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mardi, 19 octobre 2010

Conférence sur Pierre Dupont

Je signale à nouveau la conférence organisée demain mercredi au cinéma Saint-Denis sur le chansonnier Pierre Dupont. Elle débutera à 20H30 et sera assurée par Jean Butin et Gérard Truchet.

Pierre Dupont : Voilà un bel exemple d’une œuvre qui est passée à la trappe. Ballades, villanelles, chants patriotiques, légendes et chansons : Dupont fut le chantre véritable du peuple républicain de 1848, salué par Baudelaire pour sa fibre authentique. Je ne parlerai pas ici des textes les plus connus (les moins oubliés), comme Le Chant des Ouvriers, Les Bœufs, Le rêve du paysan. Je l’ai fait déjà sur le blog les Rues de Lyon auquel renvoie ce lien, puisque Dupont à Lyon eut sa rue. Je dirai simplement que c’est une mémoire véritable du  XIXème siècle qui se reconstitue à travers la lecture de cette œuvre, celle que peut susciter en nous lorsqu’on en retrouve la survivance dans la campagne détruite d’aujourd’hui une haie ou un chemin de terre « Quand j’entendis cet admirable cri de douleur et de  mélancolie (Le chant des ouvriers, 1846), je fus ébloui et attendri » écrivit Baudelaire. « Il y avait tant d’années que nous attendions un peu de poésie forte et vraie (…) Il est impossible, à quelque parti qu’on appartienne, de quelques préjugés qu’on ait été nourri, de ne pas être touché du spectacle de cette multitude maladive respirant la poussière des ateliers, avalant du coton, s’imprégnant de céruse, de mercure et de tous les poisons nécessaires à la création des chefs-d’œuvre, dormant dans la vermine, au fond des quartiers  où les vertus les plus humbles et les plus grandes nichent à côté des vices les plus endurcis …»

L’œuvre complète, je la feuillette dans l’édition que la Muse populaire en fit en 1862 : S’y rencontrent les spectres de Gavarni, de George Sand, de Baudelaire, ceux de Carrel et de Bérenger ou d’Hégésippe Moreau, tant et tant de paysages et une telle ronde des métiers, de tous les métiers, artisans des villes et des campagnes, cultivateurs et laboureurs : c’est peu de dire que cette poésie que d’aucuns avec mépris appellent rustique possède une vrai fibre et qu’elle  a l’écho de Barbizon. Dupont, oui, pourrait être l’équivalent poétique d’un Millet. On peut voir ici son portrait par Courbet où il a, je trouve, un petit côté Pavarotti des plus étonnants.

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Je vous invite donc à vous joindre à nous demain mercredi 20 octobre à 20h30 pour cette évocation en paroles et en chansons, au cinéma Saint-Denis, 77 grande rue de la Croix-Rousse, LYON 4ème  (entrée 5 euros). Conférence organisée en partenariat par l'Esprit Canut et Soierie Vivante

mardi, 12 octobre 2010

Défilés, défilés ...

Je n’irai pas défiler aujourd'hui, pas plus que je ne suis allé défiler les jours précédents, parce que je ne crois pas que ce mouvement (contre une réforme en grande partie déjà votée) ait la moindre chance d’aboutir, surtout dans le contexte européen défavorable où elle est conduite. Quelle que soit la mobilisation (3, 4, 5 millions…), ce sera toujours une minorité vous diront les « patrons », au regard du nombre des électeurs. Tiens, à titre d’exemple, Jean Marie Le Pen, au premier tour des élections présidentielles de 2007, a mobilisé trois millions huit cent trente quatre mille cinq cent trente voix. Vous auriez accepté vous, qu’au nom de ces presque quatre millions de voix, on lui accorde une légitimité quelconque ? Vous n’en aurez pas davantage dans la rue, ne rêvez pas !  D’ailleurs je me demande à quel jeu les syndicats, qui savent cela, jouent… Se compter, soit. …  Pour certains, je ne doute pas que le « comptage » commence à coûter cher en jours de grève, et ce pour un résultat devant lequel les chances de gagner à l’Euromillions sont presque plus importantes. Sarkozy n’est pas un dictateur tout puissant contre lequel il faudrait lutter et qui éventuellement pourrait revenir en arrière (revenons sur Terre) mais un rouage, un VRP du système. Il ne cédera pas parce qu’il sait que le système tient et qu’il peut compter dessus : il joue sur du velours, pour le coup, avec une presse européenne acquise à la réalité de la crise…  Me demande si le pouvoir en place, parmi lequel j’inclus le PS et le vicieux président du FMI, lorgnant sur un scénario déjà joué en 68, n’a même pas intérêt à ce qu’il y ait le plus grand nombre possible de manifestants dans les rues, un vrai bordel de merde d'automne social (qui changerait du printemps, hein!), pour pouvoir démontrer en temps utile le caractère vraiment inefficace de ces rassemblements d'un autre siècle, et par contrecoup le caractère désormais incontestable de l'ordre rétabli. Stratégie de l’étranglement, rien de moins. Qu’un peu d’eau (quelques tsunamis, une ou deux prises d’otages, une petite coupe d'Europe à la con par ci, une saison de soldes  par là, et les fameux bouchons des départs en vacances…) passent sous les ponts, et l'heure venue...

