vendredi, 03 août 2007
La prose poétique de Béraud
Le Vitriol de lune(1921) de Henri Béraud renoue avec le récit historique, en plongeant son lecteur dans une intrigue à la Dumas : conspirations, empoisonnements, écartèlement, énucléation, errances et voyages sur fond de querelles religieuses et politiques. Personnages fictifs et personnages historiques (Louis XV, Damiens…) s’y côtoient, le fil conducteur étant la tendresse filiale qu’un oncle ( Giambattista), porte à son neveu orphelin (Blaise Cornillon). Une tendresse bourrue, fidèle, protectrice.
Le héros de Au Capucin Gourmand (1925) est quant à lui un paysan dauphinois du dix-huitième siècle, lequel vivait heureux avec sa Jeannette jusqu'à ce qu'un soldat de passage violente cette dernière durant son absence. S’estimant déshonoré d’avoir été incapable de la protéger, il la rend à son père, gagne Lyon, où il se fait recruter par le racoleur du régiment du Dauphiné. C’est ainsi que le paysan Lèbre devient le beau Sergent du Roi.
Plus de quinze ans plus tard, il retrouve l’agresseur de sa femme, un certain sergent Merru, qu’il provoque en duel et qu'il tue. Lorsqu’il regagne son pays, il retrouve une Jeannette si lasse et si usée qu’après un an passé en sa compagnie, il engage une aventure auprès de Fanchon, une comédienne et prostituée lyonnaise. Après l’avoir entraîné dans la ville, Fanchon intègre peu à peu à sa bande de « chevaliers » son beau sergent, le pousse au vol, puis au crime. Arrêté, condamné, le sergent Lèbre finit seul et exécuté sur la place des Terreaux. Ces intrigues populaires plus ou moins empruntées (on passe à l'abbé Prévost, notamment) offrent à Béraud l’occasion de travailler son style. Ainsi, dès Le Vitriol de Lune et surtout Au Capucin Gourmand, le projet littéraire qui le conduira aux futurs chefs d’œuvre de la Conquête du Pain prend forme et mûrit :
« Rue de la Limace , à Lyon, tout contre la manécanterie de Saint-Nizier, il y avait un cabaret. Sous l’enseigne Au Capucin Gourmand, un bouchon d’herbe pendait. Deux tilleuls protégeaient le jardin, où étaient des tables et des bancs. On y accédait par dix marches, que rongeaient les brouillards du Rhône »
(Henri Béraud – Au Capucin gourmand, incipit)
La prose poétique de cette séquence repose sur l’usage alterné de mètres pairs et impairs : on trouve en effet deux mètres de 7 syllabes : « Rue de la Limace , à Lyon », « un bouchon d’herbe pendait », trois de 9 syllabes : « Sous l’enseigne Au Capucin Gourmand », « Deux tilleuls protégeaient le jardin », « où étaient des tables et des bancs », ainsi que trois octosyllabes : « Il y avait un cabaret », « on y accédait par dix marches », « que longeait le brouillard du Rhône ». La simplicité du vocabulaire, empruntée à la chanson traditionnelle, estompe évidemment la structure métrique du paragraphe. Seul un segment de treize syllabes se détache, que clôt le mot Saint Nizier, qui domine le fragment tout entier.
