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mardi, 16 juin 2015

Compatibles ?

Pour le maçon Manuel Valls, la France et l’Islam seraient donc pleinement compatibles. On est si habitué à écouter ses âneries qu'on pourrait à la limite ne pas s'arrêter sur celle-ci. Pourtant une affirmation aussi péremptoire demande qu’on la considère quelques minutes.

L’Islam ? Valls souhaite, « en faire jaillir au grand jour ce qu’en est la réalité ». Manuel, le grand mage de l’esprit du 11 janvier veut-il connaître la réalité de l’Islam ? Il n'a qu'à écouter Dalil Boubakeur, président sortant du Conseil français du culte musulman, qui s’empresse alors de la lui dévoiler en déclarant qu’il serait envisageable de transformer « les églises abandonnées » en mosquées… La France de 2015, sous le président Hollande…. Triste, sordide déclin. Délitement.

 « C'est le même Dieu, », ose donc affirmer l’impayable Boubakeur devant le déiste Valls, balayant d’un revers de main  la Trinité, la Passion, et des siècles de théologie autrement plus subtile et raffinée, que ce genre de slogan pour décérébrés républicains. Ignorant, pour le coup, des siècles d'histoire et de culture. Car de deux choses l’une : soit le Dieu de l’Islam et Celui du Christianisme sont les mêmes, et le Christ étant mort pour la conversion des pécheurs pénitents, tous les musulmans de France n’ont plus qu’à se convertir pour rencontrer leur propre Dieu et être justifiés. Soit Il n’est pas le même, et dans ce cas-là, Valls et ses sbires sont encore en train de mentir et devraient de toute urgence relire les épitres de Paul, celle « aux Musulmans » restant bien sûr à déduire de toutes celles adressées aux Romains, Ephésiens et autres Galates. « Vous n’êtes pas sous la Loi, mais sous la Grâce » dit l’Apôtre ; et il leur explique que le vieil homme, celui qui n'a que la Loi, a été crucifié avec Lui. Oui, crucifié, afin d'être justifié.

Selon cette logique, qui est la logique du christianisme, déclarer identiques des lieux où se célèbre l’Eucharistie et d'autres lieux où se revendique la pré-éminence de la Loi qui lui est antérieure, comparer les deux comme des lieux où se célèbreraient deux mêmes rites, cela relève donc du pur blasphème.

Or « ce sont des rites qui sont voisins et fraternels », rajoute Boubakeur, énonçant une scandaleuse contre-vérité théologique. Car il n’y a rien de voisin ni de fraternel dans une religion qui nie totalement depuis des siècles ce qui fait l’essence et la raison d’être de l’autre, à savoir la Passion et la Divinité du Christ. Ce qui n’empêche évidemment pas chrétiens et musulmans de s’aimer fraternellement dans leur humanité, mais cela ne peut s'étendre au domaine religieux sans tomber dans la pure hérésie, ce que Valls, Boubakeur et tous les réformateurs zélés au plus haut de l’Etat (comme peut-être dans certains cas au sommet de l'Église) font mine d’ ignorer, ce qui constitue un aveu.

Et, rajoute Boubakeur, «  Je pense que musulmans et chrétiens peuvent coexister et vivre ensemble ». Curieuse conception du vivre ensemble que celle qui consiste à se substituer à, et qu’on voit à l’œuvre dans d’autres parties du monde.

 

La question que tout cela pose crument à chaque Français est finalement celle de sa propre apostasie : à chacun de se demander s’il est prêt à abandonner purement et simplement la religion de ses pères. Sinon, il peut toujours retourner aux églises, et la question de savoir si elles peuvent ou non être légalement et publiquement transformées en mosquées ne se posera plus.

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vendredi, 05 juin 2015

Les saints de Turin

Turin partage avec Prague et Lyon la redoutable réputation d’être l’une des portes de l’Enfer.  C’est pourquoi, tout comme les deux autres villes, elle bénéficie d’une protection divine spécifique. Lyon fut placée sous la protection de la Vierge par un vœu de ses échevins en 1643, Turin fut en 1453 le théâtre d’un miracle eucharistique dont la ville célébrera demain l’anniversaire, et dont on reparlera ici.

