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mardi, 17 novembre 2015

Les chrétiens en Syrie

De passage hier soir à Lyon, Mgr Abdo Arbach, évêque grec-melkites de Homs en Syrie, donnait une conférence à l’église Saint-Georges. Cette dernière était pleine. J’ai pu prendre en notes un certain nombre de données effarantes, dont je retranscris ici quelques extraits :

Une vingtaine d’églises et trois millions de maisons ont été détruites à Homs

90% des équipements industriels du pays ne fonctionnent plus

70% des habitants sont au chômage.

Les gens vivent constamment sous des bombardements aléatoires, inopinés. Telle route praticable un jour ne l’est plus le lendemain. 4 millions d’enfants sont entièrement dé-scolarisés.

Alep demeure totalement assiégé : plus d’eau, plus d’électricité.

Les médicaments sont en rupture de stock et toutes les ambassades européennes ont fermé.

Il y avait 200 000 chrétiens à Alep. 10.000, tout au plus à présent.

L’Islamisme cherche à éradiquer tout ce qui diffère de lui. Ainsi, la loi islamique devant être appliquée partout, tous les symboles chrétiens visibles sont détruits. Daesh ne laisse que trois options aux chrétiens :

- se convertir à l’Islam

- payer une taxe pour demeurer

- finir en martyr.

A une question sur la responsabilité de la France et de son président ambigu dans les attentats parisiens, le prélat a répondu en laissant entendre à demi-mot que tous les gouvernements étaient complices de la situation et que tous les peuples, d’Argentine (il a été évêque dans ce pays avant), de France ou de Syrie étaient légitimement mécontents de leurs gouvernements, et qu’il se contentait ici d’énoncer les faits qu’il constatait, sans se mêler de soutenir telle ou telle cause politicienne. Il a plaidé au final pour le dialogue inter religieux.

Rappelant le grand nombre de saints syriens, Mgr Abdo Arbach a insisté sur le fait que « nous ne pouvons pas nous résigner à penser le Moyen Orient sans les Chrétiens  qui y confessent le Christ depuis 2000 ans ». Il a également fait allusion aux massacres et aux destructions d'églises perpétués en 622 dans tout le Moyen Orient.

Si ces quelques informations pouvaient faire réfléchir un peu nos islamo-gauchistes français, qui ne cessent de faire des amalgames en se prétendant nuancés,  et, dans des quartiers bobos, achètent leur Libé quotidien en se souhaitant dorénavant « bon courage » au lieu de « bonne journée », ce serait une bonne chose, assurément.

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12:13 Publié dans Là où la paix réside, Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : chrétiens, syrie, homs, pape françois, mgr abdo arbach | | |

lundi, 16 novembre 2015

Qui sait ?

Qui sait quoi ? Qui fait quoi ? Qui dit la vérité ? Qui ment ? Qui manipule ? Qui subit ? Et que savent-ils ? 

HOLLANDE-BUSH.gif

Entre désinformation, surinformation, gestion de crise et management de la terreur, matraquage des images et des mots, révolution sémantique et attentats en série, avis d'experts et certitudes d'homme de la rue, impossible d’être sûr de quoi que ce soit, impossible d’être certain d’une vérité factuelle quand au déroulé des opérations et de la teneur même des faits. Le sang coule et nous sommes en guerre. La déstabilisation des opinions demeure en démocratie la seule façon pour les dirigeants d’être libres de leurs mouvements, de leurs décisions, de leurs actions.

A l’horreur devant la théologie de l’extrême salafisme qui parait capable de faire ce qu’elle veut dans n’importe quelle capitale occidentale, se rajoute la défiance inévitable devant les présidents élus, ces VRP de l’affairisme mondialisé qui restent en place quelles que soient leurs erreurs. Soit les prétendues démocraties occidentales ne contrôlent plus rien et des attentats surviennent et surviendront sur leurs territoires, commis par des petites mains de surcroit « connus des services de police ». Dans ce cas leurs chefs sont des incapables dont l’amateurisme est sidérant et qu’il faut mettre au placard sans délais. Soit elles contrôlent encore la situation et leurs chefs sont forcément engagés à un niveau ou un autre dans le déroulé tragique des événements. Dans ce cas, ils sont des criminels et des fous dangereux.

