cet extrait de l’introduction à la Histoire de la Révolution française à étudier.

Il se trouve que par un détour heureux chez Bertrand (L’exil des mots), Michelet revient sur le tapis, en quelque sorte. Et ce texte sur l’analogie entre l’histoire des hommes et un paysage aride, la nécessité de comprendre et la tristesse infinie qu'elle engendre, l’enfantement quasi-prodigieux de la Révolution Française, dont Seebacher me fit un jour un lumineux commentaire, et que je recopie…  

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12:56 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : jacques seebacher, jules michelet, littérature | | |

mercredi, 15 avril 2009

Charles Péguy et le premier billet de cent francs

Les journées de panique de fin février et début mars 1848 ont réduit  l’encaisse de la Banque de France à 59 millions le 15 mars au soir.  Le Conseil général  de la Banque de France sollicite des mesures exceptionnelles : il obtient le décret du 15 mars établissant le cours forcé, et autorisant la création d’une coupure de cent francs. Les jours suivants, ces mesures sont appliquées aux banques départementales qui sont sommées, le 27 avril et le 2 mai suivants, de fusionner avec la Banque de France. La création du premier billet de cent francs est vivement décriée  par ceux qui rappellent la douloureuse époque des assignats.  Mais ceux qui prévoient déjà la diffusion du billet dans les paiements des salaires et les transactions quotidiennes du public l’emportent : on décide de la création de ces coupures dans la limite de 10 millions de francs. La Banque émet alors en toute hâte un billet provisoire imprimé en noir sur papier vert du Marais, comportant un simple encadrement ornemental. L’impression des 80.000 billets de cette série est effectuée chez l’imprimeur Didot. Sa vignette, de forme ovale, est constituée d’ornements et de figures allégoriques : de 1848 à 1862, la Banque de France tirera  5 525 000 exemplaires de ce premier billet de cent francs.

A cette même période, le daguerréotype de Nicéphore Niepce, mort en 1833, commence à se répandre. L’astronome et chimiste anglais John Herschel a découvert en 1839 l’hyposulfite de soude et son compatriote William Talbot, en 1841, le moyen pour développer des clichés. Le souci de la Banque de France n’est plus seulement de créer des billets afin de récupérer l’or des gens dans ses coffres, mais c’est avant tout de réaliser le billet mythique : le billet inimitable.  Le gouverneur de la Banque de France commande rapport sur rapport pour suivre de près l’évolution de ces inquiétantes découvertes concernant la photographie, « qui touchent de trop près aux intérêts de la Banque de France ».

En 1862, pour déjouer les contrefaçons, le billet est légèrement remodelé : un filigrane à tête de Mercure (le dieu des voleurs) est rajouté. Parmi les études de teintes effectuées, on retient un bleu dit céleste pour le deuxième billet. Une composition allégorique de Brisset y est adjointe, dessinée par Cabasson et gravée par Panemaker. Les deux stars de la Banque de France, Mercure et Cérès, s’y donnent pour la première fois rendez-vous. Ce sera le début d’une longue collaboration. Voici ce que Charles Péguy écrit, quelques années plus tard dans son maître livre, L’Argent :

« C’est la bourgeoisie capitaliste qui a tout infecté. C’est la bourgeoisie capitaliste qui a commencé à saboter, et tout le sabotage a pris naissance dans la bourgeoisie. C’est parce que la bourgeoisie s’est mise à traiter comme une valeur de bourse le travail de l’homme que le travailleur s’est mis, lui aussi, à traiter comme une valeur de bourse son propre travail. C’est parce que la bourgeoisie s’est mise à faire perpétuellement des coups de bourse sur le travail de l’homme que le travailleur, par imitation, par collusion et encontre, et on pourrait presque dire par entente, s’est mis à faire continuellement des coups de bourse sur son propre travail. C’est parce que la bourgeoisie s’est mise à exercer un chantage perpétuel sur le travail de l’homme que nous vivons  sous ce régime de coups de bourse et de chantage perpétuel à la grève. Ainsi est disparue cette notion de juste prix, dont nos intellectuels bourgeois font aujourd’hui des gorges chaudes, mais qui n’en a pas moins été le durable fondement de tout un monde. »

