Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 21 avril 2011

Laïcité : où conduit l'égalitarisme ?

Où conduit l’égalitarisme ? En matière d’enseignement, à ne à plus considérer la valeur personnelle de chaque individu, mais la nécessité politique de décerner à chaque membre du troupeau dès sa majorité un vague diplôme.

L’égalitarisme confond l’égalité des droits et celle des devoirs avec celle des  valeurs, en dressant une analogie de principe entre elles. Bien sûr qu’un élève a les mêmes droits et les mêmes devoirs qu’un autre. Mais comment nier le fait que son effort, son travail, son niveau diffèrent de ceux d’un autre : c’est d’ailleurs ce que le système et son besoin de notes demande aux professeurs d’évaluer, tout en leur expliquant  depuis bientôt trente ans qu’il ne faut pas faire de discriminations entre bons et mauvais au nom de l’éthique républicaine et de je ne sais quelle morale éducative.

Lorsque Claude Allègre, alors ministre de l’Education Nationale, déclara que le français était une langue comme les autres, il avait bien sûr raison en tant que linguiste. Pourtant, chargée d’affects comme elle l’est pour les Français, leur langue maternelle n’est pas une langue comme les autres et la pensée abstraite qui veut faire d’elle l’équivalent d’une autre se trompe, de la même manière que lorsqu’elle postule une égalité de valeur entre l’effort et le travail de divers élèves. Toutes les littératures, tous les mouvements culturels  se valent-ils ? Oui dans l’absolu. Non dans les faits. De la même façon que l’italien, l’arabe, le russe ou l’hindi ne sont pas des langues comme les autres pour des Italiens, des Arabes, des Russes ou des Hindis, le français non plus n’en est évidemment pas une. De la même manière, notre mère n’est pas, quoi qu’on en dise, une femme comme les autres. Personne ne pense sans affects. Le croire est un leurre.

Appliqué à la laïcité, voilà ce que donne ce dogme de l’égalitarisme: en France, le christianisme devrait être une religion comme les autres ! Quelle tartufferie ! Raisonnement de sociologue rompu à la bien-pensance de l’égalitarisme démagogique, raisonnement se croyant objectif alors qu’il n’est qu’analogique. Pur sophisme. Car à moins de gommer quinze siècles de culture et d’histoire, force est de constater qu’en France, le christianisme ne peut être « une religion comme les autres »,  le christianisme n’ayant pas produit sur cette terre les mêmes effets ni les mêmes mœurs, les mêmes langages ni les mêmes significations que d’autres religions. La réciproque est vraie en d’autres terres. Le nier est une folie.

 

La laïcité postule fort justement que tous les hommes ont une liberté de conscience, celle de croire ou de ne pas croire, et qu’en terme de droit ils sont égaux, et que le fait politique et le fait religieux sont indépendants l’un de l’autre. Il ne vient à l’esprit de personne de contester cela. Mais là encore, égalité de droits ne présuppose pas égalité de valeurs, ni égalité d’histoire.  Or, à moins d’un révisionnisme gigantesque – en cours, certes, mais pas encore achevé -, on ne parviendra pas à faire avaler aux gens que l’influence chrétienne est anodine dans ce pays, que l’histoire et la culture ne l’ont pas chargé d’une valeur identitaire spécifique, et qu’elle doit céder le pas à d’autres. 

Que cherchent au fond les tenants de l’égalitarisme en laïcité ? Et de quoi ont-ils peur ?

 

Je crois pouvoir dire que ce qu’ils redoutent est rien moins que la guerre civile. « « C’est pour protéger la paix civile », combien de fois ne l’ai-je pas entendu, que l’égalitarisme a peu à peu supplanté ce qu’on appelle désormais l’élitisme à l’école, et qui n’était ni plus ni moins que la reconnaissance des différentes valeurs. Or à quoi a-t-on abouti ? A niveler par le bas, et à installer cet à-peu-près et cette violence larvée qui règnent  dans les classes, surtout comme on le dit d’un pudique euphémisme, dans les « classes difficiles ».  A générer surtout de l’inculture. Une effroyable amnésie collective dont les adultes sont les premiers responsables et qu’ils font payer le plus souvent, parents compris, à leurs mômes.