Dans les deux cas, ça demeure effrayant.

Guerre d'intox, guerre d'infos, guerre d'images et guerre tout court entre partisans d'un ordre des nations et d'un ordre des supra-nations. Le sang coule. Et comme tu n’as de preuve de rien, d'emprise sur rien, tu ne peux, homme prétendu libre, que marcher en troupeau confus, subir en victime abusée ...

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00:49 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : bush, hollande, bataclan, stade de france, manipulation, guerre, syrie, salafisme | | |

samedi, 14 novembre 2015

Impassible raison

Ce matin, je pense à la femme qui m’a élevé, ma grand-mère. Au soir de sa vie, sa fille lui a ramené un mioche à la maison, mézigue ! Les tickets de rationnement étaient à peine un souvenir, quand j’y pense à présent ! Ma vieille avait traversé deux guerres. La première s’était déclarée alors qu’elle avait 19 ans, la seconde 44. Son mari, qui avait été gazé lors de la première, est mort d’un cancer à la gorge peu de temps après. J’ai poussé, grandi, dans son silence. Qu’avait-elle appris de cette espèce folle, dont elle était membre elle aussi ? La merveilleuse humanité…  Que devant sa folie, il faut lorsqu’elle éclate en gerbes demeurer impassible. Non pas indifférent ; ni méprisant. Mais impassible : Ecce homo, ne pas porter sur soi toute la misère et la folie du monde, mais dans ce chaos savamment organisé, se contenter du poids de sa juste croix

On va donc encore nous appeler à des marches silencieuses, des minutes de silence, on va évoquer des élans de solidarité à partager, ce genre de manifestation incarnant ce qui demeure d’une République désossée privée conjointement de foi et de raison. On va nous expliquer qu’il ne faut pas nous arrêter de vivre, continuer à emplir les marchés de Noël et se bousculer dans les événements festifs, comme si c’était cela, vivre !  Quid de la fête des Lumières à Lyon, par exemple ? Que nos valeurs… Mais le vivre ensemble balancé pour masquer son incompétence par un pouvoir politique délétère est-il une valeur ?

Le tout pour éviter la remise en cause de toute politique conduite à l’arrachée depuis une quarantaine d’années en France par un pouvoir de gauche et une droite complice. Vous les entendrez vous dire encore qu’il ne faut pas faire d’amalgames, que toutes les religions se valent, Islam et Christianisme au premier chef. Qu’on m’explique alors pourquoi 1300 fidèles musulmans sont morts cette année dans des piétinements au cours d’un des rites fondateurs de l'Islam, la lapidation de Satan, quand au même moment, des centaines de milliers de catholiques communiaient en paix à Philadelphie autour de François ?  Si j’étais musulman, je me poserais la question de la valeur réelle de ma religion, comme d’ailleurs, je me la pose sans cesse en tant que chrétien, lorsque je décide chaque jour de rester chrétien.

Il n’est pas anodin que les islamistes aient visé deux lieux de l’entertainment : le stade et le concert. C’est aussi un message que nous devrons décrypter, mais là encore, qu’on ne compte pas sur moi pour devenir soudain solidaire de ce que certains appellent une culture, osant même rajouter une culture de la liberté : c’est le libéralisme du divertissement mondialisé, c’est la libre circulation des biens et des capitaux, c’est le règne des marchés culturels aliénants, la déstructuration morale des masses que les terroristes embrigadés au nom d’Allah viennent aussi de viser. Et là aussi, ne faisons pas d’amalgame. Ces marchés, ce divertissement, cette libre circulation qui est leur politique, non, ce n’est pas la France. Et ce n'est pas non plus la croix, comme l'avance la délirante revendication de Daesh, en se vantant de la mort de centaines de croisés...