 

 

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mardi, 14 avril 2009

Sur le parvis de la primatiale

Une femme (la cinquantaine, visiblement), à son frère : "J'ai proposé aux parents de s'impliquer plus activement dans mon projet financier"

La stratégie participative gagne les familles, semble-t-il.  A ce moment-là, le frère a fait la moue. C'était saisi au vol.

01:32 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : argent, société, sur le vif, parents, actualité, pâques, héritage, fratries | | |

lundi, 13 avril 2009

Objets pauvres & objets obsolescents

L’objet pauvre, pour Kantor qui inventa le premier la formule, c’était l’objet totalement misérable, incapable de servir dans la vie, bon à jeter aux ordures, débarrassé de sa fonction vitale, l’objet cassé, sali, abîmé, récupéré, nu, désintéressé, et donc enfin artistique (Leçons de Milan). L’objet pauvre, disait Kantor "est le fondement du théâtre, parce qu’il parle à la mémoire" (la roue du char dans le Retour d’Ulysse, les bancs d’école ans la Classe morte…) Quand Kurt Schwitters, dans l’Allemagne ruinée d’après guerre, ramassait l’objet pauvre – c'est-à-dire l’ordure qui lui tombait sous la main- dans la rue, c’est parce qu’il n’y avait rien d’autre, au sens propre, pour fabriquer une œuvre d’art. Rien. Que des ordures. « Ses tableaux étaient déjà rouillés quand ils sortaient de son atelier, au contraire des autres peintres » a dit de lui Aragon. Cet entre deux-guerres dada, c’est aussi le moment où Breton rencontra Nadja aux puces de Saint-Ouen, et commença à photographier l’objet pauvre. Breton fut le premier à mettre le doigt sur l’aspect révolutionnaire de ces objets surannés, démodés, déclassés, en un mot, pauvres. Kantor, Schwitters, Breton furent les premiers, chacun dans leur domaine, à donner à la récup’, à la bricole, ses lettres de noblesses, et à l’objet pauvre un pouvoir de langage authentique. L’allemand Schwitters et le polonais Kantor étaient réellement dans la nécessité. Breton moins. Tous, néanmoins, furent des artistes.

 

 Temps de crise : Marchés aux puces, foire aux brocantes, vide-greniers où s’étale d’abord la pauvreté des hommes et des femmes, leur étrange soumission à la crise, leur abandon, jusque dans les ports, les mots et les gestes, à la précarité.  On vend, on fait du troc. On s'émerveille de ça. Economie parallèle, se console-t-on... Quelle tristesse  ! Comme nous sommes loin de Breton, de Schwitters, de Kantor…. Je ne trouve pas à ces lieux sordides où s’étale la misère culturelle des sociétés de consommation, je dois dire, la même poésie.

Sans doute existe-t-il une vertu consolatrice à la revendiquer, cette poésie de l’objet pauvre, dans ces foires à la récup’., ces miséreux vide-greniers, sordides marchés à découvert.  Vous trouverez toujours quelqu’un pour vous moudre cet air-là. Pourtant, comme nous sommes loin de tout discours révolutionnaire, autant que de toute portée esthétique ! Et comment penser que ces objets sont porteurs de mémoire ? L’objet obsolescent d’après l’abondance n’a pas la mémoire qu’avait l’objet pauvre d’avant l’abondance. Ni la même signification. De toute façon, la société de la récup est une société sans mémoire, sans religion et sans culture. C'est une société purement économique.

