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dimanche, 19 septembre 2010

La défaite du patrimoine

«…  Cette fête ridicule est donc vraiment à l’image de la politique actuelle : tandis qu’on liquide à l’industrie hôtelière de luxe le fleuron du patrimoine français, on l’ouvre par ailleurs 1 jour par an au bon peuple, pour qu’il aille  faire clic clac en file indienne avec ses putains de portables. Quand donc ce peuple de touristes (aussi stupide que bon) se décidera-t-il à boycotter ce genre de manifestations, désormais soumises à la vieille et dérisoire idéologie des « grands Hommes qui ont fait l’histoire », c'est-à-dire réduite à de la propagande ?  Ce serait un premier pas, un tout petit premier pas, vers une façon de se réapproprier l’histoire, et à nouveau,  de la faire à son compte »

LIRE le commencement de ce texte ICI, sur NondeNon  

 

 (1) Gaudin ayant vendu l'Hôtel-Dieu de Marseille, Collomb s'apprêtant à brader celui de Lyon, parmi tant d'exemples où le PS et l'UMP rivalisent d'ingénuité, d'opportunisme et d'affairisme.

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Monuments historiques,  dessin de François COINTE

 

09:26 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : fête du patrimoine, culture, actualité, france | | |

samedi, 18 septembre 2010

Ségolène à Arcueil

« La raison et les arguments ne sauraient lutter contre certains mots et certaines formules. On les prononce avec recueillement devant les foules ; et, dès qu'ils ont été prononcés, les visages deviennent respectueux et les fronts s'inclinent. Beaucoup les considèrent comme des forces de la nature, des puissances surnaturelles. Ils évoquent dans les âmes des images grandioses et vagues, mais le vague même qui les estompe augmente leur mystérieuse puissance. On peut les comparer à ces divinités redoutables cachées derrière le tabernacle et dont le dévot ne s’approche qu'en tremblant », écrivait en 1905 Gustave Le Bon dans son livre un peu oublié, Psychologie  des foules. Aujourd’hui à Arcueil, le discours de Ségolène Royal a offert un bel exemple de cette démagogie incantatoire, devant ses inconditionnels de la fête de la fraternité qui scandaient : « Ségolène présidente ».

 

 « Je crois à la politique par la preuve », a-t-elle pourtant  affirmé On a envie de lui répondre demander  combien, en effet, il lui faut encore de preuves, après  celle, cinglante de 2007 ?

« Je crois à l’articulation entre le local et le global » a aussi asséné Ségolène. C’est bien là que le bât blesse. Car affirmer sa croyance dans « l’articulation entre le local et le global », ce n’est pas s’opposer au système (à celui que par ailleurs on dénonce quand on affirme vouloir « construire un autre système économique »), cela revient au contraire à huiler au mieux tous les rouages qui autorisent la soumission du local au global, de chaque particule de la base au principe qui se tient au sommet. Bel exemple de « tyrannie douce », qui commence par l'articulation du verbal au symbolique.

 « Pas un jeune ne doit rester désœuvré » proclame alors la dame à l’allure soudaine de maîtresse d’école, qui veut ouvrir les portes de l’apprentissage et de la formation par alternance à tous les jeunes et appelle cela la reprise économique.

Ségolène Royal croit à la rhétorique gaullienne, voire hugolienne, mais du Hugo récitée à la lueur d’une lampe à pétrole sur le ton d'une remise des prix, comme dans une image d’Epinal. Elle s’enlise donc dans les pleins et les déliés d'un discours charpenté à la façon d'un besogneux devoir de bac dont le sujet serait un pastiche des discours d'antan : Sur le ton geignard qui est le sien, elle égrène donc une série de plaintes (« la France va mal, la France souffre, la France au corps  blessé… ») qu’elle ponctue régulièrement d’une formule incantatoire : « que font-ils là-haut – rien ». «quand on sait que… »… et puis « je propose », « ça marche », et  enfin « Dans moins de deux ans »