Ainsi se forge le style artisanal de Béraud. Souvent composée de mètres identifiables, la proposition va au plus court, incisive. Le terme juste tombe, équilibré sur de discrètes allitérations. La phrase, rarement complexe, forme une séquence close sur son seul prédicat. Lorsque surgit une comparaison, elle est toujours aussi simple qu’inattendue. Béraud, c’est un Boileau qui aurait lu son Michelet. Alors que le roman traditionnel entre dans une crise qui menace de lui être fatale, plusieurs décennies avant le film de capes et d’épées, il invente, si l’on peut dire, le classicisme moderne du roman populaire français :
« Il faisait un froid sec qui, devant les boulangères, fouettaient les femmes attroupées. On vendait le pain, huit sols la livre. Tous les souffles du ciel semblaient se jeter par les rues étroites, sur les malheureux de Paris. Les fumées se couchaient contre l’échine de toits comme des queues de bêtes. Dans l’azur glacial, des brumes flottaient. »
Le Vitriol de Lune II.9
07:15 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : béraud, littérature, lyon, écriture, houdaer |
mardi, 31 juillet 2007
Sale temps pour les tréteaux
Après avoir décliné avec véhémence sa nomination au Collège de France, Ariane Mnouchkine est revenue sur sa décision (Le Monde, 28 07 2007) et déclare ne pas vouloir faire de caprice auprès de gens qu'elle aime et admire" L'égérie de la gauche bobo-momifiée, on s'en souvient, n'en fit pas, non plus, pour lâcher les intermittents du spectacle en juillet 2004, lorsqu'un bras de fer opposait ces derniers avec le pouvoir politique de droite en Avignon. La fille à papa du théâtre du Soleil, aujourd'hui mémé gâteuse au quartier latin a-t-elle voulu nous faire croire qu'elle avait soudain retrouvé du courage politique ? Elle qui, à l'abri des milliards de son père Alexandre, vomissait jadis l'Institution sous couvert d'Odéon, ne crache plus longtemps dessus sous couvert de Collège de France !
C'est vrai que le bouddhisme aide à se détacher de tous les faux semblants de ce bas monde ! Finalement, l'ardente "metteuse en scène" de Cixous et le brûlant soutien de Ségolène devrait se réjouir de la victoire écrasante de Sarkozy : Au moins ne prendra-t-on pas sa nomination comme un renvoi d'ascenseur entre Précieuses Ridicules. Son seul souci étant qu'on ne la prenne pas, non plus, pour un ralliement à Sarko, dame Trissotine précise :"Je me sens instrumentalisée par la Présidence de la République, et je ne l'accepte pas"!!!!!
L'ego surdimensionné d'Ariane n'a vraiment d'égal que sa fatuité. Et son hypocrisie frôle ici celle des vieillards moliéresques, dont elle ne doit plus beaucoup être capable de rire. Comme il est loin le temps de la coopérative ouvrière et de la Cartoucherie de Vincennes, Ariane ! Et à quand, sur les traces de Marguerite, un fauteuil à l'Académie, auprès de Jean d'Ormesson ? Il paraît que plusieurs sont vacants. Pour moi, je me demande avec Molière ce qu'une femme aussi savante que toi pourra bien enseigner au Collège de France : La recette des nouilles asiatiques ou l'art d'enc... son public ? On attend la Leçon Inaugurale avec impatience pour en décider.
11:40 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, contemporain, société, politique, littérature, actualité |
lundi, 30 juillet 2007
Délocalisations
Conversation surprise, vendredi dernier, à la terrasse mi pleine d'un café bien lyonnais, propos échangés entre deux trentenaires (un mâle et une femelle) bien friqués, bien bronzés, mal sapés et bien ... :
-Il parait qu'y vont délocaliser les maisons de retraite aussi. Y z'ont commencé, vers l'Inde...
- Ah ? (seul émoi manifeste). C'est pas trop humide là-bas, pour des vieux ?
Pas de réponse. La fille conclut : « Pauvres vieux ! »
On leur apporte un demi-pêche. Il fait moite.
Alors, ils passent à autre chose.
Le lendemain samedi, après la messe de 16 heures, à Saint-Bonaventure. Un beau vieillard (Son chapeau accroché au rebord de la grille de la chapelle, sa canne, ses cheveux blancs, assez fournis, un peu long; sa veste : une certaine élégance malgré la difficulté à tenir la station debout; quelque chose de joycien chez cet octogénaire - peut-être même nonagénaire...), après la messe, donc, ce beau vieillard est allé s'agenouiller dignement dans la chapelle Notre Dame de Piété. Et plaçant son front assez haut dans ses doigts très maigres et noueux, il a prié longtemps...