La capitale du Piémont conserve pieusement les corps incorruptibles de nombreux bienheureux ou saints qu’on rencontre dans ses églises en y faisant halte

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Maria Mazzarello (basilique di Santa Maria Aussiliatrice)

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Valerico  ABATTE (Sanctuaire della Consolata) )

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Catherine de Sienne (église san Dominico)

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 Et bien sûr, Don Bosco

 

Ces saints firent face, de leur temps, à de nombreux maux : épidémies, guerres, ignorance. De leurs vivants, nombreux furent ceux qui entrèrent en conflit avec eux, pour les contester. Mais il semble que le plus inconditionnel des athées gardât en son for intérieur quelque estime pour leurs actes, quelque considération qui rendait possible le dialogue avec eux. Le siècle actuel a produit un mal contre lequel j'ignore quelle aurait été leur recommandation : le divertissement. Car le divertissement ne cherche pas à contrer ni à détruire les saints, ils les laisse dormir, tout simplement, il ignore leurs œuvres pour concentrer sur d'autres énergies et d'autres efforts l'attention de ceux qu'il retient et guide par le bout du nez. Pascal, jadis, écrivit sur le divertissement, mais les libertins à qui il s'adressait pouvaient encore le considérer tel un interlocuteur, car ils parlaient la même langue. Du divertissement qui fait rage & dévaste avec minutie le monde aujourd'hui, que dirait-il ? Et que préconiseraient les beaux saints endormis de Turin ?

 

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vignette de Don Bosco n°13, Turin

 

jeudi, 04 juin 2015

Le suaire et le sacré.

On n’approche pas commodément du Saint-Suaire à Turin.  La réservation s’opère par Internet. Des milliers de bénévoles (« les blousons violets ») venus des diverses paroisses de la capitale du Piémont accueillent les visiteurs dans la zone du Dôme, depuis le commencement du parcours liminaire dans les Jardins Royaux jusqu’à la salle des confessionnaux et aux marchands de souvenirs sur le parvis de la cathédrale Saint-Jean Baptiste, Piazza Castello. On franchit tout d’abord un portique, comme dans les aéroports, ce qui montre à quel point notre civilisation est placée constamment dans une certaine ligne de mire. Il est vrai qu’un fou d’Allah parvenant à s’infiltrer dans les tunnels en toile qui conduisent durant plus de 800 mètres jusqu’à l’entrée de la chapelle serait assuré de faire le buzz sur le champ. Les tunnels d’accès sont donc garnis de caméras. Nous habitons bien au XXIe siècle.

Le pèlerin est ensuite introduit dans une salle où un bref film vidéo lui dépeint ce qu’il s’apprête à voir en détail. Toutes les parties du corps de l’homme au suaire sont successivement zoomés et agrandis. Un commentaire en plusieurs langues insiste sur les traces de coups de fouets, de trous d’épines et de lances. Étrange exhibition mortuaire, devant une assemblée silencieuse où se découvrent toutes sortes de gens.

La question de l’historicité de l’homme dont l’image frontale et l’image dorsale se joignent par la tête n’a ici plus guère d’intérêt. Comme Benoit XVI l’a dit un jour, cet « icône écrite avec le sang » est surtout un émouvant miroir de la Passion. Le sacré, ici comme ailleurs, n’a nullement besoin d’être breveté par l’historicité. Sinon pour les manants.

Elle est d’ailleurs suffisamment présente, l’histoire, la belle et triste histoire humaine, sous la forme de cette poignée de quidams en casquettes et tee-shirts, pantacourts et autres tenues de p.à.p, le smartphone à la main, foule mixte de touristes ou de pèlerins, ou les deux à la fois, mi-pèlerins, mi-touristes, immobilisés dans le noir face à l’image qui se reflète de l’image sacrée offerte à cette foule même qui passe, telle un miroir d’un moment de l’histoire – cet aujourd’hui faits d'eux tous  défilant, profanes, devant lui, le sacré.

