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dimanche, 11 décembre 2011

Le peintre et le feu

Il y a tout juste 45 ans et 2 jours,  le 9 décembre 1966, on enterrait à Saint-Nizier le peintre Pierre Combet Descombes, mort asphyxié dans l’incendie de son petit appartement de la rue Ruplinger, sur les pentes de la Croix-Rousse. Lui qui se disait « un romantique impénitent » y vivait en reclus depuis la disparition de son amie Henriette Morel qui n’était que d’un an son ainée, et dans l’atelier de laquelle il travaillait au 1 rue Mazard. Parlant de la reconnaissance de leur œuvre commune, il écrivait  peu de temps avant sa mort  à Suzanne Michel : « Tout est resté au plaisir de travailler heureusement et de voir ». Dans cette même lettre du  17novembre 1966, il soulignait « J’ai eu à Lyon de bons amis ou amies, du soutien, oui.  Heureusement. Beaucoup sur le petit nombre sont disparus .Mais le souvenir profond et reconnaissant me reste,  cela me suffit quand même. Quand aux divers salopards, c’est oublié »

Onze ans plus tôt, le 9 décembre 1955, un incendie provoqué par le poêle à gaz avait déjà dévasté son  propre son atelier situé au 22 rue Thomassin.  Le peintre avait  dû lutter seul, avant de contempler, impuissant, les pompiers se démenant  « comme dans une scène de la Walkyrie ». Dans cet incendie, il déclara avoir perdu environ soixante-dix tableaux,  dont vingt de grandes dimensions et des centaines de dessins. Sans compter les notes, journaux, livres, châssis qui encombraient l’endroit.  Quelques souvenirs morbides de ce tragique instant, suivi de la ré-édition d’un billet consacré ici-même à Pierre Combet Descombes  en 2009 :

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11:00 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : peinture, lyon, pierre combet descombes, feu, incendie, saint-nizier, chasse sur rhône | | |

jeudi, 01 décembre 2011

Le Progrès, rue Bellecordière

En ce temps-là, le Progrès de Lyon n'était pas encore délocalisé dans sa lointaine banlieue de Chassieu. Rue de la République, il occupait encore un siège imposant en plein centre ville : l'entrée officielle se faisait par un hall gigantesque, tapissé de petites annonces; une seconde réservée aux artistes, c'est-à-dire aux journalistes, donnait sur la rue Bellecordière. Le Grand Hall de la rue de la République avait été auparavant celui d’un théâtre, le théâtre Bellecour : en matière de bâtiments, tout se recycle, et les villes sont telles des feuilletés d'époques mettant en scène la valse des générations. Ceci explique cela.

1903.jpgDès qu’elle s'échappait des rotatives l’édition du jour était donc placardée derrière les vitrines du grand hall, par un garde en blouse grise qui seul en possédait la clé. Les lecteurs qui défilaient là variaient au fil de la journée. Les chômeurs de l’aube se pointaient munis de petits carnets et de bouts de crayons, les badauds du soir cherchaient l’heure des séances du Majestic ou du Cinéjournal, les salles de cinéma d’à côté. Dans la journée, on trouvait de tout devant les colonnes encrées : passionnés d’exploits sportifs, lécheurs de carnet mondain, amateur du feuilleton quotidien ou collectionneurs de faits divers. N’oublions pas les concours : le journal proposait alors un jeu, « avez-vous le coup d’œil », qui monopolisait la sagacité de toutes et de tous quand il fallait déterminer au jugé d’une seule photo si le camion du laitier passait bien sous le pont du chemin de fer, ou encore combien de bouteilles de rouge contenait l’arrière boutique du bistrotier. 

Le sol de ce Grand Hall était couvert de mégots ; principalement de mégots de brunes, alors réservées à la gent masculine qui fumait des Gauloises et des Gitanes, les dames n’ayant pas encore la liberté ni l’esprit à tirer en public sur des Gaulois et des Gitans. Vers les vingt trois heures, le garde en blouse grise écussonnée, foutait tout ce joyeux public dehors afin de passer en maugréant un coup de balai sur la journée, avant de tirer une grosse grille coulissante en ferraille criarde et de la cadenasser sur le dernier clochard aviné. 