Avec la crise pour alibi, nous sommes entrés pour longtemps, j’en ai peur, dans la société de la récup’. Deux générations d’individus, au moins, qui n’auront jamais entendu parler que la crise, vont rencontrer – pour le coup - son vrai visage. Après la civilisation de l’artisanat, après la société industrielle, nous voici donc à l’ère lamentable de la récupération. Si Mourguet choisit de vêtir Guignol d’une veste de l’Ancien régime, sous l’Empire, qui se souvient que c’est parce que tous les canuts vivaient de la récup’ ? Mais les canuts tissaient des draps d’or, allaient chercher à l'Eglise le courage de faire face à leurs patrons,  et inventaient le système des mutuelles. Les canuts n’étaient pas obsolescents. Ils n’étaient, comme leurs objets, que pauvres.

L’objet pauvre avait du sens quand il contestait l’objet riche. Devenu la norme de cette société qui en a produit à la pelle, l’objet obsolescent est à présent vidé de tout langage, de toute valeur, de toute mémoire et de toute beauté. Simple signe du marché qui va vite, très vite. On forge avec lui un bric-à-brac assez dérisoire pour mettre au chaud sa précarité pendant quelques années, voire quelques mois,  quelques semaines, dans une case de la ruche. L’objet obsolescent  est devenu la norme de la société de l’obsolescence, de l'homme obsolescent, de la vie dans l'obsolescence.

 

01:07 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : tadeusz kantor, kurt schwitters, objet pauvre | | |

dimanche, 12 avril 2009

Saint-Jean endormi

Un troisième petit joyau du musée de Dijon, après le Glas et le lavement des pieds, ce tilleul sculpté de Martin Hoffmann, représentant Saint-Jean endormi, devant lequel on peut aussi rester longtemps à regarder, à ressentir, à rêver. Il y a une pérennité de l'œuvre d'art, antérieure à tout caprice, toute révolte, toute trépignation. Martin Hoffmann vécut et sculpta cela au début du seizième siècle. Du début de ce seizième siècle, aucun de ces registres paroissiaux, dans lesquels, fut un temps, j'ai cherché traces d'ancêtres baptisés par d'humbles curés de villages, ne m'a livré la certitude du moindre nom. La piste des aïeux s'égare, comme la poudre des os d'Hoffmann, dans l'autre sens, s'est dilapidée pour venir jusqu'à nous. Mais cela, cette étonnante statuette grande comme un hibou, fait le pont, c'est bien cela. On la croirait fabriquée pour l'un ou l'une d'entre nous, ces paupières rondes, ces longs doigts, ces boucles de cheveux. Le bois poli de ce tilleul : où sont les feuilles, les branches, les racines même qui portèrent fièrement l'arbre dont Martin Hoffmann fit un peu de la chair brune et patinée d'un saint : Le sommeil de Saint-Jean endormi, l'une des plus belles métaphores de la condition humaine, sans doute. Comme il nous est contemporain, ce sommeil de bois, vieux de cinq siècles et comme ininterrompu depuis, cet endormissement de chaque jour dans lequel s'allongent, s'étirent les chères illusions dont nous nous emplissons l'esprit. Et comme il est peu probable qu'il cesse bientôt, tant partout, sur l'humaine inconscience peuplant chaque coin de la planète (presque 7 milliards) la nuit s'est faite dense.

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02:07 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : musée de dijon, martin hoffmann | | |

vendredi, 10 avril 2009

La crypte des Capucins

Plongé dans la relecture des reportages de Béraud, je redécouvre cette description de la crypte des Capucins, à Vienne, tirée du Feu qui Couve (qu’il dédie à la grande mémoire d’Albert Londres, mort deux années auparavant), une série d’articles publiés en 1934. En voici un extrait :