La France sous le choc, lit-on partout ce matin. Cela fait longtemps, je crois, que les gens qui réfléchissent un peu sont sous le choc devant ce que le décrié Finkielkraut appela La défaite de la Pensée, le honni Zemmour Le Suicide français, sous le choc aussi devant cette construction européenne entreprise au forceps, ce suivisme atlantiste qui est devenu la ligne diplomatique des deux derniers présidents, ces guerres menées au Moyen Orient sous l’étendard de BHL et autres agents de propagande.

Le sang coule, c’est la guerre et il va bien falloir cesser de vivre dans le festif émotionnel et les vœux pieux compassionnels pour retrouver le chemin de l’impassible raison et comprendre une bonne fois pour toute qui nous sommes, quelle longue histoire est derrière nous, et quel est notre camp. Nos dirigeants corrompus, certes, ne nous y aideront guère, car tel n’est pas l’intérêt de leur survie politique. Mais il en va de la nôtre, de notre survie intellectuelle et morale, et, peut-être même, de notre survie tout court.

 

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Texte de la revendication de Daesh

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jeudi, 12 novembre 2015

Faux prophètes à la pelle

Prem Pal Singh Rawat est ambassadeur de la paix dans le monde. Pour avoir croisé la route de ce triste sire durant ces fameuses années 70 dont on tente de nous vendre la légende rafistolée, je ne peux m’empêcher d’en dire deux mots sur ce blog. John Mac Gregor, qui fut un agent influent de la secte de Rawat durant presque 30 ans, en dit ceci  « Pour nous, il s'est produit quelque chose que peu de gens ont l'occasion d'expérimenter : les éléments du mythe se mettaient en place sur terre » De quels éléments parle-t-il ? De la paix. La paix sur terre. De la révolution promise par le nouveau millénaire à venir. Et d’un enfant, d’un simple enfant, venu de l’Est pour l’installer.

Lorsque j’ai croisé pour la première fois des disciples de Prem Rawat, en avril 75, ce dernier avait tout juste dix-huit ans. Depuis l’âge de sept ans, me dirent-ils, photos à l’appui, il enseignait à vivre en harmonie avec soi et les autres, grâce à des techniques de méditation dont on peut trouver la description ICI  Il descendait d’une lignée de maîtres dont la trace se perd dans le temps [lignée avérée bidon depuis], et était venu en Occident pour que les gens y vivent enfin en paix. Quoi de plus magnifique ? A l’époque, je lisais l’Evangile de Matthieu dont je me souviens avoir extrait cette phrase « La haine n’a pas d’avenir ». J’aurais mieux fait d’en extraire une autre, qu’on lira un peu plus loin. Dans la suite de sa confession, le même Mac Gregor, disciple repenti, écrit : « On ne peut pas dire que 50.000 personnes ont reçu la Connaissance aux USA (et des quantités équivalentes dans d'autres lieux) au début des années 1970 sans aucune raison. On ne peut pas l'expliquer que par des raisons négatives. (Nous étions jeunes, perdus, manipulés, etc.) Il y a eu une expérience : parfois c'était électrique, parfois océanique. Nous avions la certitude de vivre.»

C’est vrai. Nous avions une ferveur inouïe, la certitude de participer à un dessein qui méritait qu’on s’y dédiât corps et âme, je confirme. Je me souviens de ces paroles de Graeme Alwight, sans doute inspiré d’un discours de guru de cette même étrange et oubliée époque : « Le monde se prépare à un grand changement. Veux-tu aider ? Bénis sont ceux qui font un bond vers l’avenir ». 

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Prem Rawat, sacré maître parfait à l'âge de sept ans 

Rawat, alias Shri Maharaj Ji, alias « Seigneur de l’Univers », avait juré ses grands dieux que sa « connaissance » satisferait le cœur de tous ceux qui l’attendaient sans le savoir : nous étions en quelque sorte ces pionniers d’un monde nouveau, disciples de l’absolue transformation nécessaire de l’humanité. J’aurais oublié tout cela si d’une certaine façon, ces maîtres du « New Age » qui déferlèrent sur l’Occident à cette époque n’avaient pas depuis [mais d’une façon très différente que celle que nous imaginions alors] contribué à changer le monde depuis leurs villégiatures californiennes et à transformer, hélas, l’humanité.

