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jeudi, 12 juin 2008

Le cinéma-Grévin

Après Piaf, Sagan. J’ignore ce que ces deux femmes ont fait au Ciel pour mériter tel traitement. Après Marion Cotillard, Sylvie Testud et toute une production s’acharnent donc en parfaits charognards sur l’image de la pauvre Sagan, avec la bénédiction d’un pseudo-monde littéraire à l’agonie. Ce qui a marché pour Edith La-Vie-En-Rose (un césar, un oscar…) se dit-on, pourrait marcher pour Sylvie Bonjour-Tristesse : mais d’où sort-il, d'où nous vient -il, ce mauvais cinéma, cet anti-cinéma,  ce cinéma dégueulasse dont l’ambition se borne à des effets de couper-coller hyper-naïfs, symptomatique d’une époque ivre de bling-bling et de pête-au-cul ? L’ « être-comme », le « ressembler » comme base de l’interprétation. Aïe ! aïe ! aïe !… C'est-à-dire l'imitation au lieu de l’interprétation. L’acteur chosifié, englué dans du maquillage comme un pitre dans sa sueur, une guêpe dans une tache de…  On se souvient du Mitterand-Bouquet du Promeneur du Champ de Mars qui fut une sorte de préfiguration de ce nouveau cinéma-Grévin. Puis du carrément ridicule Torreton-Jaurès… Et la critique béate ou bien vendue, de s’extasier devant des acteurs starifiés c'est-à-dire lobotomisés au sens propre, acteurs dont le graisseux génie se borne à une prouesse de sosie : que devient le talent dans tout ça ? Et quel peut bien être l’intérêt de tels films (hormis économique)  sinon impressionner pour quelques heures des masses de spectateurs eux-aussi lobotomisés (mais pas starifiés) ! 

Au Célestins de Lyon, Claudia Stavisky propose plus discrètement et plus intelligemment deux spectacles de marionnettes pour la saison prochaine : du 10 au 28 décembre 2007, Les embiernnes recommencent, un spectacle sur Guignol d’Emilie Valentin ( que la municipalité de Montélimar vient scandaleusement de virer de son théâtre du Fust qu’elle occupait avec talent depuis trente ans), L’Opéra de Quat’sous de Brecht, par Johany Bert, du 25 février au 7 mars. Spectacles dont on aura l’occasion de reparler. Car je me dis que face à la boulimie hystérique de l’acteur contemporain, Anatole France avait sans doute raison, qui proclamait, dans  La Vie Littéraire : « J’ai vu deux fois les marionnettes de la rue Vivienne et j’y ai pris un grand plaisir. Je leur sais un gré infini de remplacer les acteurs vivants. S’il faut dire toute ma pensée, les acteurs, me gâtent la comédie. J’entends les bons acteurs. Je m’accommoderais encore des autres ! mais ce sont les artistes excellents que décidément je ne puis souffrir. Leur talent est trop grand : il couvre tout. Il n’y a qu’eux. Leur personne efface l’œuvre qu’ils représentent… »

Epoque étrange, n'est-ce pas ? Car au demeurant, de quoi rêvent Torreton, Bouquet, Testud, Cotillard et consorts, tous les sublimes et interchangeables maquillés de la pellicule, sinon d’avoir un jour, comme tous leurs copains politiques, leurs marionnettes aux Guignols de l'in-faux ????

10:28 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : sagan, cinéma, testud, valentin, célestins, théâtre, littérature | | |

vendredi, 02 mai 2008

A propos des Molières

« Le théâtre participe à ce discrédit dans lequel l’une après l’autre tombent toutes les formes de l’art. Au milieu de la confusion, de l’absence, de la dénaturation de toutes les valeurs humaines, de cette angoissante incertitude dans laquelle nous sommes plongés touchant la nécessité ou la valeur de tel ou tel art, de telle ou telle forme de l’activité de l’esprit, l’idée de théâtre est probablement la plus atteinte.  On chercherait en vain, dans la masse des spectacles présentés journellement, quelque chose qui réponde à l’idée que l’on peut se faire d’un théâtre absolument pur 

 

Si le théâtre est un jeu, trop de graves problèmes nous sollicitent pour que nous puissions distraire, au profit de quelque chose d’aussi aléatoire que ce jeu, la moindre parcelle de notre attention. Si le théâtre n’est pas un jeu, s’il est une réalité véritable, par quels moyens lui rendre ce rang de réalité, faire de chaque spectacle une sorte d’événement, tel est le problème que nous avons à résoudre.

Notre impuissance à croire, à nous illusionner est immense. Le théâtre est la chose au monde la plus impossible à sauver. Un art basé tout entier sur un pouvoir d’illusion qu’il est incapable de procurer n’a plus qu’à disparaître »

(prospectus de la 1ère saison du théâtre Alfred Jarry, signé d’Antonin Artaud, 1er novembre 1926).