 

LE_PRO~1.JPGTout au fond se trouvait un escalier cérémonial  qui menait à la banque du concierge où l'on portait les avis de décès et les faire parts de naissance qu’on désirait publier. Une grosse horloge rompait seule le silence de l'endroit. En contrebas, un bar et des salons somptueux. Les vedettes (le mot star était encore anglais) de passage  y signaient parfois des autographes. Les hommes politiques y livraient quelques discours fumeux. L’accès aux étages des visiteurs occasionnels se faisait aussi de ce côté-ci. Celui au grand balcon d'honneur, soutenu par les deux caryatides qui existent encore également.

 

De l'autre côté, c'était la rue Bellecordière, le côté sombre et intime du journal, le passage par chez Louise Labé. L’entrée de la rédaction côtoyait celle des des Messageries Lyonnaises. Autour de la cahute en verre du garde régnait une animation constante. Si vous étiez un habitué des lieux, un escalier plus étroit que l’autre vous menait directement aux bureaux de la rédaction. Plus haut encore, par des escaliers de bois sombres et jamais cirés, on grimpait jusque au repaire des photographes. Le mot, l’image : ah, c’est là que battait le cœur exact de la cité !  le coeur... ça, plutôt, qu'on aurait dû appeler le poumon... Car tous ces gens ne travaillaient, au fond, qu'au rythme de la rotative qui, comme la reine abeille, dictait à tous sa loi et ses horaires pour répandre aux quatre coins du département le vent frais de ses nouvelles. Restaient encore quelques crieurs, même s'ils faisaient déjà figure de dinosaures.

Ce lieu fascinant possédait bien sûr ses maintes succursales : le café de la Brioche, son comptoir et sa salle du rez-de-chaussée, ses salons du premier, rue de la Barre, pour les rendez-vous « politiques ». La rue des Marronniers, bien moins touristique, celle-là, qu'elle ne l'est à présent, c’était la rue du casse-croute du midi. Et surtout, à partir de minuit, chez Toussaint Vacca, au café Le Monde ouvert jusqu'à l'aube, un lieu à l'urbanité pittoresque dans lequel ce qu’on appelait encore le Milieu lyonnais se retrouvait à heures fixes : des putes, des truands, des flics et des journalistes, auxquels se joignaient parfois quelques noctambules égarés ou, plus rarement, un homme en blanc de l’Hôtel-Dieu, juste en face. Dans ce mini-minuit enfumé, des juke-boxes empiaffés gueulaient La vie en rose jusqu’à plus soif, jusqu'au petit matin. Quelques maîtres régnaient sur ce Progrès d’alors : Bernard Frangin, Pierre Mérindol, Jean Jacques Lerrant, Paul Gravillon, Michel Eymoz… Signe des temps, un centre de distribution d’objets culturels indéterminés, dont je ne nommerai pas l’enseigne, occupe à présent ces lieux. Et de ce centre, nous ne trouvons rien à dire… Ah si : l'air y est climatisé, et la clientèle surveillée...

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Entrée des Artistes, rue Bellecordière (mai 68)

 

samedi, 26 novembre 2011

Tout le monde connaît Roger Excoffon

 

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La première part
ie du XXème siècle fut véritablement pour la typographie un moment d’inventivité prodigieux, dont on retient quelques noms : Lissitsky,  Rodtchenko, Tschicholld, Ballmer, Morison, Peignot, Cassandre, Jacno…  Au regard de ce moment d’ébullition, venir après semblait tenir du défi.

Né à Marseille, dans une famille de minotiers et de juristes, Roger Excoffon (1910-1983) est «monté» à Paris à l’âge de 19 ans Après avoir œuvré comme dessinateur  dans une agence de publicité parisienne, il prit en 1945 la tête de l’antenne parisienne de la fonderie Olive, dirigée à Marseille par Marcel Olive, son beau-frère.

