dimanche, 12 avril 2009
Saint-Jean endormi
Un troisième petit joyau du musée de Dijon, après le Glas et le lavement des pieds, ce tilleul sculpté de Martin Hoffmann, représentant Saint-Jean endormi, devant lequel on peut aussi rester longtemps à regarder, à ressentir, à rêver. Il y a une pérennité de l'œuvre d'art, antérieure à tout caprice, toute révolte, toute trépignation. Martin Hoffmann vécut et sculpta cela au début du seizième siècle. Du début de ce seizième siècle, aucun de ces registres paroissiaux, dans lesquels, fut un temps, j'ai cherché traces d'ancêtres baptisés par d'humbles curés de villages, ne m'a livré la certitude du moindre nom. La piste des aïeux s'égare, comme la poudre des os d'Hoffmann, dans l'autre sens, s'est dilapidée pour venir jusqu'à nous. Mais cela, cette étonnante statuette grande comme un hibou, fait le pont, c'est bien cela. On la croirait fabriquée pour l'un ou l'une d'entre nous, ces paupières rondes, ces longs doigts, ces boucles de cheveux. Le bois poli de ce tilleul : où sont les feuilles, les branches, les racines même qui portèrent fièrement l'arbre dont Martin Hoffmann fit un peu de la chair brune et patinée d'un saint : Le sommeil de Saint-Jean endormi, l'une des plus belles métaphores de la condition humaine, sans doute. Comme il nous est contemporain, ce sommeil de bois, vieux de cinq siècles et comme ininterrompu depuis, cet endormissement de chaque jour dans lequel s'allongent, s'étirent les chères illusions dont nous nous emplissons l'esprit. Et comme il est peu probable qu'il cesse bientôt, tant partout, sur l'humaine inconscience peuplant chaque coin de la planète (presque 7 milliards) la nuit s'est faite dense.
02:07 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : musée de dijon, martin hoffmann |
Commentaires
Ses boucles, ses grands yeux aux paupières alourdies sont effectivement bien touchants. Il s'agit du sommeil de St Jean durant la journée de prière du Christ au mont des Oliviers?
Ce que vous dites, la métaphore de la condition humaine, je n'y avais simplement pas pensé. Et revient la phrase de Pascal: "il ne faut pas dormir pendant ce temps-là".
Pascal dont je connais à peine quelques pensées (mais il trône sous mes essais, l'heure viendra!
PS: Ah merci pour les Béraud, j'ai proposé à Michèle de lui envoyer "Le feu qui couve" après lecture. Ainsi elle ne sera pas lésée. Et puis j'aime assez l'idée de "Béraud-voyageurs"...
Lui qui parcourut l'Europe bouillonnante de l'entre deux guerres, flâner en douce France devrait lui être de quelque agrément...
A bientôt.
Écrit par : tanguy | samedi, 11 avril 2009
Bon. De toute façon il n'y a rien de plus beau qu'un homme endormi. Ou une femme. Ou un enfant. Et là un Saint-Jean.
J'en dis pas plus, les autres commentateurs le feront très bien! Bonne journée Solko.
Écrit par : Sophie L.L | samedi, 11 avril 2009
Je repense à une certaine bibliothèque "diminuée" (j'ai trouvé ce mot formidable) dont parlait dans un billet la dame à l'éventail et je me dis qu'il en va ainsi de nos bibliothèques dont les livres sont ailleurs que sur des étagères. Pourquoi je parle de ça ? pour ce que dit Tanguy qui a eu la gentillesse de me proposer de me prêter ses Béraud et je me dis que sa bibliothèque à lui doit être autant chez les "autres" que chez lui. Merci cher Tanguy.
Et je suis d'accord avec Sophie qu'il n'y a pas plus beau qu'un homme ou un enfant endormis. Une femme aussi, mère, soeur, amie.
Un beau texte pour accompagner ce bois poli de tilleul de cinq siècles. Merci Solko.
Écrit par : michèle pambrun | samedi, 11 avril 2009
Michèle:oh, beaux,ça dépend des hommes hein quand même! et les enfants qui dorment c'est que pendant ce temps ils nous fichent la paix! pour le reste, je vous laisse discuter ici entre adultes! Bonne journée Michèle!
Écrit par : Sophie L.L | samedi, 11 avril 2009
@ Tanguy : "mais il trône sous mes essais" : l'expression est étrange...
Écrit par : solko | samedi, 11 avril 2009
@ Michèle et Sophie : La beauté des visages endormis, oui... Mais ils se réveillent...
Il y a beaucoup d'autres oeuvres dans ce musée de Dijon, dont je ne parlerai pas car je n'ai pas de photos sous la main. A croire qu'ils ont pillé les abbayes du coin, des dipttyques, triptyques, polyptyques (comme disent les écriteaux) vraiment magnifiques, avec de la micro sculpture et puis des Manet, des Moreau, sans compter des tombeaux avec leurs gisants (Jean sans Peur, de mémoire...)
Écrit par : solko | samedi, 11 avril 2009
Oui c'est vrai, c'est que je lis d'abord les plus anciens, pour remonter jusqu'à notre époque débile, bref ce qu'il ne faut pas faire selon Pavese, ah ah...
Hum ce musée a l'air splendidement pourvu, merci. Par contre le billet sur l'objet pauvre, j'ai pu le lire mais il faut être rapide chez vous Solko.
(ah je rêvais de venir avec Restif à votre conférence, mais ce ne sera pas possible, une autre fois peut-être)
Bonne soirée (sans théâtre visiblement!)
Écrit par : tanguy | samedi, 11 avril 2009
Le billet sur l'objet pauvre n'est pas fini. Il reparaitra demain. Vous êtes l'homme qui lit plus vite que son ombre.
La conférence, j'y travaille, j'y travaille... C ene sera pas possible avec Restif ou sans Restif ?
Écrit par : solko | samedi, 11 avril 2009
Ah alors demain, donc mais déjà il était appétissant votre billet, alors vivement demain.
La conf', Restif ne pourra m'accompagner, à son grand regret d'ailleurs. Bon travail préparatoire, je dois encore vous confirmer ma venue. Je vous dirai cela lundi...
Écrit par : tanguy | dimanche, 12 avril 2009
Comme un hibou, dites-vous ? Je l'imagine sur ma cheminée, veillant sur mes soirées, devant la télévision. Sa position est en effet très étrange, assis sur ce siège.
Écrit par : S.Jobert | dimanche, 12 avril 2009
@ S Jobert : Je le comparais à un hibou non seulement à cause de sa taille et de sa corpulence, mais aussi pour cette façon d'être éveillé la nuit (de près, la statue a l'air de vous regarder les yeux fermés). Elle est vraiment très très belle. L'œuvre, tout le contraire de l'obsolescence.
Écrit par : solko | dimanche, 12 avril 2009
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