 

Cela se comprend très bien : lorsqu’on ôte aux gens la valeur, c’est-à-dire la signification des choses, on les rend, c’est bien normal, violents. Introduire l’égalitarisme en laïcité, c’est nier les valeurs diverses qu’ont – ou n’ont pas – les religions diverses aux yeux des croyants comme des non-croyants. Parler du passé chrétien de la France, comme du passé musulman d’une autre nation, n’est en rien scandaleux. Au contraire ! C’est ramener de la diachronie, rappeler certaines évidences lorsqu’au tamis de  la pensée analogique et du consumérisme, on souhaite abolir les différences, niveler les croyances et mettre les comportements singuliers au pas du même dogme : celui de l’amnésie.  

09:03 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : politique, religion, laïcité, égalitarisme | | |

mardi, 28 septembre 2010

Lazare, par Le Caravage

lazare2.jpg

Quel ordre !  Quel désordre, aussi. Quelle diagonale, que celle formée dans les ténèbres par le corps lumineux de Lazare. Entre la mort et la vie, telle l'expérience de chaque jour, notre lot. Lazare de Béthanie : Ce bras du Christ, rouge et tendu, cette injonction faite, vivre encore,  faite, et cette main qui paraît dire attends, attends encore, et puis ce flanc décharné, - mais attends quoi ? ces visages... : la toile, où l'orangé est fébrile et le noir intense, flambe . Marthe de Béthanie, séparée des hommes par le corps de son frère, si proche qu'on dirait de sa joue qu'elle s'apprête à le ranimer. Observez les deux soeurs, Marthe et Marie, la seconde au chef dénudé, occupant dans le tableau, cette même part, qu'en face le Christ...

00:05 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lazare, le caravage, peinture, culture, religion | | |

mardi, 21 septembre 2010

Tout chrétien est un athée

Even in our own lifetime, we can recall how Britain and her leaders stood against a Nazi tyranny that wished to eradicate God from society and denied our common humanity to many, especially the Jews, who were thought unfit to live.  I also recall the regime's attitude to Christian pastors and religious who spoke the truth in love, opposed the Nazis and paid for that opposition with their lives. As we reflect on the sobering lessons of the atheist extremism of the twentieth century, let us never forget how the exclusion of God, religion and virtue from public life leads ultimately to a truncated vision of man and of society and thus to a reductive vision of the person and his destiny [Caritas in Veritate, 29]



Traduction : Même dans notre propre vie, nous pouvons nous rappeler combien la Grande-Bretagne et ses dirigeants ont combattu la tyrannie nazie qui cherchait à éliminer Dieu de la société, et qui niait notre commune humanité à beaucoup de gens qu'ils jugeaient indignes de vivre, en particulier les Juifs. J'évoque aussi l'attitude du régime envers des pasteurs et des religieux chrétiens qui ont défendu la vérité dans l'amour en s'opposant aux Nazis et qui l'ont payé de leurs vies. En réfléchissant sur les leçons dramatiques de l'extrémisme athée du XXème siècle, n'oublions jamais combien exclure Dieu, la religion et la vertu de la vie publique, conduit en fin de compte à une vision tronquée de l'homme et de la société, et ainsi à « une vision réductrice de la personne et de sa destinée » (Caritas in Veritate, n. 29).

 

Tels sont les propos exacts prononcés par BENOIT XVI dans son discours de remerciement à la reine du 17 septembre dernier, propos qui ont déclenché une nouvelle polémique contre lui. J’avoue m’étonner devant les capacités de lecture des journalistes (Rue 89, Le monde…). Car ce que je lis, c’est que :

-          Les nazis n’étaient pas chrétiens et cherchaient à éradiquer Dieu de la société, et spécifiquement les Juifs : difficile de prétendre en effet qu’ils évangélisaient les foules et vénéraient le dieu des Juifs en les exterminant

-          Des pasteurs et des religieux anglais ont été anti-nazis

-          Les nazis sont donc des athées.

S’ensuit-il que tous les athées sont des nazis ? Evidemment, non. Pas plus d'ailleurs que tous les pasteurs aient été résistants A aucun moment le pape ne sous-entend ni ne  dit l'un ou l'autre. Il me parait soucieux, au contraire, de souligner devant la reine Elisabeth le caractère non chrétien du nazisme et de ses sbires, et la part prise par certains chrétiens à la lutte contre le nazisme, alors qu’on a souvent et fort légèrement fait l’amalgame contraire, entre catholiques et nazis.