Excoffon fut le père de plusieurs polices, le Chambord, le Banco, le Vendôme, le Mistral, le Choc, l’Antique Olive, ainsi que de nombreuses affiches ou logos :  De 1960 à 1970, U&O puis  Excoffon Conseil ont ainsi réalisé les affiches d’Air France, Jet Tours, Bally, Larousse, Dior, Renault,  Dunlop, Rivoire et Carret, Campari,  Reynolds, SNCF, Caisse d’Épargne, Fluocaril, Sandoz, Lote… Les jeux olympiques de 1968 bénéficièrent également de la «patte » d’Excoffon, de même que l’emprunt d’État et la déclaration de revenus de 1973 ou l’affiche du film La prisonnière de Henri ­Georges  Clouzot (1969)…

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Roger Excoffon fut ainsi l’un des tapissiers les plus inventifs et les plus efficaces des Trente Glorieuses. Aussi l’exposition que lui consacre depuis hier le Musée de l’Imprimerie de Lyon est-elle en soi un petit événement à ne pas rater. On pourra trouver de nombreux documents iconographiques (polices et affiches) sur le billet que lui consacra Peter Gabor en 2008 sur son blog, à suivre ICI        

Le lundi 12 décembre à 18h15, aux Archives municipales de Lyon,  les commissaires de l’exposition, Tony Simoes Relvas et Samuel Rambaud, évoqueront leur rencontre avec Excoffon, ainsi que la variété de son œuvre.  On aura l’occasion de reparler de tout cela dans les semaines à venir.

Le site du Musée de l'Imprimerie et la lettre du mois à télécharger ICI          

Tout le monde connaît Roger Excoffon
Exposition du 24 novembre au 19 février 2012 

Musée de l'Imprimerie, 13 rue de la Poulaillerie - 69002 Lyon

12:40 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musée de l'imprimerie, typographie, actualité, lyon, roger excoffon | | |

jeudi, 17 novembre 2011

Novembre des canuts

Novembre des Canuts, manifestation créée en 2008, commémore cette année la révolte des tisseurs de 1831. Robert Luc ouvrait les festivités avant-hier à la mairie du 1er, avec une conférence sur Jean CLaude Romand, le tailleur créateur de la célèbre formule Vivre en travailant, mourir en combattant. Hier, au cinéma Saint-Denis, Bernard Warin et Françoise Chambaud de L'Esprit Canut retraçaient l'épopée des tisseurs lyonnais, de Louis XI à 1830. Ce soir, l'abbé Max Bobichon présente à l'église Saint-Denis une histoire des relations entre les canuts et l'Eglise. Demain vendredi, c'est l'itinéraire du fabricant Arlès-Dufour que Soierie Vivante mettra à l'honneur au musée Gadagne, tandis qu'une déambulation théâtrale, proposée par Valérie Zipper du Chien Jaune, entrainera le spectateur sur les pas de la révolte, à partir de 18 heures place Bertone. Jusqu'au dimanche 27 novembre, avec en point d'orgue, samedi 19 novembre à 14 heures, une table ronde à la Maison des Associations, rue Denfert Rochereau, cette édition du Novembre des canuts, désormais installée dans le paysage culturel lyonnais, promet d'être riche. 

Le programme entier ICI

 

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lundi, 24 octobre 2011

Appian, paysagiste.

Adolphe Appian (Jacques Barthélémy) appartient à un temps révolu, celui où l’on naissait dans la rue. Comme le maire Gailleton qui vint au monde sur le pont du Change (depuis démoli), Appian quitta un 23 août 1818 le ventre de sa mère, à l’angle de la rue du Plat et de la place Bellecour. Formé aux Beaux Arts dans la classe de Grobon, il se destina d’abord à la Fabrique et appartint un temps à la fanfare lyonnaise auprès de son ami Joseph Luigini.

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Appian ne se consacra réellement à la peinture qu’à partir de 1852, après sa rencontre avec Corot et Daubigny. Il effectua alors de nombreux séjours à Fontainebleau, peignant aux côtés des peintres de Barbizon dont l’influence est sensible dans nombre de ses toiles ; peintre paysagiste et animalier, ses tableaux furent exposés aux salons de Lyon, ainsi qu’aux expositions universelles de Londres (1862) et de Paris (1889). Napoléon III et la princesse Eugénie apprécièrent, dit-on, son œuvre au salon de 1866, ce qui servit sa renommée.