Mon « romantisme social » est je l’avoue au degré zéro. Mais bien m'en prend. Question de survie, dans l'fond !

Chat averti, il est vrai, craint l’eau froide.

Bref. "Défilés, défilés", n'est-ce pas la version tristement post-moderne de ce tub débile de Dalida et Delon, comment, déjà ?

"Paroles, paroles.... "

Aujourd’hui, sans état d’âme particulier, comme chaque jour, j’irai gagner ma croute…

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08:47 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, manifs, société, actualité | | |

lundi, 11 octobre 2010

La Chaussure au milieu de la route

Après son roman le Coffret, Stéphane Beau publie aux éditions Durand-Peyroles un recueil de nouvelles au titre alléchant : car enfin, que peut bien faire une chaussure au milieu de la route ? C'est ce que se demandera tout être sensé, dans l'attente de pouvoir découvrir les onze nouvelles de cet ensemble sous titré Variations solipsistes. En attendant, justement, de pouvoir vous en dire plus, je vous livre la quatrième de couverture :

3019739561.JPGOnze nouvelles, onze variations autour d’un même thème : le solipsisme, défini comme étant le constat que, quoi qu’ils fassent, disent ou pensent, les hommes sont condamnés à être de perpétuels étrangers : aussi bien vis-à-vis des autres que d’eux-mêmes. Onze histoires, donc, mettant en scène des individus enfermés en eux-mêmes, ne parvenant plus à différencier leurs rêves et la réalité, leurs illusions et leurs désillusions, la raison et la folie… Onze destins confrontés à l’absurde et saisis au moment où ils atteignent leur point de rupture. Certains des héros des nouvelles rassemblées dans La Chaussure au milieu de la route trouveront une échappatoire. D’autres se briseront ou sombreront dans la folie… Onze histoires simples, directes, sans effets de style, qui se lisent d’une seule traite, mais qui laissent dans la bouche un goût amer et auxquelles on songe et resonge encore longtemps après avoir tourné la dernière page…

 

Le volume coûte 14 € et peut être commandé directement auprès des éditions Durand-Peyroles, ou en envoyant un mail ICI, pour celles et ceux qui souhaiteraient recevoir un exemplaire dédicacé.

 

 

 

 

05:47 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : stéphane beau, littérature, actualité, nouvelles, durand-peyroles | | |

vendredi, 08 octobre 2010

La décennie qui vient

La première décennie du XXIème siècle est en train de s’achever sous nos yeux. Encore neuf comme celle-ci, et youp la boum, on change à nouveau de siècle ! Il est certain que passer de 2099 à 2100 fera moins de baroufle que passer de 1999 à 2000. Les enfants qui naissent à présent seront alors nonagénaires et avec le recul, pourront avoir un avis plus pertinent que nous autres qui ne seront plus sur le siècle qui se sera écoulé.

Quand me revient à l'esprit tout ce qui s’écrivait jadis (jadis, c’est désormais le vingtième siècle) à propos de cet an 2000, lequel tient désormais du naguère, j’ai tendance à penser que ce fut much ado about nothing. Et cela ne m’invite guère à faire des pronostics (enthousiastes ou catastrophiques) sur l’an 2100. Il est certain, comme l’affirma Montaigne en des temps désormais antiques, qu’« au plus élevé trône du monde si ne sommes assis que sur notre cul ». Voilà bien la seule chose dont on peut être certain qu’elle demeurera sûre.