Elle n’hésite pas dans son « désir d’avenir » à s’inscrire dans le sillage gaullien du Conseil national de la Résistance, puis de celui de Malraux qu’elle cite en rappelant des valeurs proclamées par la Révolution, enfin dans celui de Régis Debray qui sera, j’en suis sûr, très honoré d’avoir été dérangé pour une définition de la fraternité qui fera date : « la fraternité c’est se traiter en frère et sœur même quand on n’est pas d’une même famille »: la voilà dès lors qui se positionne en future présidentiable : et de stigmatiser « l’abaissement de la France sur la scène mondiale » , et d’entonner : « le message universel que nous devrons porter en 2012 »

« Vous me redonnez une liberté et une force », dit-elle à ses partisans avant de conclure par un curieux argument : en perdant les trois dernières élections, la gauche aurait contracté une dette vis-à-vis du peuple, puisque c’est la gauche qui finalement serait responsable de la victoire de la droite (elle, la gauche qui était auparavant au pouvoir, et non le peuple qui tout simplement a voté contre elle en votant à droite)… Curieuse façon de reconnaître la responsabilité du vote.

Ségolène Royal conclut enfin son interminable discours sur ces grands mots magiques de  liberté, égalité, fraternité. Elle s’emmêle un peu les pinceaux à leur lecture même. Mais pourquoi malgré ses efforts vertueux, sa dénonciation lyrique de ceux qui font des profits, la dame a-t-elle tant de mal à convaincre ? Parce qu’on se souvient trop que d’autres, d’autres parmi ceux, précisément ceux qu’elle dénonce, nous ont déjà fait le coup.  Il faut citer à nouveau Gustave Le Bon et un paragraphe de sa Psychologie des foules :  

«La puissance des mots est liée aux images qu'ils évoquent et tout à fait indépendante de leur signification réelle. Ce sont parfois ceux dont le sens est le plus mal défini qui possèdent le plus d'action. Tels par exemple, les termes : démocratie, socialisme, égalité, liberté, etc., dont le sens est si vague que de gros volumes ne suffisent pas à le  préciser. Et pourtant il est certain qu'une puissance vraiment magique s'attache leurs brèves syllabes, comme si elles contenaient la solution de tous les problèmes. Ils synthétisent les aspirations inconscientes les plus diverses et l'espoir de leur réalisation. »

C’était en 1905. Il y a plus d’un siècle.

 

Un petit Désir d’avenir ?

 

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Gustave Le Bon (1841-1931)

 

vendredi, 17 septembre 2010

2000 ans, rien de plus

Sincèrement surpris, en ce jour qui ressemble à tant d’autres, d’être encore vivant dans ce monde trop bien connu de moi. Le lendemain, impression d’être encore très jeune dans ce même monde, et qu’il me réserve encore beaucoup de surprises : se méfier, somme toute, des ressentis.

Quand je pense au nombre incalculable de cadavres qui sont passés par ces trottoirs, me demande évidemment combien de temps  va continuer encore la plaisanterie… Ces fantasmes récurrents des medias à propos de la fin du monde ne seraient-ils pas une envie sourde et commune d’échapper à la fin solitaire qui nous guette ?

Nous avons toujours l’impression d’être des modernes par rapport à tous les Anciens qui nous ont quittés. Ridicule, ce sentiment d’être très loin d’eux, cette certitude d’être devenus des autres, cette croyance dans le progrès, dans notre société …

A raison de quatre générations  par siècle, seulement 80 générations nous séparent du temps du Christ. Une poignée d’ancêtres, en somme, des rayons en éventails de quatre vingt naissances et de quatre-vingt morts jusqu’à l’an 0…  2000 ans, rien de plus.