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Marais du Roussillon, musée de Macon

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Ferme à Cerveyrieux, musée de Tournus 

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Paysage aux barques

Titulaire de 14 médailles d’or et de 21 médailles d’argent, Appian sut gérer une carrière prolixe grâce à la maîtrise attentive de ses réseaux de distribution : il fut présent au sein de plus de 300 expositions, dans 85 villes différentes.  A partir de 1860, sur les pas de Jongkind et Méryon, il « entrera en danse », comme le railla Baudelaire en 1862, pour suivre la mode de l’eau-forte. « C’est vraiment un genre trop personnel et conséquemment trop aristocratique pour enchanter d’autres personnes que les hommes de lettres et les artistes, gens très amoureux de toute personnalité vive », soulignait ce dernier dans son article sur la mode de l'eau-forte. «Non seulement l’eau forte est faite pour glorifier l’individualité de l’artiste, mais il est même impossible à l’artiste de ne pas inscrire sur la planche son individualité la plus intime»  Appian, dans ses eaux-fortes, développa son goût pour les paysages, bordures de rivières ou d'étangs :

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Appian se fixa quelques années dans le Bugey, puis à Monaco où il se découvrit une vocation tardive de mariniste,  et enfin à Collioure, dans les Pyrénées Orientales, où il travailla durant quatre ans.

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Pécheurs à Collioure

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Vue de Collioure

A partir de 1879, il s’installa à Sainte-Foy-les-Lyons, dans une maison qu’il baptisa «la villa des fusains » tandis qu’on le surnommait « le Delacroix des fusains ». Grand joueur de billard au café du XIXème siècle rue de la République, Appian devint président du jury de la Société lyonnaise des Beaux Arts en 1890, réalisa un grand panneau décoratif pour la préfecture en 1891, reçut la Légion d’honneur en 1892 et fut nommé président d’honneur des sections des Beaux-Arts de l’Exposition universelle de 1894 qui se tint au parc de la Tête d’Or à Lyon.

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Paysage fermier

Affecté par la disparition de son fils en 1896, il ne lui survécut que deux ans. Ce dernier, Louis Appian, laissa aussi quelques toiles. Tous deux sont enterrés au cimetière de Loyasse.

- Louis APPIAN 1862-1896. Portraits d'enfants. Huile sur carton.jpg

Louis Appian, portrait d'enfants

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Adolphe Appian, paysage boisé, musée du Louvre

13:32 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : école lyonnaise, adolphe appian, paysagiste, lyon, peinture, eaux-fortes | | |

dimanche, 16 octobre 2011

La grâce d'une cathédrale

Après Reims et Strasbourg et avant Rouen, Amiens, Paris et Chartres, les éditions  La Nuée Bleue sortent un ouvrage monumental sur la primatiale Saint Jean de Lyon. Cette parution vient heureusement combler un vide éditorial, au moment même où une dernière opération de ravalement vient de rendre à la vue de tous la façade du XVème siècle de la plus vieille église de France, qui encore aujourd’hui vaut à son évêque le titre de primat des Gaules. La Grâce d’une cathédrale, qui ambitionne de devenir l’ouvrage de référence, regroupe trente-six auteurs parmi les spécialistes de l’édifice sacré, architectes, historiens, tailleurs de pierre, théologies, archéologues. Il est certain qu’au vu de l’Histoire, la cathédrale actuelle, vestige d'un palais épiscopal qui fut si souvent pillé, saccagé, en partie détruit, avait besoin d’être ainsi mis en valeur, la riche histoire dont elle témoigne mise en lumière : en trois parties, « l’aventure de sa construction », « la description de l’édifice » et « l’histoire de la vie civile et religieuse au cours des siècles », il s’est donné les moyens de séduire un public très large, du touriste intrigué à l’érudit passionné. J’ai toujours beaucoup aimé la justesse rêveuse de la dédicace qu’en fit Sidoine Apollinaire au Vème siècle, dans laquelle s’exprime un ressenti à la fois limpide et précis du site lui-même, élevé dans le court espace qui sépare la Saône du mont Fourvière :

