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mardi, 31 décembre 2013

Ma dissidence

Parce que nous sommes des individus, nous sommes tous des dissidents : des frontières, que nous ne cernons pas toujours, nous séparent des idéologies et des lieux communs dominants, tout comme de celles et de ceux qui sont moins influents. L’histoire personnelle de chacun d’entre nous a sculpté notre originalité de manière indélébile, et ce caractère original, c'est-à-dire non reproductible, parce qu'il est quasiment archéologique, se heurte en permanence au monde uniforme des sociétés organisées.

La dissidence se distingue de la révolte par le fait qu’elle ne tente pas de changer ni de transformer l’ordre de ces sociétés. Toute société humaine ayant besoin d’ordre, ce serait prendre le risque de devenir soi-même un jour un représentant, voire un garant de cet ordre, et de sombrer ainsi dans l’uniformité, le ridicule, l'ennui de soi, et tout le diktat qui en découle. C’est pourquoi la figure la plus radicale de la dissidence a toujours été incarnée par l’artiste.

Vivre dans un tel monde, j’entends par là le monde contemporain, c’est serrer au plus près sa propre dissidence, au sein de toutes les contraintes – essentiellement sociétales & financières, mais pas seulement – qui nous sont imposées par l’ordre dominant, quel qu’il soit. Voilà pourquoi l’artiste – je veux dire la part la plus artiste de chacun d’entre nous – ne peut être que heurté, choqué par le discours simplificateur des idéologues de tous crins, particulièrement ceux qui sont au pouvoir et prétendent de ce fait régir les mœurs, gérer les affaires et édifier les spectacles de la Cité.

La littérature - tantôt salon précieux et tantôt hall de gare, tantôt estrade de bateleur et tantôt académie d’initiés – est un des lieux où l’individu pour qui c’est une nécessité vitale peut marquer sa dissidence. C’est en tout cas le lieu où moi-même, personnage terne et fondu dans la masse, qu’une carte d’identité, un numéro de sécurité sociale, un autre de compte en banque et quelques autres codes définissent à gros traits pour la société organisée,  l’ai sauvegardée. Cela, aussi bien par un travail de lecture que par un travail d’écriture, les deux étant inextricablement liés.

Moi seul sais ce que tout ce travail m’a coûté et m’a apporté. De ce savoir – si l’on peut appliquer un terme aussi ridicule à ce dont il est question, ou de cette connaissance, mais c'est guère mieux, j’ai fait un roman. Le roman de ma dissidence, si l’on veut. Ce texte a du mal, et cela peut se comprendre en raison de sa nature, à trouver un genre (conte philosophique ? épopée ? science-fiction ? fantasy ?). Et partant un éditeur, car ces derniers ont horreur de ce qui n’est pas calibré, normé, ajusté à un public pré-établi, une cible, comme on le dit élégamment en marketing. Ce qui peut se comprendre. Pour ma part, hormis marquer ma propre originalité, je ne sais qui je cible. C'est ainsi. C'est ma seule note d'intention...

Après avoir longtemps croupi dans mon esprit, ce roman croupit donc dans mes cartons depuis un certain nombre de mois. Tout bien considérer, le fait a beau être ennuyeux, il est aussi plutôt flatteur : Ce roman a visiblement un problème avec l'ordre établi. La rencontre directe avec le public étant constitutive de mon originalité, il est donc probable que je me décide un de ces jours à le publier moi-même. Soit sur ce blog, soit ailleurs. En attendant, on peut considérer que ce court texte en est la juste -et juste- la préface.

08:07 Publié dans Des nouvelles et des romans | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, roman, solko | | |

lundi, 30 décembre 2013

Le sapin n'a plus d'odeurs

N’achevons pas l’année sur les mots « Ça sent le Sapin », qui bouclaient le dernier billet. L’expression demeure trop connotée, par ces moments de renouveau calendaire, qui auraient plutôt besoin d’embaumer la rosée matinale de nos espérances. Je me demande néanmoins ce qu’on peut souhaiter de bon à cette pauvre Marianne, prise à la gorge sur nos timbres par une néo-Femen hystérique, agonisante dans les filets de dirigeants aux bords, qui de l’hystérie, qui de l’apoplexie, comme en témoigne le soutien inconditionnel de Copé à Valls et Hollande, dans la chasse ouverte au Dieudonné... Comme si la seule bête à abattre était le bras d’honneur aux puissants. Pendant ce temps, l’information frôle l’extrême horreur, dans les lumières indifférentes des réveillons païens qui se préparent.