Le très médiatique attentat du World Trade Center qui a ouvert la première décennie du nouveau siècle aurait, disent certains, été un événement suffisant pour signer notre entrée collective dans un nouveau monde. Sur le plan politique, sur le plan économique comme sur le plan culturel, cette première décennie n’aura été pour moi qu’une simple décennie de transition. On sent que c’est durant celle qui vient que vont se cristalliser les affirmations décisives qui structureront le monde de demain. La question de l’Europe, celle de la crise et sa gestion par les alternances de gouvernements socio-libéraux, la culture du numérique : voilà par exemple trois sujets-chantiers dont bien malin qui pourra prédire le futur.

Si je me tourne vers les derniers siècles, je peux m’amuser à dresser quelques constats :

1715 : fin du règne de Louis XIV et, ipso facto du siècle précédent marqué par l’absolutisme et le classicisme.

1815 : Chute définitive de l’Empire et retour des Bourbons sur le trône : les espoirs suscités par la Révolution sont bel et bien remisés dans les cartons de l’Histoire et le XVIIIème siècle s’achève dans les balbutiements de la Révolution industrielle qui permet à une bourgeoisie autoritaire d'assurer un pouvoir plein de morgue.

1914 : Une catastrophe sans précédent met brutalement fin au positivisme béat d’une Belle Epoque paradoxale. La Der des der, suivie bientôt par sa seconde, sera l’acte fondateur de la SDN et de tous les organismes à vocation de gouvernance planétaire.

Quid, alors, des années centrales 2010/2020 à venir, et comment envisager le véritable commencement du XXIème siècle  ?

  

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19:34 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, actualité, france, europe, société, culture | | |

vendredi, 24 septembre 2010

Bonjour Sagan

francoise-sagan-st-tropez-1956.jpgUne histoire de Côte d'azur, d'accident de voiture, de soleil. La mise en scène tragique et dérisoire d’une France des années cinquante, à la fois défaite et victorieuse.  Dans la société de consommation émergente, la seule éducation sentimentale encore possible, c'est d'accepter qu'on ne sera heureux que dans et par le plaisir, celui qu’on consomme à toute allure, au risque oui, de l'égoïsme, de la défaite et de la destruction de tout ce qui n'est pas lui. Ce narcissisme effroyable, que l'américain Cristopher Lasch nomme aussi survivalisme (1), Françoise Sagan en a fixé les contours naissants dans cette histoire simple et presque banale qu'elle raconte à toute berzingue, à toute allure, en une écriture minimaliste - tant et si bien qu'on la croirait déjà couchée sur papier pour le livre de poche, le supermarché ou la ligne de métro.

La société de consommation vend et consomme tout, certes. Sagan, cette fille de Flaubert au cynisme sensuel (ou à la sensualité cynique – on ne sait comment le dire), rappelle qu'au moins quelque chose passe entre les mailles, que ni le supermarché ni la voiture de sport ne peut vendre ou produire. Et ce sentiment, avec l'élégance d'un Musset, elle le sait parfaitement littéraire. C'est pourquoi elle le salue en cette phrase digne d'anthologie qui fit sa gloire :   « Sur ce sentiment inconnu dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. C'est un sentiment si complet, si égoïste, que j'en ai presque honte alors que la tristesse m'a toujours paru honorable. Je ne la connaissais pas, elle, mais l'ennui, le regret, plus rarement le remords. Aujourd'hui, quelque chose se replie sur moi comme une soie, énervante et douce, et me sépare des autres. (...) Je répète ce nom très bas et très longtemps dans le noir. Quelque chose monte alors en moi que j'accueille par son nom, les yeux fermés : Bonjour Tristesse. »

La fin de Sagan est triste. Son implication dans l’affaire Elf, ainsi que tout ce qui s’en suivit, sordide Il y a tout juste six ans aujourd’hui, la mort du « charmant petit monstre »,  comme l’avait baptisée François Mauriac, avait réveillé la bienveillance des éditeurs à l’égard de son œuvre. Denis Westhoff, son fils unique, héritier de ses dettes (deux millions d’euros), déposait Julliard de ses droits, arguant du fait que la maison n’avait rien fait pour soutenir cette œuvre jugée « désuète » et dorénavant non rentable. Il proposa à Stock d’accueillir l’œuvre complète, avec correspondance et inédits.  La réédition semble un succès, avec une programmation jusqu’en 2011.