Le guru en question s’est révélé à l’usage un parfait escroc, certes ! Ceux qui le fréquentèrent d’un peu près découvrirent assez rapidement qu’il ne respectait ni les « dix commandements » auxquels l’un de ses modèles avoués, le Christ, se référait pourtant, ni ne pratiquait la vénérable sagesse que l’une de ses autres références, Kabir, recommande à ses disciples dans ses propos d’un autre âge.  Ceux que cela intéressent peuvent visiter ce site, réalisé par d’anciens adeptes, pour en apprendre davantage à son sujet.

Ce qui m’interpelle des années plus tard, c’est que, Rawat, parmi d’autres prédateurs spirituels bien authentifiés, est devenu « ambassadeur de la paix », reconnu par des chefs d’Etat, alors qu’il a lamentablement échoué dans la mission qu’il s’était assignée. La paix ? Un monde en paix ?  Où ça donc ? A ce titre, il continue même à propager les mêmes « clés » sur un nouveau site (ici et ici) , à faire des conférences dans le monde entier et à charmer encore des milliers de gens, au nom du libéralisme libertaire devenu le bréviaire des puissants, cautionné comme ses pairs charlatanesques par des personnalités du monde politique, du show-business, de l’entreprise. Amma, son clone féminin, court elle aussi le monde, courtisant la même clientèle. La méditation, le yoga, le développement personnel, le contrôle de soi, autant de notions jugées il n’y a pas si longtemps communément sectaires et dorénavant partout parfaitement admises comme des clés du bonheur ou des ouvertures à d’autres horizons, y compris [surtout] dans ce qu’on appelle les classes moyennes supérieures mondialisées, prétendument évoluées et faussement progressistes. Les états ferment les yeux. Était-ce finalement ça, un divertissement pour oisifs fortunés, la paix que ce guru aussi opportuniste qu’astucieux parlait alors de répandre dans le monde entier ?

Songeant au discours eschatologique cité par Matthieu [XXIV, 24], je me souviens donc des propos du Christ sur « ces faux prophètes capables d’induire en erreur même les élus ». 

Certes, j’aurais appris beaucoup de ma traversée de cette secte, sur l’instinct grégaire, la fatuité spirituelle, les rapports de domination, la misère affective, le pouvoir de l’autosuggestion, les ravages de l'imaginaire débridé et de l'abandon de la raison. Sur le fait, également, que les maîtres du New Age ne brillent jamais par leur culture, mais plutôt par des techniques de fausse empathie et de réelle manipulation, et grâce à des soutiens logistiques importants, ceux là même dont disposent aujourd'hui d'autres redoutables et plus contemporains inspirés philanthropes, les théoriciens de l'homme augmenté ou du transhumanisme de la Silicon Valley, par exemple.

Mais j’aurais souffert longtemps de cet endormissement de la véritable foi, qui laisse dans l’âme [alors malmenée par l’orgueil spécifique de l’esprit sectaire qu’on trouve désormais un peu partout au point de se confondre même avec ce que certains nomment une culture de parti ou d’entreprise] de vives et grandes blessures. Surtout quand je pense à tous les humbles qui, depuis des siècles, ont fabriqué le monde commun dont tous profitent de manière aussi éhontée

Les faux prophètes ont ensemencé le monde post moderne de leur venin, au point que même François se croit parfois contraint de jouer au pape mainstream livré qu'est le monde au tourbillon du libéralisme planétaire et de l'œcuménisme religieux. Ce venin, je l’ai senti agir dans mes veines. D'autres l'auront senti, le sentent et le sentiront. Le détournement du désir de Vérité, de la soif d'Absolu, de la recherche de la Perfection, de  la quête d'Éternité, risque même de prendre des tours de plus en plus violents et radicaux au sein d'une société dont les dirigeants nient à ce point Dieu, dans un élan matérialiste aussi profondément marqué, évidemment. Il suffit pourtant, dans l’oraison ou la communion avec l’Eglise, de retrouver le sens intime du sacrifice parfait du Christ pour se réconcilier avec la grâce de l’alliance sereine et commune de l’homme avec Dieu. C’est le fil conducteur du monde et de sa tradition, devant lequel les multiples faux-prophètes ne sont, eux, que du vent.