Entre autres bonnes nouvelles et à propos d'horreur, cette réflexion d’Attali, entendue ce week-end lors des Grands rendez-vous d’Europe 1 : dans le fil de l’aimable logorrhée dont cet immuable conseiller des Princes, ce grand expert économique, comme on dit, possède le secret : « 2014 sera une année très dangereuse ». Qui l’envoie ainsi préparer le terrain, et opérer son chantage sur le « petit personnel » de l’hôtel de France, de moins en moins étoilé chaque année? (tout le monde se souvient de sa boutade merdique sur « les nations qui sont désormais des hôtels, et où le personnel doit être bien traité pour que les clients se sentent bien. » ).

2014 sonnera-t-il le glas pour le ton polémique ? Les blagues, les spectacles, les histoires de cul devront-elles se soumettre en référé à l'humour disciplinaire du Président, ou un éclat de rire salutaire le renverra-t-il, lui et sa cour, dans la banquise de Solférino qu'ils n'auraient jamais dû quitter ?

Car Noël vient de fuir et le sapin a perdu ses odeurs. Le triomphe des corbeaux noirs, ces grands annonciateurs de la mort, n'évoquent plus que la résignation des pauvres gens, leur consentement à la déception fatale. Reste à interpréter sur la plage la signification du cri des mouettes : la curée, le rut, la plainte ou la joie ?

Rien de ce boueux Réel ne doit survivre de l'épreuve du merveilleux.Nous tournerons les pages de nos beaux incunables. C'est le commencement d'un nouvel an, le sacre de la fiction. C'est une histoire à suivre. Qui m'aime me lise, dit le poète dissident.

15:48 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : sapin, attali, solferino, dieudonné, littérature | | |

dimanche, 29 décembre 2013

Dieu donna des Bons et des Méchants

Bon alors, comme c’est bientôt la fin de l’année, parlons peu et parlons bien : avec les déclarations tonitruantes du Ministre de l’Intérieur, les choses s’éclaircissent : pour le PS, il y a donc les bons Noirs et les mauvais Noirs, les bons Arabes et les mauvais Arabes.

Prenez Fadela Amara, par exemple, ou Rachida Dati : des mauvaises Arabes forcément, pour avoir frayé avec la droite sarkoziste, pensez, rien moins – on s’en souvient – que le maréchal Pétain ! Sans compter les Arabes inconscients, comme cette Samia Ghali qui fit la gueule à Jean PhilippeHarlem Désir et Jean Marc Ayrault, mais qu’on garda le cul serré, parce qu’elle ramènera des voix dans l’escarcelle de Menucci. Pour être Garde des Sceaux de la République en sortant d’un trou de banlieue comme Rachida, pensez-donc !:  au pire une traitre, au mieux une vénale. Tel n’est cependant pas le cas de Christiane Taubira, également Garde des Sceaux, mais grande marieuse de Gays devant l’Eternel. Une grande dame et une bonne Noire, ça !  Une Simone bis, comme on a un François bis, qui aura bien œuvré pour la civilisation, dites voir ! 

Un bon Arabe, c’est bien entendu Djamel, qui joue le résistant dans la Marche des Beurs, bon p-tit gars, ça. Ne parlons pas de Zizou, qui rime avec bisou. Pas comme cet Anelka, un renégat qui balance une quenelle en plein championnat anglais, une quenelle à Dieudonné, les forces de l’esprit de saint François nous gardent ! Anelka, vilain Arabe. Quant à Dieudonné, il n’est même plus Noir, il est Satan en personne, faut le brûler vif sur l’autel de la République : soupçonner certains Juifs d’être racistes, non mais quel culot ! Il se croit où ? Il se prend pour qui ? Parlons pas de Farida Belghoul, qui copine avec Alain Soral ! Graine de bûcher, qui dénonce la théorie des genres à l’école de papa Peillon… Comme les temps ont changé depuis la marche des Beurs !