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21:50 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : molière, littérature, théâtre, artaud | | |

samedi, 26 avril 2008

Kantor et Mallarmé

Du 25 Juin au 25 juillet 1986, Tadeusz Kantor a dirigé un séminaire à l’Ecole d’Art Dramatique de Milan. Chanceux furent les douze élèves qui y participèrent. Chanceux, ô combien ! « Les Artistes doivent étudier, découvrir, reconnaître et laisser derrière eux les régions conquises. » Le texte de ces  12 leçons, dites « de Milan » existe, on le trouve dans la collection Papiers d’Acte Sud.: « Votre étude ne sera pas scolaire, elle doit être créative », dit-il en apéritif aux douze chanceux présents ces jours-là. Un artiste assène Kantor, «  n’est pas un professionnel comme un autre ». Pire : «la professionnalisation théâtrale de plus en plus marquée conduit à sa défaite (il parle alors du théâtre en général). » Pour lui, rien n’est pire que cette assurance froide, lucide et somme toute irréprochable du technicien qui en effet est devenu maître de son art.  Cette mise en garde contre l’acteur professionnel rappelle un peu le dégoût  qu’exprimait au début de l’autre siècle Anatole France dans  une bonne vieille phrase de spectateur, à propos du Guignol de la rue Vivienne et de ses comparses en bois et en tissu : « Je leur sais un gré infini de remplacer les acteurs vivants. Les acteurs vivants me gâtent la comédie. J’entends les bons acteurs. » Cela rappelle aussi cette boutade de Gordon Craig, au début du siècle : «Il faudrait que tous les acteurs meurent de la peste. »

Kantor fit en effet disparaître les acteurs, au sens traditionnel du terme.  L’abstraction qu’il évoque sans cesse  dans les  Leçons de Milan, et qui est le contraire de l’incarnation, au sens où on dit «qu’un acteur a bien joué son rôle », cette abstraction n’est pas si éloignée de celle à laquelle revient sans cesse Mallarmé  dans sa Crise de vers « Je dis : une fleur ! », proclamait ce dernier « et musicalement se lève, idée même et  suave, l’absente de tous bouquets »  Et en effet, comme Mallarmé abolit la performance ordinaire du mot pour le montrer à la tribu sous un jour qui rende un sens plus pur, un jour essentiel, disait le maître des mardis, le maître de Milan abolit la performance ordinaire de l’acteur afin de montrer par cette abolition les contours  grotesques et  pathétiques de l’être humain, dans une abstraction presque sacrée. Car ce n’est bien, en définitive, que lui, l’être humain, qui l’intéresse, l’être humain, cet objet pauvre dont Tadeusz Kantor se fit, sa vie durant, le montreur, - au sens où il y eut un temps, dans les villages de Pologne, de nulle part, d'ici et d’ailleurs, des montreurs d’ours. L’abstraction dont il parle, ce n’est jamais que cela, le corps de l’acteur ou bien la silhouette de l’objet retirés du circuit de la consommation, exposés comme le fut le ready made de Duchamp, exhibés, mais jamais représentés, tout comme le mot de Mallarmé, retiré de la conversation, et comme pris dans le gel, « le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui… », acteurs, objets, mots, signes visibles, palpables jamais absolument ou définitivement compris…

 

 

01:05 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, kantor, mallarmé, leçons de milan | | |

lundi, 21 avril 2008

Le Père Coquillat

Les illustres disparus ont leur plaque commémorative pour se rappeler à la mémoire des badauds. Si vous vous promenez à Lyon, dans le premier arrondissement, vous en trouverez-une au 7 de la rue Diderot (à l’endroit où ça grimpe) qui, en substance, raconte cela :

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« Ici a fonctionné le Thiatre lyonnais de la Gaieté créé par le Père COQUILLAT (1831-1915). AMICAL COQUILLAT EN SOUVENIR »

 

Un vieux prospectus, à présent :  Théâtre de la Gaîté – 7 rue Diderot  Dimanche 2 mai – Pour la première fois à Lyon, le plus grand succès de l’Ambigu : LA MOME AUX BEAUX YEUX  - Drame en six tableaux…   Suit le détail des tableaux du mélodrame populaire : « Une égarée – La nuit sinistre – Le rapide de Mulhouse – Folie d’Amour – Ce qu’on voit à travers une fenêtre. Les fleurs poussent... »

 

ptConfCoquillat1.jpgUne centaine de personnes se coudoient dans la salle, les jours où son propriétaire a fait le plein. Une galerie, au-dessus, en supporte cinquante autres. Une petite scène, la rampe éclairée avec des becs de gaz que le patron des lieux venait parfois régler en cours de spectacle. Neuf toiles de fond pour les décors, huit trappes pour les effets  spéciaux. Le chahut est fréquent dans l’assistance où tout le monde se connaît car tous sont gens de la Colline ou du Plateau.