 

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22:41 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, calendrier, antiquité, actualité | | |

jeudi, 16 septembre 2010

Informement et enfermation

En quelques années, on aura vu fondre comme neige au soleil la qualité de l’information en France. Quelques années durant lesquelles se sont imposés les gratuits (une info qu’on ne paye pas),  les pages web (une info qu’on ne choisit pas), une info toujours de plus en plus lapidaire, à la fois omniprésente et discontinue, une info quotidienne et tissée à la va-vite, commune et démultipliée, qu’on subit (et donc qu’on finit par négliger) ou bien qu’on consomme avec boulimie un temps et dont on finit par se lasser un autre temps.

Durant ces mêmes années, l’info aura en parallèle été de plus en plus normalisée, standardisée, anticipant l’événement et, la plupart du temps, le programmant, voire le dictant sans ménagement, de chaine en chaine et d’image en image. Info sans surprise, c’est le moins qu’on puisse dire. Info ressemblant à de la communication de crise à l’usage de citoyens de plus en plus centrés sur leurs propres calendriers et indifférents à ce qui peut se passer autour d’eux.

Dans ce même temps, la langue de l’info se sera évidemment considérablement simplifiée : le vocabulaire s’est ramassé et la syntaxe réduite. Cet appauvrissement linguistique a été de pair avec la dramatisation assénée par les titres, l’insistance sur le fait-divers ou le ragot. Il semble que la personnalisation de l’événement derrière quelques figures (président, pape, champion, grand patron…) ait définitivement pris le pas sur l’analyse ; l’invective systématique et la récrimination geignarde sur le commentaire. Surtout, l’info s’est mise à exister dans le seul instant présent, dans le culte d’un instant détaché de tout passé, détaché de tout contexte et de tout autrefois : c'est-à-dire de toute causalité. Ainsi traité, l’événement nouveau à venir se juxtapose à l’événement ancien écoulé, mais jamais n’advient de lui. Séquence après séquence.

 Une telle mutation provoque curieusement au sein de la population, et c’est très sensible un peu partout, à la fois du renoncement et de la colère, une amnésie profonde face au passé même proche et un désenchantement maladif devant l’avenir, de multiples doléances et une passivité chronique, une revendication de l’ego qui se confond souvent avec une terrible frustration de l’être. On finit par se demander par quel événement, finalement, cette population pourrait bien être surprise. Des catastrophes en tous genres, des faits-divers abracadabrants, des scandales politiques et financiers, des exploits et des contre-exploits sportifs, de la crise, enfin, elle en aura bouffé, bouffé, bouffé tant et tant que le monstre repu rote d’indifférence devant tout ce qui n’est pas atrocement spectaculaire. Ainsi avons-nous pris l’habitude de voir les banquettes de nos autobus et de nos métros, les quais de nos gares et les trottoirs de nos rues  désormais jonchés de ces prospectus informatifs, où les gros titres indiffèrent tout le monde, et comment pourrait-il en être autrement ? Etrange consensus au sein d’une majorité - comme on dit depuis toujours – silencieuse, dont la curiosité et l’intelligence ne sont plus, par l’info, sollicitées. Il s’agit, pour chacun, de se faire une opinion, une opinion qui - faute d’être personnelle-  se bornerait presque à n’être qu’un devoir civique, comme le sont trier ses déchets ou se rendre au bureau de vote. On dirait que la société de l’info sait déjà tout d’elle-même et des limites dans lesquelles elle tient chacun informé /enfermé. Dès lors, la société de l’info n’est plus qu’une société de l’attente. Une attente aussi hystérique que poussive de l’événement apte – faute de changer quoi que ce soit – à surprendre ; attente à laquelle on a paradoxalement renoncé à s’intéresser, événement dont on a depuis longtemps cessé de croire qu’il puisse advenir pour de bon.

Tous, nous nous demandons régulièrement par quelle magie cet ensemble morne et pourtant terriblement efficace tient debout, combien de temps encore il va duper son monde. Et pendant que nous nous demandons cela, nous passons ; nous passons moroses et indignés, tandis que d’autres arrivent, naïfs et enthousiastes. C’est avec ces mouvements d’opinions que se fabriquent non plus l’Histoire des peuples, mais de simples ondoiements au sein du système, qu’on appelle alternances. Devant un tel état de fait, il me semble que se tenir à l'écart, en retrait, de côté, en dehors ou en marge, comme on voudra, c'est un effort qu'on se doit - à soi comme à autrui. Une mesure, véritablement, de salut public...