Finalement c’est vrai, les gens du PS ne sont pas racistes : pour eux les Arabes et les Noirs sont, en effet, tout comme les Blancs : les bons sont à gauche, et les mauvais à droite. Pas aux extrêmes, surtout pas. Comme cela, tout est simple et lisible. Comme les petites culottes de Martine dans son armoire bien rangée.

Je raconte tout ça avant de m’endormir, parce que le coup du SOS vilains vilains, du no pasaran, on me l’a déjà fait y'a lurette, vous savez, la petite main. Ah, la trouvaille ! Drucker, Mourousi, BHL sur les plateaux, s’encanaillant avec des potes. Ah les potes, mes aïeux ! Les potes ! C’était d’un socialisant,  ça !  Bon, à dire vrai, la main jaune, je ne l’ai jamais portée, pas davantage que (vous savez) le ruban. Non que j’ai eu quelque chose contre, à l’époque, mais rien pour non plus. Moi des potes, arabes, noirs ou blancs…. Comme dirait Phèdre « Mon mal vient de plus loin… ». Mais ce n'est pas le sujet, on fera son Montaigne une autre fois.

Et puis, je ne lisais plus les pages courriers de ce torchon de Libé (les seules marrantes) depuis déjà quelques années déjà : à l’époque, j’étais plongé dans du plus nourrissant : la Princesse de Clèves, justement,  la Nouvelle Héloïse et la quatrième partie des Mémoires de Chateaubriand, ce qui est quand même plus instructif, hein ! Encore que. Pour Monsieur Peillon, pas sûr, à lire son brûlot. Bref, j’étais ailleurs des petits tripatouillages communicationnels du PS et des conseillers élyséens pour faire réélire Tonton. C’est le jour que Béré (vous vous souvenez, Berégovoy, le dernier métallo du PS), est mort que j’ai compris le coup de la petite main. Fin du romanesque. Comment un parti social était devenu sociétal, en sortant le papa Le Pen de son chapeau. Alors, on ne m’y reprendra plus : Missié Valls, toi écouter, y’a des délinquants plus dangereux en France que Dieudonné, et parfois même jusqu’au gouvernement, Cahuzac, tiens, par exemple, dont avec tout ce tintamarre on n’entend plus parler. Mââme Taubira, toi écouter aussi, pour faire régner un peu de justice dans ce pauvre pays, faut commencer par bien faire la différence entre les mots et les choses, les pauvres et les riches, plutôt que d’aller jouer les divas discriminées à la Mutualité avec ton pote Bergé et ta copine Valérie.

Ne parlons pas, pour conclure, des chiffres du chômage. Parce que là, oui, toute blague à part, ça sent vraiment le Sapin.

vendredi, 27 décembre 2013

Les socialistes et la pensée magique

« Les Français ont besoin de mesures qui frappent l’imagination, où ils se disent : là, c’est du concret et ça va marcher». La formule (appréciez la syntaxe) est de Brice Teinturier, directeur très médiatisé de l’institut IPSOS. Elle résonne comme un aveu du double échec de la communication présidentielle : incapable de frapper l’imaginaire (il faut dire que la normalité… bref), elle l’est aussi à agir sur le concret (le fameux changement…). 

Énonçant le mal, elle suggère peut-être un remède ; pour agir sur le Réel, il faudrait que le politique soit capable de renouer avec la tradition des grands spectacles. Mais le spectaculaire, depuis qu’il a envahi le champ du social pour devenir sociétal, s’est lui aussi dégradé et connait globalement la même crise que le politique, auquel il est lié. 

Alors, pour frapper l’imaginaire on s’en prend aux signes et aux mots. On a déjà eu Taubira, qui se déclarait sans rire « exclue de l’humanité » en plein JT pour avoir été traitée de « singe » par une gamine de douze ans et raillée par le journal Minute en mal de coup de pub. On a dorénavant Valls qui s'en prend à la quenelle (un geste) et veut interdire les spectacles d'un humoriste sérieusement rebelle à l'ordre établi, Dieudonné. Garde des Sceaux et Ministre de l’intérieur, faut-il le rappeler ? Minute et le théâtre de la Main d’Or menaceraient selon eux la République :  de quoi se tordre! De quoi, aussi, donner envie à la France entière de s’y abonner sur l’heure. Car la censure n’a jamais été bonne conseillère, celle qui joue à Simone Weil et celui qui joue à Clémenceau devraient s’en souvenir. Tous deux au Grand Orient, mais qu’est-ce qu’on leur apprend donc dans les loges ! La censure n’est qu’une forme de la pensée magique qui consiste à croire qu’en supprimant le mot, on viendra à bout de la chose. Absurdité parfaite et terrorisme de studios télé.