Maintes-fois le Père Coquillat doit suspendre la représentation.

A l’entracte, il rappelle « qu’on est prié de pas pisser dans la cour ».

Description qu’en fait Henri Béraud en 1912 (Marrons de Lyon,  « Théâtres à côté ») :

« Le Père Coquillat est un vieillard sec et droit. Il s’exprime d’une voix claire et trainante, avec de pittoresques locutions, en bon canut qu’il est. Car l’art dramatique, auquel il a pourtant dédié sa vie, n’est pour lui qu’un accessoire : le père Coquillat n’a jamais cultivé les planches qu’en amateur, à temps perdu. Son métier de tisseur est là, derrière son théâtre, et le bistenclac en retentit pendant les longues laborieuses. Seulement, chaque soir venu,  le canut se fait impresario. Il pose sa navette et d’un pied de jeune premier, court au-devant des enthousiasmes populaires… »

Et de fait, tous les mélodrames et tous les vaudevilles du célèbre Boulevard du Crime parisien sont passés  par la modeste scène  de la rue Diderot : Les Deux Orphelines, La Porteuse de Pain, La Tour de Nesle, Le Bossu,  Le Chevalier de Maison Rouge, Les Pirates de la savane, Julie ou la Fille du marchand de coco, Michel Strogoff, et même Ruy Blas...  Répertoire d’un peuple et d’une époque. Né un an tout juste après 1830, sa bataille d’Hernani et sa Révolution de Juillet, le Père Coquillat, en homme pas pressé et toujours un peu décalé, mourut un an après 1914, le suicide de l’Europe et du « monde d’hier », comme l’entend Stefan Zweig. Le vieux théâtre des canuts d’antan demeure, comme un reliquat auquel on n'ose toucher, car on ne sait trop qu'en faire. Alors la mairie du 1er arrondissement de Lyon en a fait une salle municipale dans laquelle elle héberge des associations et tient des conseils de quartier. Patronage.  

Quelques mots  savoureux  du peintre Pierre Combet-Descombes qui, durant son adolescence, fut un spectateur assidu des productions du père Coquillat : « Vrai théâtre populaire, dans lequel  jouaient les gens du quartier, ouvriers ou employés de magasin, un public de vrais gens»

Vrai théâtre populaire ...

En ces temps-là ...

Sur le père Coquillat, d'autres informations ICI

 

 

10:14 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, théâtre, lyon, marmite colbert, coquillat | | |

mercredi, 26 mars 2008

Un regard sur le théâtre du monde

Sur son blog "théatrum mundi", Pascal Adam a écrit un très beau texte, diaboliquement lucide : "une clope de Paques". Et comme il n'est pas possible de lui laisser de commentaires, je dirai ici à quel point j'ai trouvé ce texte juste. Oui, au coeur de la "modernité" et de ses pseudo-créateurs", c'est trop souvent le mépris pour ne pas dire la haine de "l'ancien monde" et de la vieille Chrétienté qui s'exprime. Pascal Adam s'en prend à tous ces "artistes", qui furent à la culture ce que les concepteurs de mobilier urbain sont au paysage. Ah, ces lampadaires en bordures de chemins vicinaux... Nous habitions un monde dont la scène, les paysages, les vallées, les collines, les rivières  et les cieux étaient chrétiens : le monde de nos pères dont la brutalité, au contraire de la nôtre, était moins massive, et l'arrogance moins destructrice... La machine, le système, l'entreprise, c'est vrai, applatissent, cloisonnent, juxtaposent, et livrent en spectacles, c'est à dire hors de toute signification, tout ce qui était, jadis, utile, juste et beau. "Petits sabotages internes à cette machine de mort", pas seulement mort du paysage, mort de l'être, aussi, qui le regarde. Car comment ne pas être triste jusqu'à la mort devant les dégats déjà occasionnés ?  Flânant un jour dans le Brionnais (une région pourtant préservée - pour combien de temps encore ?), j'entendis quelqu'un jurer contre ces maires dociles et incultes qui délivrent des permis de construire n'importe comment, et qu'il faudrait "bâtonner à mort et laisser sans sépulture"... De même, vous trouverez toujours, parmi cette foule d'élus municipaux, des imbéciles préposés à la culture pour vous lâcher à l'oreille d'un air sentencieux que c'est génial de rendre l'église au théâtre, puisque hein, comme ça, voilà, elle retourne à ses origines...