01:30 Publié dans Lieux communs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, information | | |

mardi, 14 septembre 2010

Itératif

Je faisais (itératif) ce rêve (je ne le fais plus) il y a fort longtemps. Une gare. Des rails. Au bout des rails, l’évidence et le silence aussi d’une même bibliothèque. Quelque chose comme un sommet, en termes d’esprit. Des reliures ouvragées laissant présager quelque chose (voyez ce que je veux dire : tant de reliures ne laissent dorénavant au solitaire plus rien présager du tout. Or présager, c’est déjà lire)

Désirer.

Une gare, des rails, des lignes, une direction, un sens, tout cela se laisse facilement expliciter.

Et moi, en crieur de journaux, hagard, déconfit, désemparé (sans charre) devant une réalité qui totalement me dépassait (itératif). Me déconcertait (itératif). A présent, désœuvré. Car il n’y a plus de crieurs de journaux dans les rues, hélas . A Lyon, j’en ai connu un, très vieux, un visage chafouin, plissé, un visage de sage sous une casquette à visière, qui quittait les rotatives de la rue Bellecordière avec une pile sous le bras et, s’il vous plait, en uniforme, enfourchait une bicyclette, tournée des bars et des halls de théâtre…

Aujourd’hui, même les chauffeurs de bus n’ont plus d’uniformes…

Et tout le monde roule en bicyclette…

Moi, dans ce rêve (car c’est ça qui compte, moi) entendant soudain, comme Jeanne d’Arc, une sorte de voix roulant ou plutôt parvenant jusqu’à mes tympans qui disait sans dire :

« Qu’écriras-tu, frémissant de tendresse devant ces grilles qu’on fermera, et ces gens qu’on emportera, devant leur peur, leur guerre… »

 

Et qu'est-ce donc, quoi donc me fit penser à ça, ce songe enfoui, aujourd'hui ?

C'est ce professeur d'italien (italien, ce n'est peut-être pas un hasard ?) d'à peine la quarantaine, le visage émacié, assez maigre (comme on dit en ces temps de surcharge pondérale partout régnante) qui me regarde tout à l'heure derrière ses lunettes rondes et me déclare, m'affirme, d'un ton assez définitif : on assistera à sa fin, pour moi, c'est désormais une affaire d'années, (il parle de l'occident) allez, dix- quinze ans, au train où vont les choses. Sous lui ce fauteuil en tissu empli d'acariens, cette moquette usée, tachée, moche, professorale, qui m'a toujours fait penser à une escale dans l'aéroport de Bucarest, une escale sans fin, en pleine nuit, qui se prolonge, ce bout de tissu sans valeur et qui pourtant demeure, une habitude, quoi...

 

 

10:23 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature, société, culture, actualité | | |

dimanche, 12 septembre 2010

Des mosquées et des hommes

Après le non-événement du non-autodafé par le pasteur Terry Jones de 200 exemplaires du Coran, le non événement du non-attentat terroriste qui était censé s’abattre sur la France (deux non-événements qui ont tous deux occupé la scène médiatique hier jusqu'à ce que Claude Chabrol ne meure), plusieurs questions se posent.

Quel donc l’intérêt :

1)     de susciter un climat de peur diffus dans la société et de défiance à l’égard du fait religieux chez les individus.

2)     d’entretenir dans l’esprit des gens l’idée qu’une sorte d’islamophobie s’est emparée de l’occident alors que jamais, en réalité, l’occident n’a été aussi islamophile.

3)     de  considérer que l’intégrisme religieux est le même partout, au sein du christianisme comme au sein de l’islam.

 

Le sentiment de peur ou celui de malaise profite, on le sait, aux politiques de tous bords, dont le crédit électoral repose en grande partie sur l’illusion qu’ils communiquent d’être alors à même de les dissiper. C’est vrai de Sarkozy et de sa clique, qui par ailleurs, face au danger que les roms feraient peser sur la sécurité des honnêtes gens, proposent la solution de leurs mesures en trompe l’œil. C’est vrai aussi de la gauche et de son « été de la honte », qui en réponse, face aux menaces de fascisme qu’Hortefeux incarnerait pour la République, ne découvre à nouveau que l’incantation de ses formules toutes faites et de ses vœux pieux, faute de proposer une réelle solution, en matière de sécurité comme ailleurs.

En ce qui concerne le deuxième point, je demeure surpris de la mansuétude des droits-de-l’hommistes de tous poils à l’égard d’une religion dont on vient de voir, au Pakistan comme en Algérie, à quel point elle est en effet une religion de la tolérance et du respect des autres !!! Des villages chrétiens sciemment inondés par un gouvernement pakistanais et des infidèles au ramadan rappelés à l’ordre et en cour de justice par un état algérien au garde à vous devant Allah, voilà en effet qui ne mérite pas d’être discuté. Discuté, débattu, diffusé, le délire de Terry Jones, lui, mérite de l’être : fanatisme, intégrisme, aucun terme n’est assez fort pour définir l’horreur de son acte : annoncer qu’on va brûler un livre sacré.

A en croire les politiques et leurs relais médiatiques de tous crins, il devient en effet urgent (pour la liberté des peuples comme pour la culture des individus) de fonder partout et très vite des mosquées, à Ground Zéro, en Suisse comme ailleurs, tant – dans un tel contexte - la religion des musulmans ouvrirait la voie de la lumière à l’humanité enténébrée…

On peut encore en sourire…

Pour longtemps encore ?

13:44 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : ground zero, coran, politique, terry jones, actualité, ramadan | | |

samedi, 11 septembre 2010

Pas d'étincelles pour le Coran

Au Pakistan, pays à majorité islamiste, un gouvernement laisse de grands propriétaires musulmans détourner des rivières en période d’inondation pour noyer sciemment des villages chrétiens et se débarrasser de leur population à bon compte. Le fait est relaté dans la presse sans déclencher outre mesure un tollé d’indignation parmi les bien-pensants occidentaux. Imaginez un peu un la chose dans l’autre sens…

Aux Etats-Unis, un pasteur intégriste promet de brûler le Coran pour l’anniversaire du 11 septembre. Avant même de passer à l’acte, il fait la une des journaux du monde entier. Même le président Obama s’émeut… Diable... Nous ne sommes plus au temps des autodafés, certes. Il est bon de rappeler toutefois que le Coran n’est qu’un livre, un assemblage de pages comme les tous les autres. Qui n’a de sacré que la subjectivité qu’on y projette ou non. Et qu’entre brûler un livre et noyer sciemment des populations rurales sans défense, il y a bien deux poids deux mesures. Deux poids deux mesures, qu’une certaine tolérance devenue imbécilité paraît ne plus mesurer quand elle crée un tel tintamarre pour si peu, et une telle omerta pour beaucoup. C’est triste.

Aux dernières nouvelles, il semble que Terry Jones, le pasteur en question, ait renoncé à faire avec le Coran de vraies étincelles : avec la presse lobotomisée du monde entier, ça aura suffisamment crépiter depuis trois jours. Much ado about nothing...

11:34 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : terry jones, coran, actualité, politique, religion, 11septembre, obama | | |

vendredi, 10 septembre 2010

Emanuel Philibertus me regarde ...

Je n’avais pas, depuis longtemps, remis  en salle des ventes le moindre orteil. Très étonné du peu de renouvellement de ses figures : elles y sont à peu près les mêmes que lorsque le marteau du commissaire priseur tapait après une somme en francs. Mais un peu plus grises. Plus vieillies. On dirait que la survie aléatoire affirmée ici par des objets, sensation qui m’a toujours beaucoup séduit, est en train de contaminer aussi la fragilité des êtres. Tous vieillissent. Décidément, cet univers-ci  a du charme. 

200px-Emanuele_Filiberto_di_Savoia.jpgUne eau forte du XVIIème siècle d’Emanuel Philibertus Sabaudiae, cadre et gravure en bon état, ne trouvait preneur à 30 euros. Ni à quinze.  J’en ai proposé dix, et je suis parti avec elle sur mon vélo. Ne pouvant accrocher au guidon des fauteuils, j’ai dû en laisser filer deux, des Thomet  très originaux qu’un broc a emporté pour trente euros la paire. Pendant ce temps, des catalogues proposent des  meubles en poudre de chêne pour des amoureux de l’authentique qui laissent à l’arnaqueur plusieurs centaines d’euros. Je savais qu’on faisait des omelettes avec de la poudre d’œufs dans les cantines, j’ignorais qu’on fabriquait des armoires et des bureaux en poudre de chêne dans les boutiques déco pour classes moyennes. Etrange, étrange à l’infini, que nous en soyons arrivés là.  A une telle déliquescence du goût, du jugement. A une telle adulation du simple paraître…

- Vraie saloperie, le monde où tu vis, semble à présent me murmurer, du dégradé de gris d’où il me contemple, Emanuel Philibertus, barbe taillée en pointe sur sa fraise. Le poil frisé, l’œil cerné… Tout en lui, prétexte à précise gravure.

- Je n’irais pas jusque là, lui réponds-je. Monde en toc, assurément. Où jamais la prétention du moindre pedzouille n’a été aussi grande, assurément …

Il reste silencieux. Il restera ainsi, dans son cadre finement verni. L’accrochant à un coin du bureau toujours désordonné, je me demande quel goût peut avoir pour lui une telle postérité.

19:05 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, gravure, emanuel philibertus sabaudiae, salle des ventes | | |

jeudi, 09 septembre 2010

Rue Mercière ...

Je me suis demandé, en la parcourant tout à l’heure, à quoi pouvait ressembler cette rue Mercière au temps serein de sa splendeur. D’un siècle à l’autre, la métamorphose de tant de prestigieux libraires-imprimeurs en restaurateurs suggère, même s’il est assez facile, un commentaire assez accablant pour notre époque. Sébastien Gryphe, Jean de Tournes, François Juste logèrent donc ici, en compagnie de tant d’autres publieurs d’almanachs et de traités, relieurs de livres et tailleurs d’images en tous genres, et voici que je touche un peu du songe leurs enseignes coloriées, là-même où ne s’étale plus que l’ardoise commune de maints plats du jour à quelques euros.

Au musée de l’imprimerie, non loin de là, dans une rue au nom médiéval jusqu’à la caricature (rue de la Poulaillerie, où vécut Pierre Valdo, vestige du vieux marché de la volaille  - n’est-ce pas François Villon qui fit dire au frère Archier de Bagnolet : « Meurtre ne fis onc qu’en poulaille… »), la production des anciens maîtres-imprimeurs attend le chaland sous des vitrines impeccablement nettoyées. Là, les colonnes des incunables aux lettrines enluminées, qu’on vient lécher du regard avec ce soupçon de convoitise, gage du beau. J’ai rêvé quelques minutes devant cette page de Der Stadt Nuremberg, qui date de 1595, page posée aux côtés de son bois gravé. Je savais que cette hôtel de la Couronne avait été jadis, la maison du Consulat avant l’édification de l’Hôtel-de-ville des Terreaux. Mais j’ignorais qu’il appartînt auparavant au Crédit Lyonnais. J’ignorais aussi qu’il avait été un bordel.

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Sur le chemin du retour m'est venue à l'esprit l'absence prolongée de Marcel Rivière,  et je me suis demandé à quel moment de ce besogneux automne à poindre elle finirait par prendre fin.

08:29 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : rue mercière, musée de l'imprimerie, lyon, culture, rues de lyon | | |