Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 25 octobre 2017

Terre sainte

Que sur cette boule malmenée, surpeuplée, incandescente, put exister une terre sainte relève incontestablement du merveilleux. Pas étonnant dès lors que trois religions (pour dire bref) s’en disputent la surface. Et cependant, seuls les pas du Christ et ceux de sa Mère, qui l'auront, cette terre, réellement sanctifié comptent.

Dans quarante-huit heures, je poserai le pied sur le sol de Jordanie pour un pèlerinage de plusieurs jours dont je tenterai de tenir ici même le journal.

Le pèlerinage débute à Mādabā, au sud d'Amman, devant cette carte que quelques moines grecs découvrirent fortuitement en 1884, et qui s’étend du Liban au nord jusqu'au delta du Nil au Sud, de la Méditerranée aux déserts orientaux. On construisit alors l'église saint-Georges de Mādabā pour l'accueillir. C'est un document précieux qui peut se lire comme un plan, tant chaque représentation est minutieuse et détaillée.

1280px-Madaba_Map_reproduction.jpg

 

Cette carte, la plus ancienne de Palestine, date vraisemblablement de la fin du VIe siècle, en raison des langues utilisées dans les inscriptions, des bâtiments qu'elle cite, édifiés sous Justinien (527-565). Toute la Palestine s'y découvre à vol d'oiseau, d'ouest en est. L’artiste a pu souvent puiser dans l’ouvrage de l’évêque Eusèbe de Césarée, (Onomasticon) premier grand ouvrage de topographie de Palestine daté du milieu du IVe siècle, son inspiration. Pas moins de quarante teintes différentes de tessères (petits cubes) composent la mosaïque) où les villes les plus importantes ceintes de rempart figurent aux côtés de lieux plus modestes, mais porteurs de souvenirs bibliques.

1024px-Madaba_BW_8.JPG

madaba002v2.jpg

L’église Saint George qui abrite la carte, en 1902

La mosaïque propose  par ailleurs l'unique représentation d’époque du plan des bâtiments du Saint Sépulcre à Jérusalem. La ville est figurée de manière schématique, mais l'église se repère en son centre grâce à sa taille démesurée, et sa colonnade majestueuse.  On voit son escalier, ses trois portes, sa basilique et sa coupole, au coeur de la vieille ville cernée de remparts.. 

1024px-Madaba_BW_8.JPG

 Je n'ai jamais abordé un voyage dans de telles dispositions. Je me sens habité d'un sourire et d'une joie authentique, calme. En moi nulle excitation, pas même de la curiosité au sens touristique du terme. J'ai longuement prié par trois fois le chapelet des 33 Notre Père devant une petite photo du saint suaire, mesurant toute la chance qui m'était donnée de visiter un à un tous les lieux dont les Exercices Spirituels de saint Ignace demandent la composition, tous les lieux sur lesquels Dieu lui-même posa ses pas . "Je viendrai comme un voleur", a dit le Christ... "Bienheureux celui qui veille et qui garde ses vetements, afin qu'il ne marche pas nu et qu'on ne voie pas sa honte."(1) Ne pas montrer sa honte d'être né en se drappant pour le voyage des manteaux de la miséricorde qui tombent du Ciel : prière et pélerinage débutent par la même lettre, celle du Père... 

(à suivre)

(1) Luc, 12, 39-40 ; Mt, 24, 43-44 ; Apocalypse 16-15)

 

21:33 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : mādabā, eusèbe de césarée | | |

lundi, 23 octobre 2017

Ecrire, l'attente...

Il est périlleux, pour un écrivain, de se déclarer véritablement libre.  Cela revient à s’affranchir de toute idéologie dominante, et d‘autres, plus pernicieuses, parce que plus en accord avec un secret système de références auquel on ne pense pas de prime abord.  