Avait-il surpris, lui-aussi, cette conversation entre deux monstres ?
14:30 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : société, contemporain, blabla de fille, politique, lyon |
dimanche, 22 juillet 2007
LEON BLOY ET LA SALETTE
« D'autres voient Marie dans la gloire. Je la vois dans l'ignominie. J'ai beau faire, je ne me représente pas la Mère du Christ douloureux dans la douce lumière de Lourdes. Cela ne m'est pas donné. Je me sens peu d'attrait vers une Immaculée Conception couronnée de roses, blanche et bleue, dans les musiques suaves et dans les parfums. Je suis trop souillé, trop loin de l'innocence, trop voisin des boucs, trop besogneux de pardon »
Ainsi parle Léon Bloy, dans Celle qui pleure, l'un des deux importants ouvrages consacrés par lui à Notre Dame de la Salette. Toute sa vie, Bloy a été un dévot de cette Vierge-ci, Celle qui porte autour du cou le marteau et les tenailles rappelant aux hommes ce que, par eux, son fils a subi et qui, apparue à deux enfants-bergers qui ne parlaient que du patois, le 19 septembre 1846, a livré deux secrets dont un seul (celui de Mélanie) a été dévoilé. Toute sa vie, Bloy a défendu cette Mélanie-ci, précisément, l'enfant sauvage, l'enfant-louve qui ne jurait que par sa révélation, sa Dame de Feu, et tint tête aux hommes et aux femmes, à tous les humains, des francs-maçons les plus roués aux plus hautes autorités de l'Eglise. Toute sa vie, Bloy l'a défendue jusqu'à comparer son dénuement et son discernement à ceux de la Marie du Magnificat. Cette dévotion est la clé de la poétique de Bloy. La chambre obscure où se forge le regard qu'il jette sur ses contemporains, la voix incomparable qui est la sienne parmi les mondains fades ou conventionnels de la Belle Epoque.
Il faut lire Bloy.
Tout Bloy.
Je ne parle pas forcément en quantité, mais en qualité. Lire entièrement chaque phrase dans la totalité de son écriture, pour apprécier l'importance de cet auteur qui fut le seul à percevoir et à dire aussi effroyablement l'événement majeur de son temps : la déchristianisation de la France par le moyen diabolique de la déchristianisation de l'Eglise. Cheminant à travers le secret de Mélanie, la petite Bergère de la Salette, Bloy a composé son œuvre comme on avance sur un chemin de croix. La lucidité, l'effroi, le style, la ténèbre et la lumière qui la traversent de part et d'autre demeurent ses meilleurs avocats, à l'heure vide pour la littérature que nous connaissons.
Texte du secret de La Salette
écrit et daté par Mélanie à Castellamare, le 21 novembre 1878
Nihil obstat et Imprimatur Datum Lycii ex Curia Episcopi, die 15 nov. 1879.
Carmelus Archus Cosma. Vicarius Generalis.
22:25 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : livres, christianisme, littérature, bloy |
jeudi, 19 juillet 2007
La plus belle église de Paris
Saint Sulpice
On dirait qu'il y a, dans cette église, plusieurs églises.
C'est pourquoi pas un détour par Paris ne se fera jamais plus sans au moins une station devant la chapelle de la Vierge, devant celle des Ames du Purgatoire ou devant celle de Saint-Jean Baptiste. Lorsque Delacroix a peint le plafond de la chapelle des Saints Anges (Combat de Jacob avec l'ange), Baudelaire nota dans ses curiosités esthétiques le contraste entre l'homme naturel "incliné en avant comme un bélier et bandant toute sa musculature" et l'homme surnaturel, "se prêtant complaisamment au combat, calme, doux, comme un être qui peut vaincre sans l'effort de ses muscles" (Salon de 1859)
Nul besoin, de toute façon, de l'alibi culturel de Baudelaire, ni de celui, touristique, du Da Vinci Code, pour aimer Saint-Sulpice.