Car la voici enfin, entre deux sentinelles en costumes historiques, immobiles comme au musée Grévin. La voici la châsse le portant, puis le suaire lui-même, derrière des glaces de sécurité multicouche ; en rangs, trois rangs, les spectateurs du moment contemplent un instant le tracé d’un corps dans lequel chacun lit ce qu’il peut, ce qu’il veut, ce qu’il sait et ce qu’il ressent de ce qui lui est offert ou non dans le silence de cette confrontation avec un autre Monde. Car c’est bien d’un autre Monde qu’il s’agit, l’Antiquité, le Dénuement, la Mort, la Cruauté des hommes acharnée contre ce corps en ostension, la Religion,  la voici, la Passion. Au-delà du spectacle (car il demeure là encore, le spectacle -  certains même tentent un fois de plus de photographier, [et tu te dis qu’à l’instant de rendre l’âme, tenteront-ils encore, les sots, les stupides, de photographier la mort qui venant à eux leur arrachera des mains leur foutue richesse ? ] ) chacun ne reçoit que ce qu’il amène, dans cette cité terrestre qui, comme le dit Saint-Augustin, prétend tout dominer, et se trouve elle-même soumise par l’esprit de domination (1)

 

A cette image de Dieu dont la Charité ravive jusqu’au cœur de la société du Spectacle ces quelques traces perceptibles du Saint-Golgotha, nous amenons donc un cœur gonflé de sanglots et de peines, et notre honte d’appartenir à cette espèce si vaine et si folle, et notre ferveur aussi, notre espérance et notre Joie toutes deux faites de larmes invisibles et de limon silencieux; et puisqu’ici, chaque sacrement est une réconciliation, nous nous souvenons un instant de Joseph d’Arimathée qui, de Béthanie, emporta le sang du Christ jusqu’en Cornouailles, tel un Ulysse ou un Enée de la Cité de Dieu à bâtir sans cesse, de la Chrétienté dont nous sommes les ultimes et insuffisants rejetons. 

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Extérieur de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin

1 - Saint-Augustin, Cité de Dieu, livre 1

lundi, 25 mai 2015

Que sacrifions-nous ? (1)

Toute l’Antiquité s’est construite et a vécu à partir du sacrifice du tragos, le bouc émissaire innocent appelé à contenter les dieux. Ici, c’est Iphigénie, sauvée in extremis par Artémis,  là c’est Isaac, dont le  « cruel Dieu des Juifs », comme s’exclame Athalie, feint d’exiger la vie. L’incontestable génie du christianisme fut de rendre caduque et d’abolir le rite antique du sacrifice humain – et même animal, Dieu présentant à l’humanité incrédule le sacrifice de son propre fils – celui-ci mené à terme de manière consentante à travers la Passion. Le Dieu chrétien, ce faisant, révèle à quel point son amour est plus grand que l’amour humain, parce qu’il est Père, Fils et Saint-Esprit à la fois, quand la créature n’est qu’elle-même. Ce faisant, il renvoie l’homme aux bornes de sa raison qui sont ses propres limites, sa cruauté, sa superstition, sa stupidité. Il rend caduque l’observation de l’ancienne Loi  reposant sur des sacrifices. « Si vous vous faites circonscrire, le Christ ne vous servira de rien, lance Paul aux Galates trop soumis aux judaïsants. Vous tous qui cherchez  justification dans la Loi, vous êtes déchus de la Grâce. Nous, c’est de la foi, par l’Esprit que nous attendons l’Espérance de la justice.»

Cette insoumission à la Loi du sacrifice, tant juive que romaine, les premiers Chrétiens la payèrent de leur vie ; en réalité, ils furent persécutés non pas parce qu’ils étaient chrétiens, mais parce qu’étant chrétiens, ils ne reconnaissaient de juste que le sacrifice du Christ et refusaient de pratiquer ceux exigés par l’Empereur. D’une certaine façon, les temps modernes commencent avec Constantin. Et nous sentons tous que ce sont ceux-là même que l’Islam radical, par ses égorgements ritualisés, tente d’abolir dans les terres chrétiennes du Proche Orient.