Pour les modernes comme James Joyce ou Claude Simon, cela revint à déconstruire les grandes formes narratives dont ils étaient les héritiers, à se mettre à l’abri du verbe figé par d‘autres, en quelque sorte, dans ce travail d‘éloignement du sens commun. Mais lorsqu’avec le diktat littéraire du structuralisme, leur effort original fut élevé au rang de l’idéologie, l’entreprise révéla qu’elle n’était qu’un cul de sac dans lesquels les imitateurs d‘Ulysse ou de la Route des Flandres vinrent abdiquer toute liberté.

La construction de la culture de masse, par ailleurs -  à ne pas confondre avec la démocratisation de la culture - a promu un nombre incalculable de faux auteur(e)s adeptes du marketing, dont certains finissent chroniqueurs chez Ruquier afin de boucler leurs fins de mois ou d’assouvir une soif de notoriété aussi maladive que celle des politicards.

Entre ces deux extrêmes, le salut demeure peut-être dans le silence et dans l’attente : il n’est pas anodin de dire que le dernier bon roman que j’ai lu n’était encre publié par personne…

littérature

Sans rapport, Keats sur son lit de mort 

19:04 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature | | |

mardi, 17 octobre 2017

Sainte Marguerite Marie Alacoque

« Il n'échappe à personne que l’Eglise militante et surtout la société civile des hommes n’ont pas encore atteint cette pleine et absolue mesure de perfection qui répond aux voeux de Jésus Christ, époux de l’Eglise mystique et Rédempteur du genre humain”, écrit Pie XII dans sa lettre encyclique Haurietis aquas in gaudio du 15 mai 1956. Constatant les progrès du matérialisme et de la licence effrénée des plaisirs dans l’opinion, il rappelle que les progrès croissants de l’iniquité ne peuvent avoir pour conséquence que le refroidissement de la charité du plus grand nombre et en appelle à la dévotion du sacré cœur de Jésus crucifié pour restaurer cette conscience dans le peuple chrétien.

Paray le Monial,prieuré Saint Hugues,christianisme,sacré coeur,sainte Marguerite Marie Alacoque,Haurietis aquas in gaudio

Paray le Monial, chapelle de la Visitation

L'église fête aujourd'hui sainte Marguerite Marie Alacoque, qui fut à l’origine du culte du sacré cœur.  Dimanche, nous nous trouvions devant son corps incorruptible en la chapelle de la Visitation à Paray le Monial. Alors que l'hérésie musulmane frappe la France de plein fouet et que les faux principes de tolérance maçonnique endorment l’opinion, nous étions quelques-uns à prier avec ferveur pour le réveil des consciences à ce Sacré cœur tout d’or et de lumière du Christ Roi. Sur Paray, Anzy le duc, Semur, le soleil d’octobre jetait des éclairs de feu, dont la lueur balayait les champs, luisait sur les toits et les chemins de terre de la Douce France. Dans le prieuré Saint Hugues, une quarantaine de sœurs adoraient au soir le Saint Sacrement et, lorsque nous joignimes au leur notre silence, cette lance invisible guérit un peu plus notre coeur blessé par le péché. Pas à pas dans le rosaire nous nous approcherons de Lui, chaque perle issue du regard surplombant nos prières de la Vierge Marie, pour dissiper ne serait-ce que d’un pouce l’entenebrement douloureux du monde. Gloire soit rendue en ce jour à sainte Marguerite-Marie Alacoque à qui fut jadis et pour le glorieux salut du monde révélé cet humble et beau  mystère…

Paray le Monial,prieuré Saint Hugues,christianisme,sacré coeur,sainte Marguerite Marie Alacoque,Haurietis aquas in gaudio

Semur-en-Brionnais, Église Saint-Hilaire, Abside et absidioles

 

jeudi, 07 septembre 2017

Les six jarres de Cana

C’est à Cana que Marie dresse ce constat accablant, qui ouvre le ministère de son Fils : « Ils n’ont pas de vin » Ce qui revient à énoncer le fait que la noce qui l’entoure manque singulièrement de liant, et qu’il convient d‘autant plus de combler ce manque qu’on se trouve à un banquet de noces. De là à dire que la signification du texte dépend entièrement de celle qu’on accordera au mot vin, il n’y a qu’un pas. Cela dit, Marie semble ignorer ce que son Fils sait déjà lorsqu’il prononce cette phrase énigmatique : « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore arrivée. » : Que son sang sera ce vin, qu’il ne s’épandra pas sans souffrance et que l’heure, c’est à dire le moment retenu par la Providence. n’est pas encore arrivée.