L'église est simplement vivante, l'une des plus vivantes de la capitale. Il suffit, pour le ressentir, d'y passer quelque temps, assis sur un ou l'autre de ses bancs. Il suffit d'écouter en soi-même l'homme naturel et l'homme surnaturel qui s'éveillent. Pas forcément pour engager une lutte aussi romantique que celle que peignit Delacroix.
Cela peut survenir pour le temps bref d'un simple conciliabule. Le regard de l'un, le ressenti de l'autre, de toute façon, trouvent toujours de quoi s'emplir, tant ce que Saint-Sulpice offre aux sens de l'homme naturel comme à la prière de l'homme surnaturel a de facettes et de ressources.
A suivre : Le cent francs Delacroix ...
16:45 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : eglise, christianisme, religion, catholicisme |
mercredi, 18 juillet 2007
CHAPELLE DE FOURVIERE
Depuis lundi, la chapelle de Fourvière est fermée pour plusieurs mois, en raison de travaux qu'on nous dit nécessaires. Occasion de toucher deux mots dans ce blog de ce sanctuaire historique et merveilleux, toujours accueillant, toujours fervent, lieu magique en nos temps, car réservé à la seule prière et non aux canonnades touristiques des portables et des numériques qui flashent et crépitent dans trop d'églises, hélas ! J'ai vu des touristes prêts à photographier littéralement n'importe quoi, que ce soit dans la basilique ou dans la primatiale à Lyon, comme à l'intérieur de Notre Dame de Paris ou du Sacré Cœur. Encore qu'au Sacré Cœur montmartrois règne un « service d'ordre » efficace et méritant contre cette espèce de folie de l'immanence profane.
Mais dans la chapelle de Fourvière, la Vierge à l'Enfant, dite miraculeuse, en bois noir peint, qui date du début du XVIIème siècle, emplit de sa seule présence et de son majestueux silence toute les boiseries de l'autel. Elle demeurera donc, pendant plusieurs mois, invisible, tandis que l'autre statue de la Vierge, celle dite du Bon Conseil sera, parait-il, transférée dans la crypte. Quant à celle de Fabisch, elle continuera évidemment de trôner au centre des feux d'artifices et des nuits de juillet, tandis que les travaux se dérouleront juste en dessous. Solko et bien d'autres attendront donc avec impatience la ré-ouverture de la chapelle de Fourvière, lieu d'histoire, de culture, de mémoire et de religion, prévue pour le 8 décembre 2007.
18:10 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lyon, christianisme, églises, église, fourvière |
dimanche, 08 juillet 2007
la colline aux canuts
« Toujours mentionnée, toujours revendiquée en héritage, toujours brandie dès que les habitants de la Croix-Rousse manifestent, la révolte de ces canuts lyonnais de 1831 n'a fait l'objet, paradoxalement, que de très peu d'œuvres littéraires, et encore moins de pièces de théâtre et de films. On ne peut donc que louer Roland Thévenet pour sa création. »
Eh bien, merci Robert LUC pour ce clin d'œil. On ne sait pas encore quand on rejouera La Colline aux canuts. Mais on sait qu'on la rejouera un jour, à quand sur la scène du théâtre de la Croix-Rousse
Texte et mise en scène : Roland THEVENET
Création à l'Espace 44 (janvier 2004)
Reprise dans le cadre de L'esprit d'un siècle (mai 2007)
Interprétation par ordre d'entrée en scène :
Rose Vettard : Claire MAXIME
Timon l'Ancien : Bernard GERLAND
Jacques Borron : Robert MAGURNO
Louise Borron : Jennifer TESTARD
Antoine Brunier : Sullivan PIERRE
Marie Cochet : Aurélie PIRRERA
Timon Vettard (le jeune) : Florent GOUGET
Bouvier du Molart : Christophe FIEVET
Une vieille : Leda GEORGHIOU
Technicien lumière : Jérome ALLAIRE
Note : ce spectacle a été vu en janvier 2004 à Lyon, Espace 44 (1er arrondissement)
LE CHANT D'HONNEUR DES CANUTS
Parler des canuts à Lyon, c’est parler au cœur des gones. Installés dans le quartier mythique de la Croix-Rousse et ses « pentes », « la colline qui travaille », en opposition à Fourvière « la colline qui prie », les canuts étaient les ouvriers de la soie qui dès 1831 se soulevèrent, à Lyon, contre l’industrialisation galopante, symbolisée par le métier à tisser de Jacquard, et les abus des marchands quant aux conditions tarifaires. Leurs combats augurèrent selon Marx des premières rebellions contre le monde bourgeois et donnèrent naissance aux premières sociétés mutualistes.