mardi, 10 novembre 2015

André Glucksmann est mort

Lire ICI un éloge impeccable, après lequel je n'ai plus grand chose à rajouter

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14:42 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré glucksmann, maoiste, socialisme, france, société, situationnisme, philosophie | | |

jeudi, 05 novembre 2015

Le mourir ensemble des mauvais joueurs d'échecs

Homme, femme, noir, jaune, arabe, riche, pauvre, juif, non juif, hétérosexuel, homosexuel, de gauche, de droite, de souche ou immigré, il n’y a véritablement aucune gloire à être ce que l’on est. La revendication de je ne sais quelle dignité au nom d’une appartenance à une majorité agissante et plus encore à une minorité prétendument opprimée est ainsi un leurre abject, un piège grossier pour des consciences puériles et  abusées. Tous sont humains pour leur plus grand malheur, car au spectacle du show produit par l’espèce sur la terre, être humain, ce n’est guère reluisant.

En ce sens, le mouvement initié par la Gay Pride, la fierté d’être soi, est une pure aberration, une idiotie qui dépasse le plus simple entendement, mais semble se généraliser à tous les genres et sous-genres de cette humanité errante. Pour être socialement acceptable, il convient dans la France contemporaine et l’Occident déconfit de vivre donc dans l’estime de soi, la fierté de son petit développement personnel acquis à la force du poignet, le contentement de ses travers mesquins, la satisfaction bornée de son égoïsme viscéral, de ses chimères persistantes et maladives, de ses vices chroniques. Dans un tel contexte, celui qui se reconnaît simplement et véritablement pécheur se retrouve d'emblée considéré comme un fou, un scandale vivant monté sur deux pattes, un traitre à la cause commune, un qui n’a rien compris à la modernité et au progrès de la pensée. Se reconnaître  pécheur devant Dieu contrevient à la doxa officielle selon laquelle être né homme suffirait à nous affranchir de tous les efforts moraux et à nous conférer tous les droits civiques : nous serions bons, beaux, exquis même, par essence.  Civilisés par nature.

C’est un monde qui fait naufrage, une société tout entière qui perd pied. Chacun, quels que soient son âge, sa condition, son sexe, s’y retrouve livré seul à son souhait du moment, avec l’assistance technique dont on lui explique qu’il aurait prétendument besoin pour le satisfaire, en toutes circonstances. Hier, dans le métro, j’ai observé un trentenaire qui jouait aux échecs sur son portable. Comme cela, debout, calé parmi deux de ses semblables sur un plancher instable entre deux stations, sans adversaire réel en face de lui, sinon le logiciel dans lequel toute son attention était en réalité maintenue enserrée : Quel plaisir, quel partage intellectuel, vraiment, me suis-je demandé, en de telles conditions ? Étrange comme les échecs, ce jeu qui, si intrinsèquement, suppose la rencontre et la confrontation avec un adversaire, l’élaboration d’une stratégie à l’intérieur d’un dialogue entre deux intelligences, est devenu une sorte d’activité de cruciverbiste améliorée, une manière de développer encore en solo cette fameuse fierté d’être soi, face à la machine qui ne sera jamais fière de rien. Car ce type ne faisait plus que se branler l’esprit, exercer ce malin qui tourne tout seul, constamment à l’affût de la moindre activité, dans la détestation souveraine de l’ennui salutaire où cet homme aurait pu trouver quelques instants matière à méditer. Ne pas perdre une minute de ce fameux développement de soi, censé nous conduire vers l’estime de soi, et qui ne débouche que sur un dérèglement de l’être et une inversion des valeurs.