Si le lecteur ne peut comprendre encore de quelle nature ce vin sera, il lui est clairement révélé quelle est la nature de celui qui est « épuisé » : Les « six jarres de pierre » vides sont celles « destinées aux purifications des Juifs » : nous comprenons que ce vin des noces qui manque est non seulement celui qui relie les hommes entre eux, mais surtout celui qui sert à leur purification. De là à dire que la Loi de l’Ancien Testament est désormais « épuisée », et que l’établissement en ces mêmes jarres d‘un Nouveau dont le Christ est présentement le porteur par sa Parole, il n’y a qu’un pas. « Jésus leur dit : “Remplissez d’eau ces jarres.” Ils les remplirent jusqu’au bord. Il leur dit : “Puisez maintenant et portez-en au maître du repas.” Ils lui en portèrent. Lorsque le maître du repas eut goûté l’eau changée en vin - et il ne savait pas d’où il venait, tandis que les servants le savaient, eux qui avaient puisé l’eau - le maître du repas appelle le marié et lui dit : “Tout homme sert d’abord le bon vin et, quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent !” »

De quoi cette eau changée en vin est-elle fondamentalement le signe, sinon du fait que lorsque l’efficacité du moins bon (nous notons au passage qu’il n’est pas foncièrement mauvais, mais seulement moins bon), c’est à dire la Loi, est insuffisante, un autre est nécessaire, et cet autre par lequel les Noces mystiques s’accompliront totalement sera le sang versé l’Agneau, sa Passion pour les pécheurs attablés autour de Lui par laquelle doit se manifester sa gloire, sa Charité. Reste à comprendre, pour clarifier la signification de cette parabole, qui est véritablement ce « maître du repas » appelé ainsi à décider de la qualité des deux vins, l’ancien et le nouveau : on serait tenté de dire le Père, mais cette assimilation est contrariée par la phrase « il ne savait pas d‘où il venait », ce qui serait alors pour le moins incongru. Alors, quel est donc cet homme attablé, appelé à décider ainsi de la qualité du don du Christ et de la vérité de sa Parole et pourtant si ignorant ?

Tel fut le premier des signes de Jésus, il l’accomplit à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. (Jean 2,1-11) :  Ce que le texte souligne en creux, c’est bien une conversion, puisqu’il se clôt sur la conséquence de ce « premier signe de Jésus » qui est de croire en Lui.

-visit_to_Wedding_Church_a-20000000003027252-500x375.jpg

Miracle de Cana, fresque de l'église franciscaine du mariage, Kafr Kanna, Israël

09:06 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | | |

mercredi, 23 août 2017

Serguiev Possad 2 : Serge le Saint Patron

On ne peut s’approcher d‘un saint qu’en se reconnaissant pécheur : parce que lui-même s’est reconnu tel devant Dieu. Une telle attitude fait la différence entre le touriste, venu visiter des lieux culturels classés par l'UNESCO, et le pèlerin, pour lequel le cœur et l’esprit ne vibrent que d‘actions de grâce ; potentiellement, les deux habitent chacun d‘entre nous, fragmentés que nous sommes entre une tête, avide de découvertes et de savoirs, et un cœur, goulu de Dieu ; lorsque je m’intéresse aux matriochkas en bois peint ou aux chapkas en fourrure vendus dans les échoppes devant l’entrée du site, me voilà donc touriste, tout comme lorsque je me laisse pénétrer de cette curiosité finalement toujours feinte [car momentanée] pour l’endroit, à l’écoute d‘un guide qui débite son cours aux groupes débarqués en c(h)ars d‘assaut dans l’enceinte religieuse.