C'est Bernanos qui rappelait souvent que, pour aimer sa patrie, il fallait aimer ses paysages; et pour aimer ses paysages, il fallait les avoir lus d'abord, avant de les avoir regardés. C'est bien l'allée de peupliers de Proust qui, en effet, a planté en moi un germe d'admiration pour toute  allée de peupliers. A Chateaubriand, je dois le presbytère abandonné, le cimetière recouvert de mousses et de lierres, où qu'ils se trouvent, et quels qu'ils soient. A Nerval, la haie verdoyante en bordure d'un pré. A Barbey, la poésie primitive des landes... Que nous ont-ils fait, ces paysages "d'Ardennes ou du Jura, des Vosges ou de Haute-Marne" pour que nous persistions indéfiniment à les détruire ? Rien. Mais nous sommes devenus un peuple profondément illétré. Trop de gens, qui n'ont jamais fait que lire des BD, aller au ciné ou regarder la télé ne les ont jamais lus, ces paysages. Sont-ils pour autant morts ( les paysages, pas les gens ) ? Allez sur le blog de Pascal Adam lire son très beau texte, vous comprendez que non.

 

 

 

14:57 Publié dans Des pièces de théâtre | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : théâtre, christianisme, littérature, paysage | | |

lundi, 28 janvier 2008

Au juge Onofrio

On croit se douter d'après des rapports de police que Guignol naquit le 24 octobre 1808, dans un café de la rue Noire, à Lyo71d2e0e8b42407e64d5fe395ecf4e2bf.jpgn. C'est pourquoi la ville de Colomb et d'Aulas s'apprête à célébrer le bicentenaire de l'illustre  marionnette à gaine. Cela dit, cette date de naissance est purement arbitraire  (Guignol serait-il donc balance ?), car nul ne sait avec précision quand au juste l'accent canant de son créateur Laurent Mourguet (1769-1844) se fit entendre sous sa robe pour la première fois entre Rhône et Saône. De même les premières pièces de Guignol sont-elles définitivement perdues. Il fallut attendre 1860 pour voir réuni en deux volumes un premier répertoire lyonnais de Guignol, grâce à la patience d'un spectateur averti qui, au sortir du théâtre, recopiait de mémoire les répliques qui fusaient. Guignol, à priori, n'aime pas les juges; eh bien c'est à un juge du nom d'Onofrio qu'il doit pourtant la survie éditoriale de ses premiers textes. Du texte original, vraiment ? Le sel de la Gaule abondait en trop grande part, confesse le juge Onofrio (1814-1892) dans la préface de l'édition de son premier théâtre de Guignol(Scheuring, Lyon, 1865) aussi, en digne borjois, a-t-il jugé bon d'en retirer tout ce qui lui paraissait trop licencieux. A quoi ressemblait ce premier théâtre de 1808 ? Impossible à dire. Il se peut bien que ce bi-centenaire, par conséquent, soit celui d'une légende. Qu'importe.

Au ca20d1b563a1cda699af953f5b66ca388.jpgontraire de Mourguet, dont le visage était rond  ( voir croquis ci-contre) le visage d'Onofrio était sec. Le juge Onofrio fut à la fois une bénédiction et une malédiction pour Guignol : si d'un côté il tirait en effet de l'oubli le répertoire initial, dont le premier Déménagement, d'un autre, il en transformait vilainement l'esprit. On peut se demander légitimement ce que serait devenu par exemple Rabelais si le sel de la Gaule résidant en ses écrits était passé, lui aussi, par le tamis de la bienséance bourgeoise du dix-neuvième siècle. En migrant du cabaret du Premier Empire au salon du Second, nul doute que Guignol, qui était fort vindicatif, dut apprendre à n'être que pittoresque. Qui était fort ordurier dut se contenter de n'être qu'un peu grossier. N'empêche. Comme Boudu, sauvé des eaux, l'existence protéiforme de la marionnette pouvait prendre un nouvel essor grâce au juge Onofrio, dont le patronyme est désormais attaché à celui de Guignol et de Gnafron, pour le meilleur comme pour le pire. Extrait de la complainte des mal-logés, des mal-orientés, mais bon-buveurs et bon-vivants:

 

 

Guignol : Pourquoi paierais-tu pas à déjeuner ?

Gnafron : Pourquoi ? C'est que je suis comme toi. Nos goussets sont deux frères bessons. J'ai ben vendu hier quatre paire de grolles, qu'on m'avait donné à ressemeler, mais personne m'a jamais donné de pécuniaux. Ah vois-tu! C'est pas le Pérou que d'être cordonnier.