L’Occident, lui, s’est construit à partir d’un autre sacrifice, un sacrifice saint, celui de la messe, que le fourbe Luther détesta tellement qu’il l’abolit de son nouveau Temple. Notre guerre de Troie, c'est la Queste del Saint Graal, que nous ne savons aujourd'hui que caricaturer lamentablement. « Le nombre est infini des prétendus catholiques qui ne savent pas que la communion quotidienne est une suite rigoureuse de l’Oraison dominicale : Panem Quotidianum. Les chrétiens qui n’en veulent pas sont forcés de recommencer à leur insu l’effrayante Méchanceté de Bethléem :- J’étais étranger, dit le sage, et vous ne m’avez pas donner l’hospitalité. », nota Bloy un jour de mars 1901. C’est Bloy qui,  il y a environ cinq ans de cela, me ramena durant quelques mois quotidiennement à l’autel. J’étais victime des préjugés de mon temps, au premier lieu duquel celui du ressenti comme gage de la sincérité. Bloy me rappela les vertus de la simple obéissance au Christ. Vous ferez ceci en mémoire de moi. Pour ce qui est du ressenti, je renvoie mon lecteur à la citation de Green ci-dessous (1), qui dit assez à quel point le sacré et le sentiment sont choses profondément antagonistes, et à quel point vouloir les réunir comme un certain œcuménisme angélique cherche à le faire relève de l’imposture. La sainte messe n’est sacrée que parce qu'elle dépasse et la raison et le sentiment de la créature, inutile de chercher autre cause. Et là encore, elle dépasse la simple prière ou la méditation que proposent en effet toutes les autres religions, lesquelles ne sont que des activités humaines.

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L'Européen le plus moderne, c'est vous, empereur Constantin

[1] Les personnes qui viennent à la Messe parlent et rient ; elles croient qu'elles n'ont rien vu d'extraordinaire. Elles ne se sont doutées de rien parce qu'elles n'ont pas pris la peine de voir. On dirait qu'elles viennent d'assister à quelque chose de simple et de naturel, et cette chose, si elle ne s'était produite qu'une fois, suffirait à ravir en extase un monde passionné. Elles reviennent du Golgotha et elles parlent de la température. Si on leur disait que Jean et Marie descendirent du Calvaire en parlant de choses frivoles, elles diraient que c'est impossible. Cependant elles-mêmes n'agissent pas autrement. On dirait que ce que les yeux ne voient point n'a pas d'importance ; en réalité il n'y a que cela qui est et il n'y a que cela qui existe. Elles ont été 25 minutes dans une église sans comprendre ce qui se passait. Elles entendent la Messe tranquillement, sans larmes, sans commotion intérieure. Si elles pouvaient s'étonner, elles seraient sauvées, mais elles font de leur religion une de leurs habitudes, c'est-à-dire quelque chose de vil et de naturel. C'est l'habitude qui damne le monde.

Julien Green (1900-1998), sous le pseudonyme de Théophile Delaporte, Pamphlet contre les catholiques de France, paru dans les Cahiers du Rhône, 15 (54), Neuchâtel, 1944.

samedi, 02 mai 2015

Apostasie silencieuse

Dans Le Mépris de Jean-Luc Godard, après avoir évoqué le combat d’Ulysse contre les dieux, le réalisateur Fritz Lang qui incarne face au vulgaire producteur américain Prokosh tout ce qui reste de la culture européenne en vient à commenter un poème d’Hölderlin. Il insiste alors sur le fait « étrange, mais vrai » que « ce n’est plus la présence de Dieu, mais son absence qui rassure l’homme. »

Et c’est tristement vrai que désormais, sous le coup d’une propagande républicaine longtemps et partout menée, la foi – la foi vigoureuse, la foi stable, la foi établie comme référence de sa propre vie – est devenue pour beaucoup inquiétante, quand ne pas croire [du moins vivre dans la boite à outils de quelques concepts moraux et vérités scientifiques établis par d’autres], c’est cela qui serait rassurant, ou « normal »,  comme dirait le pitre aux abois qui entraîne notre pays vers sa dissolution finale. Un effet sociétal, un effet troupeau incontestable, là-dedans. Credo. Naître et mourir seul, nous sommes seuls pour le dire.