DSCN0890.JPG

Il ne s’agit pas de condamner le tourisme en dandy intellectuel, comme le fit Flaubert dans son piquant Bouvard et Pécuchet. Mais de se défier de la malice qui rode et me souffle à l’oreille qu’au fond, la culture suffit. Non, ça ne suffit pas. Nous ne partirons pas avec elle, nous n'emporterons rien d'elle  : aux côtés des matriochkas décoratives et des confortables chapkas, des chapelets orthodoxes vendus sur les mêmes stands nous rappellent cette « communion des saints » qui demeure constitutive du Credo et fait que Serge de Radonège (Сергий Радонежский), né en 1314 dans une famille de nobles boyards, figure du moine ermite et pèlerin vivant dans la forêt, fondateur de cette abbaye, demeure d‘une certaine façon notre contemporain. Nous voici, nous qui passons ces murs, chez lui, comme nous voilà dans l’église d’Ars chez Jean Marie Vianney, aux Trois Fontaines chez Paul de Tarse, dans les appartements du Gesù chez Ignace de Loyola…

DSCN0850.JPG

Statue de Serge de Radonège

Trinité.jpg

En cette cathédrale de la Trinité, une file de pèlerins serpente à travers la pénombre des cierges et la dorure des icônes, au rythme des psaumes qui semblent veiller au repos du saint. Je prends ma place parmi eux. Tout au bout de la file, là-bas, légèrement surélevée, la châsse en argent qui contient les reliques de Saint Serge. On y accède un par un. Trois signes de croix et plusieurs inclinaisons, des prières et des baisers : canonisé depuis 1452, Serge est devenu le saint patron de la Russie. J’ai l’impression en effet de m’approcher du cœur vivant, palpitant, même de cette âme russe qui se diffuse dans toutes les églises : la Laure de la Trinité est si bien imprégnée dans la conscience collective, affirme la page wikipédia qui lui est consacrée, que les soviétiques eux-mêmes n’ont pas osé y porter la main.  Et son auteur rajoute, citant Pavel Florenskij : « Pour comprendre la Russie, il faut comprendre la Laure, pour pénétrer dans la Laure, il faut étudier avec la plus grande attention son fondateur »; je m’approche donc de la châsse en m’imprégnant l'esprit de la petite prière du cœur, je m’agenouille avant de monter jusqu’à elle, je présente un signe de croix et récite un Pater Noster pour cette Russie si bêtement vilipendée par le monde, que je ressens ici impérissable parce que sanctifiée et protégée de manière surnaturelle par le dieu trine. Je demande l'intercession pour elle et pour moi de ce saint, sans trop savoir quel lien bienveillant en Christ m’attache à ce pays : ni le temps ni l’envie d‘y songer, me voici déjà dehors, fortifié par ce recueillement.  

Ushakov_Nerukotvorniy.jpg

Aie pitié de moi, pécheur !

Dormition 1.JPG

Dormition sur le puits..jpg

Ci-dessus l’église de la Dormition et celle abritant une source miraculeuse. Ci-dessous le clocher de la Laure et une rue pavée au sein du monastère. 

Serguiev Possad,Pavel Florenskij,Serge de Radonège

Serguiev Possad,Pavel Florenskij,Serge de Radonège

22:28 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : serguiev possad, pavel florenskij, serge de radonège | | |

lundi, 14 août 2017

La roue et la Croix

L’homme post-moderne associe la religion au passé

Parce qu’on lui a fait croire que la technique était là pour l’émanciper de la foi

Mais la technique est aussi vieille que la religion, s’est toujours développée de pair avec elle.

La religion appartient donc à l’avenir autant que la technique, la roue autant que la Croix :

Qu’est-ce donc, en effet, que le développement d’une technique qui ignorerait Dieu et le prochain ?

Ce serait la religion de l’homme redevenu sauvage…

Les hommes de l’après modernité ont commencé à expérimenter

Qu’ils ont TOUT dans leur cerveau, absolument TOUT,

Tout sauf Dieu et le prochain,

Par Qui et par quoi seuls

S’éprouve et se connaît la Charité.