Guignol : T'as raison ! La savaterie et la canuserie, ça donne pas gras à boire ! Il faut qu'on trouve un autre état. Père Gnafron, nous avons manqué not-vocation : nous avons de vrais organes pour chanter des opéraux.

Gnafron : C'est vrai, Chignol. Te ferais un joli ténor. Et moi, avec ma basse-taille, je te soutiendrais par derrière.  (Ils massacrent un air d'opéra)


14:45 Publié dans Des inconnus illustres | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : guignol, théâtre, onofrio, lyon, mourguet, marionnette | | |

samedi, 22 septembre 2007

L'agenda des présidents

Hasard de la mise en page ou volonté délibérée ? L'édition du Monde du 23 septembre place en vis à vis un article sur la méthode de Sarkozy en France, un autre sur celle de Chavez au Vénézuéla.  A lire les deux articles, on voit bien que les deux présidents ont la même obsession ; remplir leur agenda, afin d'occuper à temps plein chaque jour et chaque heure. Gouverner via les médias. D'un certain côté, Nicolas parait un peu amateur puisqu'on apprend qu'Hugo Chavez, dans une émission titré Allo président, a tenu l'antenne 7 heures et 43 minutes !!!... De quoi essouffler PPDA mais, se dit-on, peut-être pas le vaillant tchatcheur ...

D'u7ff227b5595bd911c4b886b4f682e686.jpgn autre, Chavez a quand même un sacré foutu train de retard sur Sarkozy ! La même édition du Monde ne m'apprend-elle pas, dans son supplément TV (page 11), que sera diffusé mardi prochain 25 septembre un téléfilm sur l'affaire de la maternelle de Neuilly, dans lequel un acteur ( Frédéric Quiring, c'est un type connu, ça ?) tient le rôle de l'actuel président français, à l'époque (qui l'ignore encore ?) où il n'était que maire de Neuilly et rival de Jacques Martin. Nicolas Sarkozy ferait donc mieux que Chavez, puisqu'il est, lui, porté deux fois à l'écran, une fois par Sa Majesté Lui-même et une autre fois par une doublure. Si ça, c'est pas de la french touch !

 Il fait aussi mieux aussi que De Gaulle, que Mitterrand et que Jean Paul II, lesquels durent quand même attendre de mourir pour se voir enfin porter sur la scène ou bien à l'écran. Au passage, petit compte rendu, page 21, de l'inquiétante mise en scène de Robert Hossein qui raconte au Palais des sports la vie du défunt-pape en 33 tableaux dans son "N'ayez pas peur" Ironie du journaliste, qui se plaint que rien ne soit montré des "trois heures que ce pape politique et visionnaire passait chaque jour à genoux dans sa chapelle". Voilà qui me donne l'idée d'une mise en scène : le public assis trois heures dans le silence et dans l'obscurité (si! si!), trois heures devant un homme qui prie... A l'heure du bagout officiel et de la bougeotte présidentielle, cela m'ouvrirait-il la Cour des Papes l'an prochain ?

Rappelons quand même, puisque Robert Hossein l'a oublié, que celui qui allait devenir Jean Paul II fut un véritable homme de théâtre, lui. Qui inaugura jadis le théâtre de Cracovie, lieu où devait exceller, quelque temps plus tard, le magnifique et irremplacé Tadeusz Kantor... Lequel n'avait pas peur de faire perdre (ou gagner) son temps au public. Mais il serait sans doute plus judicieux de ma part de jouer le sacre de Nicolas, si Yasmina Reza, qui veille au grain, n'est pas déjà sur le coup. Ou Le sacre de Chavez au Vénézuela ?

 

18:25 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : actualité, théâtre, sarkozy, société, robert hossein, politique | | |

mardi, 31 juillet 2007

Sale temps pour les tréteaux

Après avoir décliné avec véhémence sa nomination au Collège de France, Ariane Mnouchkine est revenue sur sa décision (Le Monde, 28 07 2007) et déclare ne pas vouloir faire de caprice auprès de gens qu'elle aime et admire" L'égérie de la gauche bobo-momifiée, on s'en souvient, n'en fit pas, non plus, pour lâcher les intermittents du spectacle en juillet 2004, lorsqu'un bras de fer opposait ces derniers avec le pouvoir politique de droite en Avignon.  La fille à papa du théâtre du Soleil, aujourd'hui mémé gâteuse au quartier latin a-t-elle voulu nous faire croire qu'elle avait soudain retrouvé du courage politique ? Elle qui, à l'abri des milliards de son père Alexandre, vomissait jadis l'Institution sous couvert d'Odéon, ne crache plus longtemps dessus sous couvert de Collège de France !

