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jeudi, 20 mai 2010

Le pain cher

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C’est grâce au théâtre, et à une leçon d’articulation, il y a lurette de ça, que j’ai découvert Gaston Couté. Du patois versifié, dans lequel chaque phonème compte, en effet. Des mots pour macher du Réel. C’était dans les années quatre vingts. Chez un bouquiniste, je trouvai les 4 volumes édités par le Vent du ch’min. Ils sont toujours là, avec en couverture, leurs dessins de H.G. Ibels. Et toujours ce même impact, lorsque je cède à ce chant.  Le Pain Cher, ci-dessous, est, lui, écrit en français. Rare chez ce poète beauceron.

 

Tout le fumier des scandales,
Tel celui dont nous voyons
Les ordures qui s'étalent,
N'engraisse pas les sillons ;

Et cette baugée intense
Que viennent d'accumuler
Les porcs de la Préfectance
Ne fait pas pousser le blé !

La moisson sera mauvaise...
L'épi rare et languissant
A mûri mal à son aise
Dessous un soleil absent.

Et - conséquence fatale
De ce lamentable été -
Le pain, dans la capitale,
Va, sans doute, être augmenté ?

Oui, le pain dont l'âme entière
Est toute pleine d'amour,
Le pain blanc de la prière,
Notre pain de chaque jour !

Le pain vaudra cher la livre
Cet hiver, annonce-t-on :
On aura du mal à vivre
Avec ce sacré brichton (1).

Dans bien des pauvres ménages
La femme ira (faut manger ! )
Mettre les meubles en gage
Pour payer le boulanger.

Les mêmes, dans la cuisine,
A la place du buffet,
Danseront la capucine
A l'heure où l'on doit bouffer.

Mais un jour, le philanthrope
De la Tour Pointue (2)  aura
L'heur de piquer sa syncope
Devant un tel embarras :

Il enverra vers le père,
Gréviste ou manifestant,
Tous les flics de son repaire
Pour l'assister à l'instant...

Sur le pauvre, en large averse,
Des pains tomberont alors
Plus lourds que ceux du commerce
Et qui tiennent mieux au corps !

(Gaston Couté)

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A suivre ICI

(1) Miche de pain.
(2) La tour pointue désigne en argot la Conciergerie à Paris et, par extension, la Préfecture de Police au 36 quai des Orfèvres,

21:29 Publié dans Des poèmes | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : poèmes, poésie, littérature, gaston couté | | |

mercredi, 24 octobre 2007

GASTON COUTE

Un noffa8c6302190176ce3019645bdf8001b.jpguveau site sur Gaston Couté présentant la totalité de son œuvre ! Que dire de plus, sinon inviter chacun d'entre vous à vous attarder un peu sur un texte ou un autre de ce poète beauceron anarchiste sur lequel tout et trop a été dit, mais vers lequel on prend toujours plaisir à revenir.

Il faut, à vrai dire, lire Couté à voix haute pour l'apprécier à sa juste mesure. Se le mettre en bouche, vraiment, comme du bon vin. Au sens propre : L'ARTICULER...  Voici, pour s'entraîner, en guise d'apéro :

LE CHRIST EN BOIS

 Bon guieu ! la sal'commune ! ... A c'souèr,
Parsounne a voulu m'ar'cevouér
Pou' que j'me gîte et que j'me cache
Dans la paille, à couté d'ses vaches,
Et, c'est poure ren qu' j'ai tiré
L'cordon d'sounnette à ton curé
Et qu'j'ai cougné cheu tes déviotes :
Les cell's qui berdouill'nt des pat'nôt'es
Pour aller dans ton Paradis...
S'ment pas un quignon d'pain rassis
A m'fourrer en travars d'la goule...
I's l'gard'nt pour jiter à leu's poules ;
Et, c'est pour çà qu'j'attends v'ni d'main
Au bas d'toué, su' l'rabôrd du ch'min,
En haut du talus, sous l'vent d'bise, .
                            Qu'ébranl' les grands bras d'ta crouéx grise...
                            Abrrrr ! ... qu'i' pinc' fort el' salaud !
                            E j'sens mon nez qui fond en ieau
                            Et tous mes memb'ers qui guerdillent,
                            Et mon cul g'lé sous mes penilles ;
                            Mais, tu t'en fous, toué, qu'i' fass' frouéd :
                            T'as l'cul, t'as l'coeur, t'as tout en boués !

Hé l' Christ ! T'entends-t-y mes boyaux
Chanter la chanson des moignieaux
Qui d'mand'nt à picoter queuqu'chose ?
Hé l' Christ ! T'entends-t-y que j'te cause
Et qu'j'te dis qu'j'ai-z-eun' faim d'voleux ?
Tell'ment qu'si, par devant nous deux,
I' passait queuqu'un su' la route,
Pour un méyion coumm' pour eun' croùte,
I' m' sembl' que j'f'rais un mauvais coup ! ...
Tout ça, c'est ben, mais c'est point tout ;
Après, ça s'rait en Cour d'assises
Que j'te r'trouv'rais ; et, quoué que j'dise
 Les idée's qu'ça dounne et l'effet
Qu'ça produit d' pas avouer bouffé,
                                Les jug's i's vourin ren entend'e,
                                Car c'est des gâs qui sont pas tend'es
                                Pour les ceuss' qu'a pas d' position ;
                                l's n'me rat'rin pas, les cochons !
                                Et tu s'rais pus cochon qu'mes juges,
                                Toué qui m'v'oués vent' creux et sans r'fuge,
                                Tu f'rais pas eun' démarch' pour moué :
                                T'as l'vent', t'as l'coeur, t'as tout en bois !

L'aut'e, el'vrai Christ ! el'bon j'teux d'sôrts
Qu'était si bon qu'il en est mort,
M'trouvant guerdillant à c'tte place,
M'aurait dit : " Couch' su'ma paillasse ! ... "
Et, m'voyant coumm'ça querver d'faim,
l'm'aurait dit : " Coup'-toué du pain !
Gn'en a du tout frés dans ma huche,
Pendant que j'vas t'tirer eun'cruche
De vin nouvieau à mon poinson  ;
T'as drouét coumm' tout l'monde au gueul'ton
Pisque l'souleil fait pour tout l'monde
V'ni du grain d'blé la mouésson blonde
Et la vendange des sâs tortus... "
Si, condamné, i' m'avait vu,
                                  Il aurait dit aux jug's : " Mes fréres,
                                  Qu'il y fout' don' la premier' pierre
                                   C'ti d'vous qui n'a jamais fauté ! ... "
                                  Mais, toué qu'les curés ont planté
                                  Et qui trôn' cheu les gens d'justice,
                                  T'es ren ! ..., qu'un mann' quin au sarvice
                                  Des rich's qui t'mett'nt au coin d'leu's biens
                                  Pour fair' peur aux moignieaux du ch'min
                                  Que j'soumm's... Et, pour ça, qu'la bis' grande
                                  T'foute à bas... Christ ed' contrebande,
                                  Christ ed'l'Eglis ! Christ ed' la Loué,
                                   Qu'as tout, d'partout, qu'as tout en boués ! ...

06:25 Publié dans Des Auteurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poèmes, poésie, écriture, culture, gaston couté | | |