Sagan peut-elle  vraiment gagner une postérité ? De son propre aveu, elle « se fichait pas mal de ce que deviendraient ses livres ». Il y avait dans son phrasé quelque chose de cinématographique et d’éphémère, fondement de ce qu'on appela  sa « modernité ».  Sagan comprit-elle dès la fin des années cinquante que la véritable « nouvelle vague » ne pourrait être seulement littéraire, mais au final purement cinématographique ? En 1963, c’est elle qui écrivait le scénario de Landru, un film de Claude Chabrol, qui vient de mourir. Et en 70, elle adaptait pour Marc Allégret Le bal du comte d’Orgel. Hormis ces quelques incursions, le cinéma parut pourtant la laisser de glace, tout comme d’ailleurs la politique: en allant chercher son pseudonyme chez Proust, Françoise Qoirez n’avait qu’à moitié coupé les ponts avec une certaine tradition française qui ne devait pas passer le siècle, tout comme l’élégance désabusée qu’elle nous lègue in fine.

 

(1) C .Lasch, Le moi assiégé, Climats 2008

12:16 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, sagan, bonjour tristesse, culture, actualité | | |

mercredi, 22 septembre 2010

Le p'tit bal perdu

Bourvil est mort le 23 septembre 1970. Je rentrai en seconde, au lycée du Parc - là, les choses allaient devenir sérieuses, du moins est-ce ce que je m'imaginais, venant d'un collège de Bron où la situation s'est depuis paraît-il inexorablement dégradée. Dans ce lycée du Parc, près des serres chaudes et des pelouses vertes, je crus quelques mois humer des parfums de siècles passés, avant d'apprendre, désolé, qu'il ne datait - quelle tristesse, que du début du vingtième. J'ai retrouvé il y a peu mon professeur de littérature et de latin. Si ses traits ont changé, son rire et son érudition sont demeurés intacts. Bourvil est mort le 23 septembre 1970. J'avais quinze ans. Je me souviens de cette mort comme l'éparpillement sans appel des derniers relents de mon enfance.

Car on chantait parfois Bourvil, naguère, à la maison.

 La ballade irlandaise, le petit bal perdu, Ma p’tite chanson.

Du coup, par un effet double de mémoire et de coïncidence, cet homme recela toujours à mes yeux  quelque chose de l'enfant que je fus. Quand on me parle de son talent comique, cela ne me fait aucun effet. Pour tout dire, je ne l'ai jamais trouvé si désopilant que ça. C'est une certaine humanité que je dirais à présent très datée, très historique, qui m'a touché au bon moment. Un côté monsieur tout le monde,  un mélange de naïveté culturelle et de lucidité de classes qu’on retrouvait dans le monde en noir et blanc de l’époque, aussi bien chez le marchand de journaux du coin que chez le garagiste. Avec cette gueule-là, Bourvil s'invitait facilement dans les fêtes de famille, quand manquait un luron pour taper le carton. Mais ceux qui  le chantaient quand j’étais gosse sont partis aussi. Ce qui fait au final beaucoup de vide.

Il parait que ses dernières paroles furent des paroles de révolte et de regret devant son existence qui s’arrêtait si brusquement, le cancer, 53 ans, déjà... alors qu’il ne goûtait au fond que depuis peu de temps d’une véritable reconnaissance. C'est trop injuste, aurait-il dit. Il faut se méfier des propos rapportés.  Ces propos me sont quand même restés à l'esprit.

Né en 1917, Bourvil eut donc tout juste vingt-deux ans, quand la crise commença à s’abattre sur l’Europe. Est-ce pour cette raison que le petit peuple le chanta beaucoup après-guerre ? Il mourut juste avant que la radicalité des années soixante-dix ne vînt transformer le pays qu’il avait connu. Sa mort me fit à l’époque un effet curieux, exagéré, je ne saurais dire lequel : j’avais quinze ans. A mes yeux, sans doute, il emportait avec lui une part de la jeunesse de mes parents et par conséquent une part de mon enfance : "La fleur d'âge se meurt et passe, écrit Montaigne, quand la vieillesse survient, et la jeunesse se termine en fleur d'âge d'homme fait, l'enfance en la jeunesse, et le premier âge meurt en l'enfance, et le jour d'hier meurt en celui du jour d'huy, et le jour d'huy mourra en celui de demain.." Mais ce qui est vrai de l'individu l'est aussi du fil des générations. Allez savoir pourquoi, allez savoir comment, Bourvil emporta du précieux 

Ce petit bal perdu dans lequel il avait dansé, je comprenais en effet que je n'aurais jamais loisir de le connaître. D'autres, bien sûr, j'en connaitrais. D'autres. J'aurais les miens. Mais celui-ci, jamais plus. Bourvil m'avait appris la leçon de Montaigne, et qu'en matière de bal comme en matière d'autres choses, "il n'y a rien qui demeure ne qui soit toujours un" (1). Se trouvait chez cet homme quelque chose d’infiniment mélancolique, et qui m’avait conquis.