C'est vrai que le bouddhisme aide à se détacher de tous les faux semblants de ce bas monde ! Finalement, l'ardente "metteuse en scène" de Cixous et le brûlant soutien de Ségolène devrait se réjouir de la victoire écrasante de Sarkozy : Au moins ne prendra-t-on pas sa nomination comme un renvoi d'ascenseur entre Précieuses Ridicules. Son seul souci étant qu'on ne la prenne pas, non plus, pour un ralliement à Sarko, dame Trissotine précise :"Je me sens instrumentalisée par la Présidence de la République, et je ne l'accepte pas"!!!!!

L'ego surdimensionné d'Ariane n'a vraiment d'égal que sa fatuité. Et son hypocrisie frôle ici celle des vieillards moliéresques, dont elle ne doit plus beaucoup être capable de rire. Comme il est loin le temps de la coopérative ouvrière et de la Cartoucherie de Vincennes, Ariane ! Et à quand, sur les traces de Marguerite, un fauteuil à l'Académie, auprès de Jean d'Ormesson ? Il paraît que plusieurs sont vacants. Pour moi, je me demande avec Molière ce qu'une femme aussi savante que toi pourra bien enseigner au Collège de France : La recette des nouilles asiatiques ou l'art d'enc...  son public ? On attend la Leçon Inaugurale avec impatience pour en décider.

 

11:40 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, contemporain, société, politique, littérature, actualité | | |

jeudi, 28 juin 2007

Le Moine (d'après M.G.Lewis)

Préface de MONK LEWIS, libre adaptation théâtrale du roman de Lewis, Le Moine, rédigée à l’occasion de la reprise de la pièce par la Cie Le Paragraphe, juillet 1998, théâtre La luna, Avignon. Ci-dessous, portrait de Lewis par Henry William Pickersgill

 

Matthew_Gregory_Lewis_by_Henry_William_Pickersgill.jpg1795 : Lewis n’a que vingt ans lorsqu'il conçoit son Moine. Un âge, dira-t-il, “ dont on ne peut attendre la prudence ”. En contant la chute frénétique du prieur le plus vertueux de Madrid précipité par le diable dans les cavernes et les montagnes en un rocambolesque dénouement, le jeune attaché d’ambassade s’impose immédiatement comme l’un des maîtres du roman gothique. Ce roman, qui commença par faire frissonner toute l’Angleterre, puis toute l’Europe romantique,  demeura pourtant sa seule production d’importance, au point que le jeune auteur traversa le dix-neuvième siècle sous le nom de MONK LEWIS.

 

 1931 : L’histoire d’Ambrosio est à nouveau racontée, par Antonin Artaud qui déclare effectuer “ une copie en français du texte original ”  Sa publication chez Denoël suscite un engouement  nouveau chez un nouveau public. Breton salue “  le souffle du merveilleux qui l’anime tout entier ”  Amours fantastiques, couvents en flamme,  revenants errants, le surnaturel explose de toute part tandis que s'enchevêtre en arrière plan un réseau complexe d'intrigues familiales :  A l’origine, en effet, se trouve le malheur d’un couple : Elvire, la fille d’un cordonnier de Cordoue,  et le marquis Las Cisternas Le Moine, à bien y regarder, c’est l’histoire d’une famille décimée par un ordre social intolérant, une religion d’apparat, une société à l’aube de sa décadence. Lui-même enfant de divorcés, Lewis reprochait à ses parents de l’avoir placé dans une situation difficile. C’est dans une situation bien plus périlleuse encore qu’il place ses personnages. Ambrosio, enlevé encore bébé à sa famille ; Antonia élevée dans l’ombre austère des châteaux de Murcie... Derrière les paravents de l’artificielle lutte entre le Bien et le Mal, la difficile constitution du couple, qu’il soit incestueux ou légitime, est un facteur omniprésent au cœur de l'action, à la fois parce qu'elle en est le ressort constant et la problématique essentielle. “ L’expérience m’a appris à mes dépens  que le malheur accompagne les alliances inégales ”, déclare Elvire lorsqu’elle refuse la main d’Antonia à Lorenzo. Aussi n’est-il n'est pas innocent qu'à vingt ans, aussitôt achevé son roman, le jeune Lewis se soit empressé d'écrire une lettre à sa mère :

 

                Qu’une courtisane mandatée par le diable cherche à séduire un moine dont la chasteté est légendaire fournit l’occasion d’en exposer une première variante. Que désire Ambrosio, sinon jouir de la femme sans engager son cœur ? Et que désire Mathilde, sinon utiliser son pouvoir de séduction pour égaler - sinon dominer - le sexe masculin. On comprend que dans de telles conditions l'Amour soit exclu de la partie, c'est ce que stigmatise la présence plutôt comique du diable entre les deux personnages. Figure de la jouissance et de la manipulation, tous deux plus complices qu'amants, ce couple n'en est un qu'en apparence. C'est pourquoi il lui faut toujours se nourrir d'un tiers et vivre dans la clandestinité. C'est pourquoi, également, la satisfaction entre eux est toujours un leurre, quelque chose qui est inévitablement remis à plus tard, qu'il convient d'invoquer incessamment, de mettre en scène et de magnifier en ayant si possible recours aux ustensiles les plus énigmatiques (miroirs et myrtes magiques sont la version gothique des accessoires sado masos d'aujourd'hui) 