 

 Il faudrait que tous ceux qui insinuent des choses fausses qu'ils propagent avec des citations tronquées sur le web relisent la logique de Port Royal et ce que sont syllogismes justes et faux.  Car si on peut conclure du fait que les nazis ne sont pas chrétiens qu’ils sont en effet athées, on ne peut  conclure que tout athée est nazi sans faire ce que j’appelle un procès d’intention (un de plus)… Ionesco dans Rhinocéros a dévoilé de façon pertinente la manière délirante  dont on peut passer de l'extrême logique à l'absurde absolu, puisque le second est le contraire de l'autre. Je propose donc à tous les pourfendeurs du pape (quelles qu'en soient leurs obscures raisons) de pousser le raisonnement plus loin encore. S'il est juste, à leurs yeux, de déduire du fait que tous les nazis sont nécessairement athées (ce que le pape a dit) le fait que tous les athées soient nécessairement nazis (ce qu'on lui fait dire), pourquoi ne pas affirmer, au point de mauvaise foi où l'on se trouve que, la plupart des chrétiens et la plupart des athées n'étant pas nazis, il s'ensuit nécessairement que tous les athées sont des chrétiens, et que tous les chrétiens sont  évidemment des athées...

19:18 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : religion, benoit xvi, christianisme, actualité, catholicisme, athéisme | | |

samedi, 11 septembre 2010

Pas d'étincelles pour le Coran

Au Pakistan, pays à majorité islamiste, un gouvernement laisse de grands propriétaires musulmans détourner des rivières en période d’inondation pour noyer sciemment des villages chrétiens et se débarrasser de leur population à bon compte. Le fait est relaté dans la presse sans déclencher outre mesure un tollé d’indignation parmi les bien-pensants occidentaux. Imaginez un peu un la chose dans l’autre sens…

Aux Etats-Unis, un pasteur intégriste promet de brûler le Coran pour l’anniversaire du 11 septembre. Avant même de passer à l’acte, il fait la une des journaux du monde entier. Même le président Obama s’émeut… Diable... Nous ne sommes plus au temps des autodafés, certes. Il est bon de rappeler toutefois que le Coran n’est qu’un livre, un assemblage de pages comme les tous les autres. Qui n’a de sacré que la subjectivité qu’on y projette ou non. Et qu’entre brûler un livre et noyer sciemment des populations rurales sans défense, il y a bien deux poids deux mesures. Deux poids deux mesures, qu’une certaine tolérance devenue imbécilité paraît ne plus mesurer quand elle crée un tel tintamarre pour si peu, et une telle omerta pour beaucoup. C’est triste.

Aux dernières nouvelles, il semble que Terry Jones, le pasteur en question, ait renoncé à faire avec le Coran de vraies étincelles : avec la presse lobotomisée du monde entier, ça aura suffisamment crépiter depuis trois jours. Much ado about nothing...

11:34 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : terry jones, coran, actualité, politique, religion, 11septembre, obama | | |

dimanche, 11 avril 2010

Facebook, l'église, l'insulte

LIRE ICI LE DERNIER SCOOP SUR CETTE AFFAIRE (14 avril à 18h 30) :

J’avoue que je ne pensais pas devoir prendre un jour, publiquement, la défense du pape et celle de l’Eglise et de ses évêques. Et ceci pour plusieurs raisons. D’abord parce que le pape et ses évêques ont toujours été à mes yeux des figures empreintes d’une théâtralité solennelle, dont je ne pouvais penser qu'elle eût besoin que je plaidasse un jour en sa faveur; théâtralité que depuis l’enfance je regarde avec une certaine défiance mais une indubitable tendresse. Cette chose hybride doit s’appeler le respect. Je suis né dans une famille de catholiques oublieux, dirais-je. Aussi, cette défiance ainsi que cette tendresse – ce respect - que j’ai gardés me paraissent être à l’image du passé de mon vieux pays, la France, fille ainée de l’Eglise durant des siècles, République laïque depuis un peu plus d'un seul.