« Sur le sol, au pied des murs, à même les dalles, une centaine de sarcophages sont alignés. Pour la plupart, ce sont des cercueils de bronze, simples boîtes noircies par le temps, toutes roides, portant leurs croix en relief, et qu’un long séjour dans cette ombre glacée à tavelées de taches de rousseur. Sur chaque bière, un écusson de cuivre, poli avec soin, dit le nom et les titres du mort. J’ai vu Westminster, Saint-Denis, l’Escurial, le Panthéon romain, tous les charniers royaux. Aucun ne donne au visiteur un pareil frisson. Ceux qui reposent là, dans cette cave saturée de misère,, furent des personnages. Tous, puissants et redoutés, vécurent dans l’appareil de la plus belle cour d’Europe, parmi les évêques, les maréchaux, les chambellans, dans le bruit des armes et l’or des palais. Et maintenant ils sont là, rangés contre ce mur gris, pareils aux morts d’un amphithéâtre. Pauvre gloire, vœux d’éternelle pauvreté, qui dans cette paix, évoquent la terrible simplicité des tombeaux de Latran.

Ainsi s’alignèrent un à un, dans cet auguste et terrible lieu, ceux qui firent l’empire et ceux qui l’ont perdu. Le sarcophage de Marie-Thérèse domine tous les autres, comme, au cœur de la cité, sa statue domine le front des palais. Autour d’elle dorment ces Atrides aux destins affreux et grandioses que furent les Autriche Loraine et les Habsbourg, tous, ou presque, depuis ceux du Saint-Empire jusqu’à ceux de la monarchie expirante. Tous, les jeunes et les vieux, les empereurs des vieilles guerres comme les archiducs dévorés de passions et d’impatience, comme leurs femmes douloureuses et leurs enfants morts d’être nés trop vieux.

Ils dorment tous là, sans dalles, sans grilles et sans fleurs, ceux qui, de Mathias à François-Joseph, portèrent la toison d’or et les cent trente-trois carats du Florentin. Voici, aux côtés de la grande Marie-Thérèse, la veuve de Napoléon et le Roi de Rome. Plus loin, c’est l’infortuné Maximilien, puis Ladislas, tué à la chasse. Voici la Rose de Bavière, que poignarda Luccheni, puis ses fils, les derniers, les tragiques archiducs. Sur ces minces couvercles, où sèchent quelques fleurs, on peut se pencher ; et malgré soi, l’on pense que, si quelque sacrilège osait remuer les bières, on entendrait, sur leur fond de métal, rouler le poignard de Genève ou les balles de Mayerling et de Sarajevo. »

 

 

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01:40 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : crypte des capucins, henri béraud, vienne | | |

jeudi, 09 avril 2009

Le lavement des pieds

Autre tableau du musée de Dijon (au passage, je vous signale que l’entrée en est gratuite – c’est suffisamment rare pour être salué), ce Lavement de pieds de Peter-Paul Rubens. Au début, je ne voulais pas croire que la toile était de Rubens : Le livre ouverts entre deux torches allumées, les poses des personnages, leurs mains surtout, un petit côté Frédérick Lemaître chez certains (la pose de l’apôtre au-dessus de Pierre…) , bref, cela me semblait un peu trop romantique. Et puis après je me suis dit que Rubens ou pas, y’avait qu’à ignorer ce que disait le carton...  Je suis si peu spécialiste en la matière. Et donc j’ai regardé. Et la scène s’est animée. Les trois bougies se sont mises à vaciller, à se répondre. Comme les disciples. En fait, c’est fou le vacarme qu’il y a dans ce tableau quand on le regarde de près. Il y a autant de bruit qu’il y avait de silence dans celui qui précède  (Le Glas). Oui, les couleurs de Rubens font du boucan. Et l’espace est petit. Un faux geste, et on se retrouve hors du tableau. Judas, évidemment, l’a quitté déjà. Danger que signale le vent. Car cela a beau être un intérieur, la scène (Cène) pascale est traversée de vent. Regardez les torches. Sur la nappe blanche va se répandre du sang. Du moins est-ce ce qu’annonce le Livre ouvert, là-haut. Et au-delà du sang, de l'huile, le génie du christianisme.

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