                Agnès et Raymond représentent un pôle opposé. Ils devront apprendre à "vivre paisiblement", c'est à dire à vivre ensemble, sans se passionner pour autre chose que pour leur couple. Au prix d'un certain nombre de souffrances, tous deux devront par conséquent renoncer à leur univers de célibataires ou bien d'enfants, univers qu'avait fortement déterminé une autorité parentale dévoyée : Agnès a été placée au couvent contre son gré, par une tante fanatique. Le père de Raymond s'étant opposé à l'amour de son fils aîné pour une roturière, lui, le fils cadet en subit les plus immédiates conséquences, selon la loi de ce qu’Hoffmann, à la même époque, appelle “ l’enchaînement des choses ”. L'enfant perdu d'Agnès est une réplique logique de l'enfant perdu d'Elvire :  La réussite finale de leur couple ne sera possible que lorsque chacun se sera échappé de la malédiction - forme religieuse de l'aliénation - parentale. Raymond devra donc rendre la part de l'héritage qu'avait refusé d'octroyer son propre père, et Agnès enfreindre des vœux qui n'étaient au fond que ceux de sa tante. Leur union est révélatrice d'un passage agité de l'adolescence à l’âge adulte, d'un état de nonne ou de celui d'aventurier à ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui un honnête mariage bourgeois. Mais elle est surtout l'aboutissement d'un passage initiatique : les deux héros auront dû se libérer de la "tribu bavarde", ils auront cessé d'en recevoir les "fientes" - autrement dit les névroses - sur le visage. Pour enfin être heureux ? On ne saura rien de leur bonheur futur, tout laissant à penser que Lewis ne croît guère au conte de fées.

                Frère et sœur qui s'ignorent, Antonia et Ambrosio incarnent le couple paroxystique par excellence, puisque incestueux.  Du point de vue dramatique,  - même s'il se trompe sur ses motivations puisqu'il ignore les faits passés - il est juste qu'Ambrosio se déchaîne contre Agnès : en l'enlevant à Raymond, il ne fait que rendre à la famille de ce dernier, qui lui a volé ses parents,  la monnaie de sa pièce. Mais est-il juste qu'il s'acharne sur Antonia ? Ces deux-là paient en réalité les pots cassés sans avoir les moyens de le comprendre. Lorsque la sœur dit au frère : “ La perte d’une mère étant, de toute peine, la plus irrémédiable en une vie humaine ”,  le moine s’entend dire la plus secrète parole de vérité le concernant. Dans la pièce, comme dans le monde, les enfants subissent en effet l'inconscience de leurs parents. Le Moine est, comme beaucoup, un roman où l'on règle des comptes de famille. On en revient à la figure de la mère, pour constater plusieurs choses : premièrement, qu'à ses côtés, le père est absent ; seule figure qui en représente de loin l'autorité, le cardinal duc grâce auquel à la fin tout rentre dans l'ordre. Sorte de Deus ex machina, l'action paternelle est nulle sur le plan affectif, et seulement opérante sur le plan dramatique. Deuxièmement, que la mère est sommée de payer pour sa faute originelle : Elvire a transgressé une règle sociale (et donc masculine) en épousant un marquis. Ce dernier n'a pas su se libérer de l'influence négative de son propre père, ce qui explique qu'il soit mort et sa descendance en aussi mauvais point. Léonella, la sœur d'Elvire, laisse entendre que cette dernière a agi peut-être par amour, sans doute par ambition mais surtout par coquetterie. Ce couple originel, dont on ne sait que fort peu de choses, sinon qu'à cause de lui, un cordonnier honnête fut jeté en prison, et que le héros éponyme vit le jour, n'a visiblement pas su assumer les conséquences inévitables de ses actes et est à l'origine des dérèglements de chacun. Le Moine apparaît donc comme un drame de la responsabilité.  Qu' Elvire soit étranglée par la soutane de son fils, et que ce dernier l'étrangle en étant complètement nu ; que par ailleurs le jeune Lewis se presse, sitôt écrit, d'envoyer son manuscrit à sa mère, il y a sans doute là les traces d'un discours personnel assez opaque mais ô combien révélateur ! Que l'on juge le déterminisme absolu qui régit la composition de l'intrigue désuet, agaçant, excessif, comique, voire ridicule, il convient de le saluer car c'est lui qui est à l'origine de la force fantastique du roman, applaudie dès sa publication.

