mardi, 25 novembre 2014
François au parlement
Cela fait un peu comme Martine à la plage, mais c'est moins drôle. Moi, un pape qui invoque les grandes utopies, en appelle aux valeurs humanistes, cause multipolarité et transversalité, quand il dispose d'une réflexion théologique vieille de deux millénaires je me méfie. Quand de Rome Jean Paul II criait France qu'as-tu fait de ton baptême ? François crie à Strasbourg Europe, qu'as-tu fait de tes valeurs ? On mesure le glissement sémantique. Une partie des catholiques de gauche se réjouit de la bonhomie et de la jovialité de ce jésuite qui ressemble un peu à Fernandel, houspille la technocratie et s'inquiète du sort des malheureux. Et me diront que je n'ai pas à donner des conseils au pape, certes, certes. Comme Mélenchon - mais pour de toutes autres raisons - j'irai cependant m'étonnant que, de passage à Strasbourg, il n'ait pas fait un détour par la sublime cathédrale où Marie a dû, stupéfaite, l'attendre en vain, et le Christ s'inquiéter de l'entendre si souvent parler de "l'Europe, l'Europe" (ce grand machin, pour paraphraser De Gaulle ) et si peu de son Royaume.
Il ne faut pas s'étonner que les bancs des églises se vident inexorablement depuis Vatican II. Quand une religion, en matière d'absolu, n'a plus à offrir qu'un point de vue sur le monde et la sauvegarde de grandes utopies désincarnées, on comprend que la plupart des vivants se détournent d'elle, principalement des jeunes. On comprend le pullulement des sectes depuis un demi-siècle, jusqu'à celui de ce DAESH dont les vidéos prolifèrent sur le web sans que personne parmi les citoyens lambdas ne soit en mesure de déterminer jusqu'à quel point elles sont ou non un montage. Croire : dans cette société globalisée, médiatisée, mondialisée, il faudrait croire naïvement en une Parole qui se limiterait à la parole des chefs d'État, les Obama, Merkel, Schulz, Juncker, Hollande parmi lesquels il n'est pas prouvé que le vicaire du Christ ait sa place - en tout cas en tant que prédicateur.
Pie XI, dans l'Encyclique de 1925 Quas Primas, qui faisait l'objet du billet précédent, tenait un tout autre discours, dont voici quelques brefs extraits :
«Quand les Juifs, et même les Apôtres, s'imaginent à tort que le Messie affranchira son peuple et restaurera le royaume d'Israël, il détruit cette illusion et leur enlève ce vain espoir; lorsque la foule qui l'entoure veut, dans son enthousiasme, le proclamer roi, il se dérobe à ce titre et à ces honneurs par la fuite et en se tenant caché; devant le gouverneur romain, encore, il déclare que son royaume n'est pas de ce monde. (...)
Néanmoins, tant qu'il vécut sur terre, il s'est totalement abstenu d'exercer cette domination terrestre, il a dédaigné la possession et l'administration des choses humaines, abandonnant ce soin à leurs possesseurs. Ce qu'il a fait alors, il le continue aujourd'hui. Pensée exprimée d'une manière fort heureuse dans la liturgie : Il ne ravit point les diadèmes éphémères, celui qui distribue les couronnes du ciel »
A Méditer
17:20 Publié dans Sur le vif | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : françois, strasbourg, pape, christianisme, actualité |
Commentaires
Parce que vous trouvez "Martine à la plage" drôle, vous ? (sourire)
Écrit par : Michèle | samedi, 29 novembre 2014
Drôle n'est pas la terme adéquat...
je voulais dire "inoffensif".
Un pape qui soutient des "utopies", ça craint,comme disent les élèves...
Écrit par : solko | samedi, 29 novembre 2014
Vous avez un problème avec les François, décidément...Apathéiste (mot valise, je sais mais pratique quand je ferai le dernier voyage) que je suis a de la sympathie pour les petits pas de ce pape qui sort des sentiers battus dogmatiques, fait passer l'humanisme avant la Sainte Trinité, dénonce les hypocrisies , et n'hésite pas à d'humbles petits pas , à tendre la main...
Écrit par : patrick.verroustp | lundi, 01 décembre 2014
Les deux François ont un point commun, en effet, qui les rend détestables à mes yeux, même si le conseiller général de Corrèze est bien plus vulgaire que l'évêque argentin, c'est la posture qui consiste de refuser (comme ils disent) la "hauteur de la fonction" pour mieux hisser leur ridicule petite personne sous les projecteurs. L'un ne couche pas au Vatican, l'autre découche de l'Elysée. Mauvais jeu de mot, je vous l'accorde. Mais tous deux nient la dimension de représentation inhérente à leur fonction et nécessaire à l'exercice du pouvoir, soit qu'ils se jugent incapables de l'assumer (ce qui est probablement le cas), soit qu'elle les écrase réellement (ce qui est un fait)
En même temps, le nabot élyséen ne cesse, l'air radieux, de recevoir des têtes couronnées en imaginant qu'il se hissera ainsi au niveau de leur autorité historique.
J'attends avec impatience que ce type qui nous déshonore avec ses blagues de beauf, son air con et ses histoires de coucheries avec des actrices dégage de l'horizon.
Quant au pape, je n'irai pas voir la comédie musicale qu'on est, paraît-il, en train de monter sur sa personne...
Écrit par : solko | mardi, 02 décembre 2014
Vous vous trompez, Solko, Ces fonctions ont pris trop de hauteur, au point qu'elles en sont dévalorisées. La perte du sacré dans notre société n'ait pas le fait de ces "princes" mais du basculement de l'économie psychique de la frustration à celle de la jouissance...Il faudrait aller au bout de la chose plutôt que de lorgner vers autoritarismes dangereux, sectaires, haineux, incontrôlables...
Quant aux "actrices" d'une part ces histoires sont anecdotiques d'autre part elles font partie des privilèges régaliens dont vous vous faites le gardien. Un roi doit aussi se "régaler", "s'égayer"...
Écrit par : patrick.verroustp | mercredi, 03 décembre 2014
Solko, je trouve les propos (du moins les extraits que j'ai pu en lire) du pape François, remarquables. Tous les chefs d’États devraient en prendre de la graine.
Écrit par : Michèle | mercredi, 03 décembre 2014
On est là dans le mélange des genres, mais est-ce qu'un discours de chef d'état, si "humaniste" soit-il est encore un discours de pape ? "L'europe humaniste" que le pape appelle de ses vœux est une Europe politique, un empire romain moderne, au rebours du concept de nation, qui est lui directement lié à la conception chrétienne du monde. Parler d'utopies, imprimer des visées politiques, c'est bon pour un chef d'état en effet, et vous le dites vous même, ces derniers devraient en prendre de la graine (et être un peu plus jésuite...)
mais que reste-t-il du catholicisme là-dedans ? car l'homme réduit à l'homme, cela est aux antipodes du ChrisT-Roi qui est l'homme à l'image de Dieu.
Pourquoi pas le grand architecte de l'univers, pendant qu'il y est ? Ce pape dit tout et son contraire...
Écrit par : solko | mercredi, 03 décembre 2014
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