Tout demeure ainsi conçu pour tirer l’être vers de simples activités  mécaniques et dans le cul de sac des revendications limitées, c'est-à-dire vers le bas. Et si nous n’y prenons garde, nous devenons quotidiennement les uns pour les autres les agents de cette dégringolade, de ce dépérissement de l’âme. Les principaux responsables de cet état de fait, c'est-à-dire les décideurs, ont beau jeu ensuite d’endosser leurs costumes piteux de curés laïcs en parlant de leur foutu vivre ensemble.  Se côtoyer en suivant les mêmes codes et, victimes soumises des mêmes bourreaux, en se laissant assister – voire maîtriser - par les mêmes programmes, ce n’est pas vivre ensemble. C’est au mieux mourir ensemble, mais ce n’est pas ainsi, que je sache, qu’on bâtit une cité.

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07:45 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : kasparov, france, société, communication, développement personnel, echecs | | |

lundi, 02 novembre 2015

Ars moriendi

Face à la mort, nous ne pouvons qu’être soumis. D’une  soumission impeccable, contraints que nous sommes d’accepter sa passivité aussi rigide que définitive, comme figurant dans un premier temps notre destin commun. N’être plus libre de ses mouvements ; de ses paroles ; de ses pensées ; de ses prières ; de ses remèdes ; de ses rencontres. Voilà de quoi heurter de plein fouet notre orgueil inconscient de vivant.

Dans un premier temps…

Y-a-t-il une suite ? Un second temps ? Un au-delà. Chacun à ce sujet avance sa théorie.

Au sujet de l’immortalité de l’âme, je me souviens m’être grisé vers quinze/seize ans des écrits de Lobsang Rampa dans la collection J’ai lu, comme une midinette se serait grisée de romance à l’eau de rose ou de romans-photos. Lire pour croire, croire pour se convaincre, se convaincre pour endurer les misères du temps. Connaître et nourrir son âme : Les sectes de tous poils comblaient alors une sorte de vide laissé par l’Eglise conciliaire qui, renonçant à la messe tridentine séculaire cessa en même temps de parler du surnaturel chrétien à ces fidèles des Trente Glorieuses obnubilés par la 4CV, les congés payés et la libération sexuelle ; Le New Age allait sortir tout armé de ce fossé théologique béant. Combien de copains de ce temps là, en quête de l’instant d’Eternité dont parla un jour Rimbaud suivirent Maharishi Mahesh Yogi, abusés par ces fous de Lennon, Donovan, Jane Fonda, David Lynch et autre Clint Eastwood. A présent, en ces temps de régression affective et spirituelle totalement infantilisants, ils iraient recevoir le câlin consolateur d’une grosse Amma enturbannée, entourés de Claude Lelouch (Le louche ?), de Marion Cotillard et autres Jean Dujardin. Un simple câlin. Voilà où mènent les croyances dans l’Eternité de l’Instant. Plus de trente millions d'adeptes extatiques par le monde.  Tragique cul de sac où tout est dit.

La mort, pourtant. Nous l’avons rencontrée chacun plus ou moins tôt, à travers celle de nos parents et de nos proches. Et très tôt, devant l’insecte écrasé ou le poisson décroché de l’hameçon, nous nous sommes aperçus que nous avions aussi le pouvoir de la donner. Le devoir de la subir un jour, le pouvoir de la donner chaque jour. Étrange compagnie. A peine avons-nous découvert son existence que nous n’avons cessé de la voir partout : cycle des mois et des saisons, feuilles mortes, poules et cochons exhibés dans les marchés, cadavres servis en boucle par les images de  l’actualité. Spectacle incessant que, pour continuer de vivre, nous avons rangé dans une case de notre cerveau. Ne pas déranger : Nous avons appris à faire comme si ça n’était pas, tout en faisant avec…

Il est faux de prétendre que la société post moderne cache la mort. Elle l’exhibe partout, au contraire, dans sa matérialité la plus cruelle et la plus trompeuse. Ce qu’elle cache, c’est la mort chrétienne, dont Bossuet se faisait le chantre et qui sentait si bon le petit Jésus. Mais à l’hôpital comme ailleurs, les professionnels encravatés ont pris le pouvoir. Ils déposent le cercueil sur des tréteaux, retournent fumer une clope au dehors en songeant à leur fin de mois, puis procèdent à la mise en bière. Le talent suprême de leur art du maquillage consiste à nous faire croire qu’ils nous montrent la mort dans sa nudité même, quand chassant toute trace de surnaturel, ils pulvérisent aussi toute trace de religiosité. Dans cet univers réfrigéré, on ne pense plus l’Au-delà. Dame ! On est gens de ce monde. Gens sérieux.