On prête à Jean Paul II la paternité de la périphrase une «  apostasie silencieuse », pour désigner cet œcuménisme confus et résigné qui a fini peu à peu par engourdir l’Europe et dissimuler l’impeccable brillance du Saint-Sacrement aux yeux de la multitude : «La culture européenne donne l'impression d'une apostasie silencieuse de la part de l'homme comblé qui vit comme si Dieu n'existait pas ». Le pape polonais aurait emprunté la formule à Emmanuel Mounier, qui en 1940 parlait déjà de cette « apostasie silencieuse » qui menaçait le catholicisme, faite d’une sorte « d’indifférence environnante » et de « sa propre distraction ». Mounier, mais Hölderlin, déjà. Et Jean-Marie Vianney, qui dit un jour dans son sermon, à propos de la persévérance : « Je dis donc  que le premier moyen de persévérer dans le chemin qui conduit au ciel, c'est d'être fidèle à suivre et à profiter des mouvements de la grâce que Dieu veut bien nous accorder. » Et à propos de l'endurcissement : « cet endurcissement si terrible, c'est l'abandon de Dieu qui se retire du pécheur et qui finit par le livrer entre les mains de ses passions. Une fois arrivé à ce degré d'aveuglement, hélas ! rien ne le touche et rien n'est capable de lui faire connaître l'état malheureux où le péché le conduit ; il méprise tout ce qui est capable de le rappeler à Dieu ; il rejette la grâce autant de fois qu'elle vient.» 

 Mouvements, tout le contraire de cet endurcissement confortable et vain, dans l'œcuménisme intellectuel aussi bêtifiant que médiatique que nous vendent les politiciens. A lire quelques-uns de ses sermons, il semble que ce saint curé ait passé sa vie à lutter, dans son confessionnal étroit, contre cette apostasie silencieuse, dont il sentait que perçaient les germes dans le cœur de ses paroissiens et des pèlerins visiteurs qui le sollicitaient, en leur parlant de la nécessité de la conversion et de la pénitence, termes que précisément les citoyens du monde moderne ne peuvent entendre sans se gausser. L’égalitarisme qu’on tente de nous imposer comme religion civique est le contraire absolu d’un catholicisme bien compris et d’une fraternité heureuse.

 

C’est un complet retournement qu’il faut donc effectuer – où laisser s’effectuer dans la prière. Que l’absence de Dieu redevienne atrocement inquiétante en soi, et sa présence, la seule demeure rassurante dans l’horreur des rues et des medias.

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Fritz Lang, dans Le Mépris

samedi, 07 mars 2015

Le pélérin de l'Absolu

Plus peut-être que ce qu'on raconte de Bloy dans ce document vieux de presque un demi-siècle, ce sont les visages, les regards, les cravates, les bibelots, le phrasé, les voix, les accents, les passés simples des intervenants qui méritent le détour. Qui a lu Bloy n'y apprend rien;  mais on y retrouve la saveur et le goût d'une époque pour la littérature, goût et saveur parfaitement disparus dans la France dévastée de Hollande dont Bloy n'aurait eu, je crois, rien, mais alors plus rien à dire tant elle est devenue inexistante au regard de ses espérances.


mercredi, 11 février 2015

Gérard de Kerouac, héros religieux

Visions de Gérard est un titre pluriel : Kerouac y entretient son lecteur autant des Visions qu’il recomposa de son jeune frère Gérard (mort à neuf ans alors qu’il n’en avait que quatre) que de celles, surnaturelles, qu’il prête à Gérard lui-même, un ange parmi les anges. Publié en septembre 1963 chez Farrar, Strauss & Cudahy après un retentissant refus de Malcom Cowley, le livre a été très mal accueilli. « Trop compliqué pour des lecteurs courants » (1) En décalage trop apparent, surtout, avec le mythe du beatnik déjà outrageusement exploité par les éditeurs et les journalistes.

Ce Visions de Gérard fut, de tous ses « livres sur Lowell » celui duquel Kerouac parla avec le plus de ferveur. Dans une lettre à Neal Cassady, il confesse adresser toujours des prières à Gérard, comme à Jésus-Christ, à Bouddha et à son père Leo (2), dont il dit dans une autre lettre à Stering Lord qu’il visite régulièrement les tombes (3).

