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jeudi, 12 novembre 2015

Faux prophètes à la pelle

Prem Pal Singh Rawat est ambassadeur de la paix dans le monde. Pour avoir croisé la route de ce triste sire durant ces fameuses années 70 dont on tente de nous vendre la légende rafistolée, je ne peux m’empêcher d’en dire deux mots sur ce blog. John Mac Gregor, qui fut un agent influent de la secte de Rawat durant presque 30 ans, en dit ceci  « Pour nous, il s'est produit quelque chose que peu de gens ont l'occasion d'expérimenter : les éléments du mythe se mettaient en place sur terre » De quels éléments parle-t-il ? De la paix. La paix sur terre. De la révolution promise par le nouveau millénaire à venir. Et d’un enfant, d’un simple enfant, venu de l’Est pour l’installer.

Lorsque j’ai croisé pour la première fois des disciples de Prem Rawat, en avril 75, ce dernier avait tout juste dix-huit ans. Depuis l’âge de sept ans, me dirent-ils, photos à l’appui, il enseignait à vivre en harmonie avec soi et les autres, grâce à des techniques de méditation dont on peut trouver la description ICI  Il descendait d’une lignée de maîtres dont la trace se perd dans le temps [lignée avérée bidon depuis], et était venu en Occident pour que les gens y vivent enfin en paix. Quoi de plus magnifique ? A l’époque, je lisais l’Evangile de Matthieu dont je me souviens avoir extrait cette phrase « La haine n’a pas d’avenir ». J’aurais mieux fait d’en extraire une autre, qu’on lira un peu plus loin. Dans la suite de sa confession, le même Mac Gregor, disciple repenti, écrit : « On ne peut pas dire que 50.000 personnes ont reçu la Connaissance aux USA (et des quantités équivalentes dans d'autres lieux) au début des années 1970 sans aucune raison. On ne peut pas l'expliquer que par des raisons négatives. (Nous étions jeunes, perdus, manipulés, etc.) Il y a eu une expérience : parfois c'était électrique, parfois océanique. Nous avions la certitude de vivre.»

C’est vrai. Nous avions une ferveur inouïe, la certitude de participer à un dessein qui méritait qu’on s’y dédiât corps et âme, je confirme. Je me souviens de ces paroles de Graeme Alwight, sans doute inspiré d’un discours de guru de cette même étrange et oubliée époque : « Le monde se prépare à un grand changement. Veux-tu aider ? Bénis sont ceux qui font un bond vers l’avenir ». 

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Prem Rawat, sacré maître parfait à l'âge de sept ans 

Rawat, alias Shri Maharaj Ji, alias « Seigneur de l’Univers », avait juré ses grands dieux que sa « connaissance » satisferait le cœur de tous ceux qui l’attendaient sans le savoir : nous étions en quelque sorte ces pionniers d’un monde nouveau, disciples de l’absolue transformation nécessaire de l’humanité. J’aurais oublié tout cela si d’une certaine façon, ces maîtres du « New Age » qui déferlèrent sur l’Occident à cette époque n’avaient pas depuis [mais d’une façon très différente que celle que nous imaginions alors] contribué à changer le monde depuis leurs villégiatures californiennes et à transformer, hélas, l’humanité.

Le guru en question s’est révélé à l’usage un parfait escroc, certes ! Ceux qui le fréquentèrent d’un peu près découvrirent assez rapidement qu’il ne respectait ni les « dix commandements » auxquels l’un de ses modèles avoués, le Christ, se référait pourtant, ni ne pratiquait la vénérable sagesse que l’une de ses autres références, Kabir, recommande à ses disciples dans ses propos d’un autre âge.  Ceux que cela intéressent peuvent visiter ce site, réalisé par d’anciens adeptes, pour en apprendre davantage à son sujet.

Ce qui m’interpelle des années plus tard, c’est que, Rawat, parmi d’autres prédateurs spirituels bien authentifiés, est devenu « ambassadeur de la paix », reconnu par des chefs d’Etat, alors qu’il a lamentablement échoué dans la mission qu’il s’était assignée. La paix ? Un monde en paix ?  Où ça donc ? A ce titre, il continue même à propager les mêmes « clés » sur un nouveau site (ici et ici) , à faire des conférences dans le monde entier et à charmer encore des milliers de gens, au nom du libéralisme libertaire devenu le bréviaire des puissants, cautionné comme ses pairs charlatanesques par des personnalités du monde politique, du show-business, de l’entreprise. Amma, son clone féminin, court elle aussi le monde, courtisant la même clientèle. La méditation, le yoga, le développement personnel, le contrôle de soi, autant de notions jugées il n’y a pas si longtemps communément sectaires et dorénavant partout parfaitement admises comme des clés du bonheur ou des ouvertures à d’autres horizons, y compris [surtout] dans ce qu’on appelle les classes moyennes supérieures mondialisées, prétendument évoluées et faussement progressistes. Les états ferment les yeux. Était-ce finalement ça, un divertissement pour oisifs fortunés, la paix que ce guru aussi opportuniste qu’astucieux parlait alors de répandre dans le monde entier ?

Songeant au discours eschatologique cité par Matthieu [XXIV, 24], je me souviens donc des propos du Christ sur « ces faux prophètes capables d’induire en erreur même les élus ». 

Certes, j’aurais appris beaucoup de ma traversée de cette secte, sur l’instinct grégaire, la fatuité spirituelle, les rapports de domination, la misère affective, le pouvoir de l’autosuggestion, les ravages de l'imaginaire débridé et de l'abandon de la raison. Sur le fait, également, que les maîtres du New Age ne brillent jamais par leur culture, mais plutôt par des techniques de fausse empathie et de réelle manipulation, et grâce à des soutiens logistiques importants, ceux là même dont disposent aujourd'hui d'autres redoutables et plus contemporains inspirés philanthropes, les théoriciens de l'homme augmenté ou du transhumanisme de la Silicon Valley, par exemple.

Mais j’aurais souffert longtemps de cet endormissement de la véritable foi, qui laisse dans l’âme [alors malmenée par l’orgueil spécifique de l’esprit sectaire qu’on trouve désormais un peu partout au point de se confondre même avec ce que certains nomment une culture de parti ou d’entreprise] de vives et grandes blessures. Surtout quand je pense à tous les humbles qui, depuis des siècles, ont fabriqué le monde commun dont tous profitent de manière aussi éhontée

Les faux prophètes ont ensemencé le monde post moderne de leur venin, au point que même François se croit parfois contraint de jouer au pape mainstream livré qu'est le monde au tourbillon du libéralisme planétaire et de l'œcuménisme religieux. Ce venin, je l’ai senti agir dans mes veines. D'autres l'auront senti, le sentent et le sentiront. Le détournement du désir de Vérité, de la soif d'Absolu, de la recherche de la Perfection, de  la quête d'Éternité, risque même de prendre des tours de plus en plus violents et radicaux au sein d'une société dont les dirigeants nient à ce point Dieu, dans un élan matérialiste aussi profondément marqué, évidemment. Il suffit pourtant, dans l’oraison ou la communion avec l’Eglise, de retrouver le sens intime du sacrifice parfait du Christ pour se réconcilier avec la grâce de l’alliance sereine et commune de l’homme avec Dieu. C’est le fil conducteur du monde et de sa tradition, devant lequel les multiples faux-prophètes ne sont, eux, que du vent.

mardi, 25 novembre 2014

François au parlement

Cela fait un peu comme Martine à la plage, mais c'est moins drôle. Moi, un pape qui invoque les grandes utopies, en appelle aux valeurs humanistes, cause multipolarité et transversalité, quand il dispose d'une réflexion théologique vieille de deux millénaires je me méfie. Quand de Rome Jean Paul II criait France qu'as-tu fait de ton baptême ? François crie à Strasbourg Europe, qu'as-tu fait de tes valeurs ? On mesure le glissement sémantique. Une partie des catholiques de gauche se réjouit de la bonhomie et de la jovialité de ce jésuite qui ressemble un peu à Fernandel, houspille la technocratie et s'inquiète du sort des malheureux. Et me diront que je n'ai pas à donner des conseils au pape, certes, certes. Comme Mélenchon - mais pour de toutes autres raisons - j'irai cependant m'étonnant que, de passage à Strasbourg, il n'ait pas fait un détour par la sublime cathédrale où Marie a dû, stupéfaite, l'attendre en vain, et le Christ s'inquiéter de l'entendre si souvent parler de "l'Europe, l'Europe" (ce grand machin, pour paraphraser De Gaulle ) et si peu de son Royaume.

Il ne faut pas s'étonner que les bancs des églises se vident inexorablement depuis Vatican II. Quand une religion, en matière d'absolu, n'a plus à offrir qu'un point de vue sur le monde et la sauvegarde de grandes utopies désincarnées, on comprend que la plupart des vivants se détournent d'elle, principalement des jeunes. On comprend le pullulement des sectes depuis un demi-siècle, jusqu'à celui de ce DAESH dont les vidéos prolifèrent sur le web sans que personne parmi les citoyens lambdas ne soit en mesure de déterminer jusqu'à quel point elles sont ou non un montage. Croire : dans cette société globalisée, médiatisée, mondialisée, il faudrait croire naïvement en une Parole qui se limiterait à la parole des chefs d'État, les Obama, Merkel, Schulz, Juncker, Hollande parmi lesquels il n'est pas prouvé que le vicaire du Christ ait sa place - en tout cas en tant que prédicateur. 

 

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Pie XI, dans l'Encyclique de 1925 Quas Primas, qui faisait l'objet du billet précédent, tenait un tout autre discours, dont voici quelques brefs extraits : 

«Quand les Juifs, et même les Apôtres, s'imaginent à tort que le Messie affranchira son peuple et restaurera le royaume d'Israël, il détruit cette illusion et leur enlève ce vain espoir; lorsque la foule qui l'entoure veut, dans son enthousiasme, le proclamer roi, il se dérobe à ce titre et à ces honneurs par la fuite et en se tenant caché; devant le gouverneur romain, encore, il déclare que son royaume n'est pas de ce monde.  (...)

Néanmoins, tant qu'il vécut sur terre, il s'est totalement abstenu d'exercer cette domination terrestre, il a dédaigné la possession et l'administration des choses humaines, abandonnant ce soin à leurs possesseurs. Ce qu'il a fait alors, il le continue aujourd'hui. Pensée exprimée d'une manière fort heureuse dans la liturgie :  Il ne ravit point les diadèmes éphémères, celui qui distribue les couronnes du ciel »

A Méditer

 

17:20 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : françois, strasbourg, pape, christianisme, actualité | | |

jeudi, 14 mars 2013

Un Christ sans croix ?

Durant toute cette semaine, les medias se sont découvert un intérêt presque hystérique pour le Vatican. Contre la porte de la Sixtine, le droit à l’information s’est heurté au droit au secret, le temps de la communication à celui de la communion, l’instant de la modernité, à la durée de la tradition.  Et puis, les medias vont passer à autre chose, tandis que la liturgie va poursuivre son même chemin.

Durant toute cette semaine, les pronostics des journalistes ont circulé dans les salles de rédaction, et à travers eux, l’approche politique de l’élection du pape, qui s’est heurtée à l’approche religieuse qu’en font aussi les cardinaux, et qui n’appartient qu’à leur liberté. La perception politique du pape, qui l’assimile à un seul « chef d’état », voire de clan, est rendue à elle-même, quand débute avec le choix de ce nouveau nom, un nouveau pontificat où se mêlent politique et religieux.

A peine connue, la personne du nouveau pape est déjà critiquée par certains, admirée par d’autres, dans une approche purement historique (celle qui fait de lui le simple successeur de Benoît XVI) quand, dans une perspective eschatologique, sa seule charge demeure celle d’être le vicaire du Christ, successeur du seul Pierre, et que -peu importe quelle est sa personne en réalité-, Habemus papam.

Symboliquement, la confrontation de ces deux mondes qui se font face (celui de la société de l’information et celui de la religion) et le malentendu qui perdurera toujours entre eux, a été une nouvelle fois très joliment orchestrée par une opposition symbolique entre deux  moyens de communication : d’une part  la vieille fumée blanche, par laquelle le séculaire Vatican s’adresse « au reste du monde », et toute la technologie des caméras, satellites et autres gadgets numériques chargée de retransmettre en direct la cheminée de la Sixtine au « monde entier ». Une adresse, une retransmission. Deux malentendus, à nouveau..

Rien n’aura mieux résumé ce face à face et ce malentendu que cette phrase de la première homélie prononcée par François dans la chapelle Sixtine tout à l’heure : « Quand nous marchons sans la croix, quand nous bâtissons sans la Croix, et quand nous confessons un Christ sans croix, nous ne sommes pas les disciples du Seigneur, nous sommes mondains, nous sommes des évêques, des prêtres, des cardinaux, des papes, tous…  Mais pas des disciples du Seigneur »

Je sais pour ma part, je connais ce désir dément, cette tentation d'un Christ qui serait un Christ sans croix, d'un catholicisme qui deviendrait comme d'autres religions le sont, une simple philosophie du bonheur ou une religion de la paix inoffensive et de l'amour tolérant, qui ne demeurerait vivante que pour satisfaire la quête du bonheur et le droit à la satisfaction de chacun... la religion d'un Christ réformé si j'ose dire, à quoi tant de gens, naïfs ou malveillants, voudraient le réduire.

Le pape vient de condamner fermement cette voie (voix) comme étant diaboliqueBien plus qu'à cette fumée, et à tout ce carnaval médiatique, et à tous ces pronostics sur ce que serait la modernité de François,  c'est à cette phrase, ce signe, que j'entends alors, que je comprends eh bien que oui, c'est entendu, le siège n'est plus vide, habemus papam...

 

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Le retable d’Issenheim, par Grunewald (détail)