Dès lors que l’on ne réfléchit plus l’au-delà, la mort perd effectivement son sens millénaire et sacré : Elle n’est plus un passage, tout juste la dernière image de la pellicule de notre existence, comme le suggéra l’écrivain médecin Jean Reverzy : « Il existe sans doute une vision du monde et du moi accessible à l’être et au-delà de laquelle il ne peut aller : des pensées aussi révélatrices sont évidemment les dernières ». (1)

Constat plus sec, plus trivial, plus clinique, que celui de Thérèse d’Avila dans les plus hauts degrés d’oraison qu’elle connut : « L’âme est tellement abreuvée de l’eau de la grâce qu’elle ne peut avancer, elle ne sait d’ailleurs comment, ni retourner en arrière ; elle veut seulement jouir de cette gloire immense, semblable à une personne qui va mourir de la mort qu’elle désire et tient déjà le cierge bénit en main. Elle goûte dans son agonie des délices plus profonds qu’on ne saurait exprimer. »»… Et la sainte d’assurer que les martyrs, au milieu de leurs supplices, ne faisaient presque rien par eux-mêmes, car leur courage venait d’ailleurs. Pourtant, pas davantage que Reverzy, elle ne peut décrire cet ailleurs. Dieu et le Néant sont silencieux.

La croyance en l’Au-delà effacée des traces visibles que le monde dresse autour de nous, le sens de la mort disparait donc et, conséquemment, celui qu’on assigna longtemps à la vie. Depuis Julien Offray de la Mettrie et son Homme Machine prémonitoire, le monde s’est ainsi peuplé de personnes se retranchant derrière la posture du froid observateur médical, pour revendiquer fièrement le fait de ne plus croire en rien.

« L'âme et le corps s'endorment ensemble. A mesure que le mouvement du sang se calme, un doux sentiment de paix et de tranquillité se répand dans toute la machine ; l'âme se sent mollement s'appesantir avec les paupières et s'affaisser avec les fibres du cerveau : elle devient ainsi peu à peu comme paralytique, avec tous les muscles du corps. Ceux-ci ne peuvent plus porter le poids de la tête ; celle-là ne peut plus soutenir le fardeau de la pensée ; elle est dans le sommeil, comme n'étant point. » (3)

Toute la démonstration de l’athée se borne à assimiler l’image du corps avec celle de l’âme, à faire coïncider les deux en une seule figure existante, qui devient la machine. L’âme devenant le simple carburant du corps, la circulation sanguine, en quelque sorte. La Mettrie est le premier d’une longue lignée de penseurs prétendument objectifs qui, faute de trouver une réponse à la lancinante question de l’ailleurs, renoncent à poser la question. Après tout, ne sommes-nous pas bien chez nous ? Entre nous ? Contentons nous donc de voir ce que nous voyons et d’être ce que nous sommes, telle sera la normalité de monsieur Prudhomme un siècle plus tard, le credo des élites normaliennes de la fille ainée de l’église devenue République et ouverte à tous vents. On chercha ainsi à éteindre cette curiosité métaphysique qui fit la grandeur de l’homme antique, et à tordre le coup de l’héritage religieux qui fit toute la noblesse de l’homme médiéval. Jusqu’à créer cet homme [et cette femme] moderne, aussi prétentieux que ridicule, lequel n’aura même plus le panache du libertin romantique se jetant dans le Néant par révolte contre Dieu, non ! Cet homme moderne en vient tout simplement à ne plus y songer, faisant de son existence une morne routine réglementée par des agents de la circulation et des commissaires européens.

Une machine, donc. Le pré-cyborgisme infatué du bienheureux dix-huitième siècle.