L’autre forme de pensée magique est l’incantation. Le curé Ayrault en est devenu le grand spécialiste : l’incantation est une autre forme de déni du réel : je n’ôte pas le mot, je le répète à l’infini, comme s’il avait pouvoir de faire advenir la chose. « Est-ce que oui ou non la situation de l’emploi va s’améliorer ? Nous sommes convaincus que Oui » ; dit-il en battant des ailes. Et voilà. Le premier manitou a parlé. 

Taubira, Valls, Ayrault : frappent-ils l’imaginaire en entrant en guerre contre des mots ou contre des signes ? Pas vraiment, sinon pour révéler un peu plus leur vanité. Leur niaiserie, aussi. Mais ils font parler d’eux, ils occupent le terrain, à mille lieux, certes des préoccupations concrètes des gens. Car ces trois-là ne sont ni de pauvres discriminés, ni de malheureux exclus : ils ont tous les pouvoirs et disposent de tous les privilèges que la République peut conférer à des ministres, faut-il aussi le rappeler ?

La grandeur de leur ridicule impressionne. Et nous manquons d’un Molière pour le mettre en scène. Car frapper l’imaginaire des gens, c’était jadis le boulot des metteurs en scène, des romanciers, des peintres et des compositeurs : Molière et Lully, Balzac et Delacroix, Wagner et Verdi, qui en même temps que l'art, avaient aussi la manière. Les artistes du show-business d'à présent n'ont plus ni l'une ni l'autre. Quel communicant saura sauver le pingouin et sa piteuse tribu ?  Pour ma part, depuis son élection, je ne lui vois aucun avenir, et les faits ne font que confirmer cette impression troublante de totale désincarnation inhérente au personnage et à ses sbires.

jeudi, 26 décembre 2013

Le mauvais sujet non repenti

Entre autre information drolatique du jour, celle-ci : un directeur de théâtre excédé vient de jeter sa bagnole contre les grilles du pingouin élyséen. C'aurait pu donner lieu a un développement si j'avais tenu la forme, alors que le mensonge sur les chiffres du chômage s'apprête à tomber sur les écrans. Mais comme je suis très fainéant, je vous invite à aller lire ICI le cri de guerre aussi cinglant que désabusé d'Alexipharmaque contre les militants de tous bords et les associations de tous crins, billet dont je ne vois pas qu'un seul soit mot à changer, et dont je remercie l'auteur.

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¨photo d'Andreas Gursky

15:42 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : associations, féminisme, antiracisme, censure, socialisme, poltique, france, culture | | |

mercredi, 25 décembre 2013

Les fruits de ma patience

Si je n’ai jamais aimé Noël, le Noël des familles, comme on dit, c’est parce que ma famille n’en était pas une. Ma mère ayant quitté fort jeunette mon père avec moi sous le bras, comme un ballot qui, tout en rendant son existence plus légère, allait aussi considérablement l’alourdir, je voyais bien que la moitié de famille qu’on me donnait en spectacle devant les sapins enguirlandés de mon enfance n’en était pas une. Ou plus précisément la moitié d’une, ce qui revient – inutile de se raconter des histoires - au même. 

De l'autre moitié, aucune nouvelle : ceux-ci tenaient d'autant plus à me donner le change : Les adultes croient toujours qu’ils le peuvent. Et les enfants, souvent, les laissent penser ainsi, par impuissance de les persuader du contraire. J’ai pris du coup les sapins de Noël en horreur, et ce Père Noël  aussi rougeaud que ridicule avec. Quelle vision grotesque du père absent ! En regardant ma moitié de famille  (pour les cousins, ça en était une entière) former clan autour du résineux, il m’arrivait souvent de penser à l’autre moitié. Je me disais alors que j’étais à l’arrêt quelque part entre une tradition morte et une comédie légère, et je me demandais ce que serait mon futur parmi ces gentils comédiens, dans cette société sans fondement où il fallait pourtant grandir parmi des inconnus.