A ceux qui voudraient nier le passé catholique de la France, il faut rappeler que ce ne sont ni des mosquées ni des salles des fêtes, que cela leur plaise ou non, qui trônent au centre de chaque village, mais bel et bien des églises, parfois somptueuses, parfois mélancoliques, dépositaires de l’autorité de l’histoire au moins autant que de celle de Dieu. A chaque fois que je pénètre dans l’une de ces églises, que ce soit en Bretagne ou dans le Brionnais, dans les Alpes ou dans le Nord, à Lyon où à Paris, c’est toujours une étreinte au cœur que je ressens, la prégnance du passé chrétien du pays, intimement lié à l’histoire des gens qui y ont vécu, à sa culture. J’en veux pour preuve ceci : Des canuts lyonnais, on se souvient – moi le premier, ce blog en témoigne, des révoltes contre le bourgeois, des revendications pour la dignité au travail, de la création des prudhommes. Qui se souvient, plus simplement, de leur foi ? Lassés de partager avec les marchands fabricants qu'ils ne jugeaient guère chrétiens les bancs de l’église Saint-Polycarpe, ils demandèrent en 1852 à Monseigneur de Bonald la faveur d’édifier une paroisse pour eux, qu’on baptisa Saint-Bernard, et qui fut fermée bien plus tard en raison des risques d’éboulements consécutifs au percement du tunnel du funiculaire qui passait juste en dessous, à travers le sol de la colline de la Croix-Rousse. Car dans leur immense majorité, ces canuts étaient chrétiens, leur dévotion envers Marie et la fête du 8 décembre en témoignent également.

21961_242531052080_242528122080_3199098_6493279_n.jpgJe ne pensais pas, disais-je plus haut, et pourtant. Cela fait un moment que je suis excédé par les récurrentes attaques contre Benoit XVI, dont le rôle et la fonction ne sont pas de se faire le porte parole de la modernité journalistique. Celle que subit l’évêque de Soissons, et qui implique le réseau Facebook, me pousse à rompre ma réserve, car la stupidité des temps présents éclate avec trop de pompes, si j’ose dire. Un groupe, donc, nommé « Courir nu dans une église en poursuivant l’évêque » a été créé depuis le mois de janvier sur lequel, entre autres déclarations, on propose de « crucifier Mgr Giraud la tête en bas en lui chatouillant les couilles avec un foetus mort », de « le violer et le forcer à écrire « Fuck Of my Lord » sur le mur de l’église », et autres insanités. Je crois que c’est surtout d’inculture et de bêtise que souffrent les auteurs de ces slogans idiots, qui n’en restent pas moins des incitations à la haine et des appels au meurtre passibles de tribunaux. Tout cela, à vrai dire, ne m'a semblé ni très catholique ni très laïc... Autrement dit pas très digne d'être français. Voilà pourquoi j’ai signé la pétition de soutien à l’évêque de Soissons, et j’encourage tous ceux qui le souhaitent à le faire également en cliquant ICI. Je dirais pour clore ce billet que Facebook, sur lequel on m’a souvent proposé de figurer, et sur lequel je me suis gardé de m’inscrire, signe ici les limites de sa prétendue efficacité : en donnant la parole à tous pour des raisons uniquement commerciales, on voit qu’il ouvre bel et bien - et sans le moindre esprit critique - une boite de Pandore qu’il eût mieux valu garder close; celle de l'insulte comme mode d'expression publique, du règne de l'imbécillité.

 

20:46 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : société, facebook, christianisme, religion, mgr giraud, soisssons | | |

samedi, 18 juillet 2009

Le patriarche Bartholomée 1er à Lyon

Le 7 mai 1274, et pour plusieurs semaines, à l’appel efficace du pape Grégoire X (1271-1276) se réunit le deuxième concile général de Lyon.  De nombreux seigneurs, cinq cents évêques, soixante abbés de monastères, plus de mille ecclésiastiques et plusieurs représentants de l’église d’Orient se retrouvèrent à cette occasion sous les voutes toutes neuves de la primatiale Saint-Jean. Les chroniques stipulent que « toute la foule lyonnaise n’avait pu prendre place dans l’église, que les ponts et toute la place étaient noirs de monde ». Philippe le Hardi, roi de France, s’était lui aussi déplacé pour entendre le souverain pontife lire l’épitre que les prélats de l’église d’Orient lui avaient adressée, et qui admettait la réunion des églises grecques et latines sous son autorité. Il me plait d’imaginer dans la pénombre un peu humide la frêle stature de Grégoire X contemplant les croix des deux églises qu’on déposait aux deux extrémités du grand autel, et de l’imaginer, comme les chroniques le racontent, pleurant de joie non loin des remous de la Saône, tandis que George Acropolite, grand logothète, s’avançait, sans doute grave, au centre de la cathédrale et prononçait devant l’autel, sans doute ému, le serment par lequel il renonçait au schisme et acceptait la suprématie de Rome. Quel moment ! Il me plait d’imaginer ensuite le lent défilé des ambassadeurs des églises de la Grèce signant alors l’acte solennel qui avait été préparé, les chœurs et les canons éclatant, et toute cette théâtralité si magique, dont seul le catholicisme le plus séculaire a le secret.