Ainsi s’est systématisée en toute légitimité la posture qu’un Alphonse de Liguori repoussait avec horreur : « Ah Seigneur ! Combien de fois, malheureux que je suis, j’ai osé me livrer au sommeil alors que je me trouvais dans votre disgrâce… » (4) Nous nous livrons non seulement au sommeil, mais à tout le flot de l’existence [qui n’est qu’un vain sommeil] dans la disgrâce, si bien que ne sachant plus ce qu’est un véritable « état de grâce », comment pourrions nous même oser le désirer ?  Comment pourrions-nous même osé désirer le salut ? La gloire éternelle, pour nous même et pour nos proches  ?

Ayant ainsi convenu que cela ne se fait pas de parler de tout ce qui pourrait nous tirer de cette torpeur de gens bien élevés, nous refusons d’admettre le corollaire de cet oubli de la mort : que vaut la vie d’un homme dont la mort ne vaudrait rien ? Rien évidemment ! Il suffit de lire la presse pour s’en convaincre, et de la façon dont on y parle des défunts. Comme le reste, la mort est soumise à la statistique, et n’a d’intérêt que lorsqu’elle surgit en nombre. Quarante dans un autobus, deux cents dans un avion, des centaines de milliers dans un tremblement de terre ou un tsunami. Lorsqu’elle frappe collectivement la société de masse, la mort événementielle se rappelle à notre attention, et à celle des chaines d'info continue. Des politiques qui ne reculent devant aucun sacrilège, aucune obscénité, vont étreindre des survivants devant des caméras. Avec comme tout bréviaire notre déclaration des Droits de l’Homme que la Réalité ne cesse de démentir, nous organisons pour toute messe des marches silencieuses ou des hommages publics, tournés vers on ne sait quel ailleurs décentré de toute tradition. Nous marchons à l’aveuglette, une fleur à la main, soumis comme jamais à ce que les penseurs éclairés qui nous ont conduits en troupeau jusque là dénonçaient avec horreur dans les textes que nous étudions pour le bac de français: la superstition. La superstition vide, le contraire de la foi.

Un tel processus crée de toute évidence une barbarie intellectuelle et spirituelle sans précédent en Europe, devant laquelle l’Eglise s’inquiète (il serait temps) et les imams se réjouissent à l'entrée des mosquées. Car on a beau dire que la mort, ce n’est rien, ce n’est pas rien. Il n’y a pas de foi assumée sans une acceptation totale, inconditionnelle, de sa propre mort à venir. Telle est la foi chrétienne : je ne crois pas à l’immortalité de mon âme, cette dernière peut tout aussi bien être jetée dans la géhenne ou périr dans le Néant. Mais je crois dans le Jugement du Christ et je m’y soumets. La mort me redevient dès lors familière, fréquentable, apud ecclesiam, comme elle le fut au Moyen Age lorsque le cimetière était le lieu public par excellence, la grande place à côté de l’église, où se déroulait aussi le marché des vivants. (5)

 

Nous nous désolons d’être pécheurs, mais nous nous consolons de notre espérance en notre salut, et en celui de nos morts. Derrière le voile qui masque cet ailleurs aussi bien au regard affûté de Reverzy qu’à celui, extatique, de sainte Thérèse, nous croyons que nous attend l’Oint, le Prêtre blanc, le Christ. C’est cela, l’Occident : cet ars vivendi viscéralement identique à un ars moriendi, et rien d’autre. Tel est le sens du culte des morts qui nous occupe en ce mois naissant. Nous ne sommes plus tant préoccupés, comme la toute grecque et fort digne Antigone de simplement fleurir des sépultures en engraissant les petits revendeurs de chrysanthèmes, que de prier réellement du fond de l’âme pour nos morts et de leur donner joyeusement des intentions de messe tant que nous le pouvons encore, au nom même du dogme qui fonde la spécificité du catholicisme avec celui de la rémission des péchés, celui de la communion des Saints. Un art de vivre et de mourir, véritablement.

 

(1) Jean Reverzy, Le Passage, ch. 12

(2) Thérèse d'Avila, Vie écrite par elle-même, ch 16, sur l'oraison d'union

(3) Julien Offray de la Mettrie, L'Homme Machine 

 (4) Alphonse de Liguori, Préparation à la Mort

 (5) Philippe Aries, L'homme devant la mort, tome I