Ce que le Christ a révélé à quelques-uns

Et qu’il a voulu étendre à la multitude,

Il n’exige pas que tous les hommes l’acceptent :

Lui pouvait naître sans et pourtant

Il a accepté de passer par le ventre d’une femme.

Lui pouvait ne pas mourir et pourtant

Il a accepté de passer par la croix.

De même son trône passe par notre consentement.

 

Peu importe donc que nous soyons catholiques ou orthodoxes

Nous devons prier le plus que nous pouvons

Pour faire entrer par nous le Christ dans ce monde

Qui, sans Lui, NE CONSENTANT PLUS ni à la naissance ni à la mort court pour des siècles

Au règne de l’homme sauvage, à la tyrannie de l’Antéchrist.

Giovanni_da_Rimini_-_Stories_of_the_Life_of_Christ.jpg

Giovanni da Rimini, palais Barberini, Rome

08:29 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : christ, christianisme, technologie | | |

vendredi, 11 août 2017

Les Vieux croyants (2)

Transfiguration (преображение) : tel est le nom du monastère, qui a donné son nom – comme c'est bien souvent le cas – au quartier tout entier. Un quartier riche en histoire politique et culturelle : des négociations diplomatiques secrètes entre Pierre le Grand et les ambassades occidentales ont commencé ici, ce qui a entraîné la signature d'une alliance entre la Russie , le Danemark, la Lituanie et la Pologne contre la Suède 22 novembre 1699 avant la bataille de Narva en 1700.

DSCN1068.JPG

En passant le porche de l'église à cinq tourelles qui cerne le monastère, je pense à cet épisode surnaturel chrétien à la vocation si universelle dont il tire son nom, sur lequel j’ai souvent médité, et qui réunit les apôtres et futurs saints du Nouveau Testament ( Pierre, Jean et Jacques) ainsi que les prophètes (Elie et Moise) de l’Ancien, autour du corps et du visage rayonnant du Christ. Je ne sais rien ou si peu de cette fracture qui déchira le monde orthodoxe si durablement et si profondément, comme d‘autres divisèrent le catholique, mais si quelque chose doit permettre à n’importe quel chrétien de comprendre n’importe quel autre, c’est bien, me dis-je, ce mystère-là. 

DSCN1075.JPG

A l’intérieur de l'enceinte, l’église Saint Nicolas, dont nous visitons tout d‘abord la partie libre d‘accès, à l’ouest du bâtiment, qui correspond à celle de l’Église orthodoxe officielle, et qui occupe l’ancien réfectoire avec un nouvel iconostase. Durant la période soviétique, l’ensemble du monastère a été fermé et la plupart des bâtiments transformés soit en une maison commune (auberge) soit en une usine de fabrication de radios. Aussi, la restauration est récente.

DSCN1076.JPG

DSCN1078.JPG

Les vieux croyants occupent eux la partie est, située vers la ruelle Tokmakova, du côté  de l’ancien temple. L’entrée est fermée et nous devons demander à des habitants où trouver un gardien susceptible de nous ouvrir. On nous dirige finalement vers un bâtiment à un étage où nous sommes reçus par ce qui semble être un directeur, car on n’ordonne pas de prêtres chez les Vieux Croyants. Celui-ci, bientôt rejoints par deux acolytes, nous demande les raisons de notre visite : Hélène leur explique que je suis curieux de les connaitre, et je sens qu’ils me contemplent avec une prudente et bienveillante attention. Je leur explique que je ne vais en France qu'à la messe selon le rite extraordinaire antérieur à Vatican II ; ils me demandent de leur expliquer et brièvement, je leur explique qu’elle se lit en latin, selon le rite de saint Pie V, et le dos du prêtre tourné au peuple, le visage vers l’Orient. Ils me sourient et me disent que je suis donc un « vieux croyant catholique ». Le courant passe.