Je ne comprends pas l’espèce de vénération qui l’entoure aujourd’hui. Pas certain d’ailleurs, qu’il serait en accord, s’il revenait, avec cette image qu’on lui colle dessus, l’icône d’un acteur aussi godillot que génial. En son temps, on parlait de célébrité, pas de notoriété. De vedette, pas de star. Et les bénéfices n’étaient pas les mêmes. J’ai l’impression que Bourvil est mort au moment-même où mourait son époque; "A mourir pour mourir " chantait encore en ce temps-là Barbara.  Jeune, certes. Il s’en est allé pourtant sans contre-sens, avec la fin des Trente Glorieuses (comme le disent les mordus d’histoire), avant le choc pétrolier (comme le disent les mordus d’économie) au tout début du surgissement des grandes surfaces qui vendaient des lessives pleines d’enzymes gloutons et autres conneries (comme le disent les mordus de sociologie).  

Ce mélange de naïveté culturelle et de lucidité de classes dont je parlais à son propos, et dont il fut en quelque sorte le représentant dans la société du spectacle en train de garotter la société tout court,  a cédé le pas à une sorte de prétention culturelle et d’aveuglement de classes : peut-être est-ce pourquoi on ne rit plus guère à présent, et la raison pour laquelle des personnages comme Bourvil ou de Funès ont été abusivement sanctifiés. De Gaulle est mort quelques jours après lui (novembre 70). Vialatte est mort quelques mois plus tard (mai 1971). Deux ans après, Tati tournait son dernier film (Parade, 1973), avec l’aide de la télévision suédoise ( !!!). C’est totalement impensé, cette analogie entre De Gaulle, Bourvil, Vialatte et Tati. Pourtant, ça a  quelque chose de significatif à voir avec ce autour de quoi tourne ce billet, Quelque chose de finalement très personnel, un certain nombre de fêlures à la fois collectives et individuelles, jadis ressenties et comme incarnées à jamais sur pellicule dans le visage de cet homme ni beau ni laid, et qui n'auront pu ni tout à fait s’écrire, ni tout à fait demeurer dans les limbes du non-dit.

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 (1) Montaigne, Apologie de Raymond Sebon, Essais, II

18:23 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bourvil, actualité, france, société, culture, cinéma, chanson | | |

mardi, 21 septembre 2010

Tout chrétien est un athée

Even in our own lifetime, we can recall how Britain and her leaders stood against a Nazi tyranny that wished to eradicate God from society and denied our common humanity to many, especially the Jews, who were thought unfit to live.  I also recall the regime's attitude to Christian pastors and religious who spoke the truth in love, opposed the Nazis and paid for that opposition with their lives. As we reflect on the sobering lessons of the atheist extremism of the twentieth century, let us never forget how the exclusion of God, religion and virtue from public life leads ultimately to a truncated vision of man and of society and thus to a reductive vision of the person and his destiny [Caritas in Veritate, 29]



Traduction : Même dans notre propre vie, nous pouvons nous rappeler combien la Grande-Bretagne et ses dirigeants ont combattu la tyrannie nazie qui cherchait à éliminer Dieu de la société, et qui niait notre commune humanité à beaucoup de gens qu'ils jugeaient indignes de vivre, en particulier les Juifs. J'évoque aussi l'attitude du régime envers des pasteurs et des religieux chrétiens qui ont défendu la vérité dans l'amour en s'opposant aux Nazis et qui l'ont payé de leurs vies. En réfléchissant sur les leçons dramatiques de l'extrémisme athée du XXème siècle, n'oublions jamais combien exclure Dieu, la religion et la vertu de la vie publique, conduit en fin de compte à une vision tronquée de l'homme et de la société, et ainsi à « une vision réductrice de la personne et de sa destinée » (Caritas in Veritate, n. 29).

 

Tels sont les propos exacts prononcés par BENOIT XVI dans son discours de remerciement à la reine du 17 septembre dernier, propos qui ont déclenché une nouvelle polémique contre lui. J’avoue m’étonner devant les capacités de lecture des journalistes (Rue 89, Le monde…). Car ce que je lis, c’est que :

-          Les nazis n’étaient pas chrétiens et cherchaient à éradiquer Dieu de la société, et spécifiquement les Juifs : difficile de prétendre en effet qu’ils évangélisaient les foules et vénéraient le dieu des Juifs en les exterminant

-          Des pasteurs et des religieux anglais ont été anti-nazis

-          Les nazis sont donc des athées.