Le livre naquit en janvier 1956, « un grand livre bien triste, écrit-il à Gary Sinder, sur la vie et la mort de mon petit frère Gérard dans les années 20, un livre bouddhiste, funéraire, sombre, pluvieux » (4)

Kerouac dit alors bouddhiste, il dira plus tard catholique. Dans une lettre à Fernanda Pivano datée de début 1964, il se plaint alors en ces termes de Ginsberg et de Corso : « Ils sont devenus tous les deux des fanatiques politiques, tous les deux ont commencé à me vilipender parce que je ne partage pas leurs opinions politiques et eux et leurs amis me rendent malades. Je veux que vous sachiez que Visions de Gérard publié l’année dernière représente le début de ma nouvelle perception de la vie, un retour strict à mes sentiments du début à Lowell, ceux d’un Catholique franco-canadien de Nouvelle-Angleterre et d’une nature solitaire » (5)

Une rupture, donc, qui s’affirme tel un nouveau début, ou plutôt, tel un retour vers le commencement de soi, et la solitude dans laquelle la mort du frère le laissa : « C’était un saint, mon Gérard, avec son visage pur et tranquille, son air mélancolique, et le petit linceul doux et pitoyable de ses cheveux qui retombaient sur son front et que la main écartait de ses yeux bleus et sérieux ». En composant le croquis de ce visage pur du frère perdu, on ressent qu’il s’agit pour l’homme abimé de reprendre pied dans une émotion heureuse parce que liminaire, celle de l’enfance, comme le confirme cette réflexion livrée plus tard dans un interview : « I have a recurring dream of simply walking around the deserted twilight streets of Lowell, in the mist, eager to return to every known and fabled corner.  A very eerie, recurrent dream, but it always makes me happy when I wake up. » (6)

 Il ne s’agit évidemment pas d’une réminiscence, puisque le narrateur de ce bref récit est l’enfant qui vient de naître et assiste, impuissant et sans la comprendre, à l’agonie de son frère à peine plus âgé que lui. Le programme narratif tient plutôt de la  recréation de soi, au sein de l idéal de sainteté qui est au cœur même du projet beatnik de Kerouac, et qui sert au plus près le sentiment d’être pleinement soi.

A l’aune de la mort de son frère, transfiguré par les détails qu’il en couche sur le papier, l’écrivain mesure la vanité de sa carrière, la vanité de son écriture, la vanité de toute vie : « et la seule raison pour laquelle j’ai repris mon souffle pour mordre en vain avec le style ce grand aiguillon au crayon utilisable et indéfendable, c’est Gérard, c’est l’idéalisme, c’est Gérard, le héros religieux ». Kerouac, assurément, a imaginé dès son plus jeune âge l’écrivain – le beatnik –tel un héros religieux. Son parcours dans l’Amérique matérialiste et brutale tint d’un chemin de croix que masquerent les succès de la Beat Generation : C’est avec Visions de Gérard qu’il devint le contradicteur de sa propre légende, et vraiment, avec ce petit livre aux antipodes de Sur la route, le plus crument, le plus fidèlement soi-même.

 

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1 Lettres choisies 1957-1969, à Robert Giroux, 18 avril 1963

2 Lettres choisies 1957-1969, à Neal Cassady, fin octobre 1957

3 Lettres choisies  1940-1956, à  Gary Snider, 17 janvier1956

4 Lettres choisies 1957-1969, à Fernanda Pivano, début 1964

5 Lettres choisies 1957-1969, à Robert Giroux, 9 septembre 1964

6 Book News from Farrar, Straus, & Cudahy, Inc. Empty Phatoms: Interviews and Encounters with Jack Kerouac. Ed. Paul Maher, Jr. New York: Thurder’s Mouth Press, 2005.  223

vendredi, 23 janvier 2015

Le Gentilhomme Cabaretier

Le Gentilhomme Cabaretier,rodolphe salis,le pont au change,léon bloy,barbey d'aurevilly,catholicisme,laïciré,« C’est « au très vivant, très fier, très impavide baron du Saint-Empire de la Fantaisie, au gentilhomme cabaretier Rodolphe Salis, fondateur du Chat Noir et découvreur de celui qui signe ces pages »  que Léon Bloy, « communard converti au catholicisme », dédicaça  en 1884 ses fameux Propos d’un entrepreneur de démolitions. Ce n’était nullement, précise-il en exergue, une fumisterie ni une réclame pour le fameux cabaret, mais plutôt la reconnaissance amicale d’un homme endetté. Les éditions du Pont au Change ont tiré du recueil quatre « propos », Le Gentilhomme Cabaretier (consacrée précisément à Salis et à sa revue), Le choix suprême (dédié au jour des morts), Le père des convalescents (à Coquelin Cadet), Le dixième cercle de l’enfer (Une chronique sur un roman de Barbey d’Aurevilly – dont Bloy fut le secrétaire – , Ce qui ne meurt pas ).