Tout commence lorsque, à la suite des revendications des chefs d’ateliers pour la mise en place d’un « tarif légal de vente », le Préfet Bouvier du Molart (personnage historique) convoque en octobre 1831 fabricants et responsables d’ateliers pour s’entendre. Mais nombre de marchands donnent du fil à retordre aux partisans de cet accord, invoquant la non-représentativité des signataires. De là vont commencer les échauffourées dont le bilan, quelques semaines plus tard, sera lourd de 89 morts et 324 blessés, tombés au « chant d’honneur » ; un chant qui, loin du « bistanclaquepan » (1), cadence la passion de leur métier, et que les personnages, chacun à leur façon, nous livrent au gré de la pièce.
Le texte de Roland Thevenet nous plonge dans le quotidien tourmenté de deux familles ouvrières fictives, à la manière des beaux romans du 19ème, tels Le Bonheur des dames (Zola) pour rester dans la proximité thématique, ou Frédéric Moreau dans L’Éducation sentimentale (Flaubert), quand l’histoire devient à la fois décor et unité d’action. Au fil des scènes, se tissent et se détissent ainsi les espoirs et les désillusions, les quêtes et les incertitudes de plusieurs générations d’artisans ; déboussolés, certes, mais prêts à défendre leur savoir faire et sa perpétuation. Il y a du Rousseau dans cette défense patrimoniale du travail manuel, même si l’un des personnages revendicateurs réfute une référence au philosophe des Lumières.
La lecture terriblement contemporaine saute aux yeux, « sans instrumentaliser les Canuts », se défend Roland Thevenet, également metteur en scène. Qu’elle touche la marchandisation de la culture, la fragilité de l’intermittence, l’élitisme de certains spectacles ou le populo-démagogisme audiovisuel, cette fresque des canuts nous interroge sur la valeur du travail à l’heure de l’irréversible mondialisation. Chacun y trouvera matière à un regard différent sur son propre univers professionnel pour y puiser une relecture plus intime. Les interprétations des deux personnages principaux confèrent à la pièce une sacrée étoffe. Bernard Gerland, par son appropriation subtile du texte, campe avec une saisissante authenticité ce maître tisserand d’un certain âge, qui, cahoté par les mutations rapides du monde économique, bascule entre incompréhension résignée et résistance velléitaire. Claire Maxime, son épouse Rose, apporte le sang révolté de sa jeunesse et son ardeur gracieuse à défendre la cause des femmes qui travaillent dans l’ombre. Voilà des Canuts bien canants (agréables) et forts en cervelle (1). Alors, parodiant la célèbre formule de la mère Cottivet, qui appartient au théâtre de Guignol, « en descendant (à Lyon), montez donc (rue Burdeau, à l’Espace 44) ».
Stephen BUNARD - Rue du Théâtre (http://www.ruedutheatre.info/)
(1) Bruit que faisait les métiers à tisser
(2) La « cervelle de canut » est une spécialité lyonnaise, délicieux fromage blanc battu avec de l’ail, des échalotes et des fines herbes.