S’ensuit-il que tous les athées sont des nazis ? Evidemment, non. Pas plus d'ailleurs que tous les pasteurs aient été résistants A aucun moment le pape ne sous-entend ni ne  dit l'un ou l'autre. Il me parait soucieux, au contraire, de souligner devant la reine Elisabeth le caractère non chrétien du nazisme et de ses sbires, et la part prise par certains chrétiens à la lutte contre le nazisme, alors qu’on a souvent et fort légèrement fait l’amalgame contraire, entre catholiques et nazis.

 

 Il faudrait que tous ceux qui insinuent des choses fausses qu'ils propagent avec des citations tronquées sur le web relisent la logique de Port Royal et ce que sont syllogismes justes et faux.  Car si on peut conclure du fait que les nazis ne sont pas chrétiens qu’ils sont en effet athées, on ne peut  conclure que tout athée est nazi sans faire ce que j’appelle un procès d’intention (un de plus)… Ionesco dans Rhinocéros a dévoilé de façon pertinente la manière délirante  dont on peut passer de l'extrême logique à l'absurde absolu, puisque le second est le contraire de l'autre. Je propose donc à tous les pourfendeurs du pape (quelles qu'en soient leurs obscures raisons) de pousser le raisonnement plus loin encore. S'il est juste, à leurs yeux, de déduire du fait que tous les nazis sont nécessairement athées (ce que le pape a dit) le fait que tous les athées soient nécessairement nazis (ce qu'on lui fait dire), pourquoi ne pas affirmer, au point de mauvaise foi où l'on se trouve que, la plupart des chrétiens et la plupart des athées n'étant pas nazis, il s'ensuit nécessairement que tous les athées sont des chrétiens, et que tous les chrétiens sont  évidemment des athées...

19:18 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : religion, benoit xvi, christianisme, actualité, catholicisme, athéisme | | |

dimanche, 19 septembre 2010

La défaite du patrimoine

«…  Cette fête ridicule est donc vraiment à l’image de la politique actuelle : tandis qu’on liquide à l’industrie hôtelière de luxe le fleuron du patrimoine français, on l’ouvre par ailleurs 1 jour par an au bon peuple, pour qu’il aille  faire clic clac en file indienne avec ses putains de portables. Quand donc ce peuple de touristes (aussi stupide que bon) se décidera-t-il à boycotter ce genre de manifestations, désormais soumises à la vieille et dérisoire idéologie des « grands Hommes qui ont fait l’histoire », c'est-à-dire réduite à de la propagande ?  Ce serait un premier pas, un tout petit premier pas, vers une façon de se réapproprier l’histoire, et à nouveau,  de la faire à son compte »

LIRE le commencement de ce texte ICI, sur NondeNon  

 

 (1) Gaudin ayant vendu l'Hôtel-Dieu de Marseille, Collomb s'apprêtant à brader celui de Lyon, parmi tant d'exemples où le PS et l'UMP rivalisent d'ingénuité, d'opportunisme et d'affairisme.

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Monuments historiques,  dessin de François COINTE

 

09:26 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : fête du patrimoine, culture, actualité, france | | |

vendredi, 17 septembre 2010

2000 ans, rien de plus

Sincèrement surpris, en ce jour qui ressemble à tant d’autres, d’être encore vivant dans ce monde trop bien connu de moi. Le lendemain, impression d’être encore très jeune dans ce même monde, et qu’il me réserve encore beaucoup de surprises : se méfier, somme toute, des ressentis.

Quand je pense au nombre incalculable de cadavres qui sont passés par ces trottoirs, me demande évidemment combien de temps  va continuer encore la plaisanterie… Ces fantasmes récurrents des medias à propos de la fin du monde ne seraient-ils pas une envie sourde et commune d’échapper à la fin solitaire qui nous guette ?

Nous avons toujours l’impression d’être des modernes par rapport à tous les Anciens qui nous ont quittés. Ridicule, ce sentiment d’être très loin d’eux, cette certitude d’être devenus des autres, cette croyance dans le progrès, dans notre société …

A raison de quatre générations  par siècle, seulement 80 générations nous séparent du temps du Christ. Une poignée d’ancêtres, en somme, des rayons en éventails de quatre vingt naissances et de quatre-vingt morts jusqu’à l’an 0…  2000 ans, rien de plus.

 

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22:41 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, calendrier, antiquité, actualité | | |