« L’édifice élevé brille et n’est déporté ni vers la gauche ni vers la droite, mais par le sommet de son fronton, il regarde le lever du soleil à l’équinoxe. A l’intérieur, la lumière scintille et le soleil est si bien attiré vers le plafond à caissons couvert de feuilles d’or qu’il musarde sur le métal fauve dans un même concert de couleurs. Le marbre, qui se moire d’une variété d’éclats, garnit dans son entier la voûte, le sol, les fenêtres et, sous les figures aux couleurs changeantes, un vert revêtement printanier fait s’incliner grâce à des tiges de vert émeraude des tesselles de saphir. A cet édifice s’appuie un triple portique, orgueilleux de ses supports en marbre d’Aquitaine ; à son imitation, une seconde série de portiques ferme un atrium plus lointain et une forêt de pierre couvre un espace médian, de ses colonnes placées plus loin. Ici la colline résonne, là la Saône renvoie l’écho ; d’un côté se réfléchit le bruit du piéton, du cavalier et du conducteur de chars grinçants, de l’autre le chœur des rameurs courbés élève vers le Christ le chant rythmé de la rivière, tandis que les rives répondent en écho Alléluia. Chante, chante ainsi,  matelot ou voyageur, car c’est ici le lieu où tous doivent se rendre, le lieu où se trouve la route qui mène au salut ».

Certes les vaguelettes de la Saône ne lèchent plus le chevet de la vieille église, le palais épiscopal fut en parti détruit, et les niches de la façade demeurent, depuis le passage du baron des Adrets, vides d’images. C’est justement ce qui rend ce genre de publication indispensable : un livre dont les 500 pages et les 600 illustrations feront date.

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Lyon Primatiale des Gaules, La grâce d’une cathédrale, Ed. La Nuée Bleue, à suivre sur ce LIEN 

 

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Statue de Jean Baptiste

 

 

 

lundi, 10 octobre 2011

Adrien Bas, par Béraud.

Je ne vivais plus seul. Dans mon vieux couvent, notre bande avait transporté sa confrérie. Dans chaque cellule, il y avait un peintre, et l’ancienne chapelle servait d’atelier. On y voyait un maître, Adrien Bas, celui qui, nous quittant le premier, laissa du pays sans lueur et sans contours les plus troublantes images.

Il peignait avec des nuées. Sous sa main naissait dans une vapeur de cendre toute la ville, avec ses sombres porches et ses clochers aux flèches de suie. Il faisait cela d’un air absent, en homme qui pense à autre chose. Et, de fait, son esprit vagabondait ailleurs, dans un univers mécanique hanté de manivelles, d’hélices, de balanciers, d’engrenages et de pistons. Ainsi que le grand Léonard, il dédaignait la peinture et s’adonnait aux inventions. Il les aimait saugrenus, et la collection de ses brevets vous donnait envie de vous coucher sur l’armoire ou de se coiffer d’un soulier. Il en riait à sa façon, sans que bougeât un pli de sa face mongole, où le cristal d’un monocle abritait un regard glacé. Une dizaine de musées conserve ses tableaux.

Henri Béraud, Qu'as tu fait de ta jeunesse, Ed.France, 1941

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Quartier Saint-Paul à Lyon

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Quais de Saône à Lyon

M. Adrien Bas s'est presque spécialisé dans l'interprétation des aspects de notre ville. Il est le flâneur à qui sont chers nos quais, nos squares, nos jardins suspendus.  Notre athmosphère d'argent, chargée d'eau et de fumée, nos brumes lentes montant jour et nuit sur les fleuves, notre mélancolique ciel d'automne qui semble sourire à travers l'ondée, toute l'âme pleureuse et dolente de la vieille cité catholique, M. Adrien Bas s'efforce de la fixer sur ses toiles. 

Je connais de lui des crépuscules sur la Saône qui sont des pages d'angoissante mélancolie. De grands ciels pluvieux ne laissent plus tomber surla ville qu'un jour pâle et les premières lueurs des faubourgs qui s'éclairent commencent à trembler au calme des eaux. Un pont s'efface au loin, les bicoques riveraines fument dans le soir, des traînes de bâteaux glissent dans la demi-ténèbre et tout semble se recueillir avant de s'évanouir dans le grand sommeil des choses. La cité s'endort. 

