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samedi, 14 novembre 2015

Impassible raison

Ce matin, je pense à la femme qui m’a élevé, ma grand-mère. Au soir de sa vie, sa fille lui a ramené un mioche à la maison, mézigue ! Les tickets de rationnement étaient à peine un souvenir, quand j’y pense à présent ! Ma vieille avait traversé deux guerres. La première s’était déclarée alors qu’elle avait 19 ans, la seconde 44. Son mari, qui avait été gazé lors de la première, est mort d’un cancer à la gorge peu de temps après. J’ai poussé, grandi, dans son silence. Qu’avait-elle appris de cette espèce folle, dont elle était membre elle aussi ? La merveilleuse humanité…  Que devant sa folie, il faut lorsqu’elle éclate en gerbes demeurer impassible. Non pas indifférent ; ni méprisant. Mais impassible : Ecce homo, ne pas porter sur soi toute la misère et la folie du monde, mais dans ce chaos savamment organisé, se contenter du poids de sa juste croix

On va donc encore nous appeler à des marches silencieuses, des minutes de silence, on va évoquer des élans de solidarité à partager, ce genre de manifestation incarnant ce qui demeure d’une République désossée privée conjointement de foi et de raison. On va nous expliquer qu’il ne faut pas nous arrêter de vivre, continuer à emplir les marchés de Noël et se bousculer dans les événements festifs, comme si c’était cela, vivre !  Quid de la fête des Lumières à Lyon, par exemple ? Que nos valeurs… Mais le vivre ensemble balancé pour masquer son incompétence par un pouvoir politique délétère est-il une valeur ?

Le tout pour éviter la remise en cause de toute politique conduite à l’arrachée depuis une quarantaine d’années en France par un pouvoir de gauche et une droite complice. Vous les entendrez vous dire encore qu’il ne faut pas faire d’amalgames, que toutes les religions se valent, Islam et Christianisme au premier chef. Qu’on m’explique alors pourquoi 1300 fidèles musulmans sont morts cette année dans des piétinements au cours d’un des rites fondateurs de l'Islam, la lapidation de Satan, quand au même moment, des centaines de milliers de catholiques communiaient en paix à Philadelphie autour de François ?  Si j’étais musulman, je me poserais la question de la valeur réelle de ma religion, comme d’ailleurs, je me la pose sans cesse en tant que chrétien, lorsque je décide chaque jour de rester chrétien.

Il n’est pas anodin que les islamistes aient visé deux lieux de l’entertainment : le stade et le concert. C’est aussi un message que nous devrons décrypter, mais là encore, qu’on ne compte pas sur moi pour devenir soudain solidaire de ce que certains appellent une culture, osant même rajouter une culture de la liberté : c’est le libéralisme du divertissement mondialisé, c’est la libre circulation des biens et des capitaux, c’est le règne des marchés culturels aliénants, la déstructuration morale des masses que les terroristes embrigadés au nom d’Allah viennent aussi de viser. Et là aussi, ne faisons pas d’amalgame. Ces marchés, ce divertissement, cette libre circulation qui est leur politique, non, ce n’est pas la France. Et ce n'est pas non plus la croix, comme l'avance la délirante revendication de Daesh, en se vantant de la mort de centaines de croisés...

La France sous le choc, lit-on partout ce matin. Cela fait longtemps, je crois, que les gens qui réfléchissent un peu sont sous le choc devant ce que le décrié Finkielkraut appela La défaite de la Pensée, le honni Zemmour Le Suicide français, sous le choc aussi devant cette construction européenne entreprise au forceps, ce suivisme atlantiste qui est devenu la ligne diplomatique des deux derniers présidents, ces guerres menées au Moyen Orient sous l’étendard de BHL et autres agents de propagande.

Le sang coule, c’est la guerre et il va bien falloir cesser de vivre dans le festif émotionnel et les vœux pieux compassionnels pour retrouver le chemin de l’impassible raison et comprendre une bonne fois pour toute qui nous sommes, quelle longue histoire est derrière nous, et quel est notre camp. Nos dirigeants corrompus, certes, ne nous y aideront guère, car tel n’est pas l’intérêt de leur survie politique. Mais il en va de la nôtre, de notre survie intellectuelle et morale, et, peut-être même, de notre survie tout court.

 

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Texte de la revendication de Daesh

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Commentaires

Pas d'accord avec toi. Ces Islamistes luttent contre la modernité. Comme toi. C'est conservatisme contre conservatisme. Les lieux de loisirs que tu dénoncent prennent au contraire du sens et c'est ce que Daech veut détruire, le loisir est le symbole de ce qu'ils détestent. Rétablir une société sans divertissement, c'est leur objectif. Pour résister, amusons-nous.

Écrit par : Rosa | samedi, 14 novembre 2015

Eh bien amuse-toi ! Et appelle cela "une résistance"
Mais essaie de réfléchir un peu aussi. Je ne lutte pas contre "la modernité", étant comme toi (et d'une certaine façon comme les islamistes) façonné par elle. Dépendant d'elle.
Mais je lutte contre sa bêtise, ses excès, sa manipulation. Ton amalgame (conservatisme contre conservatisme) serait injurieux s'il n'était pas profondément aveugle ou pour le coup mal pensé.
En tout cas, tout cela ne me donne pas très envie de m'amuser...