750398_2878433.jpg                Ainsi que l'explique l'ironique Coryphée de l'adaptation qui suit au jeune Théodore, les personnages du roman sont donc des trajectoires creuses mais, toutes, prédestinées, jetées en pâture à la Merveille pour la plus grande joie du lecteur. Il m'a semblé que,  parmi ceux de Lewis, un personnage incarne particulièrement ce point de vue. Le jeune Théodore est, au problème de l'amour impossible posé par la pièce, une sorte de réponse. Lui-même, spectateur témoin du fait de sa position de valet, constatant qu'il n'était pas encore émancipé du terrible jeu de destruction qui l'environne et conscient de l'impossibilité dans laquelle chacun se trouve de fonder un bonheur légitime et durable, il a, dit-il "renoncé à ses amours”. C'est donc à son maître qu'il a promis fidélité. Cette option n'est sans doute pas définitive. C'est, comme Lewis, un jeune homme ; c'est aussi un romancier en herbe qui se plaint de n’avoir pas de temps à consacrer à l’écriture. Contemporain des personnages, seul personnage en réel apprentissage, il aurait pu écrire le roman s'il en avait eu la clé, c'est à dire, comme lui suggère le Coryphée, s'il avait été libre. Ce coryphée est, chez Lewis, une simple bohémienne. Artaud lui fait chanter sa “ ballade du vrai charlatan ” et la transforme en une mystérieuse voyante surréaliste. Dans la pièce qu’on va lire, il est le chef des mendiants de Madrid, celui qui voit les choses telle qu’elles sont, dans l’histoire, et telles qu’elles seront un jour, dans le récit et dans ses prolongements possibles.

                Reste Lucifer. Doit-on le prendre au sérieux ? La pensée devient-elle confuse et sort-elle de ses gonds, les personnages se laissent-ils dérober la maîtrise de leur corps ou bien celle de leur esprit, il se manifeste facétieusement. Que faire de lui dans l'adaptation théâtrale ? La religion, sur Terre, n’étant plus qu’une mode, lui-même se retrouve au chômage dans un enfer pitoyable où tout le monde s’ennuie. Riante figure de l'Illusion, il délivre donc une formidable occasion de jouer avec des mots. Un personnage sent-il son emprise, il se met à rimer malgré lui. Il se définit comme le metteur en scène absolu, sans pour autant lui-même être dupe. Les hommes, déclare-t-il, se chargent eux-mêmes de leur propre damnation, entendons de leur propre malheur. En réalité, Lucifer est l'agent ludique de l'inconscience de chacun, car c'est bien cette dernière comme on l'a dit, et principalement celle des parents, qui fonde le moteur de l'action. En veillant à ce que le destin réel d’Ambrosio s’accomplisse (réintégrer, même de façon tragique, son histoire familiale), et non pas son destin imaginaire (devenir prieur charismatique de Madrid), il est une forme incarnée de l’exactitude et de l’enchaînement logique des événements. C’est ce qu’a compris Mathilde (“ Entre ses mains, je confie mon salut ”), ce que pressent Ambrosio (“ En enfer, ce n’est peut-être que moi que j’attends ”). Elvire elle-même n'est-elle pas la toute première à l'affirmer à son ingénue de fille : N'aie pas peur du diable !

                Drame de la responsabilité, de la liberté et de l'aliénation, le Moine, par les problèmes qu'il pose ( prédestination familiale, absence des pères, échec des mères, guerre des sexes, quêtes illusoires, conflits de classes ) reste, malgré son décorum gothique, d'une singulière actualité et d’une lecture très ouverte : Ses personnages, avec leur immense volonté de jouir de la vie, demeurent toujours accessibles et, s'ils s'inscrivent dans une période historique rigoureusement définie par Lewis (l'Espagne du Siècle d'Or), ils n'en sont que plus modernes pour nous, si profondément enfouis dans la nôtre. Les querelles religieuses ont cédé le pas aux querelles idéologiques qui, à leur tour, cèdent le pas à d'autres, sociales ou économiques. Mais les conflits de ces personnages aux prises avec leur psyché, eux, sont plus que jamais d'actualité. L'immense cri d'amour qui surgit de leurs dérèglements et que répercutent les symboles qui sont les leurs ne peuvent aujourd'hui qu'émerveiller un public en mal de véritables sensations artistiques.  Voilà pourquoi, sur les traces du jeune ambassadeur Lewis, j'ai voulu traverser les frontières obscures et illuminées de leurs songes en composant cette libre adaptation.