Ce concile, l’un des plus importants du Moyen Age, fut endeuillé par la disparition de deux bons docteurs : l’angélique Thomas d’Aquin, qui mourut en s’y rendant ; le séraphique Bonaventure, qui mourut quelques jours avant sa fin, au couvent des Cordeliers où il était hébergé. C’est à la perpétuation de cette mort inopinée qu’on doit l’église Saint-Bonaventure.

 

 Il me plait de songer aux pierres du Vieux Lyon et à celles de sa vieille primatiale, dont on ne se doute  jamais véritablement, nous, les vivants de bref passage, à quel point  elles  sont effectivement vieilles. Il me plait de songer à ces pierres sous ce jour historique et auréolé par une légende embaumée d’encens,  comme dans ces albums enluminés, où l’on nous racontait sur du papier épais, jadis, la vieille histoire du bon royaume de France.  Il me plait d’arpenter la rue Saint-Jean, de glisser ma mortelle silhouette entre les façades séculaires de ces bâtisses, de cheminer d’un bord à l’autre de la gargouille centrale, fermant les yeux sur les déambulations empesées des touristes obèses et bruyants qui s’y trainent, d’oublier les commerces de bric et de broc et de laisser littéralement mon imaginaire aller entendre sonner les cloches, comme au temps du concile de Grégoire, voir les bannières aux vives couleurs et les étendards rutilants, et renifler les encens.

Je raconte tout cela parce qu’aujourd’hui samedi 18 juillet à dix-sept heures, le cardinal Barbarin célèbrera une messe dont le patriarche œcuménique Bartholomée 1er, de passage à Lyon pour deux jours, prononcera l’homélie. Cet événement fort rare qui, pour beaucoup n’aura aucune incidence - voire même aucune existence, pour quelques-uns heureusement ranimera durant quelques minutes un fort vieux songe et une histoire haute en panache, le songe et l’histoire de tous ces hommes aujourd’hui bien poudreux qui ont édifié le palais épiscopal, dont seul demeure actuellement la cathédrale Saint-Jean ainsi que sur le bord de Saône, tout le reste de cette vieille cité gallo-romaine et chrétienne. L’histoire de leur culture, laquelle passe par celle de leur tradition et croise le chemin de leur religion - qu’on le veuille ou non, nous, modernes, notre héritage.

 

 

 

7849_49A7F6C2.jpg

 Le patriarche oecuménique Bartholomée Ier

 

jeudi, 09 avril 2009

Le lavement des pieds

Autre tableau du musée de Dijon (au passage, je vous signale que l’entrée en est gratuite – c’est suffisamment rare pour être salué), ce Lavement de pieds de Peter-Paul Rubens. Au début, je ne voulais pas croire que la toile était de Rubens : Le livre ouverts entre deux torches allumées, les poses des personnages, leurs mains surtout, un petit côté Frédérick Lemaître chez certains (la pose de l’apôtre au-dessus de Pierre…) , bref, cela me semblait un peu trop romantique. Et puis après je me suis dit que Rubens ou pas, y’avait qu’à ignorer ce que disait le carton...  Je suis si peu spécialiste en la matière. Et donc j’ai regardé. Et la scène s’est animée. Les trois bougies se sont mises à vaciller, à se répondre. Comme les disciples. En fait, c’est fou le vacarme qu’il y a dans ce tableau quand on le regarde de près. Il y a autant de bruit qu’il y avait de silence dans celui qui précède  (Le Glas). Oui, les couleurs de Rubens font du boucan. Et l’espace est petit. Un faux geste, et on se retrouve hors du tableau. Judas, évidemment, l’a quitté déjà. Danger que signale le vent. Car cela a beau être un intérieur, la scène (Cène) pascale est traversée de vent. Regardez les torches. Sur la nappe blanche va se répandre du sang. Du moins est-ce ce qu’annonce le Livre ouvert, là-haut. Et au-delà du sang, de l'huile, le génie du christianisme.