DSCN1073.JPG

Finalement, ils acceptent que nous visitions l’église, et tous se lèvent pour nous accompagner. Nous revoilà devant la même porte que tout à l’heure, avec cette fois ci une clé. Une femme plus âgée nous a rejoints, qui restera assise sur un banc et muette durant toute la visite, ainsi qu’un jeune homme en robe noire, qui commente la riche collection d‘icônes. On me demande de n’observer aucun rite propre au catholicisme à l’intérieur, comme un signe de croix ou une récitation de prière quelconque. Pourtant, en échangeant sur les scènes de l’Évangile, notre guide s’ouvre très vite et nous voilà en train de deviser avec enthousiasme sur le bon larron ou la reviviscence de Lazare. Il est visiblement réjoui de mon intérêt pour ce qu'il raconte. Je ressens à nouveau la dimension spirituelle de l’icône, qui est une méditation et un commentaire en soi, plus que l' illustration d’une scène de la vie du Christ, et qui peut vraiment tenir à ce titre du surnaturel. D'ailleurs, n'est-ce pas surnaturel ce qui nous arrive ? Au fur et à mesure de l’échange, je vois bien que rien ne nous sépare vraiment, sinon un héritage culturel sans doute divers : mais rien sur le plan véritablement christique. Là, le rayonnement d'un être ne provient pas de sa culture théologique ou de sa connaissance historique, mais de sa fréquentation réelle avec le Christ et de son humilité à se connaître pécheur.

450px-Preobrcem-chapel.jpg

Derrière le monastère, dont l’autre moitié du terrain est devenue un marché, se trouve le cimetière Transfiguration, fondé en 1771 pour les vieux croyants lors de la grande peste de Moscou. À cette époque, le cimetière était situé à la périphérie de la ville, mais en dehors du territoire de Moscou. Beaucoup de personnalités des Vieux-Croyants, commerçants, militaires y furent inhumés. Ci-dessus, la chapelle restaurée du cimetière et ci-dessous, quelques tombes

DSCN1085.JPG

DSCN1089.JPG

22:39 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : moscou, vieux croyants, transfiguration | | |

samedi, 05 août 2017

Perishing

J’ai visité cette église le lundi 17 août, sur les conseils de Larissa qui, juste avant de me quitter, m’en a dit plusieurs choses : Tout d‘abord qu’elle fut l’une des rares à n'avoir pas dû fermer dans le centre de Moscou durant la période bolchévique ; ensuite qu’une icône miraculeuse s’y trouve, propre à résoudre les situations familiales difficiles, et qu’il ne faut surtout pas la rater.

L’église se nomme en russe Храм Воскресения Словущего на Успенском Вражке, ce qui signifie « temple de la Résurrection à l'Assomption Ravine » Elle sera la première église orthodoxe dont je pénétrerai l’enceinte durant ce voyage. Un clocher à l’architecture néo-classique, des murs s’achèvant par des zakomaras semi-circulaires décoratifs, je suis frappé par le contraste entre la sobriété apparente du lieu et la place qu’il parait avoir toujours occupé dans la vie religieuse et culturelle moscovite. Si les bolchéviks, en effet, ont laissé l’église ouverte et intacte durant les années trente (seules les cloches ne sonnaient pas), c’est grâce à la ferveur et à l’influence heureuse d'artistes célèbres qui vivaient à proximité (le chanteur Ivan Kozlovsky, les acteurs Innokentiya Smoktunovskogo et Vladimir Zamansky, le metteur en scène et acteur Constantin Stanislavski, la chanteuse d‘opéra Antonina Nezhdanov, la soliste du Théâtre du Bolchoï Maria Petrovna Maksakova et beaucoup d'autres  noms prestigieux de la culture et de l'art)  