Henri Béraud - L'Ecole moderne de peinture lyonnaise, 1912

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Passerelle du collège

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 Chapelle de l'Observatoire

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dimanche, 02 octobre 2011

On reparle de Brouillard

Du 3 au 15 octobre, la mairie du 3ème arrondissement à Lyon organise au 215 rue Duguesclin une exposition sur le peintre Eugène Brouillard, laquelle coïncidera avec l’inauguration de la salle des mariages qui vient d’être restaurée et qui porte désormais son nom.  Une rétrospective plus large lui sera consacrée un peu plus tard au palais de Bondy, du 12 au 24 décembre. Le même mois, Denis Vaginay et Didier Ranc publieront un ouvrage dédié au peintre et à son œuvre. Depuis le 6 août, une Association des Amis d’Eugène Brouillard a vu le jour :  On aura évidemment l'occasion de reparler de toutes ces nombreuses activités autour de ce peintre à (re)découvrir au fil de l'automne. 

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Immeubles de la Croix-Rousse

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Salle des mariages, Mairie du 3ème

17:07 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : eugène brouillard, lyon, peinture, denis vaginay, mairie du 3ème | | |

lundi, 29 août 2011

Notre grand 7

Véritable remue-ménage dans le réseau de transports en commun lyonnais (TCL) ;  « Le bus change, le réseau s’améliore, tout TCL avance,  vous circulez mieux » : fidèle à la rhétorique de l’époque, les communicants parlent d’un « projet  majeur », auquel ils attribuent cinq « progrès » (le tout dernier étant, ça va de soi, une moindre pollution) A la fois anagramme et mot valise, le titre de l’opération (dont les raisons doivent être économiques) est Atoubus. Y aurait-il des oulipiens aux TCL ?

On découvre donc que le réseau lyonnais aura dorénavant des « lignes majeures » (au nombre de 26) et puis d’autres. On attendrait bien sûr mineures. Dites plutôt « complémentaires » et « spécifiques ». Ces dernières baptisées selon leur parcours de noms charmants : « soyeuses » pour les touristes, « zone industrielle » ou «gar’express » pour les banlieusards, « pleine lune » pour les noctambules et  « résago » pour les résidentiels ou les organisateurs de congrès, avec un système de réservation téléphonique à la carte.

A l’époque de « l’abonné de la ligne U », roman de Claude Aveline, puis feuilleton radiophonique, puis téléfilm, on n’était pas l’abonné d’un réseau, mais chacun avait sa ligne, qu’il prenait chaque jour. Tout le monde se connaissait dans le bus de 7h08, chacun avait quasiment sa place comme dans la pension de famille. Chaque autobus formait un univers ambulant avec son chauffeur (à l’avant) et son guichetier (à l’arrière), et lorsque une panne de réveil vous livrait à celui de 7h21, ou pire de 7h 39, vous vous retrouviez carrément en pleine terre étrangère.

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Les lignes possédaient des notoriétés diverses. Le 6, arpentant les pentes de la Croix-Rousse, le 4, explorant les Beaux Quartiers, le 7, cheminant de Perrache aux Brotteaux par le pont Morand jusqu’à Cusset. Tour à tour fiacre, tramway, autobus, le 7 fut la ligne la plus dense et sans doute la plus populaire du réseau de l’époque car elle reliait deux gares, parcourait successivement les rues les plus attrayantes de Lyon puis de Villeurbanne, desservant deux théâtres (Célestins et TNP), la ligne 7 était la plus dense du réseau, la première à être remplacée par un métro. Tancrède de Visan publia en 1934 un recueil de nouvelles, « Perrache-Brotteaux », dans lequel il écrivait : « J’ai réuni ces bagatelles sous le titre symbolique Perrache-Brotteaux. C’est la qualification de notre tram le plus populaire, le mieux achalandé, notre grand 7, celui qui, prenant le départ proche notre antique presqu’ile marécageuse, aboutit avec le temps au quartier neuf de notre cité en longeant la place Bellecour et notre artère principale dénommée comme partout  rue de la République » Il y a dans l’emploi du déterminant possessif quelque chose de monarchique et suranné, une fierté provinciale au chauvinisme ironique qui dit bien la façon d’être ensemble des gens de l’époque. « Entendre un ingénieur OTL parler de la 7 est aussi impressionnant qu’entendre un cheminot parler du Mistral ou un New-Yorkais de l’Empire State Building. », note Jean Arrivetz dans son Histoire des Transports à Lyon, paru en 1965.  Cette époque de l’Abonné de la ligne U était celle de la ligne unique mais aussi le temps de la ligne claire, lorsque ni les albums de Spirou, ni ceux de Tintin n'étaient des pièces de collection. 

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