Écrit par : Solko | samedi, 14 novembre 2015

Mon cher Solko,
vous savez aussi bien que moi (et peut-être plus que moi, d'ailleurs) que le pire est toujours devant nous. L'horreur et la violence sont parfois moins cruelles que les commentaires qui suivent les événements.
Ainsi, d'entendre ce soir cette enflure de Juppé (pour lequel les Français dits républicains voteront en 2017, y compris la merde de gauche) expliquer qu'il y a des priorités et qu'entre daesh et Bachar, il vaut mieux combattre daesh, c'est évidemment une envie de vomir. Pour avoir pris position pour Poutine, Bachar, Ben ali et les successeurs de Moubarak, je me suis fait insulter au point de fermer mes commentaires. Je lis ce jour des changements de position (la fin des postures ?) qui me feraient rire s'il n'y avait pas des morts, et parmi ces morts des amis d'un membre de ma famille. Evidemment, je ne puis que m'étonner qu'un aéropage de sommités politiques finisse par rejoindre les positions de l'insignifiance que je suis. Il y a des jours où, sans ironie aucune, et vous me connaissez bien, on aimerait avoir eu tort et passer pour le dernier des imbéciles...

Écrit par : nauher | samedi, 14 novembre 2015

il en va de notre survie intellectuelle et morale, et, peut-être même, de notre survie tout court.

En effet. Et j'enrage de penser que l'Occident a armé et payé ces djihadistes pour renverser le régime syrien (et avant lui le régime libyen). Nos dirigeants qui pleurent aujourd'hui sur les victimes innocentes devraient plutôt faire leur examen de conscience.

Écrit par : Feuilly | dimanche, 15 novembre 2015

Philippe N., un changement de position n'est pas forcément un troc de postures, dans quel que domaine que ce soit.
Quand je regarde les pas que j'ai laissés derrière moi, qui ne sont visibles que de moi-même, je ne vois pas une ligne droite courant vers la lumière de la vérité, mais un errement hésitant, jamais trop convaincu de sa direction...
N'en est-il pas de vous pareillement ? Pour vous, J'espère que si.

Roland, tout cela est-il vrai ou non, peu importe cela reste des mots et nous nous connaissons assez bien tous les deux maintenant pour être d'accord sur un point essentiel : les mots ne sont pas les choses. Vous dire donc, qu'aucun mot, aussi sensé soit-il, ne pourra m'empêcher de souffrir devant le massacre de gens, qui qu'ils soient, quoi qu'ils aient été en train de faire, au moment où on les a fusillés. !
Un seul mot pour dire cette douleur, incontrôlable et elle serait déjà fausse, trahie.
Je vous citerais un anarchiste, Emile Henry, qui jugé pour avoir déposé sa bombe à la terrasse d’un café et apostrophé par le juge en ces termes : « Vous avez tué des innocents ! », répondit ; « Il n’y a pas de bourgeois innocents !»
Il avait raison ; il n’y a pas de bourgeois innocents. Mais il eut terriblement tort et il me dégoute pour cela jusqu’à l’abjection en s’étant arrogé le droit de les tuer.

Écrit par : Bertrand | dimanche, 15 novembre 2015

Je crois - pour ce que je peux tenter d'en comprendre - que dans leur conscience religieuse erronée, falsifiée, folle, inversée, et donc satanique, les djihadistes qui s'arrogent le droit de tuer renouent avec la dimension pré-chrétienne du sacrifice. Ce qui les distingue des anarchistes dont l'action n'est que politique.
Sacrifier des pécheurs sur l'autel d'Allah pour atteindre une pureté fantasmée dans des bains de sang. Voilà leur religion, qui combat radicalement en le niant le sacrifice de l'Agneau, lequel annula ce genre de rites, et continue de l'annuler à chaque messe où il est de nouveau offert en rémission des péchés.
René Girard, qui vient de mourir, explique fort bien cela, comment dans le christianisme et le christianisme seul, la violence humaine - et le dégoût que je connais bien moi aussi en est une forme - se trouve sanctifiée, apaisée. Voilà pourquoi mettre Islam et Christianisme sur le même plan est une folie, n'en déplaise aux musulmans modérés et à leurs soutiens multiples qui devraient réfléchir à tout cela.
Mais il ne faut pas se mentir : Emile Henry avait tort non seulement de s'arroger le droit de tuer, mais aussi de croire que seuls les bourgeois n'étaient pas innocents : Il n'y a pas d'homme innocent, lui compris, nous compris, et toutes les victimes de ces attentats comprises. Aussi, les minutes de silence, les recueillements et les bougies devant la statue de la République et autres credos humanistes demeurent vains devant l'horreur infligée par ces fous, qui s'attaquent non seulement à la vie, mais aussi à la religion, au sacré, à Dieu lui-même, demeurent vains disais-je sans un repentir commun. C'est le sens profond, intime du catholicisme : ce n'est pas l'innocence qui nous lie les uns aux autres, mais le péché, et c'est la rémission du péché qui nous sauve, non la négation de son existence.
Aussi, ce matin, j'ai prié trois chapelets entiers, présentant malgré tout mon aveuglement ce Christ blanc -véritable et seul innocent - à Dieu son Père, pour toutes les victimes de ces attentats et ce au nom du péché originel qui me lie, qui nous lie - à eux tous.
Bonne journée, vieux. Et à plus.

Écrit par : Solko | dimanche, 15 novembre 2015

Bien sûr, c'est le péché qui nous lie.

Écrit par : Sophie | dimanche, 15 novembre 2015

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