Le Noël des familles, c’est du côté de la crèche, donc, que j’allais le chercher. Oh, pas la crèche en papier domestique, tapie non loin du vilain conifère, non. Vitrine de la famille victorienne, faute d'être victorieuse. Celle des églises, qui réunissait autour d’elle de vraies familles parce qu’elle donnait à voir une Sainte famille. Qu’une famille puisse être sainte… ce phénomène était pour moi des plus mystérieux. Le Mystère de Noël, comme disait le prêtre : c’était peut-être incompréhensible, au moins n’était-ce ni surfait, ni surjoué. Au moins cettte famille avait-elle une histoire et de nombreux familiers : Je découvrais qu’à cette histoire, des générations d’hommes et de femmes s’étaient accrochées au fil des siècles partout dans le monde. Je m’y accrochais à mon tour. J’appris plus tard, bien plus tard, que Joseph était le patron des âmes perdues. Commença alors le début de ma réconciliation avec ma moitié de famille, car je trouvais que ça leur allait bien, les âmes perdues. S’ils étaient aussi ridicules, ils n'étaient pas les seuls dans ce vingtième siècle et cette Europe en pleine décomposition : Ils avaient donc quelques solides excuses. Et moi aussi, par la même occasion.

Tout ceci ne m’a pas rendu ce carnaval de Noël plus sympathique. Mais avec le temps, cela a pris une autre tournure. Aujourd’hui, je ne prête pas plus d’attention à ce ministre de la Consommation à la barbe  cotonneuse qu’à une enseigne de taverne. C’est ce qu’il est d’ailleurs. Une enseigne de taverne, c’est un peu mince pour faire rêver des enfants qui ont mal à l’âme, non ?  Or, dans les « familles » d’à présent, mono, duo, tri ou quadri parentales (un, deux trois, changez de cavaliers), ils sont légions. Et ce n’est qu’un début, vu la malignité perverse de ceux qui gouvernent le pays. Le carnaval des faux, encore et toujours, en charge de la satanique mascarade de parentalité pour les générations à venir. Demeure cependant un mystère.

Au moins un mystère n’abuse-t-il pas les enfants. Il n'y a rien d'autre à comprendre de celui de la crèche. Rien, pour la frêle raison. Et c'est parfait ainsi. Le mystère de Noël n’est donc ni à vendre, ni à réformer, ni à consommer. C’est ce que je ressentais hier soir durant la messe de minuit, dans cette église de mon quartier presque pleine où résonnaient les fruits de ma patience. Un divertissement suffisant, disait Giono, qui exprima ainsi le caractère aussi universel qu'indispensable du catholicisme - mais un tel développement n’en finirait plus. Je priais, comme souvent, pour mes morts. Ceux de ma moitié de famille, et les autres. Et lorsque le prêtre me montra l’hostie, je dis Amen, pour eux tous,  et aussi pour quelques vivants.

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Vatican - Crèche de Noël

mardi, 24 décembre 2013

I just want to be alone

Cette romanesque Mme Grusinskaya, dégoulinant d’ennui, de langueur et de plaintes en sa vaste suite, comme si le luxe lui était à jamais indifférent, où qu’elle n’en possédait pas la clé. Et puis, ce comportement affecté, ces trémolos dans la voix. Tout parait surjoué, comme pour combler le vide et pallier les humaines insuffisances. Mais c’est méconnaître le parfum à la fois si profond et si désuet de ces années 1930.

« Qu’est-il advenu depuis ce moment-là au cinéma ? ». Beaucoup de choses, relevant de la prouesse technique ou managériale, assurément. Mais de l’art véritablement, des personnages, un lieu, des répliques, des scènes comme ce Grand Hôtel de Goulding aux relents shakespeariens, nenni. Dans les polars d’aujourd’hui, on ne montre plus que des équipes à l’œuvre, comme si le héros solitaire ne peut être que vaincu. Ce que signifie ce « I just want to be alone » si calmement, si douloureusement soufflé par Garbo, finirons-nous jamais d’en comprendre toute la décisive portée ?