dijon rubens.jpg

mercredi, 08 avril 2009

Le Glas

Il attend…. Il attend pour sonner le glas, qu’au bas, tout le monde ait pris sa place autour de la fosse. Il regarde la mort et sait qu’elle triomphera de tout. Dimanche après-midi, je suis resté longtemps devant ce tableau de Louis Galliac, intitulé Le Glas. Il se trouve au musée des Beaux Arts de Dijon.  Il y a dans ce tableau (la rêverie de cet homme devant le précipice et l’enterrement, ses sabots usés, la corde au-dessus de lui) quelque chose de dangereux. Quelque chose aussi d’apaisé : La campagne au loin, les deux mains presque en prière, les veines de son cou où bat le sang, les traits de ce visage de paysan, rugueux et las, mais finalement, soumis à sa condition. Louis Galliac (1849-1934) n’est pas un grand maître, je n’en avais jamais entendu parler. Pourtant je suis resté longtemps devant sa toile (1891) à rêver, tout simplement. A rêver

C’est la première fois que je mettais les pieds au musée des Beaux arts de Dijon.

Beaucoup de fort jolies œuvres, ma foi.

dijon le glas.jpg

 

lundi, 30 mars 2009

Chronique des libres penseurs de l'ancienne France et des chrétiens d'aujourd'hui

Au commencement de l'Argent, Péguy a cette phrase extraordinaire, avec laquelle une part de moi n'a cessé d'être, depuis que je l'ai lue : "Les libres-penseurs de ce temps-là (vers 1880) étaient plus chrétiens que nos dévôts d'aujourd'hui (1913)" J'aime cette phrase et je l'ai beaucoup respirée, comme on respirerait un brin de mimosa ou de muguet, si juste. Avec gaieté, cette phrase proclame combien il est ridicule de  s'affirmer de façon dogmatique comme étant un libre-penseur ou un chrétien, combien c'est même impossible quand en vérité, on ne peut être que de son temps. Je me souviens avoir mis 20 / 20 à un élève qui présentait ce texte difficile de Montesquieu, cette lettre du Persan Rica dans lequel l'astucieux bordelais fait dire à son personnage que le pape est un grand magicien...  Tous les élèves passés par le moule dogmatique de l'enseignement secondaire vous diront qu'il convient de lire là une condamnation par Montesquieu lui-même de la Trinité et de l'Eucharistie (1)

"Ce que je dis de ce prince (le roi) ne doit pas t'étonner: il y a un autre magicien plus fort que lui, qui n'est pas moins maître de son esprit qu'il l'est lui-même de celui des autres. Ce magicien s'appelle le pape: tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu'un; que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce."

Or cet élève commença son introduction en me rappelant que Montesquieu était enterré en terre chrétienne, ce qui me fit tendre l'oreille, car des introductions de ce genre, on n'est plus habitué, n'est-ce pas, plus du tout  ! Et donc qu'il avait sans doute quelques "scrupules à critiquer le dogme". Et qu'au nom de ces scrupules (je dis bien scrupules, car c'est un mot qu'on n'entend plus guère non plus dans les lycées), il avait placé cette offensive dans la bouche d'un Persan. Non pas "pour fuir la censure" ou "déléguer sa pensée à un étranger". Mais juste à cause du scrupule. Et que tout ce passage était à envisager selon "la poétique du scrupule". Mon candidat parlait ainsi comme Péguy. Bien sûr, "Les libres-penseurs de ce temps-là étaient plus chrétiens que nos dévôts d'aujourd'hui" Nos dévots d'aujourd'hui bêlent comme des singes face au camp d'en face qui bêle comme des chiens. Toujours dans L'Argent, Péguy note que le problème extrêmement grave que rencontre le pays  à l'heure de la modernité, c'est sa déchristiannisation. Et, dit-il, ce n'est pas une affaire de curés, mais de générationsn qui passe. Le problème n'est donc pas qu'il n'y ait plus de curés. C'est que les boulangers, les instituteurs, les paysans soient moins chrétiens que ne l'étaient leurs pères. .

(1) Très peu seront en mesure de vous expliquer correctement ce que sont précisément la Trinité et l'Eucharistie