16:30 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la colline aux canuts, roland thevenet |
vendredi, 06 juillet 2007
Henri BERAUD
Je quitte à l’instant l’œuvre de Béraud. Et il me semble qu’il ne l’a jamais écrite, à peu de gens près, que pour lui-même. Comme tous les écrivains. Je ne parle pas, bien sûr, des grands reportages ni des pamphlets polémiques. Comme Joseph Kessel, comme Albert Londres, auxquels il ouvrit bien des portes, il rédigea les premiers pour vivre. Quant aux seconds, dans le contexte rudement cauchemardesque de la seconde moitié des années trente, il estima que c’était son devoir d'être de la bagarre en les faisant publier.
Je parle d’une bonne quinzaine de livres, ce qui n’est pas absolument rien. Et je n’hésite pas à croire que si la littérature française doit sortir vivante de la vacuité sidérante et du conformisme accablant dans lesquels l’ont plongée aussi bien l’institution universitaire que les politiques éditoriales de ces quarante dernières années, la redécouverte de cette œuvre par de jeunes ou de nouveaux lecteurs aura un rôle déterminant à jouer.
Car il y a dans la phrase d’Henri Béraud quelque chose d’asséné et de brutal, de juste et d’élégant, et même souvent de raffiné, qui fait sa fête à tout amoureux de la langue française. Henri Béraud ne fut ni un idéologue, ni un penseur, ni un politique Contrairement à beaucoup d’hommes de sa génération, il sortit la vie sauve de l’enfer des tranchées de quatorze dix-huit. Comme beaucoup d’hommes de sa génération, il sut alors qu’il avait sacrifié son existence, car la société au sein de laquelle elle s’apprêtait à se dérouler avant que la boucherie ne commence, cette société, bel et bien, n’était plus. C’est pourquoi il jeta sur le monde un regard à la fois baroque et lyrique, l’un de ceux qui siéent mal au sérieux que lui demandait son temps : un regard de revenant désenchanté. Iceberg anachronique et têtu, n’explique-t-il pas encore, en 1944 ainsi sa conception politique : « Elle s’exprime toute dans l’amour de la France, la haine des Anglais et le refus de toute obédience étrangère » Cette politique qui, dit-il « a suffi à nos vieux rois, aux hommes de 93, à Napoléon, peut bien suffire à un fils de boulanger.»
L’effacement d’un grand auteur, quel qu’il soit, est toujours significatif de quelque chose. Dans une démocratie sur-médiatisée de pied en cap, le fait d’honorer chaque 11 novembre la mémoire d’un soldat inconnu est évidemment moins compromettant que le fait de perpétuer la mémoire d’un soldat qui fut trop connu et, surtout, inconsidérément bavard. Pour sa défense, c’était son métier de parler ainsi. Loin de moi l’idée d’attenter à la justesse d’une commémoration dont Béraud lui-même écrivit un jour que les Allemands nous en enviait l’idée. Le fait est que, pour son malheur, Henri Béraud a appartenu à cette génération-là - que des cadets opportunistes auront singulièrement réduite au silence- et qui, parce que la gloriole la faisait rire, a laissé faire. Brasillach eut les honneurs d’un procès en bonne et due forme. Celui de Béraud, qui passa avant, lui, est une atroce caricature.
09:40 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, béraud, lyon, houdaer |
mardi, 03 juillet 2007
l'escargot
Une lecture humide de ce temps y déplorera évidemment en tous lieux ce règne sans partage du sec. La violence est sèche. L’à peu près est sec. La combinaison de la violence et de l’à peu près, dont le fait politique comme le fait divers répercutent jusqu’à nous la nauséeuse contingence, favorise un environnement qui est peu propice au suave et lent étirement de l’algue sur la plage, tel que l’humide le sollicite : quelle vulnérabilité, à ce point, pourtant me rappelle la lumineuse trace, sur l’arceau, de l’escargot sous la tonnelle ? A celui qui le regarde, le sobre architecte de son simple passage n’intime aucune persuasion : cherche-t-il même à communiquer quoi que ce soit ? Telle est l’insolence de l’exploit poétique, que de sa vitalité éphémère, il ne tire qu’une compétente discrétion.
09:45 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, littérature, littératures |