11:03 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : greta garbo, goulding, grand hôtel, cinéma, grusinskaya | | |

dimanche, 22 décembre 2013

Chant sans titre du 22 décembre

Tu restes sans voix devant le pouvoir de cette Parodie,

Les rues enguirlandées, les caddies emplis,

Les rubans et les nœuds,

L’air féroce d’une enfant de six ans devant des piles de jouets,

Et celui, comme mort déjà, de ses parents,

Leur main au porte-monnaie.

Tu te souviens de la pénombre, moisie et bienveillante, d'une chapelle,

De la silhouette d’un antique saint-Patron 

Noël des Corporations.

Et du chant qui, s’élançant des bancs,

Rencontraient l’oraison dans la fumée des cierges.

 

Enfant, tu aurais souhaité qu’un homme comme Saint-Joseph,

Te prenant dans ses bras, te fît profiter de sa hauteur,

Sa hauteur de Juste.

Mais pour t’élever d’un petit mètre, tu ne pus compter que sur le Temps

Qui falsifie, divise, submerge et contrefait les corps et les esprits.

Cette hauteur, en quelle Parole espérée, attendue de livre en livre, et d’auteur en auteur,

As-tu par les écoles guetté sa venue !

Mais rien, que la monotonie des hommes et des femmes,

Et celle des enfants, qu’on dit meilleure, pour se rassurer des erreurs.

 

Le Grappin sourit à et dans et par cette parodie, aussi sociale que politique,

Aussi financière que festive, et partout régnante, lumière des âmes mortes.

C’est au fil d’un chapelet qu’à présent tu marches suspendu dans la nuit,

A cette Prière qui te relie à Béthanie.

Le signe en grain de buis a cessé d’y être arbitraire;

Le Murmure n’y prononce plus rien de parodique, enfin.

Il n’est qu’un souffle, une lueur, les lèvres de l’asile

D’un corps à nouveau suscité, par où tu tiens en paix. 


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La Tour, Joseph et l'Ange

03:37 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : la tour, saint-joseph, poésie, littérature, christianisme | | |

jeudi, 19 décembre 2013

Les Halles des Cordeliers

La bonne bouffe avait jadis son temple place des Cordeliers, à Lyon. L'un des premiers films des frères Lumière, titré La Place des Cordeliers à Lyon n'est rien d'autre qu'un plan fixe sur ces anciennes Halles, devant lesquelles passent et repassent des bonshommes, des fiacres et des charrettes. La boustifaille va de nouveau être à l'honneur à l'occasion de ce que l'Empire de la consommation appelle Les Fêtes. Et ce, dit-on à la télé, malgré la crise. Consommer, détruire par l'usage. Histoire de militer un peu pour le recyclage, j'en profite donc pour republier ce billet de 2009 tant il est vrai, malgré la sournoiserie présidentielle, que rien n'a vraiment changé depuis.


Lors du réaménagement complet du quartier Grolée et de la place des Cordeliers, le préfet Vaisse avait prévu dès 1852 la création d’un vaste marché couvert entre la rue Buisson (Antoine Salles depuis 1962) et la rue Claudia, lequel marché couvert se transforma en Halle lorsque les commerçants obtinrent l'autorisation de laisser en permanence leurs bancs et balances. En 1858, l’architecte Tony Desjardins fit sortir de terre la structure métallique du pavillon dont l'inauguration eut lieu le 1er mars 1859. Le bâtiment eut tout juste le temps de devenir centenaire avant que le maire Pradel n’ordonnât en 1970 sa destruction à l'occasion du réaménagement des Halles dans le nouveau quartier de la Part-Dieu. L'ancienne halle fut donc démolie en janvier 1971, alors que l’actuelle, qui prit depuis le nom de Paul Bocuse, était inaugurée le mois suivant.