1 temple de la résurrection.jpg

DSCN0264.JPG

À l’intérieur, quelques femmes de ménages lissant sans cesse le sol, peu de touristes mais beaucoup de fidèles, venus prier devant les différents icônes dans la lueur des cierges en cire d'abeille à l'odeur si spécifique : 10 roubles l'unité, une quinzaine de centimes d'euros ! J’en allume plusieurs que je dépose devant différentes icônes, dont celle, miraculeuse de la Mère de Dieu nommée « Perishing » ( Взыскание погибши – littéralement en train de périr ) et, debout face à elle, je récite intérieurement plusieurs Ave Maria. Je contemple avec tendresse ces hommes et ces femmes qui prient différemment autour de moi. Autres prières, autres rites, pourtant, le peu que je sais de l'orthodoxie, c'est qu'au filioque près, nous fréquentons le même Dieu, nous lui éprouvons la même nature ( la Trinité ), nous lui reconnaissons les mêmes mérites ( justice et miséricorde ), nous nous appuyons sur les mêmes témoignages de la même Histoire Sainte ( celle du Christ et de sa Passion ) nous poursuivons le même but (la Charité) et le même objectif (le salut ). Différences et ressemblances, entre ces deux rites, me semblent tenir davantage d'une simple question d'isomorphisme que d'une opposition radicale : ne sommes-nous pas placés devant le même Objet : la réalité du Christ, celle du Père et celle de l'Esprit ?...  

perishing.GIF

« Perishing » : Le terme fait référence à l’histoire du moine Theophilus, popularisée par un roman du VIIe siècle, « Du repentir de Theophilus, l'intendant de l'église dans la ville d'Adana ». Théophile, qui avait servi avec fidélité son évêque, fut expulsé par son successeur suite à des calomnies. Brûlé par le ressentiment, il vendit son âme au diable pour obtenir le moyen de se venger de ses calomniateurs. Comprenant dans un éclair de lucidité ce qu’il venait de faire, Théophilus se retira ensuite dans un temple. N’osant pas s’adresser directement à Dieu Lui-même, « celui qui était en train de périr » se tourna vers sa Mère, l’implorant sans relâche d’être son avocat, de lui pardonner son apostasie et de le sauver. Son ardeur fut telle, sa douleur si vive et son remords si profond et sincère, que la Reine du Ciel accéda à sa requête et délia le pacte qu’il avait signé en lui accordant le pardon de ses péchés. Toute la signification de l’icône se découvre alors : la Mère de Dieu, dans son amour infini pour le pécheur, est toujours prête à honorer le pardon et à « récupérer » quelqu'un qui est sur le point de mourir .

Sur ce type d’icône, le Christ se tient debout sur les genoux de sa mère, dont il embrasse la nuque tout en pressant sa joue contre la sienne. Le bras de la Vierge enserre l’enfant, formant un anneau autour de lui, ses doigts croisés serrés très fort par devant lui.

4 temple de la résurrection.jpg

À deux pas du Kremlin, la dévotion active de cette église de la Résurrection qui vit et bruit me frappe. À l'autre extrémité, un Christ m'interpelle et je dis devant lui un chapelet tout entier, lui confiant ce séjour dans cette ville aux avenues immenses surplombées d'un ciel sans cesse changeant, à l'alphabet inconnu. Il demeure comme un repère précieux, et bien plus que cela. Je le prie pour qu'à l'heure où l'Islam –  qui nie dans un même élan de satanisme et la Trinité, et la Charité, et le véritable salut de l'âme – pénètre et trouble les consciences déchristiannisées, tous les Chrétiens demeurent à l'ombre de la Croix. Je ne quitte pas l’église sans échanger 300 roubles – ce qui n’est pas grand-chose – contre une petite reproduction de l’icône posée à présent sur mon bureau. Perishing aura été ma première découverte moscovite, mon premier contact avec le vaste monde orthodoxe russe, une sorte de vivant et tendre accueil. 

11:05 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : moscou, perishing, église de la résurrection | | |

mercredi, 28 juin 2017

Un chant de Béthanie

Je viens d'achever ce texte de 49 pages, qui porte l'engagement de ma parole poétique en Christ. En cliquant sur l'image, vous serez redirigé vers le site des editions du Bug, où vous pourrez le télécharger gratuitement. 

BETHANIE-TITRE.gif

00:30 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | | |