mercredi, 09 juillet 2008
Tadeusz Kantor
« Je dois dire ce mot : instruire. S'instruire. Je n'ai pas honte de ce mot. J'ai étudié depuis le début, dès que j'ai décidé de devenir peintre.. Ma création était toujours découverte de faits que je ne connaissais pas. C'était, en quelque sorte, des études. C'était un voyage, découvrant de nouvelles terres; le but s'éloignait toujours, je laissais derrière moi des pays conquis... Les Artistes doivent étudier, découvrir, reconnaitre et laisser derrière eux des régions conquises. »
(Tadeusz Kantor- Leçons de Milan, Actes sud papiers, 1990)
C'est encore Tadeusz Kantor, lui-même, qui définit le mieux son théâtre :
« Œuvre qui n'exhale rien, n'exprime rien, n'agit pas ne communique rien, n'est pas un témoignage ni une reproduction, ne se réfère pas, à la réalité, au spectateur, ni à l'auteur qui est imperméable à la pénétration extérieure, qui oppose son opacité à tout essai d'interprétation, tournée vers NULLE PART, vers INCONNU n'étant que le VIDE, un «TROU» dans la réalité, sans destination, et sans lieu, qui est comme la vie passagère, fugitive, évanescente, impossible à fixer et à retenir, qui quitte le terrain sacré qu'on lui a réservé, sans rechercher des arguments en faveur de son utilité.
Qui EST, tout simplement, qui par le seul fait de son AUTO-EXlSTENCE MET TOUTE RÉALITÉ ENVIRONNANTE DANS UNE SITUATION IRRÉELLE ! (on dirait «artistique»). Quelle fascination extraordinaire dans cette inattendue RÉVERSIBILITÉ ! »
Kantor est né en 1915 à Wielopole, bourgade polonaise, d'un père juif converti au catholicisme. Le nom de Kantor est indissociable de celui de sa troupe de Cracovie Cricot 2, refondée en 1955. Cette troupe et les comédiens qui la composent, sera sa chair, son cri, son argile, ses monstres. En France la découverte de la Classe morte en 1977, inspirée de Bruno Schulz et de Witkiewicz, sera un choc fondateur. Cette cohabitation entre les poupées de cire et les humains vêtus de noir abolit notre orgueil de vivants. Chacun porte sur son dos l'enfant qu'il fut, et qu'il a laissé mourir. Ces êtres, chacun pris dans son obsession (berceau, vélo, pion amorphe, soldat coucou dérisoire,...), pointent le doigt en l'air vers un ciel vide et terrifiant. Un traité des mannequins que d'autres appellent par exagération des hommes se tisse de pièce en pièce : La pieuvre (1956), Cirque (1960), Le petit Manoir (1961), Le fou et la nonne (1963), la poule d'eau, Les mignons et les guenons (1973), La classe morte (1975), Où sont les neiges d'antan (1979), Wielopole-Wielopole (1980), Qu'ils crèvent, les artistes (1985), Je ne reviendrai jamais (1988), Ô douce nuit (1990). Beaucoup sont des mises en scène du grand Witkiewicz.
Kantor a réussi à incorporer dans la totalité de son œuvre, que ce soit la peinture, le dessin ou le théâtre, l'histoire du combat qu'il avait mené au nom de son âme d'artiste et aussi pour gagner le ravissement des spectateurs. L'art du XXème siècle était déchiré entre deux pôles : l'utopie de la forme pure prônée par le constructivisme, une vision rationnelle bien ordonnée, et la tradition littéraire du symbolisme, nostalgie d'un art rempli de significations et d'émotions. L'un des plus grands acquis de Kantor consiste à relier ces deux tendances et à soumettre les symboles et l'émotion à la discipline rigoureuse de la forme. « Je voudrais qu'ils regardent et qu'ils pleurent » - répétait-il - et il parvenait à hypnotiser, d'une manière mystérieuse, les spectateurs. Pendant ses spectacles des gens pleuraient sous toutes les latitudes : au Japon, en Argentine, à Paris. Sans d'ailleurs connaître notre tradition ou notre langue ; sans avoir connu la biographie ou les commentaires de l'auteur, ils se sont livrés à l'émotion jusqu'aux larmes. Ainsi, le petit village perdu quelque part en Galicie - lieu reconstruit avec des bribes de la mémoire et avec des photographies déteintes - est devenu le centre du monde, le portrait troublant du siècle passé : avec sa cruauté et son héroïsme, avec la tragédie de l'Holocauste, avec le drame de l'asservissement. Le siècle de la guerre et de la mort, celui des utopies audacieuses et des révolutions artistiques : tout cela a trouvé une expression exceptionnelle dans l'œuvre de Kantor ; son art est en fait un témoignage personnel et en même temps universel. Et ce n'est qu'aux plus grands artistes que revient ce privilège. (Krystyna Czerni)
Kantor est mort le samedi 8 décembre 1990 à Cracovie, en préparant les répétitions de Aujourd'hui c'est mon anniversaire. La troupe joue quand même. Une chaise vide, une écharpe, le chapeau, Marie encore plus blanche que d'habitude, les jumeaux les yeux rougis. Kantor est là, il regarde. L'économie de la mort est florissante. Dans son testament méticuleux il fait de chaque spectateur-lecteur son légataire universel : « Si la maison s'effondre, les archives doivent rester».
Kantor : un extrait de La Classe Morte, l'entrée en scène de la parade de l'enfance. On ne se lasse pas de la regarder, tant la musique est envoutante, la scénographie obsédante, sous l'unique lampe à suspension.... A son pupitre, le maître d'école et metteur en scène, à deux pas toujours de ses comédiens, comme une matière qu'on ne peut lâcher trop longtemps. Kantor, le visage attentif et lointain, tel celui de James Joyce, l'œil d'aigle, comme taillé dans l'airain. Voilà une belle figure de l'exigence, de la recherche, de la lenteur, de l'Idéal également, aussi saugrenu que celui puisse paraître de prime abord. KANTOR. Voici ce que, dans les Leçons de Milan (1986) il dit, peu de temps avant de mourir, d'abord de la consommation, puis de la communication :
« LA CONSOMMATION OMNIPOTENTE
Tout est devenu marchandise, La marchandise est devenue dieu sanguinaire. D'effrayantes quantités de nourriture qui nourriraient le monde entier; et la moitié de l'humanité meurt de faim; des montagnes de livres que nous n'arriverons jamais à lire; les hommes dévorent les hommes, leurs pensées, leurs droits, leurs coutumes, leur solitude et leur personnalité. Des marchés d'esclaves organisés à une formidable échelle. On vend des gens, on achète, on marchande, on corrompt. Création : ce mot cesse d'être un argument sans appel.
Et voici un autre visage de la FUREUR de notre fin de siècle : LA COMMUNICATION OMNIPOTENTE.
On manque de place pour les originaux qui marchent à pied (il paraît qu'un tel moyen de locomotion aide à penser). Des vagues et des fleuves de voiture se déversent dans les appartements. On manque d'air, d'eau, de forêts et de plantes. La quantité d'êtres vivants croît de façon effarante : des hommes .... Continuons : La COMMUNICATION qui s'accorde parfaitement avec les chemins de fer, les tramways, les autobus, a été jugée comme le concept le plus adéquat et le plus salutaire pour l'esprit humain et pour l'Art. Communication omnipotente ! son premier mot d'ordre : la VITESSE, s'est rapidement transformé en un cri de guerre sauvage de peuplades primitives. La devise est devenue ORDRE. Le monde entier, toute l'humanité, toute la pensée de l'homme, tout l'ART doivent exécuter docilement.
Tout devient obligatoirement uniformisé, égalisé et... SANS SIGNIFICATION. »
Pour suivre, sur Kantor :
http://solko.hautetfort.com/archive/2008/04/26/kantor-et-mallarme.html
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jeudi, 15 mai 2008
Les chagrins de Mercure
Dieu des messagers, mais également des menteurs et des commerçants Mercure est un hôte régulier de la Banque de France depuis ses premiers filigranes. Prince des éphèbes, patron des contrats, porteur de tous les messages, qu'ils soient ou non codés, Hermès est un ambigu notoire. Du chapeau rond (pétase) dont il est parfois affublé, il n'a gardé sur la reproduction très années trente ci-contre que les ailes. Fragiles, pas très développées, presque ridicules, ces ailes. Mais admirez au passage la droiture du nez. Cela voyez-vous, c'est du profil commercial, où l'on ne s'y connaît pas. Du profil poétique également. La vigueur de ce Mercure-là, que Valéry ne renierait pas, nous fait aussi penser à quelques fragments du Narcisse :
" ..... Le bruit
Du souffle que j'enseigne à tes lèvres, mon double,
Sur la limpide lame a fait courir un trouble !
Tu trembles !...."
Cette vignette est le verso du trois cent francs Clément Serveau, une valeur qui aujourd'hui se négocie très cher en salon numismatique, lorsque le billet a pu conserver sa blancheur d'ivoire et et son craquant d'origine. Fort cher... Au recto, le visage de Cérès. Entendons-nous bien, une Cérès des années trente également, une Cérès qui ressemble vaguement à Beauvoir. et dont il fut question ici. Une Cérès, vraie pendant féminin de ce Mercure-là, lequel n'a, lui, pas grand chose à voir avec Sartre, convenons-en, mais plus avec quelque Jean Marais qui poursuivrait sa lecture des Fragments du Narcisse, glissant à l'oreille d'une dame mure :
O visage ! ... Ma soif est un esclave nu ...
Jusqu'à ce temps charmant je m'étais inconnu,
Unique coupure de trois cent francs, qui ne circula que quelques mois, après la seconde guerre. A la base du cou sur la droite, se devinent les chiffres mauves, et de l'autre côté au sommet, la somme en toutes lettres. Mauve ? Eh! Pour quelle raison cette couleur ? Qui fut celle du souvenir furtif, celle de la mélancolie... Mercure, me direz-vous, comme Narcisse, Mercure ne peut, en ce vingtième siècle, qu'habiter en mélancolie, et dans l'alcove fanée de quelque appartement parisien, charmer comme Paul une femme lettrée, rieuse, en déshabillé élégant. Colette, par exemple. Colette qui mourut en 1954, tint ce billet en main. Rien que de penser à cela aiguise je ne sais quel appétit d'art émoussé, quelle réverbération intolérable du souvenir : Oui, la moue de Mercure est emprunte, oui, d'une sorte de mélancolie spirituelle et méditative, moue de chat qui me fit penser à Colette, à Valéry, parce qu'elle recèle de la bouderie. Et combien songe-t-on, combien longtemps et insolemment bouderaient un tel Mercure, une telle Cérès, devant la laideur exceptionnelle des billets européens sur lesquels plus un humain ne parait, plus la moindre véritable arabesque, plus le moindre chagrin et plus le moindre doute. George Steiner a souvent rendu de lucides hommages à la mélancolie. Je veux dire la mélancolie intelligente, celle qui donne à penser, celle sans laquelle il n'existe d'ailleurs pas de Véritable Pensée, digne de majuscules. Cette face de Mercure pourrait ainsi être l'allégorie d'une dernière réflexion, d'un dernier songe, avant l'abandon définitif du monde par les dieux.
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mardi, 12 février 2008
Saturation d'écrits
L'écrit se perd. C'est un constat effectué par tous ceux dont le métier est de se pencher sur des copies. Et pourtant, direz-vous, la société dans laquelle nous vivons est saturée de toute sorte d'écrits. Ecrits lapidaires, approximatifs, fautifs autant que multiples et bariolés. Ecrits identitaires ou communautaristes, brandis sur des écrans ou du papier, comme le sont de simples images. Ecrits pub, écrits slogan, écrits gros-titres... Partout, des écrits ; des écrits, cependant, que plus personne de visible ni d'incarné ne produit jamais sous nos yeux. Je me souviens, il y a déjà une bonne dizaine d'années de cela, m'être fait arracher un chèque des mains par la caissière d'une pizzeria qui - au demeurant - n'était pas des meilleures : "ne le remplissez pas, la machine s'en chargera...." Impression bizarre d'avoir presque pissé contre l'autel ou enfreint le protocole de je ne sais quelle cérémonie de fourmis. Etait-il désormais obscène d'écrire en public ? Et la machine s'est chargée d'écrire, en effet, le montant du chèque à ma place. Rien que du banal.
Rien que du banal que les enfants voient sans cesse se produire autour d'eux. Qui écrit encore, de façon réelle et régulière, de vrais textes dignes d'intérêt dans sa vie quotidienne ? Dans la saturation d'écrits qui nous environne, nous perdons collectivement l'écriture. Il n'y a bien que les collégiens, les lycéens et les étudiants auxquels d'indélicats conservateurs demandent encore de produire du texte écrit, et encore, pas toujours de façon manuscrite. Les résultats, maintes fois décrits autant que décriés, sont des résultats le plus souvent catastrophiques. Et le mouvement est irréversible. Car nous avons quitté la civilisation de l'écrit : l'écrit avait besoin d'espace, de temps, de nature, d'individus libres, autonomes, conscients, cultivés et singuliers. L'espace se restreint, le temps coagule, la nature se transforme, la culture se massifie, que dire des individus libres, autonomes, conscients, singuliers ? L'écrit ne pouvait se maintenir que dans un monde nuancé - où sont les nuances, dans la civilisation techno-médiatique de masses dans laquelle nous sommes entrés. Notre perception du monde est à la fois trop lourde et trop rapide pour l'écrit. Bien sûr, demeurent les irréductibles dont je fais partie - pour combien de temps, ou plutôt pour combien de générations ? Maîtriser correctement la langue écrite est encore perçu par beaucoup d'hommes et de femmes comme un acte encore nécessaire, certes. Mais nécessaire à sa survie, pas à sa vie. Un acte certes encore nécessaire, mais, déjà, un acte qui n'est plus du tout fondamental. Or un acte qui n'est plus perçu comme fondamental, dans quelque civilisation que ce soit, est condamné, à plus ou moins long terme, à disparaitre : « a quoi ça sert? » s'interrogent en effet en chœur les plus nombreux, qui sont toujours ceux que Bernanos appelait les imbéciles." Ainsi s'effaça de la mémoire du peuple l'habitude de croire et de prier, lorsque le système imposé à tous l'exigea de chacun. Car je suis convaincu que, de la même façon qu'on m'ôta le chèque à remplir des mains, on retira le livre de prières de celles de mes ancêtres. Avec de semblables arguments. Ainsi va la civilisation. Tant qu'à la fin elle se brise.
16:50 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : écriture, littérature, langue française, bernanos |
samedi, 26 janvier 2008
Si Cérès m'était contée...
Cette coupure demeure aujourd'hui l'une des plus recherchées sur le marché numismatique, en raison, de sa valeur faciale- unique, il est vrai, dans l'histoire du billet français (300 francs).
Elle représente sous un jour pour le moins moderne le visage de la déesse CERES, déesse latine des moissons, du blé, mais également de la semence, de la prodigalité, de la fécondité et de la jouissance féminine, comme le rappelle en souriant le bon vieux Saint Augustin de La Cité de Dieu.
Bien connue des philatélistes, CERES l'est aussi des numismates : la Banque de France, en effet, la pratique depuis le dix-neuvième siècle, et l'on trouve son portrait en filigrane sur de nombreux billets antérieurs à celui du Clément Serveau mis en circulation à l'occasion de l'échange de billets de 1944.
Mère au cœur inconsolé, qui perdit à jamais son enfant, Cérès est devenue pourtant la figure de la mère nourricière universelle, adorée et célébrée à Eleusis.
Pourquoi La Fontaine, dans le Pouvoir des Fables, la fait-il aller si bon train, en compagnie d'une anguille et d'une hirondelle ? Le peuple tout entier, en tout cas, se demande comment elle passera le fleuve, quand le fabuliste interrompt son récit pour amener sa morale :
Si Peau d’Ane m’était conté,
J’y prendrais un plaisir extrême
Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.
Pour en revenir au billet, j'ai toujours trouvé dans son dessin ce qu'il faut de sensualité et de sévérité pour former ce qu'on appelle un beau visage : cet ovale assez long et rond, ma foi, cette chair rosée sur fond d'écran blanc, bien que saisi de trois-quarts; ces fossettes, ces lèvres pulpeuses, ce regard marron, la ligne de ce cou puissant et fin. Un accessoire, surtout, attire l'œil, ce foulard fait d'épis de blés, dont au centre repose une sorte de coquillage nacré.
La création de ce billet remonte à l’année 1938, et à son climat international « tendu ». La Banque de France qui a besoin de billets de réserve décide de toute urgence la création de deux valeurs, l’une 300, l’autre de 3000 francs. Seule la première verra vraiment le jour, d’après une maquette de Clément Serveau destinée depuis le début des années 1930 à une coupure de 10 francs, avec en son verso l’effigie de Mercure, dieu du commerce et des voyageurs, assimilé durant l’ère classique à l’Hermes grec.
Mais alors que ces billets sont sur le pont d’être émis, les accords de Munich apaisent la tension et on sursoit donc à leur impression définitive.
Au mois d'Août 1944, les autorités allemandes à la veille de leur départ exigeant un acompte sur les indemnités d'occupation, Monsieur Favre-Gilly alors secrétaire général de la Banque de France propose en règlement cette coupure de réserve ainsi que le billet de 5000 Francs dit "de l'empire colonial". Les allemands refusèrent ces billets compte tenu du fait qu'ils n'avaient jamais été mis en circulation, considérant qu'ils n'avaient aucun pouvoir libératoire. Il faudra attendre le 5 Juin 1945 pour que l'échange des billets oblige la mise en circulation du 300 Frs type 1938 ainsi que le 5000 Frs type 1942 Union Française alors gardé en réserve. Ces deux coupures seront rapidement retirées en 1948.
L’histoire de ce billet est, on l’a compris tourmentée. Il sera d’ailleurs retiré de la circulation, en même temps que l’Empire Français, en 1948.
Et c’est ainsi que la Cérès des années trente va devenir une héroïne de la Libération.
J’imagine en ces années-là Jean Paul Sartre et Maurice Merleau Ponty, enfilant la rue des Saints-Pères en débattant du premier numéro d'une revue de gauche qu'ensemble ils viennent de fonder. En se dirigeant vers la rue Sébastien Bottin, ils passent devant une photo de Clark Gable et Vivien Leigh : Six ans après sa sortie aux Etats-Unis, Autant en emporte le vent arrive à Paris.
Le temps est un temps d'octobre, un ciel un peu venteux, gris et filandreux sur une capitale pas encore remise des traces les plus douloureuses de la guerre... Non loin d'eux, le deuxième sexe trottine à bons pas, et ses talons pas encore plats claquent l'asphalte fraîchement humide : une Cérès aux Temps Modernes, ce billet en main...
Je l'imagine fort bien, Simone, se faufiler vers une boutique de Saint-Germain située entre deux cinémas - on jouerait dans l'un La Belle et la Bête de Jean Cocteau et dans l'autre Les Enfants du Paradis de Marcel Carné. Elle aurait donc ce billet à la main et pour trois cent francs s'offrirait l'un de ces foulards à la Cérès, puis le nouerait sur sa brune chevelure. Ne trouvez-vous pas cette ressemblance éloquente ?
Pas plus qu'on ne nait Cérès, en des temps antiques comme en un siècle plus moderne, « on ne naît pas femme, on le devient ».
Il ferait beau voir le contraire.
08:00 Publié dans Les Anciens Francs | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cérès, simone de beauvoir, billets français, écriture, littérature |
vendredi, 02 novembre 2007
La fête des morts
.....................................JOUR DES MORTS :
"Enfin ! Nous voilà au cimetière ! Le Paradis Terrestre ! Quelle paix ! Quelle douceur ! Qui pourra dire le rafraîchissement procuré par la vue des tombes ? Ceux qui les habitent, grâces à Dieu ! n'en sortiront pas à leur gré pour tourmenter, une fois de plus, ceux qui ont encore à mourir! "
.....................................
Magnifique Léon Bloy, dont la formule trouvée dans Petits poèmes en prose ("Novembre") ramasse et restitue l'essentiel de ce qu'un promeneur peut ressentir dans les travées d'un cimetière. C'est aujourd'hui la fête des morts, et nous interrompons pour quelques jours le feuilleton des canuts. Cela ne nous empêche pas d'avoir une pensée pour toutes les victimes de 1831, 1834. "Hélas, fit écrire sur sa tombe la comtesse de Noailles, je n'étais pas faite pour être morte". Soit ! Et pourtant elle l'est, comme ils le furent et comme nous le serons, sommes nous tentés de dire. L'humanité compte, on le sait, plus de morts que de vivants. Belle consolation, n'est-ce pas ! Le piquant Brassens se vantait de posséder "des cimetières en abondance", qu'il pouvait visiter le Jour des Morts. Moi, je n'en ai pas tant que ça. Pour ceux qui, par malchance, n'en auraient aucun à visiter, et seraient donc obligés de passer la journée d'aujourd'hui en compagnie des vivants, plutôt que de vous fader les programmes TV, je conseille en tout premier lieu ce site sur le Père Lachaise à Paris, . Là, vous apprendrez l'histoire du plus beau cimetière de la capitale et vous pourrez vous exclamer devant votre écran "Paris à nous deux" sans avoir l'air trop ridicule. Autre promenade très bien orchestrée dans le cimetière de Montparnasse , lequel mérite lui aussi un détour, ne serait-ce que pour Proudhon (1809-1865), Littré (1801-1881),Baudelaire (1821-1867), Tzara (1896-1963), Laval (1893-1945), Sartre et Beauvoir (1905/1908-1980/1986).
..........................................................................
La province recèle, en matière de cimetières de véritables trésors. Voici celui d'Ouessant, celui de Vichy où vous attend Valéry Larbaud, celui de Toulouse, celui de "Mouille-Cul où Mitterand repose à Jarnac. Sur ce site, vous pourrez rendre de virtuelles visites à bon nombre de célébrités disséminées un peu partout sur le territoire.
A Lyon, le cimetière de la Loyasse, sur la colline de Fourvière, offre plusieurs curiosités : une vue sur le mont Thou, magnifique, de nombreux monuments (oubliez celui, stalinien en diable, d'Edouard Herriot), le "jardin des prêtres", une spécificité que je n'ai rencontrée nulle part ailleurs, et qui appartient à l'évéché... Enfin, à tout seigneur tout honneur, vous achèverez cette tournée des cimetières par celui de Sète qu'un de ses illustres habitants a rendu, à jamais, pour le pire comme pour le meilleur, éternellement marin.
07:20 Publié dans Là où la paix réside | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, actualité, religion, fête des morts, christianisme, culture |
mercredi, 24 octobre 2007
GASTON COUTE
Un nouveau site sur Gaston Couté présentant la totalité de son œuvre ! Que dire de plus, sinon inviter chacun d'entre vous à vous attarder un peu sur un texte ou un autre de ce poète beauceron anarchiste sur lequel tout et trop a été dit, mais vers lequel on prend toujours plaisir à revenir.
Il faut, à vrai dire, lire Couté à voix haute pour l'apprécier à sa juste mesure. Se le mettre en bouche, vraiment, comme du bon vin. Au sens propre : L'ARTICULER... Voici, pour s'entraîner, en guise d'apéro :
LE CHRIST EN BOIS
Bon guieu ! la sal'commune ! ... A c'souèr,
Parsounne a voulu m'ar'cevouér
Pou' que j'me gîte et que j'me cache
Dans la paille, à couté d'ses vaches,
Et, c'est poure ren qu' j'ai tiré
L'cordon d'sounnette à ton curé
Et qu'j'ai cougné cheu tes déviotes :
Les cell's qui berdouill'nt des pat'nôt'es
Pour aller dans ton Paradis...
S'ment pas un quignon d'pain rassis
A m'fourrer en travars d'la goule...
I's l'gard'nt pour jiter à leu's poules ;
Et, c'est pour çà qu'j'attends v'ni d'main
Au bas d'toué, su' l'rabôrd du ch'min,
En haut du talus, sous l'vent d'bise, .
Qu'ébranl' les grands bras d'ta crouéx grise...
Abrrrr ! ... qu'i' pinc' fort el' salaud !
E j'sens mon nez qui fond en ieau
Et tous mes memb'ers qui guerdillent,
Et mon cul g'lé sous mes penilles ;
Mais, tu t'en fous, toué, qu'i' fass' frouéd :
T'as l'cul, t'as l'coeur, t'as tout en boués !
Hé l' Christ ! T'entends-t-y mes boyaux
Chanter la chanson des moignieaux
Qui d'mand'nt à picoter queuqu'chose ?
Hé l' Christ ! T'entends-t-y que j'te cause
Et qu'j'te dis qu'j'ai-z-eun' faim d'voleux ?
Tell'ment qu'si, par devant nous deux,
I' passait queuqu'un su' la route,
Pour un méyion coumm' pour eun' croùte,
I' m' sembl' que j'f'rais un mauvais coup ! ...
Tout ça, c'est ben, mais c'est point tout ;
Après, ça s'rait en Cour d'assises
Que j'te r'trouv'rais ; et, quoué que j'dise
Les idée's qu'ça dounne et l'effet
Qu'ça produit d' pas avouer bouffé,
Les jug's i's vourin ren entend'e,
Car c'est des gâs qui sont pas tend'es
Pour les ceuss' qu'a pas d' position ;
l's n'me rat'rin pas, les cochons !
Et tu s'rais pus cochon qu'mes juges,
Toué qui m'v'oués vent' creux et sans r'fuge,
Tu f'rais pas eun' démarch' pour moué :
T'as l'vent', t'as l'coeur, t'as tout en bois !
L'aut'e, el'vrai Christ ! el'bon j'teux d'sôrts
Qu'était si bon qu'il en est mort,
M'trouvant guerdillant à c'tte place,
M'aurait dit : " Couch' su'ma paillasse ! ... "
Et, m'voyant coumm'ça querver d'faim,
l'm'aurait dit : " Coup'-toué du pain !
Gn'en a du tout frés dans ma huche,
Pendant que j'vas t'tirer eun'cruche
De vin nouvieau à mon poinson ;
T'as drouét coumm' tout l'monde au gueul'ton
Pisque l'souleil fait pour tout l'monde
V'ni du grain d'blé la mouésson blonde
Et la vendange des sâs tortus... "
Si, condamné, i' m'avait vu,
Il aurait dit aux jug's : " Mes fréres,
Qu'il y fout' don' la premier' pierre
C'ti d'vous qui n'a jamais fauté ! ... "
Mais, toué qu'les curés ont planté
Et qui trôn' cheu les gens d'justice,
T'es ren ! ..., qu'un mann' quin au sarvice
Des rich's qui t'mett'nt au coin d'leu's biens
Pour fair' peur aux moignieaux du ch'min
Que j'soumm's... Et, pour ça, qu'la bis' grande
T'foute à bas... Christ ed' contrebande,
Christ ed'l'Eglis ! Christ ed' la Loué,
Qu'as tout, d'partout, qu'as tout en boués ! ...
06:25 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poèmes, poésie, écriture, culture, gaston couté |
mercredi, 10 octobre 2007
Antiquaille à vendre
Au temps de Pierre Sala, la mode était de posséder dans le jardin de sa villa quelque débris de l’Antiquité, sarcophage, morceau de colonnade ou épitaphe, témoignage exhumé d’un passé romain dont on ne cernait alors que fort approximativement les contours : en sa prestigieuse maison de Lanticaille se pouvait ainsi déchiffrer cette épitaphe latine, conçue de son vivant par un certain Claudius Rufinus : « et, puisque que ces lettres confiées à la pierre conservent le son de ma voix, ma voix vivra par la tienne, inconnu qui t’arrêteras sur ces lignes… ».
L’épitaphe de Claudius Rufinus, d’une hauteur de 90 cm, est l’un des plus célèbres et des plus anciennement connus. Il séjourna dans la maison de Sala, devenu couvent des Religieuses de la Visitation , jusque vers 1809, date à laquelle on le transporta au musée de Lyon. On peut l’admirer actuellement au musée de la Civilisation gallo romaine.
En 1629 les sœurs Visitandines de Bellecour firent l’acquisition du domaine qu’elles transformèrent en couvent. Elles lui adjoignirent une chapelle, un cloître et plusieurs corps de logis. L’une d’entre elles fut convaincue, en y découvrant un cachot, que les martyrs lyonnais, au premier chef Saint Pothin, le premier évêque de Lyon, y avaient été incarcérés :
« Je me trouvais en dormant pénétrée d’une grande dévotion pour Saint Pothin.(…) Et je vis tout le devant du cachot de Saint Pothin revêtu de fin or, et au dessus du cachot un trône d’un éclat et d’une beauté admirables, et ce saint évêque assis dessus déclara : Ma fille, je suis en ce lieu d’une présence particulière pour assister de ma protection tous ceux qui m’invoqueront », écrit-elle dans un mémoire. C’est cette religieuse qui est à l’origine du culte de Saint-Pothin martyr.
En 1796, la vente des biens nationaux livra le bâtiment à divers propriétaires, avant que la ville ne le réunît à ses Hospices Civils pour y abriter ses aliénés de 1806 à 1876, date à laquelle on ouvrit l’hôpital psychiatrique de Vinatier. Une rotonde demi-circulaire de style toscan fut alors construite sur vingt-huit colonnes de pierre. En raison du type de malades qu’elle hébergeait, elle reçut une appellation spéciale jusqu’à sa démolition : la rotonde des folles.
On a souvent prétendu que dans l'Antiquité se dressait à l'emplacement de l'Antiquaille le palais impérial qui aurait pu servir de villégiature à Auguste, Caligula, Domitien, Sévère, Albin lorsque ces empereurs séjournaient à Lugdunum. Cette légende a nimbé le bâtiment d'une aura toute spéciale. On rajoutait que rois de Bourgogne puis ducs se Savoie l’auraient investi ensuite tour à tour. On a supposé que l’empereur Claude y était né, que ses bâtiments abritaient le caveau où l’évêque Pothin fut incarcéré juste avant son martyre. L'Antiquaille s'est retrouvé ainsi au centre de nombreuses légendes. La littérature a pris le relai. Dans l’un de ses romans les plus célèbres, Place des Angoisses, l’écrivain Jean Reverzy met en scène cet hôpital où médecine, archéologie et religiosité cohabitent, et dans lequel il effectua son externat en 1934, sous la férule du professeur Joberton de Belleville :
« Je ne m’étais pas douté que l’hôpital fut si vaste. Le cortège cheminait dans d’immenses bâtiments désaffectés, gravissait des escaliers, franchissait des passerelles au-dessus de jardins aux murs de pisé hérissés de tessons de bouteilles. Le train ne ralentissait pas, et je me demandai où finirait cette marche folle. Cependant, à la sortie d’un défilé enjambé par des voûtes, la troupe s’engouffra dans une salle où quatre rangées de lits tendus de rideaux blancs s’étiraient jusqu’à de hautes fenêtres ouvertes sur le ciel vide. Une centaine de femmes y étaient couchées, dont seules les têtes émergeaient des draps. Le cortège, à même vitesse, défila entre les rangées centrales, puis, après une hésitation en tête, ralentit sa marche, se resserra et enfin s’aggloméra autour d’un lit au montant duquel le Professeur s’appuya des deux mains pendant qu’une religieuse poussait derrière lui une chaise où il se laissa tomber. »
Il aura été dans la destinée de l’Antiquaille de passer par toutes les phases de la fortune : Résidence d'empereurs et cachot de martyrs sous l'Antiquité, palais de rois au Moyen Age, cabinet de curiosités antiques au XVIème, refuge d'aliénés au XIXème, hospice romanesque au XXème : chaque siècle aura donc eu son Antiquaille; une antiquaille à son image, dans le pire comme dans le meilleur des cas. Le notre, qui ne répugne pas à transformer ce lieu de mémoire, de légende et de soin en une résidence privée avec vue tranquille et privilégiée sur la ville, doublé d'un centre commercial et culturel ne déroge pas, on le voit, à la tradition. Pour le pire ou pour le meilleur ? Chacun reste juge.
08:25 Publié dans Bouffez du Lyon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lyon, écriture, actualité, société, politique, immobilier |
mardi, 02 octobre 2007
La fête des Anges
A chaque fois que, dans la Bible, Dieu a voulu s'approcher des hommes, on trouve un ange. Ange messager, ange décrypteur, ange intercesseur, ange accompagnateur, ange délivreur, ange gardien : L'ange, qui voit Dieu, assume en même temps une intimité fraternelle avec l'homme. L'ange, qui est de toute éternité, se meut dans la grâce de l'instant éphémère comme s'il était chez lui. Alors, si la présence et l'existence de Dieu interrogent, celles de l'ange ont toujours eu l'air d'aller de soi. Comme l'habileté de cet être-ange est étrange ! Peut-être parce qu'il n'est pas, comme Dieu, une figure du père, mais plutôt du frère aîné. On croit volontiers qu'un ange veille sur son pauvre destin, sur ses ailes de désir comme sur ses ailes de foi.
L'ange est avant tout une figure hautement littéraire. Avec SERAPHITA, Balzac consacra un roman savoureusement congelé aux amours angéliques. Qu'il soit maudit, comme chez Lautréamont (Chants de Maldoror), ou bien lumineux, comme chez Hugo (La Fin de Satan), le personnage de l'ange figure bien ce compagnon du jeu humain, à la fois proche de l'aube et familier de la nuit, et glissant dans l'espace et dans le temps dans un rapport de gémellité fort troublant. L'ange est bien le double magique et féérique auprès de qui la perception de l'existence d'une simple journée devient multidimensionnelle, celle d'une vie dotée de sens. Une des chansons qui permit aux Français de garder le moral après juin 40 n’avait-elle pas pour titre : Mon Ange ?
De littéraire, le personnage devint très vite cinématographique. Et passa même dans la B.D. Et de la B.D à la carte postale, aux bibelots. Les anges sont partout. Pas tous, il est vrai, gardiens ou protecteurs. La société contemporaine les malmène tout autant qu'elle malmène les humains. On n'hésite plus à les instrumentaliser. Je connais des gens qui n'invoquent le leur rien que pour trouver une place où se garer. Je ne sais pas si fut jamais soufflé à l'oreille par l'un des leurs la grille de l'Euromillions à l'un des rares gagnants. Qu'importe l'idée que l'on se fait de leur mission, qu'importe l'usage que l'on fait de leur soutien : c'est aujourd'hui leur fête ; la fête de tous les anges. N'oubliez donc surtout pas de souhaiter au vôtre la sienne. Qui pense à son ange pense à soi, et qui pense à soi n'est jamais en mauvaise compagnie.
04:45 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : christianisme, actualité, littérature, écriture, balzac |
vendredi, 07 septembre 2007
Yasmina en quête de marguerites...
« Ce qui m'interésse, c'est de contempler un homme qui veut concurrencer la fuite du temps ». Eh bé! Rien que ça, Yasmina ! Profitant du récent boom de la littérature people ou de la littérature politique, bref, de l'avènement de la non-littérature, la Réza a flairé un bon coup éditorial. Un coup dans le genre d'Art, mais en encore plus démago, par ce que susceptible de toucher le grand public, c'est à dire l'ensemble des GFrançais qui ont voté ou n'ont pas voté pour le Sarko nouveau qui vient d'arriver. Il faut croire que parier sur la connerie des gens, c'est après tout un bon placement puisque ça marche ! Le Monde des livres, évidemment, qui depuis déjà bon nombre de rentrées n'a plus honte de rien, suit l'aventure de près. Et publie chaque semaine, avec un satisfecit ragoutant, la progression fulgurante de la miss, au box-office de la rentrée.
L'aube, le soir ou la nuit, on sait que c'est comme ça que ça s'appelle : manière de dire que Sarko-Reza (autre variante du couple Sarko-Dati), cet étrange attelage, il n'a jamais une minute pour lui, quoi : l'existence, c'est boulot, boulot, boulot... En véritables pros qu'ils sont, l'un de la politique-comm', l'autre de la littérature-comm'. 192 pages de littéraire, donc, (forcément littéraire, aurait dit Marguerite Duras, illustre devancière de Yasmina dans ce genre d'entreprise qui consiste à légitimer le quelconque, du footballeur Platini au joggeur Sarkozy) durant lesquelles la Reza guette le regard plat, le détail insipide, voulant sans doute faire "un livre sur rien". Seulement voilà, ça fait lurette que n'est pas Flaubert qui veut. "C'est une étreinte que j'ai vue mille fois", dit-elle à propos de l'étreinte Clavier / Sarkozy... Son livre, c'est un livre qu'on a lu mille fois, quelque chose comme le carré vide qui a trôné au centre de la campagne électorale, qui trône au centre de notre époque. Le style de Reza, puisqu'il parait que ce récit ne tient que sur le style, c'est comme la cravate de Stéphane Bern dans un talk-show, voyez, ça défrise pas grand chose et c'est triste à mourir :
« Metteur en scène de cette superproduction, Teresa Cremisi, toute-puissante directrice littéraire de Flammarion. Pas question que les « épreuves » circulent auprès des journalistes politiques et des critiques. Faire circuler le livre l’aurait défloré et aurait abîmé son caractère littéraire, explique-t-elle. Les anecdotes auraient été éparpillées et les gens auraient eu le sentiment d’avoir déjà lu le livre. »
Pas d’interviews, sauf une seule avec Le Nouvel Observateur. Pas de photos non plus. Leçon élémentaire de teasing : moins on montre, plus le désir grandit. Bien sûr, la stratégie échoue : fuites ou double jeu, Le Point a décortiqué l’ouvrage malgré l’embargo et des extraits copiés-collés ont fleuri un peu partout. L’éditeur habituel de la dramaturge, Richard Ducousset, directeur d’Albin Michel et coéditeur de L’Aube…, est un peu désabusé. « Même si c’était un mauvais livre, le succès serait là. C’est significatif de notre époque », déplore-t-il. Alors que les tirages habituels de Reza oscillent entre 50 000 et 80 000 exemplaires pour un roman et entre 20 000 et 30 000 pour une pièce, son nouvel ouvrage devrait rapidement devenir un best-seller." (Jean-Sébastien Stehli -L’Express)
Significatif de notre époque, en effet. Que faire ? Pendant ce temps-là, les Bleus de l'équipe de France ont déjà leur portrait dans le Figaro Littéraire. Je conseille à Yasmina d'ouvrir l'enquête dans les vestiaires où se cache peut-être son futur best-seller. Faute d'y trouver l'inspiration, elle y savourera du muscle et de la sueur, de quoi concurrencer la Duras en termes de forcément sublime ! ... Et puis, avec les nombreuses disparitions d'Immortels ces derniers temps, il y a des fauteuils à prendre à l'Académie. Elle peut, en continuant à ce train là, espérer marcher sur les traces d'une autre Marguerite. Mais Yourcenar, en ces temps-là, il est vrai, c'était une autre pointure, un autre calibre, une autre classe.
10:20 Publié dans Des nuits et des jours... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : écriture, sarkozy, société, actualité, littérature, connerie |