Je me souviens fort bien de ce vieux pavillon qui, dans le temps de mon enfance, était synonyme de fêtes pour le palais. De la Croix-Rousse, nous descendions à pieds pour chercher les repas de Noël, ceux de Pâques ou de Jour de l’An. Cette ancienne Halle se trouvait en face du Grand Bazar (autre bâtiment que la fièvre destructrice des maires de Lyon n’aura pas épargné). Face à face, à présent, un Monoprix en verre fumé et un parking à étages auront remplacé, en plein cœur du deuxième arrondissement, ces témoins d’un dix-neuvième siècle à la Zola, fait de Bonheur des Dames et de Ventre de Paris.  Pour les faire revivre sous nos yeux, voici quelques clichés extirpés des collections de la Bibliothèque municipale (le fond Sylvestre, principalement) et surtout un document mi-littéraire mi-publicitaire, extrait de l’autobiographie de l’écrivain Marcel E Grancher, lequel peut se targuer d'avoir été le patron de San-Antonio, ça ne s’invente pas, puisqu’il connut l’étrange destin d’avoir eu Frédéric Dard tout jeune comme secrétaire.

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Vue du quartier Grolée sous le Second Empire, juste avant les travaux évoqués par Béraud dans la Gerbe d'Or
Face à l'église Saint-Bonaventure, on s'apprête à construire les anciennes halles,
 à présent déjà détruites...

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Le pavillon Desjardins, qui a depuis cédé la place à un parking et à une banque

 

 

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Mai 68 : Sans le savoir, le pavillon Desjardins vit ses derniers instants. Pas à cause des émeutiers

qui dressent la barricade devant sa porte... Comme quoi les saboteurs

ne sont jamais ceux qu'on croit.

 

 

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En face, l'ancien Grand bazar, reconverti en blockaus de verre fumé
 
 
 

« Si vous cherchez les pyramides de légumes, l’agitation semblable à celle qui, toute la nuit, anime le carrefour Montmartre-Rambuteau ; les bistrots où, les mornes jours d’hiver, viennent échouer les fêtards ; les porteurs odorants et forts en gueule, alors, il nous faut aller quai Saint-Antoine (1). Nos Halles à nous sont quelque chose de différent et de mieux. A Paris, on se nourrit ; à Lyon, on déguste. A l’arrivage massif, par tonnes, par tombereaux, nous opposons la qualité, le choix, la variété. Voyez ces poissons frétillant encore, ces volailles dodues, ces champignons sentant la forêt mouillée, ces viandes, ces fromages, ces cochonnailles, ces beurres : tout cela provient de notre porche et glorieux voisinage, l’Ain, le Charolais, la Bresse, les deux Savoies, l’Isère, la Haute-Loire.

Les Halles de Lyon constituent une grande famille, où tout le monde se connait et, chose assez rare, tout le monde s’estime. Six heures du matin, rue Claudia. Le coin le plus joyeux, c’est le magasin des frères Besson, les mandataires bien connus. On y rit, on y plaisante, on s’y interpelle et quand Fifi et Jeannot se trouvent en verve, je vous assure que c’est quelque chose … !  Et voici, leur donnant la réplique, Georges, le roi de l’Agotiau, et Pépé des Halles, ex-entraîneur du boxeur Decico, flanqué de son Pylade Adrien de la Trinité, qu’il ne quitte d’autant moins que l’infortuné est à moitié aveugle. Un peu plus loin, un camion déverse des tonnes de porc rose et blanc. Plus loin, encore, des daubiers attendent le moment où ils pourront acheter des marchandises de second choix, qu’ils colporteront ensuite, d’étage en étage, de café en café. Dans les célèbres bistros avoisinants (chez Célestin, chez la Fifine ou chez l’un des nombreux Brunet du quartier), on discute des cours, tout en tâtant d’un beaujolais irréprochable. Puis on va s’en boire un dernier au petit Cintra, chez la mère Patri dont le passe-grain est justement réputé : le métier exige que l’on se soutienne…

Symphonie de fumets,  symphonie de couleurs !... Roseurs nacrées des poissons et des crevettes ; pourpres cardinalices des homards et des écrevisses ; ors crémeux des fromages ; chinés des grands lièvres roux ; tendres gis des perdreaux ; bruns délicats des alouettes et des grives ; Van Dick des jambons ; Véronèse des Belon et des Portugaises …

Vous marchez narines au vent… Vous humez en gourmet… Vous aspirez à pleins poumons … Et soudain vous vous apercevez que vous avez faim ! »

 

Marcel E Grancher Reflets sur le Rhône, Ed. Gutenberg, 1939

 

06:42 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : halles de lyon aux cordeliers, tony desjardins, marcel grancher | | |