 

« J’ai passé l’âge d’être éducable et j’arrive de diablement loin » note sarcastiquement Bloy dans cette dernière. Au moment même où le gouvernement Valls sort de ses cartons à la faveur des événements récents  un enseignement de la morale et de la laïcité pour tous les élèves de l’école publique, relire cette dernière est assez savoureux. Ces lignes, entre autres : « Catholique des plus hauts et des plus absolus dans un temps où personne ne veut plus du catholicisme, il [Barbey] pense que ce n’est pas l’affaire  d’un laïque de prêcher une morale quelconque et d’avertir de ses devoirs  le charbonnier le plus rudimentaire. Mais il faut que la Vérité soit dite et c’est son art même qui lui a donné le secret de la dire sans violer le territoire des gardiens de la Parole. »

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intérieur du Chat NOIR  ( photo d'archives) 

Le Gentilhomme Cabaretier et autres chroniques du Chat Noir, par Léon Bloy, aux éditions Le pont du changeUne plaquette de 16 pages, format 12 x 21 cm, cousue fil, sur papier ivoire 100 grammes, couverture jaune 160 g. 6 € port compris.

 

jeudi, 25 décembre 2014

Les origines de la représentation

Certains voudraient voir disparaître les crèches de Noël des espaces publics. Ce sont rarement des adeptes d’une autre religion, bouddhistes, juifs ou musulmans, non. Mais le plus souvent des laïcards fervents , adeptes de la diversité et de l’égalitarisme, qui se satisferaient de voir partout fleurir synagogues, temples et mosquées en nombre égal aux églises pour enfin, comme ils le font partout, poser leur  signe sacré ( =)  entre tous ces édifices, comme ils le posent entre toutes les différences qui s’imposent à leur esprit borné, au prix d’un arbitraire dont ils n’ont plus cure depuis longtemps.

La crèche est pourtant, si on veut bien s’en souvenir, l’ultime trace du renouveau théâtral en France lequel, au contraire de ce qu’en disent les humanistes qui le situent au XVIe siècle dans l’imitation du théâtre antique, se produisit dès le Xe avec les mystères religieux dont le plus populaire, celui de la Nativité, se figea au fil du siècle en une représentation de santons dont la crèche est, si l’on veut, le fossile parvenu jusqu’à nous. C’est toute l’Histoire Sainte qui était alors représentée, et c’est d’elle que le théâtre français est né.  Faut-il, au nom de la laïcité, interdire les trois coups dans les théâtres, qui représentaient en ce temps-là un salut au Père, au Fils et au Saint Esprit ? Bannir le mot marionnette du dictionnaire, sous prétexte qu’il descend de la Vierge de ces mystères médiévaux, la petite Marie, la marionnette ?

C’est bien le projet insensé de ceux qui, d’année en année, déposent des plaintes contre les crèches publiques. La religion catholique est essentiellement théâtrale, au sens le plus noble du terme, dans chacun de ses rites – la consécration de l’hostie qui est son cœur étant le plus beau. C’est sa spécificité, d’aucuns diraient son Génie. Ceux qui n’entendent rien à cette théâtralité catholique, parce qu’elle ne leur a pas été enseignée ou expliquée, sont tout prêts à trouver normal, (l’ère du normal est dévastatrice, pire qu’un pesticide de l’esprit) l’argument des laïcards, imbibés qu’ils sont de cette idéologie de l’égalité des traitements, du nivellement par l’arithmétique et des théories fumeuses du tout se vaut.  Ils ne voient pas l’avenir uniquement technologique que ces bons laïcards, réducteurs de symboles, chasseurs de paraboles et adeptes du langage binaire leur préparent, occupant sans vergogne tout l’espace public de leurs valeurs en toc et de leur théâtre de contrefaçon.

 

 La magie du moment de Noël, ce n’est ainsi ni les cadeaux, ni les sapins, ni les lumières ni la consommation, mais la représentation – au sens le plus strict – du mystère le plus sacré, celui de la Nativité. Et cette représentation, n’en déplaise à ceux qui voudraient que le monde commençât avec eux, est en France, depuis le Xe siècle, merveilleusement catholique

 

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les premières marionnettes